TRÉFILERIE (Arts mécaniques). Les fils de fer, de cuivre, d'acier, etc., se font en passant des barres métalliques dans des filières successivement décroissantes, afin de réduire ces fils à l'épaisseur voulue. A l'article ARGUE nous avons déja donné quelque idée de ce genre d'industrie dont nous allons exposer ici les procédés. (V. fig. 6, Pl. 3 des Arts mécaniques.)

On se procure d'abord du fer, du cuivre, etc., de bonne qualité, exempts de toutes parties sulfureuses qui rendraient le métal cassant ; car la ductilité doit être la plus grand possible, surtout pour obtenier des fils fins. On soument d'abord le métal à l'action de marteaux pesant depuis 50 jusqu'à 25 kilog., pour le réduire en barres de diamètre convenable à la plus grosse filière. Ces marteaux ou MARTINETS sont mus le plus souvent par l'eau ; quelquefois on préfère passer la barre au LAMINOIR à gorge cylindrique.

Pour préparer le fer à passer dans la filière, on chauffe 6 à 8 pouces du bout, et l'on forge de manière ;a avoir une petite tige ronde et régulière d;environ 6 pieds de long. On l'amincit, on la taille sur l'enclume, et on remet toute la barre au feu de forge ; puis on l'étire à la filière, à l'aide d'ine machine. Il y a plusieurs appareils en usage, selon le dégré de force et de régularité qu'on exige ; nous les décrirons succesivement.

La fig. 3, Pl. 61 des Arts Mécaniques est le banc à tirer à levier. AB est un levier coudé ; on imprime au bras B, le plus long , un mouvement de bascule , par un mécanisme quelconque ; le court bras A en reçoit un de va-et-vient. D, E, est un madrier en plan incliné, sur lequel est fixement arrêtée une filière E, entre des chevilles a, a, qui sont implantées ; une tenaille i saisit le bout du fit, et étant tirée par l'effort du levier, force la barre ou le fil à traverser le trou de filière, et à se mouler sur son calibre. Quand la tenaille a opéré son mouvement d'ascension, la bascule la fait redescendre , et le tirant C, en la poussant en avant, force la tenaille de s'ouvrir pour aller saisir le fil un peu plus bas. Le mouvement se contunuant de la sorte, la barre entière passe à travers la filière. On la passe ensuite dans une filière de moindre calibre, et ainsi de suite.

Dans les grandes fabriques le mouvement est imprimé au bras B du levier par les dents de l'arbre d'une roue hydraulique qui, en pressant le bout, l'abaisse ; et quand la dent cess de presser, le bras A se relève et reprend sa première position à l'aide d'une corde attachée au bout d'une perche fixée au plafond par l'autre bout, et qui agit comme un ressort. Le poids des tenailles suffit pour les faire redescendre le long du banc, et elles s'ouvrent en lâchant le fil. Il y a de ces machines qui tirent 2 pouces de fil à chaque coup et donnent 48 coups par minute ; d'autres tirent 4 ou même 5 pouces, faisant une excursion par seconde.

Dans la fig. 4 le mouvement est imprimé au treuil A à bras, et avec les quatre leviers B. Du reste la tenaille D est tirée par la corde ou courroie C qui s'enroule sur le treuil. Ici le mouvement est continu.

Mais dans ces deux machines, l'action ne s'exerçant que par saccades, le fil n'est pas régulier, et l'on ne peur se servir de ces procédés pour faire des fils fins. Dans la fig. 5 le mouvement est transmis par un engrenage qu'on fait tourner avec une manivelle ; et comme on peut même y adapter un volant, le fil n'est jamais tiré tantôt vite, tantôt lentement, et est très regulier. On conçoit qu'ici le mouvement est peu rapide et uniforme, et que la compression de la filière ne permet pas au fil de prendre de l'expansion à sa sortie, comme cela a lieu dans le cas d'un mouvement vif. Pour obtenier des fils fins on est obligé de réduire peu à peu les gros fils en les allongeant par des tirages réitérés à travers des filières successivement plus petites. On se sert de la machine, fig. 6, qu'on meut à la main par la manivelle C. Les fils sont sur un devidoir D qu'on place dans un tonneau plein d'eau d'empois ou de bière aigre, afin d'enlever l'oxide de la surface du fil ; car à chaque tirage il faut recuire le fil pour l'adoucir et en détruire le nerf, ce qui couvre d'une couche d'oxide : les fils sont cassans quand on ne les a pas recuits. Les fils traversent la filière E, et viennent s'enrouler sur le cylindre tournant A.

