Introduction
Dès que l'homme, par ses travaux de creusement ou de fondation, a détruit
localement l'homogénéité d'un sol naturellement établi
depuis des millénaires, il a provoqué une dissymétrie
dans les capacités de rétention hydrique de ce sol. Ce sont
ces différences d'humidité qui seront ultérieurement
révélées par la teinte du sol, la croissance, la floraison
ou la maturation des végétaux qui les recouvrent, formant ainsi
des traces "archéologiques".
Pourquoi "aérienne"
? Au sol, ces traces ne représentent que des taches inorganisées,
plus vertes dans les céréales jaunissantes. Il faut s'élever
pour en percevoir l'ordonnancement géométrique, caractéristique
d'une activité humaine. Et ce sera le rôle de l'avion. La photographie
permet de témoigner durablement de traces éminemment fugitives,
de quelques heures à quelques jours, permettant ainsi la constitution
et l'enregistrement d'un document scientifique. Cette recherche devient rapidement
la passion d'une vie... Mais pour mieux comprendre, rien ne vaut des images...
BALZAC (16) France : "Les Coteaux de Coursac" © Jacques DASSIE
Magnifique éperon, barré par des rangs de fossés
et de portes, dominant la Charente.
L'aire ainsi protégée servait d'habitat aux peuplades néolithiques
au cours de la période
-3000 à -2000 avant J-C. Cette photographie a été retenue
par le British Museum pour la
couverture des actes du Congrès mondial du Néolithique,
tenu à Londres, en 2000.
L'
image spectaculaire d'un camp néolithique charentais est particulièrement
représentative des possibilités de l'archéologie aérienne.
Mais de quoi d'agit-il ? En raccourci : c'est l'image de traces résultantes
de l'action des hommes, de leurs travaux depuis des millénaires, de la
végétation, de la climatologie, d'un avion présent au bon
moment et de la photographie aérienne!
Dans ces techniques, on utilise l'avion
pour le recul qu'il apporte, car au sol, ces traces ne représentent
que des taches inorganisées, plus vertes dans les céréales
jaunissantes. Il faut s'élever pour en percevoir l'ordonnancement
géométrique, caractéristique d'une activité humaine.
Elles apparaissent en effet ici, sur
un éperon dominant la Charente, à l'aplomb de grands fossés
creusés par les hommes, dans le banc calcaire, pour constituer une zone
défensive. Ces fossés, dont le remplissage humique naturel au
cours des siècles et même des millénaires, est plus rétenteur
d'humidité que la roche environnante, retardant ainsi le jaunissement
des céréales.
La photographie permet de témoigner
durablement de traces éminemment fugitives, de quelques heures à
quelques jours, validant ainsi les documents de déclaration officielle
de découverte auprès des instances qualifiées...
Et ailleurs ? Cette discipline dispose de moyens à faire rêver les amateurs français ! L'Angleterre, avec J-K Saint-Joseph et le Department of survey de la Cambridge University, son avion et ses équipages. En Italie, F. Castagnoli, A. Adamesteanu, le général Schmiedt, avec l'Aeronautica militare et l'Aerofototeca ont des résultats spectaculaires cependant qu'en Allemagne, un informaticien américain, Irvin Scollar déployait tous les moyens techniques et financiers du Landsmuseum de Bonn. Il poussa très loin le traitement d'image ainsi que le redressement de perspective avec son programme "Air-Photo". Une journée de fonctionnement de l'un de ces organismes correspond en gros au budget annuel d'un prospecteur aérien privé français...
Dans l'immédiate après guerre, en France, aucune structure n'était organisée pour le fonctionnement de l'archéologie aérienne et chacun finançait ses prospections... A partir des années 70 les Directions Régionales des Antiquités, précédant les Services Régionaux de l'Archéologie, commencent à accorder des autorisations de prospections aériennes ainsi que de maigres remboursements de frais aux prospecteurs. Mais nous sommes bien loin des budgets de fonctionnement de pays voisins Parmi les pionniers, citons Roger Chevallier, Bernard Edeine, P. Parruzot, Bret etc Il faudra attendre l'approche des années 60 pour que surgissent spontanément des prospecteurs régionaux poursuivant encore actuellement leurs travaux.
Les conditions météorologiques très exceptionnelles de l'année 1976 (la grande sécheresse...) ont provoque une multitude de vocations de "prospecteurs aériens". C'était si facile cette année-là! L'année suivante, 1977, assez peu favorable, est venue tempérer beaucoup d'ardeurs, et seuls ont continué les obstinés, les courageux ! Leur liste est maintenant longue et nous ne citerons que notre propre région, avec le Colonel L-M Champême, pilote, ancien instructeur de l'Armée de l'Air, MM Christian Richard et Alain Ollivier. M. Henri Delétang a publié en 1999 un intéressant panorama de "L'Archéologie Aérienne en France". Pourquoi les travaux humains laissent-ils des traces... Au cours d'une promenade en avion, il arrive parfois que l'on distingue des traces curieuses dans les céréales de Juin : des lignes, des cercles ou des carrés, plus clairs ou plus foncés que le reste de la culture. Sans le savoir, on vient peut-être de découvrir des indices archéologiques ! Mais quelle est l'origine de ces traces ? Dès que l'homme a creusé le sol ou apporté des matériaux, il en a détruit l'homogénéité naturelle qui s'était progressivement constituée au cours des millénaires précédents. Un fossé se sera naturellement comblé d'un remplissage à base d'humus cependant que des fondations enfouies donneront un sol plus pierreux, plus calcaire. Ces emplacements auront des capacités de rétention d'eau bien différentes de celles de leur environnement. Et c'est là que réside le secret de l'origine des fameuses traces... Sur l'ancien fossé, les végétaux, les céréales pousseront mieux, surtout en période de sécheresse. Plus verts et plus hauts, ils jauniront plus tardivement et pourront verser plus facilement. A l'inverse, au-dessus de fondations enfouies, même profondément, les céréales seront plus fines, plus basses et jauniront plus précocement. L'hiver, surtout après un coup de vent asséchant les terres, des remontée d'eau capillaires dessineront en sombre le tracé des fossés enfouis. C'est
ainsi qu'à certaines époques, du sol on pourra voir se dessiner
des lignes confuses dans les champs, mais la perception de l'ensemble
de ces anomalies est très difficile.. C'est là qu'intervient
l'avion : par le recul qu'il apporte, par ses facilités de positionnement
autour du site, il permet de mieux percevoir l'ordonnancement géométrique
des traces observées. Les principaux indices très révélateurs sont :
Relations entre les formes et l'évaluation de la datation chronologique.
Un avion, un pilote, (mais c'est tellement mieux de piloter soi-même...), un appareil photo avec un zoom stabilisé et une bonne carte mémoire : voici la panoplie nécessaire et suffisante pour faire de l'archéologie aérienne. Cependant une autre condition existe, mais elle n'est pas matérielle : c'est la passion de la recherche, de la quête infatigable récompensée par la découverte !
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