FORTÉ-PIANO, PIANO, FORTÉ (Arts mécaniques). On donne ces noms à un instrument de musique d'un usage très répandu, qui est composé d'une série de cordes métalliques parallèles, dont la longueur, la grosseur et la tension sont tellement combinées, que chacune rend un son particulier lorsqu'elle est frappée par un petit marteau : ce choc est imprimé par un mécanisme que met en jeu le mouvement des doigts, lorsqu'on les pose sur diverses pièces nommées touches, lesquelles sont rangées devant le musicien dans un ordre qu'il connaît : ce système de touches prend le nom de clavier ; et selon que l'on attaque ensemble ou successivement ces pièces les marteaux vont frapper les cordes de manière à produire des accords ou un chant déterminés. Les deux mains de l'exécutant sont occupées à la fois à toucher le clavier ; la gauche frappe ordinairement les sons graves qui servent d'accompagnement aux sons aigus que produit la droite. Le morceau de musique est écrit sur deux lignes, dont chacune est jouée par la main à laquelle elle est destinée. L'exécutant doit lire à la fois ces deux lignes, et en rendre l'effet musical, comme feraient deux personnes qui joueraient ensemble de deux instrumens. Les mesures et les durées de même valeur se correspondent verticalement, pour que l'oeil puisse les suivre l'une l'autre. Quelquefois deux musiciens, placés devant le même clavier, l'un près de l'autre, jouent ensemble ce qu'on nomme des parce que l'une rend les effets graves, l'autre les aigus d'une partition à quatre lignes.

Les sons du forté-piano ne pouvant être renflés et soutenus, comme ceux d'un violon, n'ont pas l'expression de ceux-ci, et n'exitent pas dans l'âme les sensations profondes et variées de à plupart des autres instrumens ; ces sons ont de la sècheresse et de la monotonie, et il faut un talent bien remarquable pour rendre agréable aux auditeurs l'exécution d'une sonate ou d'un concerto sur le forté. Mais son plus precieux avantage, celui qui le rend supérieur à tous les autres instrumens, et qui lui donne la grande renommée dont il jouit, c'est de tenir lieu, à lui seul, d'un orchestre ; c'est dans l'accompagnement des voix, dans les effets musicaux des concerts de société, dans les bals de nos salons ; enfin, dans la facilité que le compositeur y trouve pour aider son génie, qu'on en a remarqué la supériorité. La partition d'in opéra est mis sur le pupitre du piano, et lorsque l'exécutant est exercé à ce genre de traduction, il saisit à vue toutes les parties que doivent jouer les divers instrumens d'un orchestre, choisit celles qui ont le plus d'importance dans les effets que l'auteur a voulu produire, passe successivement d'une ligne à l'autre, lorsqu'il est nécessaire (car chaque espèce d'instrument a sa ligne sur la partition ; toutes ces lignes sont jouées ensemble, et une page entière de 10, 15 et 20 lignes, doit être exécutée à la fois, et lue d'un coup d'oeil par l'artiste), distiqué toutes les marches de basse, les accords principaux ; enfin, rend tous les effets comme ferait un orchestre entier. C'est assurement une des choses les plus surprenantes, et que mille personnes font chaque jour avec plus ou moins d'habilité, que de voir une pièce de musique très compliquée, dont chaque ligne exige le talent d'un artiste pour être jouée seule ; et qui pourtant se simplifié sous les doigts du pianiste, et se réduit la plus simple expression, sans rien faire perdre d'éssentiel à l'harmonie.

Indiquons maintenant la composition des fortés-pianos. Nous commencerons d'abord par exposer les détails relatifs à ceux qui sont les moins compliqués, nous parlerons ensuite des divers perfectionnemens qu'on y a apportés dans les dernières années ; car ce n'est que depuis 30 à 40 ans qu'on emploie ces instrumens, et qu'on les a substitués aux EPINETTES et aux CLAVECINS, instrumens ingrats dont on faisait jadis usage. (V. fig. 11, Pl. 25 des Arts mécaniques.)

