Alfred Nobel, sa vie, son testament


Alfred Nobel, chimiste et industriel suédois, inventeur de la dynamite, est né à Stockholm en 1833. Son père, Immanuel Nobel, était ingénieur d'oeuvres publiques et avait déjà essayé des nouvelles techniques d'explosion.

La vie errante et vagabonde qu'il mena à travers l'Europe ne l'empêcha pas d'être un entrepreneur remarquable. Il y a, entre les principaux traits connus de sa personnalité, des oppositions qui vont presque jusqu'à la contradiction : son penchant pour la mélancolie s'alliait à un humour froid et à un sens de l'ironie dont il sut aussi faire usage envers lui-même. Et ses tendances misanthropiques ne l'empêchaient pas d'être sensible aux malheurs du monde : témoin ce beau geste de générosité que fut le don de sa fortune pour encourager par des prix les défenseurs de la paix, les écrivains et les artisans du progrès scientifique.

C'est la maîtrise de la nitroglycérine qui a fait la richesse d'Alfred Nobel. Les recherches des chimistes concernant les substances explosives n'avaient guère avancé depuis le XIVe siècle, au début duquel fut introduite en Europe la fameuse poudre noire. Ce n'est qu'en 1845 que Schonbein découvrit le fulmicoton, et, en 1847, Sobrero la nitroglycérine (appelée encore huile explosive). Ces deux composés organiques nitrés sont obtenus de la même façon, en faisant réagir l'acide nitrique sur le coton dans le premier cas, sur la glycérine dans le second. Mais leur utilisation provoqua, et devait provoquer longtemps encore, de graves accidents. Malgré les dangers courus à la manipuler, l'usage de la nitroglycérine s'était néanmoins peu à peu répandu après la découverte de Sobrero, surtout dans les travaux d'art : exploitation des mines, "sautage" des rochers, creusement de tunnels, etc.

Alfred Nobel se lance dans la fabrication de cet explosif dès 1863 en créant son premier atelier. Mais il n'échappe pas, lui non plus, au sort commun : en 1864, son frère Emile trouve la mort lors d'une violente explosion qui détruit l'usine. Nobel décide alors de chercher à maîtriser la force de l'explosif afin de pouvoir l'emmagasiner sans danger et d'en libérer la puissance au moment voulu. Après de longs et patients essais, Nobel parvient à transformer l'explosif en une pâte, la dynamite, qu'on peut alors emballer dans des caisses, transporter sans risque de fuite, heurter sans qu'il n'y ait explosion. Il a testé au préalable l'absorption de la nitroglycérine par du charbon réduit en poudre, de la craie, de la silice, et diverses autres matières capables d'en retenir une forte proportion, et il choisit enfin une terre siliceuse pulvérulente, constituée de restes de coquilles fossiles et de diatomées, que l'on exploitait en Allemagne, près de Hanovre, sous le nom de Kieselguhr.

La dynamite, présentée sous tube de carton, puis encore améliorée par Nobel sous le nom de "plastic" (ou dynamite extra Nobel, brevet de 1875), remplace alors la nitroglycérine dans les travaux d'art. On l'utilise pour la percée du tunnel du Mont Saint-Gothard, dans les Alpes; la destruction des rochers de Hergate qui obstruaient l'entrée du port de New York; le creusement du port de Newcastle; le "sautage" des glaces sur la Neva à Saint-Petersbourg, et au cours de l'expédition arctique du Capitaine Nares. Nobel vient donc d'ouvrir l'ère de l'application des explosifs dans l'industrie. Mais il n'arrête pas là ses recherches, et il crée d'autres laboratoires (dont en France en 1881 celui de Sevran, dans l'actuelle Seine-Saint-Denis) afin de mettre au point de nouveaux explosifs.

En 1887 il fabrique ainsi la balistite, mélange à parties égales de trinitroglycérine et de dinitrocellulose. Ce produit mis au point, il est contacté par Sir Frederick Abel et le Professeur Dewar, chargés par le gouvernement britannique de mettre au point "la meilleure poudre sans fumée". Nobel leur foumit des renseignements confidentiels sur la préparation de la balistite, mais il a la mauvaise surprise, quelque temps après, de ddcouvrir que les deux Anglais ont déposé - sans rien lui en dire - un brevet de fabrication de la "cordite", qui n'est autre que sa propre poudre sans fumée passée à la filière et présentée sous forme de corde. Indigné, il proteste et porte l'affaire auprès des tribunaux britanniques; mais il est débouté et, de surcroît, condamné à payer une amende de 30 000 livres pour frais de litige. On comprend l'amertume de Nobel, qui sombre alors dans une période de mélancolie et de dépression. Il se vengera en écrivant une pièce de théâtre, Le Bacille du brevet, caricaturant de façon burlesque les tribunaux anglais.

Passé cet épisode désagréable, Nobel continue ses recherches jusqu'à sa mort, après avoir transféré son laboratoire de Sevran à San Remo, en 1890. C'est là qu'il meurt le 10 décembre 1896, dans les bras d'un domestique, sans la moindre présence familiale.

Toutes ses inventions à travers les laboratoires installés en Europe (à Hambourg, Paris, Ardeer, San Remo, Stockholm, Bofors) font d'Alfred Nobel le détenteur de 355 brevets, exploités dans les 80 usines créées dans une vingtaine de pays. De là provient l'immense fortune qu'il lègue, par testament, pour la création d'une Fondation Nobel, les revenus du capital étant destinés à être distribués sous forme de prix, afin de récompenser les hommes de bonne volonté oeuvrant pour faire progresser l'humanité. Aujourd'hui, avec un capital de 4 milliards de couronnes suédoises (environ 427 millions d'euros), la fondation - exemptée du paiement de l'impôt depuis 1946 - accorde désormais 9 millions de couronnes (environ 960 000 euros) par Nobel. Le prix a été porté à 10 millions de couronnes (1,06 million d'euros) pour le "cru 2001", afin de célébrer dignement son centenaire.



Extrait du testament d'Alfred Nobel
Traduction française d'une partie de son testament holographe, daté du 27 novembre 1895, rédigé en suédois dans sa résidence parisienne et ouvert en janvier 1897 :

"... Tout le reste de la fortune réalisable que je laisserai en mourant sera employé de la manière suivante : le capital placé en valeurs mobilières sûres par mes exécuteurs testamentaires constituera un fonds dont les revenus seront distribués chaque année à titre de récompense aux personnes qui, au cours de l'année écoulée, auront rendu à l'humanité les plus grands services. Ces revenus seront divisés en cinq parties égales. La première sera distribuée à l'auteur de la découverte ou de l'invention la plus importante dans le domaine de la physique; la seconde à l'auteur de la découverte ou de l'invention la plus importante en chimie; la troisième à l'auteur de la découverte la plus importante en physiologie ou en médecine; la quatrième à l'auteur de l'ouvrage littéraire le plus remarquable d'inspiration idéaliste; la cinquième a la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des congrès pacifistes. Les prix seront décernés : pour la physique et la chimie par l'Académie suédoise des Sciences, pour la physiologie ou la médecine par l'Institut Carolin de Stockholm, pour la littérature par l'Académie de Stockholm, et pour la défense de la paix par une commision de cinq membres élus par la "Storting" norvégienne. Je désire expressément que les prix soient décernés sans aucune considération de nationalité, de sorte qu'ils soient attribués aux plus dignes, scandinaves ou non..."

Fragment du testament d'Alfred Nobel


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