ESTHÉTIQUE MUSICALE


TECHNIE

ou

LOIS GÉNÉRALES DU SYSTÈME HARMONIQUE


§. 44. «Dans la question de mécanique désignée sous le nom de problème des cordes vibrantes, on considère la suite d'éléments qui composent une corde, comme autant de petits pendules oscillant de part et d'autre de leur position de repos, en vertue, non de la pesanteur, mais de la force qui produit la tension. On arrieve ainsi à déterminer la durée des oscillations par des moyens analogues à ceux dont on fait usage dans la théorie du pendule ordinaire.

»On voit par la nature de ces considérations que, dans le problème des cordes vibrantes, il n'est pas tenu compte des forces inhérentes à la matière dont la corde est formée ; lesquelles forces ceptendant doivent être mises en jeu par le fait même des oscillations, et peuvent, on le conçoit, modifier pluis ou moins le mouvement qui aurait lieu si la tension et l'inertie agissaient seules.

»Cette observation laisse entrevoir un moyen d'apprécier le rôle que jouent les forces moléculaires dans le phénomène des cordes en vibration ; car il suffira, pour faire la part de leur influence, de comparer les résultats de l'expérience à ceux de la théorie ; les différences, s'il y en a, devront être attribués à l'action de ces forces.» Telle est la base du travail du colonel Savart que nous ne pouvons suivre dans la description de l'appareil qui lui a servi à faire ses expériences.

Rien de plus facile en apparence que de faire vibrer une corde ou un fil métallique entre deux points fixes, après avoir déterminé son poids et la longueur qu'elle a entre les points d'attache, puis de la soumettre à des tensions variables, et de comparer le son obtenu à celui qu'assigne la théorie mathématique. Mais dans la pratique il se présente une foule de difficultés, car il faut placer la corde dans une position rigoureusement verticale ; il faut que les vibrations de la corde entre les points fixes ne puissent pount se propager au-delà de ces points, et, si l'on veut pousser les tensions jusqu'à leur extrême limite, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elles propr la tension et par aucune autre cause ; il faut donc éviter les plis, les ligatures et l'action des pinces. Or, le colonel Savart est parvenu à satisfaire à toutes ces conditions, et cela avec un succès tel, que, sur une centaine de cordes de toute nature, pas une seule ne s'est rompue aux attaches.

Il faut lire tous ces détails dans le mémoire même de l'auteur pour se faire une idée du soin et de la précision qui caractérisent les travaux de cet habile physicien. Certes, ce n'est ni aux expériences du colonel Savart, ni à celles de son frère, enlevé trop tôt à la science, que peut s'addresser le reproche de M. Fétis sur le manque de soin et de précision des acousticiens dans leurs expériences (1).

Nous donnons en note quelques extraits du mémoire du colonel Savart, dont la conclusion générale est celle-ci : « Pour avoir le nombre de vibrations que produit une corde tendue, il faut considérer cette corde dans deux états différents. On la suppose d'abord non élastique, mais soumise à la tenion ; on la suppose ensuite non tendue mais élastique. La somme des carrés des nombres de vibrations pris dans chacune de ces hypothèses est égale au carré du nombre de vibrations qu'exécutera ala corde quand elle sera à la fois élastique et tendue.» (2)


...Le beau travail du colonel N: Savart a été inséré dans le tome VI (septembre 1842) des Annales de chimie et de physique. Le court extrait que nous en donnons en fait connaître le but et les conclusions.

(1) «L'imperfection des appareils d'expérimentation et le défaut de soin et de précision dans les expériences ont introduit dans la science de l'acoustique bien des erreurs d'autant plus graves, que les mathématiciens s'emparant de faits mal constatés pour les soumettre au calcul, et les considérant comme des vérités démontrées, en on tiré des conséquences qui paraissent être en opposition directe avec d'autres faits démontrés dans la pratique de la musique (*)». (La musique mise à la portée de tout le monde, par F. J. Fétis, page 129 de la 5_e_ édition authentique. Paris, 1847, chez Brandus et Cie.)

(*) Nous ne partageons nullement l'opinion énoncée ici par M. Fétis ; nous déclarons, au contraire, que des expérimentateurs tels que Sauveur, Chladni, Biot, Arago, Dulong, les deux frères Savart, Wollaston, etc., nous inspirent tout autant de confiance qu'on peut raisonnablement en accorder à L'EXPÉRIENCE ELLE-MÊME. Il est vrai que nous ne pensons point qu'à l'aide de l'expérience seule on puisse s'élever aux grandes lois de la nature, ou, pour parler le langage de Kant et de Wronski, qu'on puisse s'élever à la VÉRITÉ par le moyen des SENS.