Le forté-piano est renfermé dans une caisse rectangulaire de 27 centimètres d'epaisseur environ (10 pouces) ; dans ceux qui ne portent que 5 octaves et demie, la largeur est de 7 décimètres et demi (2 pieds 3 pouces), la longueur de 1m,84 (5 pieds 8 pouces) ; ces dimensions varient d'ailleurs selon les goûts ; elles sont un peu plus grandes quand le piano à plus d'étendue, car il y en a qui portent 6 octaves, et même 6 et demie ; cela signifie que l'instrument peut rendre tous les tons et demi-tons renfermés dans cette échelle diatonique, et comme il y a 12 demi-tons dans une octave, on obtient 80 sons, d'autant de touches au clavier, des pianos à 6 octaves et demie. Chaque son est rendu à la fois par 2 ou par 3 cordes tendues à l'unisson, que le marteau frappe et fair vibrer ensemble, ainsi qu'on va le dire en sorte que dans les fortés à 6 octaves et demie et à 3 cordes, il y a 80 fois 3 cordes, ou 240 cordes, tendues parallèlement dans la caisse, ces cordes ont d'ailleurs la tension, la longueur et l'épaisseur nécessaires la casse est montée sur quatre pieds, et quand elle est fermée par la planche qui la recouvre, elle présent l'image d'une table ordinaire, de 10 pouces d'épasseur ; on la fair en acajou r[remeaux]ux, qui compose un fort beau meuble de salon. L'épaisseur du bois de la caisse est de 2 centimètres (9 lignes) le bout est en bois de placage.

Les pieds entrent à vis sous la caisse, en sorte que pour la caler, il suffit de tourner l'un des pieds pour lui fair sortir de son écrou, ou l'y faire rentrer. La devanture de la caisse est brisée à la charnière, de manière à pouvoir ouvrir ou fermer le clavier, qui est placé de la sorte à la face verticale antérieure et à la hauteur des coudes d'un hom[tre.cas..pla] planche qui sert de couvercle peut même être soulever en plan incliné, comme un pupitre, en tournant sur des charnières placées au bord postérieur ; on le soutient sur des [d...etins] disposées en arc-boutant ; on élève à volonté ce plan, ou même on l'ôte, tout-à-fait, soit lorsqu'on veut mettre instrument d'accord ; soit pour laisser mieux sortir les sons, quand on joue dans une salle un peu vaste.

Nous avons décrit, au mot CLAVIER, la forme, la disposition parallèle, et les dimensions des touches. La longueur du clavier de gauche à droite est d'un mètre dans les pianos à 5 octaves et demie ; on ne peut guère dépasser cette étendue parce que les mains seraient atteindre aux deux limites extrémes. La largeur du clavier est 15 centimètres (5 pouces et demie) il est ainsi renfermé dans une petite enceinte rectangulaire mais la planche longitudinale qui le sépare de la caisse peut être enlevée, afin de retirer les leviers pour y retoucher, lorsqu'il est nécessaire ou pour ôter la poussière, etc.

Nous avons représenté (fig. 10, Pl.25 des Arts mécaniques) l'un A B de ces leviers ; c'est une règle qu'on fait en bois bien sec pour qu'elle ne se dejette pas, on préfère le sapin, qui est [très] léger. La partie A est visible sur le clavier ; elle est [vêt...]d'une lame d'ivoire ou d'ébène, qu'on y a fixée par de la colle-forte. En C est un trou évasé en dessus, dans lequel e[nse..c.ne] broche ; la pièce A B est mobile en basculant sur l'appui c, qu'on garnit en dessous d'une rondelle en drap i, pour empêcher le bruit que causerait le choc du bois. Un arrêt O, placé sous la touche, l'empêche de descendre trop das le levier reste incliné sous la pressions que le doigt exerce en A ; mais il reprend la position horizontale dès qu'on le quitte parce que la partie C B est beaucoup plus longue et plus lourde que A C, et le poids de B l'emporte. Ce levier a 15 à 16 pouces de long. (38 à 40 centimètres). Tous les appuis C sont disposés en ligne droite longitudinale ; seulement les touches des demi-tone éant moins avancés sur le clavier; l'appui C est un peu réculé pour des leviers des dièse et bémols, en sorte que toutes ces pièces sont égales en longueure et en calibre.

