Destitution subjective et
dissolution du moi dans l´œuvre de John Cage
La peur du chaos, en
musique comme dans
la psychologie sociale, est
surévaluée.
Adorno
Une question de méthode
Dans le cadre de la
confrontation entre l´art et la psychanalyse, il se peut que l´axe le plus
problématique soit exactement la réflexion psychanalytique sur la musique. L’aversion
de Freud envers la musique n’explique pas à elle seule cette situation,
aversion qui d’ailleurs semble être partagée par plusieurs psychanalystes. Par
exemple, Jacques Lacan, toujours prêt à travailler l’interface entre
psychanalyse et esthétique, ne s’est jamais livré à des considérations sur les
phénomènes musicaux..
En vérité, le caractère
problématique du rapport entre musique et psychanalyse vient du fait que, dans
leur grande majorité, les analyses psychanalytiques consacrées à la musique ont
très peu rajouté à la réflexion sur l´enjeu propre à la structuration de la
forme musicale. À l’origine de cette situation, il y a peut-être le fait que la
musique a été le premier des arts à imposer une autonomie claire de ses
processus constructifs par rapport à tout ce qui est extra-musical (textes,
programmes, fonctions rituelles, liens avec le langage). Par exemple, la
critique de la mimésis, opération majeure pour la constitution des protocoles
de rationalité des arts plastique dans le modernisme, avait été déjà faite par
la musique au milieu du XIXème siècle. Cette autonomie de la forme
musicale a conduit certains critiques d’arts plastique, comme Clement
Greenberg, à voir dans le mode d´autonomisation de la musique l´exemple à suivre
pour la modernisation du champ des autres manifestations artistiques.
Rappelons-nous, par exemple, ce qu’il affirme à ce propos : « A cause
de sa nature ‘absolue’, de la distance qui l´éloigne de la mimésis, de son
absorption presque complète dans la qualité physique de son médium, à cause de
ses moyens de suggestion, la musique a remplacé la poésie en tant qu´art modèle
(...) En se laissant guider, consciemment, ou de façon inconsciente, par une
notion de pureté venue de l´exemple de la musique, les arts d´avant-garde, dans
les cinquante dernières années, ont réussi une purification et une limitation
radicale de leur champ d´activité qui
n´a pas d´exemple dans l´histoire de la culture »[1]. On ne saurait être plus clair : la musique aurait imposé aux autres
arts une notion de modernité et de rationalisation du matériau liée à
l´autonomisation de la forme et de ses possibilités constructives.
Sans doute cela explique-t-il,
en partie, le peu d´intérêt de la psychanalyse pour la musique. Car une telle
autonomisation signifie se confronter avec la résistance du matériau musical à
des interprétations du genre « herméneutique » comme celles développées
par Freud dans ses essais sur l´esthétique et par Lacan dans ses écrits sur
Edgar Alan Poe, Genet, Hamlet et Wedekind.
Nous pouvons parler ici d'herméneutique parce que nous
sommes devant un régime esthétique qui consiste à soumettre la rationalité des
oeuvres à une notion d'interprétation pensée surtout comme déchiffrage de signes, ce qui présuppose une compréhension sémantique des productions déchiffrées. Il s´agit de
déchiffrer les contenus présents dans l´œuvre à partir d´une quête archéologique de sens qui vise
dévoiler la rationalité causale du phénomène esthétique en reconstruisant un
genre de texte latent qui serait caché par le travail de l´artiste. À travers
cette perspective, ce déchiffrage voit dans les catégories liées aux complexes
psychiques le champ privilégié de signification possible du matériau. L´œuvre
se transforme dans un texte où nous pouvons lire des motifs psychanalytiques
majeurs, comme le complexe d´Oedipe et la théorie de la sexualité infantile
(Freud) ou une grammaire du désir basée sur les deux opérateurs cliniques
fondamentaux: le Phallus et le Nom-du-Pére (Lacan). En ce sens, ce n´est pas un
hasard si la plus grand partie des ces analyses d´œuvres d´art se
désintéressent de l´analyse des structures formelles dans leur dynamique
propre. Tout se passe comme si la psychanalyse avait pour tâche de dévoiler la
vérité masquée par la forme esthétique, puisque l´œuvre ne coïnciderait pas
avec sa lettre, son essence serait toujours sur une autre scène où se montreraient les schémas de production et dont
l´accès exigerait une lecture en profondeur.
À partir de là, nous
pouvons classer les textes psychanalytiques sur la musique dans quatre grands
groupes.
Le premier groupe et le
plus important réunit des travaux qui s’orientent vers ce que nous pouvons
nommer l’analyse psychanalytique de l’écoute. Ce sont des études qui cherchent
à déterminer les mécanismes d’investissement libidinal de l’écoute en général.
La plus connue de ces études a été écrite par Theodor Reik (The hauting
melody). Reik se sert du système interprétatif psychanalytique en partant
de l’analyse de sa propre fixation sur une mélodie de
Un second groupe important de textes
est constitué par les psychobiographies :
ces études se servent de l’interprétation analytique du roman familier ou de la
nosographie du compositeur pour fournir une analyse de son œuvre. Ce point de
vue peut conduire à réduire l’œuvre à une sublimation des conflits pulsionnels.
Ida Macalpine (Rossini: piano pieces for the primal scene) et le couple
Sterba (Beethoven et sa famille) sont des exemples représentatifs de
cette approche.
Le troisième type de
textes réunit les analyses proprement herméneutiques des compositions musicales.
Il est significatif que la plus grande partie de
ces travaux sont des analyses d’opéras. L’étude du récit y est privilégiée et
la spécificité du matériau musical n´est pas prise en compte; c’est que nous
voyons dans les écrits de Melanie Klein sur L’enfant et ses sortilèges, de
Ravel (Les situations d’angoisse de l’enfant et leur reflet dans un œuvre
d’art et dans l’élan créateur) et dans ceux d’Otto Rank sur le Don Juan,
de Mozart (Le mythe de Don Juan) e sur Lohengrin, de Wagner (Die
Lohengrinsage).
Enfin, dans un quatrième
type de travaux dont l’approche est
différente, on trouve une certaine « psychanalyse de la forme
musicale ». Il s’agit de considérations sur la structure formelle des
œuvres musicales à travers la conceptographie analytique. Ce sont des travaux
qui conjuguent psychanalyse et musique sans pour autant dissoudre la
spécificité de la critique musicale. Ce style d’analyse a été inauguré par
Adorno dans le texte Le caractère fétiche dans la musique et la régression
de l’audition¸ écrit en 1938. On
trouvera plusieurs textes où Adorno fait appel à la structure conceptuelle
psychanalytique pour analyser les oeuvres musicales de Schoenberg, Stravinsky,
Berg et autres[2].
En ce qui concerne Le caractère
fétiche dans la musique, Adorno se sert de la fonction métonymique du
fétiche (qui permet à une partie de l´objet d´occuper la valeur du tout) et des
opérations de survalorisation pour rendre compte de la tendance à la perte
d´unité synthétique des oeuvres, ainsi que de la tendance à la consolidation
d´un genre de réception qui ne connaît que l´écoute atomisée. D´un autre côté,
il se sert également de l´opération d´idéalisation (Idealisierung) propre à toute structure fétichiste. C’est la
même opération qui a amené Lacan à parler d´imaginarisation en tant que
mode d’appréhension des objets à partir de la projection d´un schéma mental
qui, dans le cas du fétichisme, est une image fantasmatique[3]. A partir de cette idée,
Adorno pourra exposer le processus de réduction de la temporalité constitutive
du matériau musical à la statique des images idéalisées et réifiées. C´est
contre cette prégnance imaginaire qu´Adorno rappelle : « Ce qui se
cramponne à l´image reste prisionnier du mythe, culte des idoles »[4]. D´où l´affirmation : « ce n´est que
sans image qu´il faudrait penser l´objet dans son intégrité »[5].
