En exclusivité sur Vigile
Portrait d’un Chef: Françoise David
Deuxième article
25 février 07
par Normand Perry
Cette seconde partie d’entrevue
fermera le volet "Portrait d’un chef: Françoise David". Il
serait bon de rappeler que cette entrevue fut réalisée le
9 février dernier. Mon intention était au départ
de la faire publier en trois volets, mais l’appel aux urnes
lancé la semaine dernière par le premier ministre du
Québec précipite beaucoup de choses.
Contrairement au volet
consacré à Mario Dumont, je vais m’abstenir, au terme de
cette publication d’entrevue avec Françoise David, de commenter
les idées dégagées dans cette interview. La raison
en est fort simple: dans un communiqué publié
aujourd’hui, j’annonce publiquement que je vais briguer l’investiture
de Québec solidaire dans la circonscription de Beauharnois,
où j’ai l’intention de défendre les idées, les
valeurs et le programme de Québec solidaire, et tenter de me
faire élire député de Beauharnois à
l’Assemblée nationale du Québec. Conséquemment,
cette chronique sera suspendue pour le reste de la campagne
électorale.
Étant donné que
l’entrevue avec Françoise David fut réalisée
presque deux semaines avant le déclenchement des
élections générales au Québec, j’ai soumis
la seconde partie de l’entrevue à l’éditeur de Vigile,
monsieur Bernard Frappier, et lui seul jugera pertinent ou non de la
publier. Mais puisqu’il ne s’agit pas d’un résumé
d’entrevue (donc soumis à une certaine forme de jugement
très subjectiviste de l’intervieweur), mais plutôt d’un
véritable verbatim, j’ai cru approprié de soumettre le
texte tel quel.
****
NP: Au terme de la crise de leadership
qu’a vécue le Parti québécois récemment, on
entend souvent le chef André Boisclair dire que sa formation
politique se définit en une social-démocratie
renouvelée. Quelle est votre analyse par rapport à cette
nouvelle mouture du PQ?
FD: Bien, nous serons en mesure d’en juger la véritable
pertinence au moment où la version finale de la plate-forme
électorale du PQ sera dévoilée. Mais il
m’apparaît assez évident que lorsque monsieur Boisclair
parle de renouveler la social-démocratie, il s’inscrit
exactement dans la ligne de pensée du Premier Ministre
britannique Tony Blair. Franchement! Pour nous, c’est à peine de
la social-démocratie, surtout lorsque nous constatons le
côté militariste de son gouvernement, c’est assez navrant.
Aussi, il y a beaucoup de privatisation à l’intérieur de
la Grande-Bretagne, et, dans plusieurs cas, ces privatisations sont
regrettées par beaucoup d’Anglais.
NP : Donc ils ne sont pas sortis du
Tatchérisme?
FD: Ah! Sûrement pas dans ses aspects les plus
épouvantables. Et en suivant cette ligne de pensée, je
crois que monsieur Boisclair fait totalement fausse route en voulant
revoir le "modèle québécois", qui est un
modèle de concertation, de partenariat. Je veux bien admettre
que ce modèle nécessite des améliorations en ayant
de meilleurs programmes sociaux, et j’en serais très
étonnée de la part du chef péquiste. Car il faut
laisser une place à la justice sociale, chose que semble
complètement escamoter le discours de monsieur Boisclair!
J’ai connu monsieur Boisclair dans une autre vie, lorsqu’il
était ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale,
lorsque nous avons eu la marche des femmes de l’an 2000. Monsieur
Boisclair, tout ce qu’il avait à donner aux femmes pauvres et/ou
sur l’aide sociale, ce fut 13 millions sur trente mois. Ce qui
était parfaitement ridicule. Non, monsieur Boisclair n’ira
résolument pas vers une lutte à finir à la
pauvreté, je n’en crois pas un mot et pas un instant! Bon, il
mettra l’accent sur l’éducation, sur l’environnement, sur la
souveraineté (je suppose…); mais il nous annonce
déjà qu’il veut abolir la taxe sur le capital pour les
entreprises, et cette mesure ne sera remplacée par rien d’autre.
Aucun effort fiscal additionnel ne sera demandé, même aux
grandes entreprises! Cela n’est d’aucune manière le point de vue
de Québec solidaire. Donc la nouvelle social-démocratie
du PQ sera très édulcorée.
Quant à Québec solidaire, je dirais que nous sommes
à gauche de la social-démocratie (quoi que je n’aime pas
trop les étiquetages) et nous ne sommes surtout pas
d’extrême-gauche non plus. Moi, ce que j’ai envie de dire aux
gens, c’est que nous allons parler de nos valeurs, de nos engagements,
eh oui, nous sommes à gauche, car lorsque nous parlons de
justice sociale, nous parlons d’un véritable partage de la
richesse. On nous dit qu’il faut la créer, la richesse. Pas de
problème, mais on va la créer dans une vision
écologiste et dans une vision d’appropriation collective de
notre richesse. Y aura-t-il une place pour l’entreprise privée
à Québec solidaire? Certainement que oui, mais pas
n’importe quoi et surtout pas à n’importe quel prix! Pas en se
soustrayant aux droits du travail, à l’impôt, aux
règles environnementales, nous allons être
extrêmement fermes sur nos convictions les plus fondamentales
à ce propos. Et nous encouragerons des formes d’entreprises plus
collectives, comme les coopératives. Dans certains cas, et pour
le moment, nous n’avons qu’une seule proposition de nationalisation,
c’est celle de l’éolienne, pour que les retombées
économiques nous profitent à nous comme
collectivité québécoise et non à
l’économie de l’Alberta. Mais même à
l’intérieur de ce projet de nationalisation de
l’éolienne, nous laissons de la place à des initiatives
de coopératives mises sur pied par les MRC et/ou
communautés locales; on fait donc appel directement à la
participation des régions et à la participation
citoyenne. Cela est d’une très grande importance pour nous.