L'appareil fig. 7 est très bien combiné pour fair des fils fins. Deux cylindres égaux A, R, tournent en sens contraire à l'aide de la manivelle D et du pignon S qui mènent les deux roues T et V ; mais l'un des axes de ces roues est seul commandé par l'engrenage ; car les roues sont montées sur des parties cylindriques de l'axe ; et un bout de cet axe est carré elle fait tourner le cylindre, tandis qu'elle tourne isolément quand la roue entre dans ce carré dans le cas contraire. C'est ce qu'on appelle en embrayage, en mécanique. Un levier l, v, qui a son centre de rotation en W, sert, en basculant, à mouvoir les deux roues sur leur axe, de manière que l'une passe sur le carré quand l'autre est poussée sur la partie cylindrique, et récipoquement, selon qu'on meut le levier dans un sens, ou en sens contraire. Ainsi l'une des roues fait tourner son cylindre quand l'autre le laisse libre, et céa tour à tour et au gré de l'ouvrier.

Or, lorque le fil est enroulé sur le cylindre R, qui ne fontionne alors que comme dévidoir, on fait passer ce fil sur le culindre A, en traversant la filière E, qui est percée d'un grand nombre de trous ; on opère ainsi à la fois sur plusieurs fils qui viennent s'enrouler chacul sur le cylindre A, où il y a des gorges dans lesquelles une barre de métal est adaptée de manière à les remplier exactement : et lorsque le dévidage est terminé, on passe les bouts des fils fans un plus petit trou de la filière , on engrène la roue V sur son arbre carré, en rendant à la roue T sa liberté ; et le même mouvement de rotation fait passer les fils du cylindre A, qui ne sert plus que de dévidoir, sur le cylindre R, et ainsi de suite. Après deux ou trois opérations de ce genre il fait recuire les fils ; on les fait passer sur une bobine M que meut la manivelle m.

Enfin la fig. 8 représente l'appareil qui sert à fabriquer les cordes de piano, et à fiare les fils de cardes pour le coton et la laine. A A A sont des rouleaux coniques montées sur des axes veritcaux qui sont menès par un engrenage placé sous le banc ; les dévidoirs E E E sont dans des barils pleins de l'eau acide qui décape les fils . Pour faire tourner ces rouleaux on les élève sur leur axe, afin de mettre en prise une barre traversant l'axe et située dans leur intérieur, avec deux gougeons qui arrêtent le rouleau sur son arbre. Quand le tirage est fini, on laisse tomber le rouleau, et il demeure immobile, quoique le mouvement continue.

La compression qu'éprouve le fil échauffe jusqu'à le rougir, surtout quand il a un fort diamètre. Le trou de la filière se détrempe peu à peu et finit par s'agrandir et se déformer. Le fil est donc inégal et d'un calibre variable dans sa longueur. Pour éviter ce défait on jauge de temps à autre les fils et on les examine, afin de réparer et retremper la filière quand on en reconnaît la nécessité.

L'épaisseur des fils est déterminée par une jauge ; il y en a de deux espèces : l'une est une fente, en angle fort aigu, pratiquée sur un plaque de tôle ; des traits et des numéros placés en divers lieux des côtés de cet angle marquent la distance des points opposés. On entre le fil dans l'angle et on l'y pourre le plus près qu;on peut du sommet ; le numéro auquel il s'arrête est celui du fil et en détermine le diamètre. La jauge de Limoges est un disque de fer dont le contour porte des échaucrures de différentes largeurs et numéros. On essaie celles de ces encoches où le fil entre juste.

On fait des fils de métal à Laigle, dans la Haute-Saône, l'Orne, etc., en Allemagne et en Angleterre. La fabrique de M. Mignard-Billinge, prèse de Paris, est une des mieux montées. On y tréfile même des pignons d'horlogerie. Les filières sont façonnées en conséquence, et le fil d'acier qu'on y passe prend à forme d'un très long pignon garnie de ses ailes. Les horlogers taillent ces fils de longueur, les réparent, les percent dans l'axe et y introduisent de force la tige qui doit porter les pivots.

La table suivante donne les poids des fils d'après leurs diamètres, et les numéros correspondans de la jauge de Limoges usitée dans le commerce. (V. à l'article ACCORDEUR ce qui a été dit des cordes de piano et de leurs numéros.)

[Num.
des
fils.]
DIAMÈTRES APPROCHÉSLONGUEUR
qui pèse une once.
en lignes,en millimètres.
Pied * pouces;mèt.
1un quartun demi40»= 12,999
2un tiers faibledeux tiers faibles32»= 10,395
3un tiersdeux tiers26»= 8,446
4un tiers fortdeux tiers forts23»= 7,471
5demie faibleun faible18»= 5,847
6demie justeun15»= 4,222
7demie forteun fort12»= 3,898
8idemidem10»= 3,248
9idemidem8»= 2,599
10deux tiersun et demie7»= 2,273
11deux tiers fortsun et demi fort6»= 1,949
12idemidem4»= 1,299
13à très peu près les mêmes nombres.
14trois quartsun trois quarts3»= 0,975
15unedeux26= 0,812
17une et un quarttrois18= 0,541
18une et demietrois et un quart14= 0,433
19une et deux tierstrois et demi12= 0,370
20deuxquatre1»= 0,325

Cette table servira à trouver le poids d'une longueure donnée d'un fil dont le numéro est connu d'après la jauge, et réciproquement. Plus le fil est gros, et plus son numéro est élevé. On fait des fils jusqu'au numéro 30, mais ils sont peu employés au-dessus du numéro 20. Ainsi un fil fut numéro 10 pesant 1 once quand la longueur est 7 pieds, il s'ensuit qu'une livre de ce fil a 7 fois 16, ou 112 pieds de long.