Citons encore l´effort
adornien pour reconfigurer la catégorie esthétique de l´expression à partir de
la notion freudienne de pulsion. C´est une opération majeure dans la
compréhension adornienne de l´œuvre de Schoenberg, et cela apparaît clairement
quand il énonce : « La musique de Schoenberg veut s’émanciper à ses
deux extrêmes [le pôle de l’expression
et le pôle de la construction]: elle libère les pulsions menaçantes que la
musique n’accueille généralement que filtrées et frélatées dans le sens de
l’harmonie ; et elle tend à l’extrême l’énergie de l’esprit, principe d’un moi assez fort pour
ne pas renier la pulsion »[6]. C´est cette reconfiguration psychanalytique de la catégorie esthétique
d´expression qui permettra à Adorno de parler, par exemple, de la
« pulsion de mort » en tant
que tendance originaire des oeuvres de Berg, cela à cause du désir de l´informe
que les habite. Car, pour quelqu’un qui, comme Adorno, a re-développé la
catégorie d´impulsion subjective (Impuls) à partir du concept
psychanalytique de pulsion, concept d´une tendace psychique dépourvue de
processus naturel d´objectivation, l´expression ne peut plus se soumettre à une
grammaire des affects ou à l´immanence expressive de la positivité de
l´intentionnalité. Une expression pensée dans cette perspective pulsionnelle se
pose à l´intérieur des oeuvres comme négation des identités fixes soumises à
une organisation fonctionnelle.
Dans les années 70,
Jean-François Lyotard s´est aussi servi du concept psychanalytique de pulsion
de mort lors d´un débat sur la forme musicale, mais pour penser l´avènement
d´une musique par delà l´organisation sérielle. Pour lui, la pulsion de mort
indiquerait une pure intensité, tel un bruit qui échappe à l´unité structurée
formée par des systèmes d´organisation sonore. Selon Lyotard, c´est la musique
de John Cage, avec sa renonciation aux normes générales d´organisation
fonctionnelle des oeuvres, qui présente de façon « affirmative » la
pulsion de mort[7]. Nous y reviendrons.
Notons, pour l´instant,
que les travaux d’ Adorno (et même de Lyotard) nous fournissent une orientation
pour régler la question de méthode concernant
les modes d´articulation du système de rapports entre psychanalyse et analyse
de la forme musicale. Un problème qui, en fait, s´inscrit dans le cadre plus
large des possibilités de réarticulation du recours psychanalytique à
l´esthétique.
Nous pouvons dire qu´une
telle réarticulation ne s’imposera qu’à la condition de respecter deux conditions
majeures. D´abord, il s´agit de comprendre clairement que l´art pense,
c´est-à-dire, qu’il n´a besoin d’aucune importation de quelque nature pour organiser le champ des
problèmes et de concepts qui gravitent autour des oeuvres. Les oeuvres produisent
leurs propres concepts et ce sont eux, et non pas les concepts
psychanalytiques, qui doivent orienter notre confrontation avec l´art. Ceci
impose une certaine pudeur dans le rapport théorique aux oeuvres. Une pudeur
qui nous rappelle que le recours à la psychanalyse ne sert pas à la
reconstitution de la visibilité du champ de gravitation des problèmes qui
orientent les aspirations des oeuvres. La deuxième condition consiste à
rappeler que toute oeuvre réussie répond à des questions sur les régimes de détermination
de catégories comme : identité, différence, relation, unité, entre autres.
Ceci étant, il arrive à Adorno d´accepter que la logique des oeuvres d´art soit,
d´une certaine façon, dérivée de la logique formelle[8]. Néanmoins, lorsque les oeuvres décident des régimes d’orientation des
opérations majeures pour la pensée, elles fournissent l´image du mode avec
lequel les sujets peuvent établir des identifications, des relations d´objet, tout
comme reconnaître des affinités mimétiques avec ce qui se pose en tant
qu´Autre. Ainsi, elles fournissent des
figurations pour des problèmes généraux de subjectivation. La tentative
adornienne de reconstruire la catégorie esthétique d´expression à travers le
recours à la pulsion, reconstruction capable d’effacer l´idée d´expression
comme processus de position de déterminations intentionnelles de sujets qui se
projettent dans des objets, doit être comprise à l´intérieur de ce cadre de
réflexion sur les figurations pour des problèmes de subjectivation.
Voici un point majeur. Car
comprendre les oeuvres d´art comme formalisations de processus de
subjectivation permet à la psychanalyse de repenser des modes de subjectivation disponibles pour la clinique. Cette
confrontation avec l´état des oeuvres permettrait par exemple, à la psychanalyse de relativiser un cadre
« classique » de modes de subjectivation pensé à travers la triade
remémoration, symbolisation et verbalisation.
Lacan est sans doute le
psychanalyste qui a le mieux compris ce point. En fait, il existe plusieurs
textes où Lacan se sert des phénomènes esthétiques tout simplement pour
illustrer des méthodes d´interprétation de la grammaire du désir. Lorsqu´il lit
Cette présupposition d´une
spécificité de la formalisation esthétique a une raison très claire.
Lorsqu´elle insiste sur la genèse des oeuvres d´art à partir des enjeux propres
à la sublimation des motions pulsionnelles, la réflexion psychanalytique sur
les arts est obligée de récupérer l’importance de la catégorie d´expression.
Néanmoins, on doit à Lacan une réforme du concept de pulsion, en particulier à
travers la reconstruction de la notion d´objet de la pulsion. Cette réforme a
des conséquences sur la configuration de l´expression et de ses possibilités
constructives. L´expression, pensée à travers un schéma particulier de
sublimation pulsionnelle, ne pourra se réaliser qu´en amenant le sujet à se
poser comme : « conscience d'être dans un objet »[12], mais dans un objet « négatif » où le sujet ne reconnaît pas son
image, formée d'identifications et d'anticipations imaginaires. Un objet
pulsionnel qui ne se montre que lorsque la forteresse du moi s'effondre et s'évanouit.
En fait, cette figure de l´art permettrait au sujet de réorienter sa notion
d’« identité » parce qu´elle lui permettrait de reconnaître, dans sa
relation à soi, quelque chose de l´ordre de l’opacité de ce qui se détermine
comme obs-tant (Gegenstande), comme non saturé dans l´univers
symbolique. A travers le recours psychanalytique aux arts, il apparaît un mode
de subjectivation de la pulsion par delà les schémas classiques de
remémoration, de symbolisation et de verbalisation. Soulignons que, dans ce
cas, le recours psychanalytique aux arts n´est pas interprétatif (comme si la
fonction de l´art était de légitimer la consistance du cadre analytique
d´interprétation), il est inductif. Il consiste à voir dans l´art un champ
privilégié d´induction des dispositifs cliniques.