(2) l étant la longueur d'une corde, p son poids, P le poids qui la tend, n le nombre de vibrations que la corde exécute dans une seconde, on a : n=√((g P)/(l p)). Faisant P / p = t et √(t) = t', il viendra : n = t'√(g / l).

Or, si l'on ne considère que des cordes de même longueur, √(g / l ) sera un facteur constant. Si on le représante par c, l'expression de n sera transformée en la suivante : n = c t', équation qui ne renferme plus que deux variables. Le colonel Savart nomme tension le rapport t de P à p. Ceci posé on voit:

1° Que les nombres de vibrations sont proportionnels aux racines carrées des tensions ; 2° que, pour une tension nulle, la corde ne peut donner de vibrations ; 3 ° que, pour une même tension, le nombre des vibrations reste le même, quel que soit poids de la corde, et par conséquent quel que soit son diamètre. Telles sont les déductions de la théorie auxquelles M Savart a comparé les résultats de ses expériences. Or il est facile de comprendre que l'élasticite doit modifier ces résultats ; par exemple, il n'est pas vrai que pour une tension nulle, la corde ne peut donner de vibrations. Dans l'appareil de M. Savart, la longueur des cordes était constante et égale à 0decim,805, en prenant le décimètre pour unité de longueur. Cette valeur introduite dans celle de:

c = √(g / l), donne, g étant égal à 98,088, c=11,039 et par conséquent n = 11,039 t'.

Equation d'où l'on tirera le nombre de vibrations qu'exécuterait, sous une tension donnée, une corde quelconque placée sur l'appareil, dans la supposition où les forces moléculaires n'auraient aucune influence sur ce nombre de vibrations. Si, dans cette équation, on attribue à t' les valeurs successives 0m, 2m, 3m, .....m étant un nombre pris arbitrairement, on aura, pour les valeurs correspondantes de t, 0, m2, 4m2, 9m2 ..... et pour celles de P, 0, m2p, 4m2p, 9m2p ......

C'est de cette manière que le colonel Savart calculait les poids P exprimés en kilogrammes, à l'aide desquelles il tendait les cordes. Il résultait de là, pour les calculs et pour la représentation géométrique des faits, une régularité qu'on n'aurait pas obtenue en prenant pour P des valeurs purement arbitraires.

La corde soumise à l'expérience étant placée sur l'appareil, les opérations consistaient; 1° à charger suceessivement la corde de poids déterminés ; 2° à la faire vibrer sous chacune de ces charges ; 3° à noter chaque fois le son qu'elle rendait lorsqu'on l'ébranlait avec un archet. Pour avoir le poids exact de la longueur de la corde ou du fil métallique, l'expérimentateur pesait une longueur considérable de ce fil, et en déduisait celui qui appartenait à la longueur voulue. Des fils de cuivre rouge, de laiton du commerce, de fer, de fer recuit, d'acier, et enfin des fils de plomb ont été soumis ainsi à l'expérience. M. le colonel Savart cherchant une représentation graphique des résultats obtenus, a trouvé qu'en représentant par N les nombres réels de vibrations, par n ceux que donnent la théorie, et par v le nombre de vibrations de la verge pour une tension nulle, on pouvait considérer N comme l'ordonnée d'une hyperbole rapportée à son centre et à ses axes, mais dont les abcisses sont comptées sur l'axe idéal, et dont v est le demi-axe réel ; quant à n, c'est l'ordonnée de l'asymptote correspondant à N. D'où il résulte que l'on a : N2 = n2 + v2. L'équation de l'asymptote de cette branche d'hyperbole est n=11,039t'. (Voir le tome VI, septembre 1842, des Annales de chimie et de physique.)


Fil de fer. p = 0k,0003287.

t'tPnSonsN
(Expérience.)
N
(Calcul.)
00k
0,000
0#312001200
5025000,822552fab313111321
100100003,2871104sol#3+16201631
150225007,3951656ut-20302045
2004000013,1482208mib4+25002513
2506250020,5442760fa#430003009
3009000029,5833312la#4-35303523
345,1811915039,1663810"Rupture"

Fil de fer recuit. p = 0k,000314.

t'tPnSonsN
(Expérience.)
N
(Calcul.)
00k
0,000
0re#312001200
5025000,785552mi#313331321
100100003,1401104lab316381631
150225007,0651656ut420482045
2004000012,5602208mi4-25302513
244,045955418,700""Rupture."

Fil d'acier. p = 0k,00018053.

t'tPnSonsN
(Expérience.)
N
(Calcul.)
00k
0,000
0si2+970970
100100001,8051104solb314751470
200400007,2212208#424002412
3009000016,2483312la4+34563451
40016000028,88544165-45514521
42117726032,000""Rupture."

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