Quand on baisse la touche A, la partie C B du levier monte au contraire. Un taquet porte au bout d'une petite tige de laiton D, fixée perpendiculairement, s'élève aussi, et va choquer la pièce D, dont le centre de rotation est en N, et qui pporte elle-même la tige verticale et le taquet F. Cette tige monte donc aussi par l'influence de levier, et va frapper la petite pièce de bois P tout près de son extrémité; cette pièce porte en R un tampon de bois garni de buffle ; c'est le marteau qui frappe à la fois deux ou trois cordes placées au-dessus ; sur le manche P et le bout N de la pièce E N sont fixés à des pièces de cuir l, l, attachés à un bois solide Q N ; ces bois sont des tringles carrées longitudinales, chargées de porter tous les cuirs de ces marteaux ; rangés parallèlement ; chacun au-dessus du levier qui doit l'attaquer. On voit donc que quand on presse la touche, l'impulsion se communiqué au marteau qui [saute] jusqu'à la corde pour la frapper en dessous ; et la disposition des parties de cet appareil est tel, que chaque pièce choque la voisine perpendiculairement à sa direction ; car il faut dire que la pièce E N, et surtout le marteau Q R, n'étaient tenus que par le cuir, l, l, d'attache, pendent en plan incliné par leur poids. Une tige vertical M en laiton, fixée au fond de la casse et passant dans un trou fair au levier, le maintient et le guide dans sa course.

Comme les cordes frappées continuent de vibrer d[evant] quelques instans après le choç et que les sons persévèrent au même temps qu'on frappe quelque aitre corde, on conçoit qu'il résulte de cette disposition un effet désagréable d'oreille, ainsi que cela arrive aux cloches des CARILLONS que la coïncidence de sons qui forment des discordances choquantes, mais l'on pare à cet inconvénient par les étouffoirs ; ce sont de petites pièces de drap qui pressent sur les cordes pour en arrêter les vibrations, dès qu'on abandonne les touches. Voici le mécanieme qui produit cet effet. Le bout postérieur P ['a le] levier attache, et soulève une autre tige vertical en b[aissant]qui est entrée librement dans un trou de la planche laquelle est soutenue par un bouton d ; cette tige, poussée de [plus en] haut, soulève à son tour la pièce H L mobile en L, [possédée en] H un petit morceau de drap ; cette pièce porte un ch[arni'ere de] et quand on pose sur la touche, elle s'élève et laisse vib[rer] la corde ; mais dès que la touche revient à la position horizontale, H L y est de suite ramenée, et la tige d k se retomb[ée] parce que H L est pressée par un faible ressort b, forme d'un simple fil de laiton. L'élasticité suffit donc pour rabattre l'étouffoir H L sur la corde, quand on cesse de poser sur la touche. Dans l'inaction, la corde est sans cesse pressée sous le drap de l'étouffoir, mais dès qu'on presse une touche, de suite cette pièce H L est soulevée, même avant que le marteau ait atteint la corde. On ne met pas d'étouffoir aux cordes des octaves aiguës, parce que ces cordes étant très courtes et f[or]tement tendues, leurs vibrations ont trop peu de durée.

La fig. 11 montre le plan de tout l'appareil. En A B est le CLAVIER, dont on voit les touches de tons et demi-tons, a[insi] qu'on l'a décrit à son article. (V. l'article CLAVIER et la Pl. des Arts physiques). En CD sont les leviers disposés parallèlement. La pièce trapézoïdale U K L M soutient tous les étouffoirs ; chacun presse en dessus les 2 ou les 3 cordes du [..] qu'il doit détruire. En I K est la tringle qui retient tou[s les] cuirs des marteaux, lesquels obéissant aux impulsions communiquées par les leviers C D, vont frapper les cordes par-dessous. Tout le trapèze L M K I est maintenu par des vis, et peut être enlevé avec les étouffoirs qui y sont attachés, quand on veut faire les réparations, ou remmetre les cordes cassées. Sous les cordes, et parallèlement à I K, sont fixées des tringles qui servent d'attache aux cuirs des marteaux, comme cela a été expliqué.