Cet
article est un essai pour mettre en place ce programme. Il ne s´agit pas
d´interpréter l´œuvre de John Cage avec des concepts psychanalytiques,
d´ailleurs les réticences de Cage envers la psychanalyse sont connues[13]. Il s´agit de montrer comment les problèmes
concernant le destin et le prétendu épuisement du concept moderne de sujet
traversent toute l’oeuvre de Cage. Dans son oeuvre, il opère un véritable
processus de « destitution subjective » qui garde une relation
complexe de rapprochement et de distance avec le processus de destitution
subjective crucial pour la fin de l´analyse, au moins selon Lacan.
Immanence et inexpression
La compréhension de
l´importance de l´œuvre de John Cage exige une contextualisation de certaines
questions liées à la forme musicale et à ses modes de construction. Nous savons
comment la forme musicale arrive à l’aube du XXéme siècle avec un problème
majeur. En tant que système d´organisation de la totalité fonctionnelle des
oeuvres qui avait orienté de façon hégémonique la composition musicale à partir
du XVIII siècle, la tonalité arrivait à son point d´épuisement. Cet épuisement
n´était pas simplement un problème lié aux possibilités techniques des modes de
structuration de la forme musicale. Nous oublions souvent que l´analyse de la
forme musicale est, à sa façon, un secteur privilégié de l´histoire de la
raison dans la mesure où les critères et règles d´organisation de la forme
musicale sont, en fait, des critères de rationalité et des processus de rationalisation.
La forme musicale est produite à partir de décisions sur les protocoles
d´identité et de différence entre des éléments (consonance et dissonance), sur
des problèmes de partage entre ce qui est rationnel et ce qui est irrationnel
(son et bruit), sur ce qui est nécessaire et ce qui contingent (développement
et événement). Elle se produit encore à partir des décisions sur le rapport
entre raison et nature (la musique comme mimesis des lois naturelles ou la
musique comme plan autonome de ce qui s´affirme contre toute illusion de
naturalité) et sur les régimes d´intuition de l´espace et du temps. C´est cette
gamme de dispositifs qui nous permet de dire que la forme musicale naît d´une
décision sur des critères valables de rationalité. Ce qui nous montre comment
l´épuisement d´un système musical d´organisation, comme la tonalité, est en
fait l´épuisement d´une figure ordinatrice de la raison.
Cage est sans doute le compositeur du XXème siècle qui a le
mieux perçu cela. Nous trouverons difficilement quelqu´un qui ait travaillé de
façon aussi systématique sur la négation de toutes les catégories responsables de
la rationalité de la forme musicale. Néanmoins, cette critique de la raison
musicale a été portée par une impulsion née, d´une certaine façon, dans la
genèse même du modernisme. À la base de cette impulsion, la croyance qu´une
critique totalisante de la raison ne pouvait être faite qu´au nom d´un certain
retour à l´origine, à l´archaïque et au primitif. Par ces protocoles de retour,
l´art fidèle à son contenu de vérité devrait être capable de libérer la force
disruptive d´une origine refoulée par les processus de rationalisation et de
socialisation. Dans cette perspective, le moment historique du premier
modernisme s´est rapproché de la psychanalyse, grâce à la croyance en un
rapprochement plein de résonances (et pas trop fidèle à ce qui était vraiment
en jeu dans la découverte freudienne) entre l´enfantin, le primitif et
l´inconscient, dès lors que l´inconscient apparaît comme le concept de ce qui
est antérieur aux processus d´individuation.
Même si John Cage ne partage pas ce genre de recours à la
psychanalyse, il est certain qu´il était disposé à penser la musique comme espace
d´un certain retour à ce qui est avant tout processus de structuration
symbolique de la culture et tout processus d´individuation. Le nom de cet
espace qui guide les exigences de retour est classique : la nature. Comme
Cage affirme, dans un texte tardif : « Art = imitation de la nature
dans ses modes d´opération »[14]. Il s´agit donc d’essayer de fonder la rationalité musicale dans une
impulsion mimétique capable de réconcilier la composition avec les modes
d´opération de la nature. Ce qui ne signifie pas que le son musical doit
apparaître tel que le son naturel, ce qui nous conduirait vers une esthétique
de la représentation. Cela signifie exiger que l´art soit capable d´actualiser
la nature comme monde producteur d’événements qui ne peuvent être perçus en
tant que tels que dans des conditions précises[15]. En fait, il s´agit de penser quelque chose comme l´avènement d´une
musique de l´immanence.
Néanmoins, dire cela c´est encore dire très peu. Car il
faut aussi déterminer ce que pense Cage
lorsqu´il essaie de naturaliser la forme musicale, au point de chercher une
forme immanente à la nature dans ses modes d´opération. Il ne s´agit sûrement pas
ici de chercher des façons de récupérer des procédures capables de dériver les
règles générales d´organisation harmonique d´une théorie physicaliste du son et
de ses propriétés de résonance. Stratégie de naturalisation de la forme
musicale présente dans la tonalité au moins depuis les études de Jean-Philippe
Rameau.
Il faut expliquer ensuite ce que le vocabulaire de
l´imitation signifierait dans ce contexte. Nous savons que la critique de la mimésis
a été une des catégories majeures de l´art moderne. Une critique fondée sur la
conscience historique du caractère réifié de ce qui normalement se présente en
tant que nature. Cette négation de l´affinité mimétique était figure de la
critique dans la mesure où elle montrait comment les modes d´organisation
fonctionnelle naturalisés sont des sites où l´idéologie s´affirme dans toute sa
violence, cela si nous comprenons l´idéologie comme réification des modes de
disposition des étants. En ce sens, l´art devait montrer ce que l´image de la nature essaie de cacher,
c´est-à-dire, les mécanismes de production de ce qui veut s´affirmer comme
donné naturel.
Enfin, nous devons préciser l´enjeu de cette rationalité
mimétique présent dans le programme esthétique de Cage. Notons d´abord, ce qu’Adorno
a bien compris, que dans la musique de Cage, il y a ce mouvement critique
majeur, cette « protestations contre une complicité aveugle de la musique
avec la domination de la nature ». Il ne s´agit pas de chercher une forme
quelconque de réconciliation avec l´imaginaire
propre à la nature, puisque que la musique de Cage veut montrer que l´image socialement fournie de la nature
ne correspond pas à la vérité. Ensuite, la nature pour Cage ne peut pas être un
simple discours réifié, elle indique ce point de résistance du sensible aux
opérations d´un concept pensé, principalement, sous la forme de la
représentation et de la subsumption du divers de l´expérience sensible au
générique de la catégorie. Ainsi, s´il est vrai qu´une passion pour le réel pousse
Cage à chercher un « art de l’expérience immédiate »[16], il reste à savoir quels sont les modes de récupération d´un niveau de
l´expérience immédiate avec la nature dans les conditions socio-politiques du
capitalisme avancé. La question majeure du compositeur doit donc être : qu´est-ce qu´il faut détruire pour que la
nature puisse advenir dans ses modes d´organisation ?
Avant de répondre à cette question, cela vaut la peine de
faire un effort de contextualisation à propos de l´œuvre de Cage. Si nous
essayons de suivre Cage dans son parcours, nous verrons que son oeuvre
s´organise, grosso modo, au cours de deux phases
principales. La première, qui va des années 30 jusqu´aux années 50, est marquée
par quelques expériences sérielles, des compositions par juxtaposition et des
travaux qui développent le rythme et la pulsation comme des éléments
structurants de synthèse. Les oeuvres sont, principalement, des pièces pour
piano et des pièces pour ensemble de percussion, ainsi que des expériences
percussives avec le “piano préparé”[17].
