DICTIONNAIRE

DE

L'INDUSTRIE

MANUFACTURI'ERE,

COMMERCIALE ET AGRICOLE.

Instruments à cordes frappées, et dont les sons sont en nombre limité.

Pianos. On sait que dans le pianos des cordes métalliques sont frappés par de petits marteaux auxquels on imprime un movement de bascule, au moyen de touches rangées parallèlement, et dont l'ensemble forme ce qu'on appelle un clavier.

Les pianos on remplacé les épinettes et les clavecins depuis cinquante ans environ. On les a beaucoup perfectionnés depuis quinze ans, mais ils laissent encore beaucoup à désirer.

Primitivement, les pianos n'embrassaient que cinq octaves ; aujourd'hui ils en ont six et même six et demie. D'abord on ne mit qu'une corde pour une note donnée ; mais, pour renforcer les sons, on réunit plus tard trois et quatre cordes tendues à l'unisson. Des constructeurs, et entre autres Pleyel, son, il est vrai, revenus depuis aux pianos monocordes, en remplac,ant les triples cordes par des cordes simples d'une grande sonorité ; mais cet usage n'a pas prévalu. Le mouvement de bascule qu'exécutent les touches, sous l'action des doigts, se transmet aux marteaux, au moyen de petits leviers en bois sec et léger. Ce bois est plus ordinairement le sapin léger. Anciennement ces marteaux frappaient les cordes par-dessous, puis retombaient quand les doigts cessaient de presser les touches. Mais cette disposition était vicieuse, et elle a été modifiée, comme nous le verrons plus bas.

Quelle doit être, en effet, la fonction des cordes dans un piano bien construit? C'est de se mettre en vibration aussitôt que la touche a été pressée par l'exécutant, de revenir au repos dès que cette touche est abandonnée, et de passer ainsi de l'un de ces deux états à l'autre autant de fois et aussi vite que le demande le mouvement musical le plus précipité. Or, pour arrêter les vibrations des cordes, on a imaginé des étouffoirs, ou petites pièces de drap qui appuient sur les cordes quand la touche a été abandonnée par le doigt de l'exécutant. Il faut donc que le marteau puisse attaquer la cordes, et que l'étouffoir puisse presser celle-ci aussi promptement que possible. Mais dans l'ancienne disposition, si le doigt ne s'élève pas aussitôt qu'il a pressé la touche, le marteau manque son effet, et, en outre, si l'on doit recommencer à faire vibrer la corde, il faut laisser au marteau et à la touche tout leur mouvement de retour, pour ensuite appuyer de nouveau. Cet état de chose est incompatible, on le sent, avec une prompte exécution.

Les cordes qui donnent les sons les plus aigues sont seules dépourvues d'étouffoirs, attendu que la tension relative et le peu de longueur de ces cordes les font bien promptement revenir au repos. Les grosses cordes qui donnent les sons graves sont, au contraire, plus longues ; aussi, pour amortir les vibrations de ces cordes si fortes et si longues, on leur applique deux étouffoirs, dont l'un est placé vers le tiers de leur longueur.

On a remédié aux graves inconvénients que nous venons de signaler, par diverses combinaisons qu'il serait seperflu d'énumérer toutes, et qu'on pourra varier encore de bien des manières. On est parvenu à frapper les cordes plusieurs fois de suite, à de très courts intervalles, en laissant au marteau toute l'étendue de son impulsion. Sébastien Erard, l'un des premiers, a résolu ce problème de l'action complète et rapide des marteaux et des étouffoirs.

On s'accordait depuis long-temps à reconnaître que le meilleur système est celui qui fait frapper la corde par-dessus ; mais la difficulté de l'exécution arrêtait la plupart des fabricants, et ce n'est que depuis une dizaine d'années que la difficulté a été réellement résolue. On fait relever le marteau à l'aide d'un ressort, aussitôt que la touche est abandonné par le doigt, et, par cela même que la corde est poussé vers la table d'harmonie, ses vibrations en son plus nettes et plus franches.

Le placement des marteaux et de leur mécanisme au-dessus des cordes offre plusieurs avantages : 1° les cordes étant à 3 centimètres du fond de la caisse du piano, au lieu de 16 centimètres, distance anciennement observée, l'instrument peut être fait plus légèrement ; 2° quand on frappait par-dessous, le choc ne se transmettait à la table du fond que quand la corde revenait à sa deuxième oscillation ; 3° la table d'harmonie était coupée, ce qui, comme on le dira plus bas, produisait de graves inconvénients.

Les cordes des pianos, on le sait , tendues parallèlement à l'aide de chevilles métalliques qui entrent à frottement dur dans une pièce de bois d'érable que des vis retiennent à la caisse de l'instrument. La grande tension de ces cordes exigeant un certain degré de forces, les vis devraient être munies de têtes plates assez larges pour faire l'office de leviers puissants ; mais comme les cordes sont nombreuses et serrées, et qu'il y aurait trop peu de place pour ces têtes plates, on les remplace par des têtes carrées, auxquelles on adapte une clef. Le maniement de ces clefs, et la tension de ces cordes , demandent habituellement une main assez ferme. Pour permettre aux femmes les plus délicates d'accorder elles-mêmes leurs pianos, il suffirait de donner à la tête de la clef des dimensinos plus grandes. Pour prévenir la rotation des chevilles sur elles-mêmes, et la distension des cordes qui en résulte, on a aussi imaginé des chevilles à vis, et diverses autres combinaisons qu'il serait trop long d'enumérer.

Les cordes portent par une extrémité sur une forte traverse en bois, et par l'autre sur un chevalet sur lequel elles passent pour aller s'attacher aux chevilles.