Il s'agit maintenant d'expliquer ce qui se rapporte à la tension et à la disposition des cordes ; elles sont attachées par un bout à la pièce L M, et tendues parallèlement par des chevilles N P, rangées et numéretées comme il à été dit au mot ACCORDEUR. Un chevalet F E G est destiné à reduire la longueur de la partie vibrante de chaque corde à l'étendue convenable. Voici comment ces cordes sont tendues :

Tout le long du bord postérieur de la pièce L M, et sous les étouffoirs, sont implantées de fortes goupilles en laiteon ; on fait une boucle à l'extrémité du fil de métal en le tortillant, et l'on passe l'oeil de cette boucle dans l'arrêt de la goupille ; au bord antérieur de cette même pièce L M, est une autre rangée de goupilles qui servent à arrêter le fil ; celles-ci rètient le long d'une espèce de chevalet nommé sillet : c'est à partir de ce point que la corde est libre et peut vibrer. Sur le contour du chevalet F G sont aussi implantées des goupilles qui maintiennent les cordes et déteminent le point où les vibrations doivent s'arrêter ; de là les cordes se rendent chacune à la cheville qui les tend.

La corde est contournée de 8 à 10 tours, et serrée sur la cheville ; ces tours passent sur le bout de la corde, et l'empêchent de glisser par le seul effort du frottemment, ils vont de droite à gauche, en se supposant placé dans l'axe. La cheville est cylindrique, à surface rugueuse, et entrée à frottement dans un trou rond juste de même calibre, pratique au bois N P qui garnit le fond de la caisse ; la tête de la cheville est quadrangulaire, et l'on a une clé forée en carré pour la tourner dans son trou en appuyant. Cette clé a la forme d'un T (fig. 13), dont le bas de la tige est foré, et les branches servent de marteau pour faire entrer les chevilles en les frappant, comme on ferait un clou, lorsqu'on remarque qu'ellles ne mordent pas assez sauf la simple pression du poignet. Le haut du T porte un crochet pour fair la boucle des cordes.

Comme la tension de toutes ces cordes est considérable (on l'évalue à 10 ou 15 livres, ce qui , pour les 240 cordes dùn piano à 6 octaves et demie, produit une tension des trois milliers), on conçoit que les extrémites des cordes tendent à se rapprocher sous l'effort. La pièce L M, et celle qui reçoit les chevilles N P, doivent donc être très solidement implantées dans la caisse, puisqu'elles sont chargées de résister à une pression continuelle qu'on peur regarder comme énorme. Elles sont en érable épais, et vissées à la caisse ; souvent même on les maintient à distance par des tiges de fer qui les lient ensembles.

La parties des cordes qui s'étend du chevalet aux cheviles, ne doit pas vibres sous l'influence des cordes que les marteaux, et l'on sait qu'il y a des circonstances où celles qui sont les plus longues vibreraient par cette cause (V. CORDES [et] SON) ; ce qui introduirait dans les accords des sons étrangers. On s'oppose à ces vibrations anomales en faisant serpenter entre les cordes une bandalette de drap r s dans la portion V[] qui ne doit pas vibrer.

Le diamètre des cordes et leur longueur dépendent des sons graves ou aigus qu'elles doivent rendre. Aux mots ACCORDEUR et CLAVIER, nous avons expliqué les usages adoptés, et nous ne reviendreons pas sur ce sujet. Nous ferons seulement remarquer que, 1°. l'instrument est à sons fixes, et par conségent soumis au tempérament (V. CORDE) ; 2°. les deux ou trois cordes de chaque touche que le même marteau frappe, doivent être à l'unisson ; 3°. les règles prescrites au mot ACCORDEUR pour la grosseur et la tension des cordes sont de rigeur ; 4°. enfin, les cordes des sons graves étant plus longues et plus grosse, doivent être attaquées avec plus de force ; et comme il convient que à main le l'exécutant soit également chargée dans tous les cas, on a choisi une disposition qui remplit cet objet, en donnant aux centres de mouvement des marteaux la situation oblique I K. Les leviers on mêmes longueurs, mais les marteaux les plus longs sont destinés aux sons les plus graves, et le point où s'exerce l'action qui les mont est aussi plus rapproché du centre. Il faut encore ajouter que les étouffoirs des cordes graves sont plus longs et remplissent mieux leur objet.