A partir des années 50, Cage découvre le Zen bouddhisme
et se voit, d´une façon chaque fois plus forte, comme un compositeur dadaïste
qui a en Erik Satie un précurseur. Trois pièces de 1951 attestent cette nouvelle
impulsion : Concert pour piano
préparé et orchestre, Imaginary
Landscape n. 4 et Music of Changes. Dans ces pièces, l´usage délibéré du hasard, de l´indétermination et de
l´indistinction entre son structuré et bruits de la vie ordinaire s´impose.
C´est surtout dans ce moment que l´œuvre de Cage pousse jusqu´aux dernières
conséquences le projet de critique de la rationalité de musique occidentale, un
projet soutenu maintenant par une articulation entre des exigences
avant-gardistes modernistes et des exigences de spiritualisation de la vie
quotidienne[18]. A travers l’arbitraire du hasard, Cage veut ouvrir l´espace au retour à
l´être qui se « laisse être » à l´intérieur de l´immanence du sonore.
D´où son affirmation: “J´ai vu l´art non plus comme une sorte de communication
qui part de l´artiste vers son public mais plutôt comme une activité de sons
dans laquelle l´artiste trouve une façon de laisser les sons être
eux-mêmes »[19].
Mais revenons à la première phase de Cage puisqu´elle est
extrêmement instructive sur l´enjeu de son programme esthétique de retour à l´origine.
Élève de Schoenberg, Cage exprime nettement son besoin de: « trouver un
moyen de faire de la musique qui fût libéré de la théorie de l´harmonie, ou de
la tonalité » [20]. Ce refus de l´harmonie en tant que principe structurant de l´organicité
fonctionnelle des oeuvres est radical. Il ne s´agit pas, pour Cage,
d´abandonner le système harmonique fonctionnel tonal au nom d´une autre forme
d´organisation totale comme, par exemple, le dodécaphonisme ou un mode
alternatif de pensée sérielle. Il s´agit simplement d´arrêter de penser à
partir des notions comme : progression, atteinte et résolution, antécendente et
conséquente. L´usage réitéré des ensembles de percussion et du piano préparé est
une conséquence de cette exigence compositionnelle. Car cela permet à Cage
d´organiser des constructions à partir du jeu entre le son et ce qui apparaît
comme négation immédiate du son (le silence). C´est dans ce sens que nous
devons comprendre des affirmations comme : « Le son a quatre
caractéristiques : hauteur, timbre, intensité et durée. Le silence
coexiste avec le son de manière contraire et nécessaire. Des quatre
caractéristiques du son, seule la durée concerne à la fois le son et le
silence. C’est pourquoi une structure fondée sur les durées (rythmique :
phrases et intervalles de temps) est juste (correspond à la nature du
matériau), tandis que la structure harmonique n’est pas juste (découle de la
hauteur qui n’existe pas dans le silence) »[21].
D´un autre côté, dans les pièces pour piano, nous voyons
clairement une quête pour des constructions bâties à travers aussi bien la
juxtaposition des matériaux que la prolifération des coupures et des ruptures.
Nous pourrions penser que Cage suit une voie déjà ouverte par Stravinsky avec
ses procédures cubistes de juxtaposition. Mais il y a chez Cage quelque chose
d´extrêmement particulier.
La notion de juxtaposition nous mène, nécessairement, vers
la dissolution de la temporalité. Chez Stravinsky, cela signifie opérer avec une
notion spatiale de temps, dans la mesure où sa musique passe d´un matériau à
l´autre comme quelqu´un qui traverse les
frontières d´un territoire discontinu. Des compositions par juxtaposition nous
rappellent souvent que la déterminité immédiate de l´espace se fonde dans l´indifférence réciproque en tant que mode
d´être de la spatialité. Ce caractère statique des matériaux qui s´adaptent au
mode d´être de la spatialité permet à Adorno d´affirmer que, chez Stravinsky,
le matériau musical est présenté comme nous présentons une image statique qui
se donne dans l´espace. Ainsi, son matériau est normalement un matériau
fétichisé, c´est-à-dire réduit à sa propre image, dans le sens où le
développement du matériau est stéréotypée et déjà codifiée.
Ce diagnostic de fétichisation résultant de la soumission
à l´image ne s’applique pas à l´œuvre de John Cage. Car, chez Cage, les
coupures sont si fréquentes qu´il est impossible de développer le matériau,
même de façon stéréotypée. Nous en avons un exemple majeur avec Ophelia. Il s´agit d´une musique où la profusion
des pauses indique l´absence de développement au sens fort du terme. Les
phrases musicales sont courtes parce qu´elles sont incapables de se déployer.
Cela signifie un appauvrissement radical d´un matériau qui est présenté de
façon chaque fois plus désarticulée : arpeggios, sequences d´octaves,
glissandos, des petites répétitions et modulations. En ce sens, les premières
mesures sont une belle illustration, avec la profusion des cinquièmes et des
octaves en séquence, les coupures abruptes et l’absence complète de
raisonnement contrapontique. Nous pouvons dire que la pièce est composée des
déchets de la grammaire musicale, puisqu´elle se fixe dans ce qui n´a pas de
valeur du point de vue des matériaux. En suspendant la structure de
l´organisation de la forme, le compositeur se voit devant des pièces détachées
d´un vocabulaire qui, auparavant, avait servi pour la constitution d´un certain
caractère narratif du musical. La suspension des capacités organisatrices de la
structure nous laisse devant des objets hors
la scène, objets qui ne s’encadrent dans aucune structure.
Dès ce moment, nous pouvons trouver l´impulsion majeure
qui va orienter la musique de Cage. Elle est clairement énoncée ici : « La notion de rapport enlève son
importance au son (...) J´ai commencé à m´intéresser non pas aux rapports –
encore que je voie l´interpénétration des choses – mais je pense qu´elles
s´interpénètrent d´une manière plus riche, plus abondante si je n´établis aucun
rapport »[22]. Cage ne peut pas être plus clair.
A travers cette opération de destruction de la grammaire musicale, il s´agit de
délivrer le son de toute dépendance envers une pensée de la relation. Comme
Lyotard l’a bien compris, il s´agit de nier que : « à la limite
le son, en tant que lié, ne vaut plus par sa sonorité, mais par le réseau de
ses relations, actuelles et possibles, exactement comme un phonème, unité
distinctive arbitraire »[23]. Cela explique la tendance de Cage à présenter les sons sous le fond de
silence, des sons qui se présentent au milieu des espaces vides qui annihilent
toute atteinte préalable de relation.