La tension de chaque corde est de 10 à 15 livres, terme moyen, et la tension totale de près de 3 milliers. Les cordes les plus graves des pianos ont une diamètre plus considérable que celui des plus aigue"s ; mais c'est surtout par la diminuation progressive de la longueur des cordes qu'on obtient les divers degrés d'acuité nécessaires dans l'échelle diatonique.

Dans la plupart des pianos les cordes sont tendues horizontalement. Dans les pianos dits à queue, les cordes s'allongent perpendiculairement au clavier ; aussi la caisse suit-elle, à partir du clavier, la diminution de longueur des cordes, et va-t-elle en se rétrécissant en forme de queue.

Dans les pianos dits carrés, les cordes sont disposées parallèlement au clavier, qui occupe ainsi une partie de l'un des côtés de la caisse.

Comme ces deux espèces de pianos occupent une grande place dans les appartements, qui sont si étroits de nos jours, on a imaginé de placer les cordes dans un plan vertical, de sorte que la caisse est verticale elle-même, et ne prend pas même 18 pouces d'épaisseur horizontale. On a réduit aussi la largeur de ces instruments en tendant les cordes non dans les sens de cette largeur, mais dans celui de la hauteur.

La sonorité d'un piano serait bien maigre, on le comprend, si elle ne provenait que de la vibration des cordes seules. Les parties les plus minces de la caisse, et notamment le couvercle, pourraient, sans doute, partager quelques unes de ces vibration, et augmenter leur effet ; mais ce que résonne surtout avec les cordes, c'est une planche mince qui règne dans toute l'étendu de la caisse, et qu'on appelle table d'harmonie. Cette planche est placée près des cordes, parallèlement à elles, et porte le chevalet. Il y a aussi une autre planchette recouvre les cordes et, en dimiuant de largeur à mesure qu'elles sont moins longues, prend, comme les caisses des pianos à queue, une forme triangulaire. Cette planchette, que l'on enlève à volonte pour tendre les cordes, les remplacer au besoin, quand elles viennent à casser, n'est, en général, considérée, dans les pianos horizontaux, que comme un abri placé au-dessus des cordes, pour arrêter une partie de la poussière et les corps solides qui pourraient tomber, soit sur les cordes, soit entre elles.

Tant qu'on a frappé les cordes par-dessous, l'on a fait jouer les marteaux à travers des échancrures faites à la caisse et à la table d'harmonie ; mais ces coupures d'un grand nombre des fibres du bois diminuaient de beaucoup la sonorité. Du moment où l'on a frappé les cordes par-dessus, on a pu laisser dans leur entier et la caisse, et la table d'harmonie, et faire des pianos beaucoup plus sonores. La solidité de l'instrument a gagné aussi à cette emploi des caisses et des tables sans coupures. Auparavant on était obligé de recourir à des barrages en fer pour compenser l'effet de ces coupures. Cette disposition ingénieuse est employée aujourd'hui dans les piano horizontaux et dans les pianos verticaux ; elle donne même à ces derniers une puissance d'effet que les pianos à queue faits il y a quinze ans ne peuvent pas égaler.

Les pianos sont toujours munis d'une mécanisme qui soulève à la fois tous les étouffoirs, et permet de produire ces effets qu'on appelle brillants, mais auxquels on peut toujours reprocher la confusion qui résulte de la simultanéité des vibrations prolongées de tant de cordes non harmoniques. Le mécanisme qui soulève ainsi tous les étouffoirs rec,oit son mouvemet d'une pédale. Le jeu d'une autre pédale fait, au contraire, étouffer tous les sons. On emploie aussi, pour imiter le basson, une tringle de bois, laquelle se rapproche des cordes qui viennent l'effleurer à chaque excursion.

On a employé quelquefois un moyen simple et ingénieux qui permet de ne frapper qu'une ou deux cordes sur les trois qui rendent habituellement le même son, et d'amoindrir ainsi, pour rendre certains pasages, l'effet de l'instrument. Ce moyen consiste en un mouvement général de droite à gauche du clavier, des leviers et des marteaux. Ce mouvment ets transmis par une pédale.

Un facteur, nommé Roller, a eu recours à un mécanisme analogue pour produire un résultat bien autrement avantageux. Il fait porter, au mayen d'un mouvement commun de transport donné à tout le vlavier et aux marteaux, chaque marteau sur les cordes voisines à droite à gauche, de sorte que les touches font rendre des notes plus hautes d'un demi-ton ou d'un ton entier.

Cette transposition mécanique évite aux exécutants les difficultés des transpositions raisonnées qu'ils ont à combiner quand le chanteur qu'ils accompagnent trouve le morceau de chant noté trop haut ou trop bas pour sa voix, et veut sortir du diapason de l'instrument.

M. de Prony a émis le voeu que le système du piano fût enrichi d'une huitième octave grave, au moyen de cordes d'argent filées avec des fils de platine, disposées sur une table d'harmonie située au-dessous de la caisse, et mues par des pédales spéciales. La longueur qu'il faudrait donner à des cordes de cuivre pour leur faire rendre les sons de la huitième octave a empêché qu'on ne l'introduisît dans la construction ordinaire des pianos. Non seulement la nature de l'organe permettrait de réduire de beaucoup la longueur de ces cordes, mais il est probable, en outre, que les sons en seraient plus beaux. Ces pédales pourraient, il est vrai, gêner le mouvement de celles qu'on emploie déjà ; mais combien est-il d'amateurs qui tiennent à ces pédales et au bruit assourdissant qui résulte de la levée des étouffoirs? - Mieux vaudrait remplacer cette cause de cacophonie par une octave de beaux sons de contrebasse. Le mois grave de ces sons serait l'ut à une quinte au-dessous du son le plus grave des contrebasses d'orchestre.


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