Pour varier les effets musicaux de l'instrument, on a imaginer les pédales ; ce sont des lames de bois placées près du sol, et sur lesquelles on peut poser lùun des pieds. Chacune de ces lames est à charnière à sont extrémité postérieure, qui est attachée sur in montant de bois fixe par en haut sous la caisse. On décore ce montant le sculpture ou d'ornemens en cuivre doré. Une tige verticale en fer est attachée par un bout au milieu de la pédale, et entre dans la caisse par-dessous, en passant dans un trou. On conçoit qu'en posant le pied sur la pédale, la tige sera tirée en bas, et que sans interrompre l'exécution du morceau de musique, on pourra changer par cette force quelque chose aux dispositions intérieures.

On a beaucoup varié les effets produits par les pédales, et nous ne pourrions entrer ici dans les détails que ce sujet comporte, sans étendre beaucoup trop cet article. Nous nous bornerons à indiquer les fonctions des trois pédales le plus ordinairement employées. L'une élève tous les étouffoirs, de manière à laisser aux cordes leurs entières vibrations, ce qui donne de l'éclat aux sons : certains passages permettent l'emploi de ce bruyant auxiliaire. L'autre étouffe, au contraire, tous les sons, même lorsque le marteau frappe les cordes, ce qui efface subitement toutes les vibrations, et donne aux sons une qualitié particulière qui produit aussi son effet. Une tringle de bois qui vient friser toutes les cordes, contre lesquelles elle se pose, donne aux sons une qualité particulière, en sorte qu'ils imitent ceux du basson, etc. Sans que nous ayons besoin d'entrer dans plus de détails, nos lecteurs se représenteront aisément comment les pédales peuvent réaliser ces differens effets.

Toutes les cordes sont disposées parallèlement dans un plan horizontal ; au-dessous est fixée une planche de sapin de 35 millimètres d'épaisseur (15 lignes), qui, semblable aux tables du violon, entre en vibration avec les cordes, et donne du corps au son de l'instrument : c'est qu'on appelle la table d'harmonie. Enfin, au-dessus de toutes les cordes, et dans l'étendue I C D E F G, on pose un planchette de sapin très mince, taillée dans la forme convenable, et soutenue par des tasseaux à quelque distance des cordes ; cette planchette a pour objet d'émpècher l'introduction des ordures et de la poussière, lorsqu'on joue le piano étant ouvert. On l'enlève et remet à volonté. Quant à la manière de mettre en piano d'accord, comme nous en avons traité à part, nous ne reviendrons pas sur ce sujet. (V. ACCORDEUR.)

Il nous reste maintenant à parler des perfectionnement qu'on a fait subir à la construction des fortés-pianos ; ces détails sont si nombreux et si délicats, qu'il serait hors de proportion avec notre Dictionnaire d'exposer tous ces changemens, parce qu'il faudrait y donner une étendue trop grande pour faire comprendre ces descriptions. Nous nous bornerons donc a parler des plus importantes modifications.

La plus remarquable est celle de la forme meme de l'instrument ; les pianos à queue sont certainement préférables à ceux qu'on vient de décrire, parce que les sons sont mieux nourris et plus nerveux. On nomme pianos à queue, ceux qui ont une forme triangulaire, ou en triangle rectangle tronqué au sommet. A la base de ce triangle est situe le clavier ; les cordes au lieu d'être tendues dans la caisse de gauche à droite, le sont du sommet à la base ; les chevilles ne sont plus implantées vers la droite, mais en devant, le long du clavier, ce qui rend l'accord beaucoup plus facile à produire, parce que la position de l'accordeur n'est pas génante. Les boucles des cordes et les goupilles qui les retiennent sont donc rangées loin de celui-ci, et les chevilles devant ses yeux. Comme il faut une grande épaisseur au bois où ces chevilles sont implantées pour résister à la tension, il a fallu disposer cette partie de l'appareil au-dessus du clavier, en sorte que les cordes, au lieu de descendre du chevalet jusqu'à la cheville en s'appuyant sur celui-là, comme cela arrive aux pianos ordinaires, montent au contraire pour arriver à la cheville. Il a donc fallu retenir les cordes dans un plan horizontal par un procédé particulier.