Ce programme ne pouvait se réaliser de façon intégrale que
par la destruction de tous les dispositifs formels qui empêchent toute
proximité de « la vraie nature des sons », comme dira Dahlhaus[24] en pensant à la désarticulation cageéene des dichotomies comme : la
distinction entre son et bruit, musique et silence, hasard et nécessité, entre
des qualités périphériques et des qualités centrales du son. Il arrive à Cage
d´affirmer : « Tous les sons
quelles que soient leurs qualités et hauteurs (connues ou inconnues, définies
ou indéfinies), tous les contextes de sons, simples ou multiples, sont naturels
et concevables dans le cadre d’une structure rythmique qui embrasse également
le silence »[25]. Ou encore, lorsqu´il perçoit les conséquences d´une telle perspective
pour la réflexion à propos de la rationalité de la forme musicale :
« Toute tentative d’exclure ‘l’irrationnel’ est irrationnelle. Toute
stratégie de composition qui est
entièrement ‘rationnelle’ est irrationnelle à l’extrême »[26]. Ce renversement de la raison en irrationalité est, en fait, une des
figures majeures du problème du renversement de la rationalité en principe de
domination de la nature. Cage voit, dans la musique de Schoenberg avec sa
tentative de créer des totalités fonctionnelles à partir du raisonnement sériel
qui détermine le signifié du son à travers des relations positionnelles à
l´intérieur de la série, l´exemple majeur de ce renversement. D´où le sens de cette
affirmation : “La méthode de Schoenberg est analogue à une société où
l´emphase est dans le groupe et dans l´intégration de l´individuel au
groupe » [27].
Music of Changes, de 1951, avec ces procédures de composition basées sur l´I-Ching, est le
sommet d´une rupture qui amène Cage vers ce que nous pouvons nommer
« esthétique de l´indifférence » (pour utiliser une expression
heureuse de Barbara Formis), c´est-à-dire, esthétique de l´indifférenciation
systématique envers tout matériau sonore. Il ne s´agit pas simplement d´établir
un mouvement de contrepoint entre des opposés (son et bruit, musique et
silence), mais d´opérer dans le point d´indifférence qui annule la distinction
entre ce qui est interne au champ de gravitation de l´œuvre musicale et ce qui
lui est extérieur. Tout phénomène audible, disait Cage, est du matériau propre
à la musique. Cette esthétique de l´indifférence par rapport à tout lien
privilégié à des matériaux et à des objets nous amène à la conjugaison d´une grammaire
de la dés-affection. Rappelons-nous, par exemple, de ce que dit John Cage à
propos de l´intensité et l´excitation des tableaux de Jackson Pollock :
« Aucun de ces aspects ne m´intéressait. Je leur demandais [aux artistes]
de changer ma façon de voir, pas ma façon de sentir. Je suis parfaitement
heureux avec mes sensations. En fait, si je voulais leur ajouter quoi que ce
soit, ce serait une sorte de tranquillité. Je ne veux pas perturber mes sensations.
Je n´ai pas l´intention de passer ma vie à être poussé dans tous les sens par
un groupe d´artistes »[28]. En fait, ce changement dans la façon de voir est le résultat d´une dés-affection
qui impose un régime d´indifférence envers les objets. D´où l´affirmation de
Cage: « la responsabilité de l’artiste est de perfectionner son oeuvre de
telle sorte qu’elle devienne désintéressante avec séduction »[29].
Peut-être le meilleur exemple est-il Imaginary landscapes n. 4. Il s´agit d´une pièce pour douze
appareils radio réglés au hasard. L´usage de l´I-Ching sert à définir la
structure de temps, la durée, la dynamique et les sons produits de façon
absolument autonome par rapport au : « goût individuel et à la
mémoire (psychologie) et aussi à la litérrature et aux ´traditions´ de
l´art ». Ainsi : « les sons rentrent dans l´espace-temps axés
sur eux même, libérés de l´exercice d´abstraction, ses 360 dégrés de
circonférence libérés pour un jeu infini d´interpénétration »[30].
Remarquons que le choix des
radios dans le rôle des instruments musicaux entraîne une conséquence importante
pour la définition d´ « espace sonore ». La musique, même étant
un art lié à la temporalité, organise l´espace en faisant une séparation entre
les sons qui sont internes au phénomène musical et les sons qui sont des bruits
qui doivent être isolés de toute interprétation musicale. L´usage des radios
bouleverse cette distinction en envoyant l´espace musical vers l´informe et
l´indifférence. Une indifférence qui nous empêche de faire ce que nous appelons
normalement « expérience esthétique », puisque l´expérience d’écoute
de la pièce nous amène vers un genre d´epokhé qui suspend le jugement
esthétique et qui oriente toute perception dans la perspective d´une
« expérience ordinaire » qui ne s´ouvre que lorsque nous effaçons
l´impulsion de jugement.
Stoïcisme musical
Cette suspension du jugement à l´intérieur du processus
de composition fondée sur la croyance dans l´ouverture à la présence de ce qui
aurait été refoulé par la rationalité musicale, est quelque chose de
fondamental. Pierre Boulez, par exemple, dont l’intention était plûtot d’
amener la pensée sérielle à l´extrême, a vu dans ce bouleversement du sens
global de la forme une invitation à l´improvisation déterminée par le
libre-arbitre, c´est-à-dire, un dilettantisme qui cacherait une faiblesse
majeure dans le domaine des techniques de composition.
Mais un “libre-arbitre” propre à une subjectivité capable
de s´en servir de n´importe quel matériau, voici quelque chose d’absolument
étranger au projet esthétique de Cage. Bien au contraire, la destruction des
structures formelles propres à la musique occidentale est pensée par Cage comme
figure d´une dissolution du moi et d´une dissolution de l´autonomie de la
volonté. À tel point que Cage accepte qu´il ne s´agit plus de faire de la
musique : « si le mot ´musique´ est sacré et réservé aux
instruments du XVIIIème et du XIXème siècle, alors nous pouvons le substituer
par un terme plus plein de sens : organisation de sons »[31]. Ainsi, la passivité de l´absence de choix, de la non organisation des
relations est assumée à l´intérieur d´un programme esthétique où l´action de
composition s´affirme à travers sa dénégation en tant qu´action orientée selon
une finalité. « Quel est le propos de cette musique expérimentale ?»,
se demande Cage : « Il n´y a pas de propos, il n´y a que des sons »[32].
Voici un point majeur. Toute forme musicale apporte en
soi une figure présupposée du sujet, non seulement en tant qu´agent d´un
processus de composition dépendant de la catégorie d´expression, mais aussi en
tant qu´auditeur qui doit s´orienter à partir des modes déterminés d´écoute.
Prenons, par exemple, la forme-sonate, cette forme définie par : « un
climax identifiable, un point de tension maximale vers lequel la première
partie du travail s´achemine et qui est symétriquement résolu. Il s´agit d´une
forme fermée, sans la structure statique d´une forme ternaire ; elle a une
finalisation dynamique analoge au déploiment du drame du XVIIIème siècle où
tout est résolu, les détails sont liés et l´oeuvre est ronde »[33]. L´identification du clímax et des tensions exige des fonctions
intentionnelles comme la mémoire narrative (qui organise le développement comme
un « drame »), l´attention orientée par un telos et la compréhension des principes de différence et d´identité
partagés aussi bien par le compositeur que par l´auditeur. L´idée de résolution
exige, de son côté, un Moi capable d´orienter des processus de synthèse et de
déterminer le sens des totalités fonctionnelles ; c´est-à-dire, un Moi en tant qu´unité synthétique des représentations.