Les longueurs et diamètres cités dans notre table ne sont qu'approchés, ce qui suffit parfaitement pour le commerce ; mais si l'on voulait obtenier des nobres plus exacts, afin de procéder à quelque expérience de physique, voici la théorie et la formule dont on devrait se servir.

Soit v un volume de fer, et p le poids spécifique de ce métal ; x = pv est le poids du voleme v exprimé en grammes, v l'étant en centimètres cubes. Or un fil de métal long de l mètres est un cylindre dont le diamètre est d millimètres, le volume est ¼ π d2 l. Ainsi

x = ¼ π d2 l.

Nous prendrons la densité du fer p = 7,788 ; le poids x = 30,5941 grammes = 1 once ; et il viendra pour la longueur l d'un fil de d millimètres d'épaisseur pesant 1 once,

l = (123,1764/π p d2) = 5,0344 /d2 ;

formule qui donnera la longueur du fil, connaissant son épaisseur, ou réciproquement : on a log 5,0344 = 0,7019517. On fabrique aussi des fils très fins, dits carcasses , pour les usages des modistes, pour les cordes filées des instruments de musique, etc. Ces fils suivent un autre ordre de numéros, depuis 8 jusqu'à 30, en diminuant de diamètres.

Les fils d'acier exigent moins de force pour s'étirer que ceux de fer, mais ils sont aussi moins résistans et plus chers. On les emploie à mille usages : les aiguilles à tricoter, les alênes de cordonniers, les aiguilles à coudre, les cordes de piano pour les sons aigus, les cardes à laine, etc. Les fils de fer servent à faire des treillages de jardins, des carges, des grillages, des toiles métalliques, etc. On les réunit en cordes pour les machines qui exercent une grande force de traction, pour suspendre des corps très lourds, etc.

La mécanique a souvent besoin d'apprécier la résistance don les fils sont capables, et leur élasicite. Nous avons traité à l'article CORDES, le la force nécessaire pour les fléchir ; à l'article TORSION, de la force qu'elles développent pour se détordre, et de celle qu'on doit exercer pour les tordre d'[en] nombre de degrés donné, etc. ; mais il importe surtout de savoir calculer si un ou plusieurs fils de fer sont capables de porter un poids donné ; les expériences de M. Séguin, sur les ponts suspendus par des cordes en fils de fer, lui ont montré que chaque fil résiste à fort peu près à une tension de 60 kilogrammes par millimètre carré de section, et même de 80 kilogrammes pour les fils les plus fins ; tant le fer dont on les fabrique offre de ténacité lorsqu'on l'a pris d'un qualité convenable pour supporter le tréfilage. Un petit calcul donne la résistance de tout autre fil de fer, parce que cette force varie proportionellement aux surfaces de section, c'est-à-dire aux carrés des diamètres. Ainsi une corde composée de 30 fils dont chacun a 0,2 millimètre de surface transversale par section, porte 30 fois le poids qu'un de ces fils peur soutenir ; et ce fil portant les 0,2 de 60 kilogrammes, ou 12 kilogrammes, la corde, chargée de 12 fois 30, ou 360 kilogrammes, sera sur le point de se rompre, sans toutefois se briser. Bien entendu qu'on a soin de ne charder la corde que du tiers ou du quart de ce poid, pour ne pas courir le risque de la rompre ; surtout en considérant que tous les fils n'étant pas sans défauts, ceux qui sont faibles se briseraient, et ne devraient plus être comptés dans le nombre.

Le fil qui a 1 millimètre carré de section a 1mm,128379 pour diamètre, et peut porter 60 kilogrammes. Un autre fil dont le diamètre est un millimètre pourra donc porter un poids x que donnera la proportion

(1,128374)2 : d2 :: 60 kilog : x = (60 d2)/(1,128379)2

Ainsi on peut charger ce fil, sans le rompre, du nombre de kilogrammes

x = kd2, k étant = 53,17374, log k = 1,7256962.

Cette formule servira à résoudre toutes les questions qui se rapportent à la résisitance des fils de fer. Quand un fil de métal est chargé d'un poids p, et que la longueur de ce fil était l avant de le tendre, la tension l'allonge de la quantité.

y=(α p)/l

α est une constant que dépend de la nature du fil, et l'expérience fait connaître ce nombre dans chaque cas particulier, l est exprimé en mètres, p en kilogrammes. Cette équation suppose que le poids p n'approche pas de la limite où le fil serait rompu, car alors les conditions physiques seraient changées. Fr.


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