Chaque corde, après avoir passé sur le chevalet et s'être étendue dans toute la longueur où elle doit vibrer, arrive au sillet, où elle rencontre un espèce d'anneau fendu, dans lequel elle entre et se trouve arrêtée par simple pression de bas un haut ; de là elle monte vers la cheville.

Les marteaux sont disposés de manière à frapper la corde assez près de ce sillet de nouvelle espèce ; et pour maintenir les parties contre la pression qui tend à rapprocher les deux extrémités, des tiges de fer de deux centimètres d'épaisseur sont interposées, et tendues elles-mêmes par des écrous qui entrent dans des vis aux deux boouts, et fixés aux tables de l'instrument.

Le clavier est dans une sorte de caisse qu'on peut mettre ou ôter à volonté ; cette caisse se loge à sa place comme un tiroir ; une forte lame de ressort fixée sur le bord de la caisse le presse latéralement pour le maintenir en son lieu, ou l'y ramener lorsqu'on l'a déplacé. Ce tirour, qui contient le clavier, renferme aussi tous les levier et les marteaux. Une pédale, qu'on peut presser avec le pied, communique à ce tiroir un petit mouvement de droite à gauche, d'où résulte que chaque marteau ne se trouve plus que sous une ou deux des trois cordes qu'il doit frapper, ce qui appauvrit tout à coup le son, et prête à des effets d'harmonie assez intéressans. Nous avons donné, fig. 12, les détails de l'échappement d'Ehrard ; pour montrer la disposition des marteaux ; en voici la description.

Dans la manière dont les marteaux attaquent les cordes des pianos ordinaires, on trouve plusieurs défauts : le choc est souvent paresseux à cause de quelques vices de construction ; le marteaux doit sauter sour la corde pour la frapper, et la quitter aussitôt en retombant par son poids ; mais si le doigt continue de presser la touche, ce marteau manque souvent cet effet ; enfin, le doigt ne peut répéter le même son qu'en quittant la touche pour la frapper de nouveau ; mais il faut, pour que la corde parle, qu'on laisse revenir la touche à sa situation primitive ; une moitié ou un tiers du chemin ne suffirait pas pour que le levier produisît un nouveau choc.

M. Ehrard avait paré à la plupart de ces inconvéniens, non-seulement en mettant beaucoup de précision dans les ajustemens, mais en apportant des modifications importantes aux dispositions de l'appareil. Le manche du marteau était percé au-dessus de la tige F (fig. 10) qui le pousse, et ce trou, en V, était en plan incliné par-dessous : la pièce F, qu'on nomme le pilote, poussait d'abord le marteau en haut, puis entrait tout-à-fait dans le trou pour laisser retomber le marteau par son poids. Ce mécanisme était-fort ingénieux, mais ne remplissaît pas entièrement l'objet qu'on se proposait.

Nous avons montré (fig. 12) la nouvelle disposition que cet habile artiste a imaginée ; A est la touche, A B le levier, C l'axe sur lequel se fait la bascule ; D est la tige qui pousse la réglette E N, mobile en N, où elle est attachée sur un support à son axe de rotation ; la pression exercée sur la touche, pousse en haut cette réglette E N, laquelle fait à son tour tourner la tige L I autour de l'axe I, et presse en L le manche qui fait sauter le marteau R. Ce manche est attaché par un axe de rotation à la pièce fixe ou barre Q. En même temps que la pièce L I fait sauter le marteau R, le ressort r r, formé d'un simple fil de laiton coudé en V, soulève aussi la pièce L I qui met en jeu le marteau ; celui-ci est une rondelle qui en montant rencontre le pilote S, dont la tête à surface courbe frotte sur le buffle du marteau, le dirage et le maintient dans le choc. Cette pièce S entre dans une fenêtre longitudinale pratiquée au manche du marteau, dans laquelle elle joue librement. Le marteau saute d'abord pour attaquer la corde, et le pilote le retient à peu de distance de celle-ci, à moin que le doigt ne cesse de presser la touche. Par cette ingénieuse disposition, on peut faire rapidement résonner plusieurs fois la même corde, sans presque lever et baisser le doigt sur la touche.