Alors que la musique d’immanence de John Cage, elle, est
une musique de la dissolution du Moi parce qu´elle n´exige aucune de ces
fonctions intentionnelles et synthétiques. Si nous pensons qu´une des fonctions
majeures du Moi, c´est exactement d´être une unité synthétique des
représentations, c´est-à-dire, une instance qui fournit la règle d´unification
du divers de l´intuition dans des représentations d´objets, alors nous pouvons
comprendre comment la lutte de Cage contre les fonctions harmoniques de
structuration du matériau musical est, au fond, une lutte contre les fonctions
synthétiques du Moi. Cette affirmation clé de Cage va parfaitement dans ce sens :
« Faire quelque chose qui échappe à la maîtrise du moi »[34], un faire qui doit être compris comme mode de formaliser le son dans sa
vraie nature. Adorno l’a bien perçu lorsqu´il a vu chez Cage un compositeur qui :
« essayait de transformer la faiblesse du moi dans une force
esthétique ».
Ce programme de dissolution du Moi peut nous expliquer, par
exemple, pourquoi sa musique n´est pas construite à partir de procédures
d´ « improvisation » mais est, au contraire, acte de position
d´un champ d´indétermination. La différence entre les deux concepts est
absolue. L´improvisation est liée à la puissance expressive du Moi qui, en se
servant de la mémoire et des paramètres musicaux de base, ne produit normalement
des variations que dans la hauteur. De son côté, l´indétermination a son
fondement dans la négation d’intentionnalité du compositeur. Dans ce cas, la tâche
du compositeur consiste simplement à définir des règles d´un dispositif précis
qui doit permettre la manifestation d´un événement musical imprévisible aussi
bien pour le musicien que pour l´interprète et pour l´auditeur. Ainsi, le faire
musical abandonne des catégories apparemment centrales comme
« expression » et « intentionnalité ».
C´est sur ce point que John Cage se rapproche d´une
thématique fondamentale aussi bien pour l´art du XXème siècle que pour la
détermination de la rationalité des pratiques cliniques comme la psychanalyse,
surtout la psychanalyse d´orientation lacanienne. Cette thématique concerne une
certaine compréhension du Moi et de ses fonctions comme centre de
méconnaissance narcissique des mécanismes de soumission de soi à une réalité
aliénante. En ce sens, il faut prend au sérieux le caractère
« thérapeutique » des oeuvres de Cage. Interpréter certaines oeuvres
présuppose l´acceptation d´un processus de décision où l´apathie et la renonciation à l’intentionnalité sont des éléments
majeurs. Cette apathie signifie assumer un mode de relation d´objet basé sur
l´indifférence et, par conséquent, assumer un mode de relation à soi basé sur
la dépersonnalisation et sur la destitution subjective, dans la mesure où ce
n’est pas une personne en tant que pôle conscient d´intentions qui interprète,
mais quelqu´un qui, à travers une ataraxie stoïque, est capable de se
réconcilier avec le cours d´un monde qui peut s´affirmer au-delà de toute image
aliénée d´organisation. Ce stoïcisme
musical est donc la position à travers laquelle composer conduit à se
réconcilier avec le cours du monde grâce à l´ataraxie, l´apathie et la
suspension du jugement esthétique.
Un autre point qui démontre le caractère de destitution
subjective présupposé par la musique de Cage concerne la figure de la
« corporéité » présente dans sa musique. En ce sens, rappelons la
relation fondamentale entre musique et danse chez Cage. Nous savons comment, à
partir de 1943 et jusqu´à sa mort, Cage a développé une collaboration extrêmement
durable avec le chorégraphe Merce Cunningham. Mais même avant cette rencontre,
Cage composait déjà des pièces musicales pour des chorégraphies. Cette
interface privilégiée nous amène à nous demander quelle est la figure du corps
présente dans sa musique.
Nous avons vu comment,
dans sa première phase, Cage privilégiait des structures basées sur la durée et
sur des mesures de tempo, cela à l´instar des structures basées sur la
fonctionnalité harmonique ou sur des séries de hauteurs. Celle-ci a été un
opérateur majeur de rapprochement entre sa musique et la danse : « Le
temps est un dénominateur commum entre la danse et la musique, plutôt qu´une
spécificité de la musique comme la tonalité ou l´harmonie. J´ai libéré les
danseurs de la nécessité d´interpréter la musique sur le plan des sentiments,
ils pouvaient créer une danse à l´intérieur de la même structure que celle
utilisée par le musicien »[35]. Néanmoins, ce temps réduit à des flux de durée c´est un temps sans
narrative, temps qui demande des gestes hors d´un drame, des mouvements qui
expriment que : « il n’y a ni histoires ni problèmes
psychologiques »[36]. Des corps qui habitent ce temps méconnaissent des structures formelles
limitatrices, c´est-à-dire, ils ont tendance à marcher vers l´informe.
C’est sans doute ce qui
explique pourquoi le contact avec Cunningham a amené Cage à comprendre une
certaine inadéquation entre sa musique et la régularité exigée par la
danse : « Les deux choses dont la musique est aujourd´hui capable de
se libérer sont, selon moi, les intervalles de tonalité et les rythmes, car ce
sont deux aspects qui se mesurent facilement (...) Maintenant, dans la danse,
si vous abandonnez ce qui correspond au rythme et à l´intervalle – c´est-à-dire
le mouvement sur deux jambes – que reste-t-il ? C´est un peu comme si vous
ne pouviez pas les abandonner »[37]. Cette inadéquation nous rappelle que sa musique est, en fait, à la
recherche d´un corps capable de se réconcilier avec le caractère informe du
geste pur sans telos ou sans structure. Une continuité
circulaire du geste qui est bien incarnée dans la circularité
« modale » de pièces comme Dream (1948).
Si nous retournons vers la psychanalyse, nous pouvons voir que nous ne
sommes pas très éloignés de quelques idées majeures sur la constitution de la
rationalité de modes de subjectivation dans la praxis analytique présentes dans
les premiers séminaires de Jacques Lacan. En effet, dans le Séminaire I, Lacan comprend le progrès
analytique comme un acte capable de nous amener vers un : « déclin
imaginaire du monde, et même une expérience à la limite de la
dépersonnalisation »[38]. Cela nous rappelle que le progrès analytique produit nécessairement la
consommation des fixations imaginaires du Moi. Une année après, Lacan sera encore
plus clair : “Si on forme des analystes, c´est pour qu´il y ait des sujets
tels que chez eux le moi soit absent. C´est l´idéal de l´analyse, qui, bien
entendu, reste virtuel. Il n´y a jamais un sujet sans moi, un sujet pleinement
réalisé, mais c´est bien ce qu´il faut viser à obtenir toujours du sujet en
analyse »[39]. Ainsi,
Lacan fera allusion à une « certaine purification subjective » qui se
réalise à travers l´analyse et qui annonce une voie qui sera approfondie grâce
à la thématique de la destitution subjective. Nous pouvons parler d’approfondissement
car, plus tard, il ne s´agira pas simplement de dissoudre les fixations
imaginaires, mais de faire vaciller l´inscription symbolique même du sujet.
Cette
purification subjective semble aussi liée d´abord à une position d´apathie et
d´ataraxie. En fait, Lacan a cherché pendant plusieurs années à organiser la
rationalité de la praxis clinique à travers la reconnaissance de ce qu´il nomme
le « désir pur », c´est-à-dire, un désir exposé dans sa vérité de transcendance
par rapport à toute procédure naturelle d´objectivation. Ce désir est
foncièrement sans objet, désir de « rien de nommable »[40]. Mais alors se pose la question : qu´est ce que
peut signifier se confronter avec la vérité d´un désir pur qui semble transcender
toute relation d´objet ? Comment reconnaître et donner un statut objectif
à ce qui est pure négativité qui ne cesse pas de ne pas s´écrire ? Il
n´est pas possible de ne pas voir, à l´horizon, quelque forme d´ataraxie à travers laquelle le sujet
peut prendre distance de toute relation d´objet et jouir de l´indifférence absolue par rapport aux objets
empiriques (une indifférence qui a, comme corrélat, la dépersonnalisation
du moi, cet « objet interne » privilégié). Nous savons que Lacan ne cesse
de s’interroger : « L’objet de la pulsion, comment
faut-il le concevoir, pour qu’on puisse dire que, dans la pulsion, quelle
qu’elle soit, il est indifférent ? »[41]. Pourrions-nous dire que la conséquence nécessaire de cette perspective
serait une indifférence capable de permettre l´abolition subjective de toute
fixation d´objet à la fin de l´analyse ? « Les Anciens mettaient
l’accent sur la tendance elle-même, alors que nous, nous la mettons sur son
objet (...) nous réduisons la valeur de la manifestation de la tendance, et
nous exigeons le support de l’objet par les traits prévalents de l’objet »[42]. Cette affirmation lacanienne, faite avec une pointe de nostalgie envers
la vie amoureuse des anciens était, en fait, l´exposé de tout un programme
analytique de cure. De toute façon, soulignons combien nous sommes près de
décrire un processus de subjectivation, avec ses exigences d´indifférenciation
et de dés-affection, qui n´est pas très éloigné de ce que nous pouvons trouver
dans le programme esthétique de John Cage.
Bien sûr, plusieurs questions
se posent dans ce rapprochement, qui exigent une explication supplémentaire.
D´abord, il y a un problème concernant le concept de nature, puisque chez Cage
la subjectivation est faite au nom d´un processus de retour à l´origine à
travers la récupération d´un champ propre à la nature. En principe, il ne
semble pas que la psychanalyse (spécialement la psychanalyse d´orientation
lacanienne) fasse appel à quelque régime de retour et d´immanence avec un cours
du monde où il serait possible de trouver la nature. Néanmoins, il y a un
concept psychanalytique qui développe ce qui a été normalement compris sous des
notions comme « nature interne ». Il s´agit du concept de Trieb (pulsion, impulsion), un concept
limite entre le psychique et le somatique. Il arrive à Freud de se baser sur la
biologie de Weismann pour parler de la pulsion comme principe d´intelligibilité
du comportement de l´organisme vivant en
général : « une pulsion serait une poussée inhérente à
l´organisme vivant (belebten Organischen) vers le rétablissement d´un état antérieur que cet être vivant a dû
abandonner sous l´influence perturbatrice de forces extérieures »[43]. Comme s´il était question, à travers l´usage
du concept de pulsion, d´une récupération assez particulière de la réflexion
sur la nature.
En fait, la compréhension de
la pulsion comme principe d’intelligibilité du comportement de l´organisme
n´implique pas une détermination exhaustive des modes de relation entre l´être
vivant et le milieu (comme nous le trouvons dans un concept comme Instinkt). Mais elle fournit, sous le
signe de la pulsion de mort, une direction de retour à travers le
rétablissement d´un « état naturel »[44] extrêmement particulier. C´est peut-être cela
qui a permis à Lyotard de voir, dans la pulsion de mort, le principe de retour
qui se manifesterait dans les oeuvres de Cage en tant qu´énergie libre capable
de rompre les dispositions intentionnelles afin de réaliser des
« intensités anonymes »[45] accessibles à un rapport d´immanence. Dans ce
sens, si nous suivons Lyotard, les modes de dissolution du Moi et de
destitution subjective qui structurent la compréhensibilité de l´œuvre de John
Cage seraient, en fait, des régimes de subjectivation
de la pulsion.
Si tel
est le cas, il y a quelque chose d´important à dire en ce qui concerne Lacan.
Parler de « nature » à l´intérieur de la métapsychologie lacanienne
peut sembler l’anachronisme le plus profond. Car Lacan est clair: « la
nature, telle qu´elle se présente à l´homme, telle qu´elle se coapte avec lui,
est toujours profondément dénaturée » [46]. En principe, la distinction structuraliste
stricte entre nature et culture semble totalement présente dans la pensée
lacanienne. Néanmoins, nous pouvons soutenir que la « dénaturation »
de la nature à propos de laquelle parle Lacan n´est pas la position simple d´un
conventionnalisme qui ne voit dans la nature qu´un discours réifié. Elle est
tentative de penser la nature non pas comme un pôle positif de donation de sens
ou comme un plan d´immanence, mais comme le locus
où personne ne peut être chez lui, espace d’identité de la pulsion, pour
autant que la pulsion n´est dénaturée que
vis-à-vis un concept immanentiste de
nature. En fait, le concept de pulsion est ce qui nous permet de faire un
écart entre nature et principe d´immanence. Là est peut-être le sens de cette affirmation
tardive de Lacan : « la nature se spécifie de n´être pas une, d´où le
procédé logique pour l´aborder. Par le procédé d´appeler nature ce que vous excluez du fait même de porter intérêt à quelque
chose, ce quelque chose se distinguant d´être nommé, la nature ne se risque à
rien qu´à s´affirmer d´être un pot-pourri de hors-nature »[47]. Ainsi, la nature est ce qui résiste à la
nomination et à la représentation identifiante. En ce sens, son image ne peut
qu´être négative pour autant qu´elle est en dehors de son propre concept.
Si nous acceptons cette
perspective, nous pouvons reprendre le problème de la dissolution du Moi, de la
destitution subjective et de la subjectivation de pulsion chez Lacan et voir
s´il y a vraiment des convergences avec ce que nous trouvons dans l´œuvre de
Cage.
Sans doute le meilleur chemin
consiste-t-il à rappeler la nécessité d´une certaine torsion à l´intérieur de
l´expérience intellectuelle lacanienne. En insistant sur l’importance de la
notion de pulsion (à partir des années soixante), Lacan relativisera cette idée
de progrès analytique lié à la subjectivation du désir pur à travers
l´annulation de la prégnance de tout objet empirique dans le désir. Un
protocole de dés-affection et apathie qui devrait amener le sujet à reconnaître
la vérité de son désir à travers un signifiant pur qui, parce qu´il est un pur
signifiant, ne dénote aucun objet.
Lorsqu´il parlera de la
pulsion, Lacan insistera sur l’idée qu´elle peut bien se satisfaire avec un
objet (il y a un objet de la pulsion, contrairement à ce qui arrive au désir).
Mais il s´agit de ces objets partiaux (objets a) avec lesquels le sujet était lié avant les processus
d´individuation, de socialisation de son désir et de constitution de l´image du
corps propre. Il y a un genre de protocole de retour ici, mais il amène le
sujet à se confronter avec un objet auquel il était lié, dans lequel maintenant
il doit se reconnaître, mais qui est déterminé par l´opacité de ce qui ne se
soumet pas à l´image unificatrice du Moi. Ainsi, Lacan essaie de penser la
subjectivation de la pulsion non pas à partir de la logique d’indifférenciation
par rapport à l´objet, mais à partir de la confrontation avec un objet qui
porte la puissance disruptive d´une expérience de non-identité. L´importance
d´une telle expérience conduit Lacan à affirmer que le désir de l´analyste,
désir qui oriente le progrès analytique, ne pouvait plus être compris comme un
désir pur. Mais si le désir de l´analyste n´est pas pur, c´est parce qu´il doit nécessairement se lier à un objet. Il
est pathologique, au sens kantien, car il ne se pose pas dans le point
d´indifférence par rapport à la série des objets empiriques.