Dans les grands pianos à queue d'Ehrard, le chevalet en E est interrompu au milieu, et forme deux pièces qui ne sont pas jointes bout à bout, afin de laisser aux cordes du milieu une longueur plus convenable, et éviter les effets du travail d'un bois contourné sur une dimension trop étendu. Les cordes graves sont soumises à l'action de deux étouffoirs, dont l'on atteint jusqu'au tiers de la longueur : les sons de ces cordes sont si pleins, qu'un seul étoouffoir placé trop près de la cheville ne suffit pas pour éteindre le son.

L'étouffoir H consiste dans une houpette de soie qui, dans l'état ordinaire, presse la corde par-dessous, parce qu'un petit ressort de fil de laiton p q pousse la tige k qui le porte, et tend à l'élever. Lorsqu'on pose le doigt sur la touche A, en même temps que l'extrémité B s'élève, le petit bois V forme levier, en s'articulant en f, et s'aboisse ; la pièce de cuivre m pousse en bas l'étouffour, en appuyant sur un mantonnet a.

Pour mieux montrer l'effet, nous avons supprimé dans la figure plusieurs détails, et particulièrement les pièces dont l'objet est de maintenier tout en place et de régler les mouvemens. Ce mécanisme est un des plus ingénieus qu'on ait imaginés : l'effet en est assuré. Il est inutile de dire que chaque touche porte un appareil semblable à celui qu'on vient de décrire ; et toutes ces pièces sont si exactement ajustées, qu'on les voit alignées avec une régularité singulière, et que leurs mouvemens se font avec une précision parfaite.

La fabrique la plus étendue de harpes et de fortés-pianos, est sans contredit celle de M. Ehrard, rue du Mail, à Paris : vingt ateliers, où 200 ouvriers sont sans cesse occupés, sevent à construire jusqu'aux moindres pièces qui entrent dans la composition de ces instrumens, et même les outils qui sevent à les confectionner. Il y a une scierie mécanique pour le débit du placage d'acajou et des autres bois nécessaires au travail ; une forge pour le fer et l'acier ; des ateliers de collage, de placage, de peintures et vernis, d'ouvrages au tour, d'ajustemens, etc. ; enfin, on y voit un superbe salon, servant de magasin pour la vente des instrumens, Une qualité principale qu'on leur accorde généralement, c'est d'être très durables ; car l'âge, qui rend meilleurs les violons, violoncelles, etc., détruit au contraire les fortés, parce qu'il donne du jeu aux pieces ; on entend alors les petits leviers se frotter et rendent un son de bois très désagréable, J'ai vu des pianos d'Ehrard vendus depuis 40 ans, et qui étaient encore excellens, L'un des frères Ehrard vient de mourir ; mais celui dont le génie inventif s'est fait le plus remarquer, et qui a été décoré de la croix le la Légion-d'Honneur, continu de dirigier ce bel établissement et de l'enrichir de ses découvertes. Nous reviendreons sur ce sujet en traitant de la construction des HARPES. Je regrette que l'espace me manque pour signaler beaucoup d'inventions ingénieuses dues à cet habile artiste.

On distingue aussi les pianos de M. Petzold ; ils sont construits avec un talent très remarquable. Ceux de MM. Pape, Pfeiffer, Freudenthaller, . . . . , enfin, ceux qu'on construit à Vienne en Autriche, sont aussi très renommés. M. Roller à récemment imaginé de tirer parti du movement qu'on peut donner latéralement au clavier entier, pour porter les marteaux exactement sous les cordes du demi-ton voisin, soit à droite, soit à gauche, et par conséquent hausser ou baisser tout le diapason d'un demi-ton. Ce perfectionnement, qui a pour but d'éviter le travail singulièrement difficile des transpositions, lorsqu'un chanteur trouve le diapason de l'instrument trop haut ou trop bas pour sa voix, n'ayant pas encore reçu l'épreuve du temps, nous nous bornons à indiquer ici.


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