Ainsi nous pouvons voir que,
dans la confrontation entre la
psychanalyse et John Cage, il y a plusieurs formes de destitution subjective.
L´une est faite au nom de la révélation d´un Dasein, d´une nature qui est pôle positif de donation de sens. Car
même si ce sens ne peut plus se poser comme production structurée d´un savoir
instrumental, il apparaît comme ce qui permet la jouissance de la proximité
rassurante avec un Dasein naturel (si
nous voulons utiliser un terme de Hegel) qui agit en nous. L´autre se donne à
travers la confrontation avec un objet (que parfois Lacan nomme aussi Dasein) qui garde l´opacité de ce qui ne
s´offre jamais comme positivité et qui permet au sujet de découvrir, dans son
rapport à soi, quelque chose de la non-identité des choses. Néanmoins, dans un
cas comme dans l´autre nous sommes devant la certitude que : "Les hommes ne sont humains que lorsqu'ils n'agissent ni ne se posent
en tant que personnes ; cette partie diffuse de la nature où les hommes ne sont
pas des personnes ressemble aux linéaments d'un être intelligible, à une ipséité
qui serait délivrée du moi (jenes Selbst,
das vom Ich erlöst wäre): l'art contemporain en suggère quelque chose"[48].
[1] GREEENBERG, Rumo a um mais novo Laocoonte in COTRIM et FERREIRA (org.) Clement Greenberg e o debate crítico, Rio de Janeiro: Jorge Zahar, 2001, pp. 52-53
[2] Voir, par exemple, Arnold Schoenberg
(1874-1951) in Prismes; Stravinsky et la régression in Philosophie
de la nouvelle musique et Alban Berg; le maître de la transition infime.
[3] Lacan, par exemple, dira que : “Le fetiche est
d´une certaine façon image, et image projetée ” (LACAN, Séminaire IV, Paris:
Seuil, 1994, p. 158)
[4] ADORNO, Dialectique négative,
Paris, Payot, 2000, p. 199
[5] ADORNO, idem, p. 201
[6] ADORNO, Prismes, Paris, Payot, 1986, p. 128
[7] LYOTARD, Plusieurs silences in Des
dispositifs pulsionnels, Paris: Chr. Bourgeois, 1990
[8] Cf. ADORNO, Ästhetiche Theorie,
[9] LACAN, Ecrits, Paris: Seuil, 1966, p.
12
[10] LACAN, S XI, p. 101
[11]
LACAN, AE, p. 183. Une
affirmation qui n'est que le déploiement de la définition canonique de Lacan
sur l'art comme mode d'organisation autour du vide de
[12] LACAN, AE, p. 195
[13] Voir, par exemple, KOSTELANETZ, Conversations
avec John Cage, Paris: Syrte, 2000, p. 236
[14] CAGE, Composition in retrospect
[15] Sur ce point, voir GOEHR, For the birds/
Against the birds: the modernist narratives of Adorno, Danto (and Cage)
[16] BAYER, De
Schoenberg à Cage,
[17] A propos du piano préparé, rappelons-nous comment
Max Weber insiste sur le caractère « d´instrument d´espace intérieur »
propre au piano, pour autant que le piano permet l´appropriation domestique de
presque tout le patrimoine de la littérature musicale ainsi qu´il est devenu au
fur et à mesure l´instrument universel d ´accompagnement et d´apprentissage ( Voir WEBER, Fundamentos racionais e sociológicos
da música, São Paulo;Edusp, 1995, p. 149). Il arrive à Weber d´affirmer que
la littérature pianistique se développe plutôt au Nord à cause d´une
« culture de la maison et de la home »
absente au Sud. D´ailleurs, l´éducation fondamentalement harmonique de la
musique moderne doit beaucoup à l´omniprésence du piano. En ce sens, la figure
du piano préparé, en annulant la fonction harmonique du piano en faveur des
exploitations pecurssives, signifie au même temps la négation de l´instrument
le plus lié aux possibilités du système tonal et la négation du dispositif
musical qui constitue la familiarité l´intériorité de l´espace domestique.
[18] Ces aspirations de spiritualisation de la vie
quotidienne ont été toujours présentes dans la musique nord-américaine depuis,
au moins, Charles Ives. Il y a ici quelque chose de l´ordre de l´auto
compréhension de l´ « Amérique » comme multiplicité présente
dans la vie ordinaire, comme espace libéré des hiérarchies et distinctions qui
ont marqué la « Veille Europe ». L´éclectisme de la musique de Cage
ne serait que le résultat d´un « retour à l´expérience ordinaire »
qui, dans l´age de l´urbanité, mélange tout. Ce teneur affirmatif d´hypostase
de la vie quotidienne sera, dans le cas de Cage, suivi d´un spiritualisme à
[19] KONSTELANETZ, Conversations avec John
Cage, op. cit., p. 77
[20] idem, p. 88
[21] CAGE, Silence, Paris, Denoël, 1970, p. 31
[22] KONSTELANETZ, idem, p. 306
[23] LYOTARD, Plusieurs silences, op.
cit, p. 282
[24] DAULHAUS, Schoenberg and the new music, Cambridge
University Press, 1987
[25] CAGE, Silence, op. cit., p. 33
[26] idem, p. 30
[27] idem, p. 5 (English version)
[28] KONSTELANETZ, Conversations avec John Cage, op. cit., p. 240
[29] CAGE, Silence,
op. cit., p. 32
[30] idem, p. 59 (English
version)
[31] CAGE, Silence, op. cit , p. 3
(English version)
[32] idem, p. 17 (English version)
[33] ROSEN, Sonat forms,
[34] KONSTELANETZ, Conversations avec John
Cage, op. cit, , p. 300'
[35] KONSTELANETZ, Conversations avec John Cage,
op. cit., , p. 258
[36] CAGE, Silence, op. cit., , p. 52
[37] KONSTELANETZ, Conversations avec John Cage,
op. cit., , p. 266
[38] LACAN, Séminaire I, Paris: Seuil,
1975, p. 258
[39] LACAN, Séminaire II, Paris: Seuil,
1978, p. 287
[40] LACAN, idem, p. 261
[41] LACAN, S XI, p.153. Sur quelques implications de cette affirmation lacanienne, voir
DAVID-MËNARD, Les contructions de l’universel, pp. 8-12
[42] LACAN,
[43] FREUD, Gesammelte Werke, vol XIII, p.
38
[44] Ce que Adorno comprendra clairement dans
ADORNO et HORKHEIMER, Dialectique des lumières, Paris : Gallimard,
1974, p. 245
[45] “La pulsion de mort est simplement le fait que
l´énergie n´a pas d´oreille pour l´unité (...)
[Elle] se marque dans des sautes de tension, ce que Klossowski appelle des intensités, Cage des events” (LYOTARD, Des dispositifs
pulsionels,op. cit., p. 282
[46] LACAN, Séminaire IV, Paris: Seuil,
1984, p. 254
[47] LACAN, Séminaire XXIII, Paris:
Seuil, 2005, p. 12
[48] ADORNO, Dialectique négative,op.cit,
p. 267