Alors ça, ce n’est pas le genre de choses de monsieur Boisclair,
voyez-vous? Rappelons-nous le vote majoritaire des membres du PQ
à la nationalisation de l’éolien et qui fut
cavalièrement refusé par André Boisclair.
NP: Au moment où la question
des accommodements raisonnables est devenue une affaire couverte
quotidiennement dans l’actualité, il y a eu plusieurs
observateurs pour reprocher à QS d’être assez distant par
rapport à ce débat public. Maintenant que le premier
ministre du Québec a décidé de mettre sur pied une
commission d’enquête, sous la direction du sociologue
Gérard Bouchard et du philosophe Charle Taylor, quelle
présence entendez-vous y manifester?
FD: Eh bien voilà un très bel exemple des efforts de
Québec solidaire de se faire entendre sur la place publique, et
ça n’a tout simplement pas abouti. Avant Noël, nous avons
participé à plusieurs émissions de radio et de
télévision où nous avions exprimé notre
opinion sur la question des accommodements raisonnables. Le
problème est qu’il faut juste avoir manqué
l’émission pour avoir l’impression que QS n’est nulle part. Et
après Noël, lorsque Mario Dumont est intervenu sur cette
question de manière récurrente, nous avions fait parvenir
une lettre ouverte à Mario Dumont dans tous les grands
quotidiens du Québec, et aucun de ceux-ci ne l’a publiée,
lettre qui est publiée sur notre site Internet.
En ce qui a trait au choix de deux responsables de la commission
d’enquête, nous qualifions ce choix d’excellent. Mais il y a un
gros problème: il y a une omission extrêmement importante,
et c’est l’absence d’une femme. Voyez-vous, l’un des sujets majeurs de
ce débat-là est la question de l’égalité
entre hommes et femmes et dans toutes les communautés, et
voilà que ce sont deux hommes qui président cette
commission. Et je prends la peine de souligner que la qualité
exceptionnelle de ces deux individus n’est aucunement en cause,
messieurs Bouchard et Taylor sont des gens extrêmement
respectables à la tête de cette commission, et pas une
femme de notre Québec moderne ne peut y jouer un rôle tout
aussi important? Et c’est la communauté d’accueil qui agit ainsi
à l’égard d’une question où les communautés
culturelles et immigrantes sont sous les feux de la rampe. C’est une
omission absolument déplorable.
NP: Et qu’est-ce que vous trouvez
important de corriger, qui est à la source du problème
des accommodements raisonnables, c’est-à-dire ce qui n’est pas
nécessairement du ressort des accommodements raisonnables?
FD: Cela m’apparaît évident, et la commission
d’enquête qui fera le tour du Québec va justement faire le
ménage dans toute la désinformation à propos de
cette question sensible. Il faut comprendre qu’il y a des demandes qui
sont faites par des franges extrêmement minoritaires de certaines
communautés, demandes qui n’ont absolument rien à voir
avec les accommodements raisonnables. Pourtant, il y a bien des gens,
que ce soit à la Commission des droits de la personne ou
à un journaliste comme Yves Boisvert à La Presse qui
disent "attention, ces demandes-là qui font litige ne sont pas
des accommodements raisonnables" (vitres givrées du YMCA, par
exemple). En fait, le directeur du YMCA, qui était fort
probablement rempli de bonnes intentions, a pris une décision
erronée. Et des demandes de cette nature, à leur face
même, ne sont pas des accommodements raisonnables. La
policière qui ne peut pas réagir si elle se trouve en
présence d’un juif hassidique, ce n’est pas raisonnable. Ce qui
est raisonnable, comme le dit parfois Me Julius Gray, ce sont des
accommodements qui permettent l’intégration, ça c’est
raisonnable. Alors oui, il y a bien du ménage à faire
dans ce débat-là, en dépit du fait qu’il n’y a
jamais eu au Québec de lapidation qui ait été
pratiquée... !
NP: D’après-vous,
jusqu’à quel point y a-t-il nécessité de
réviser et actualiser notre charte québécoise des
droits et libertés, et quels sont les changements qui y
deviennent nécessaires?
FD: Il n’y a aucune modification à apporter à la Charte
des droits et libertés, le problème n’est absolument pas
là. Ce que la charte interdit, comme la discrimination, par
exemple, n’a pas besoin d’être changé. Mais ce que l’on
doit savoir, c’est que cela doit être appliqué dans un
esprit d’intégration et d’ouverture à la
différence.
J’aurais, par exemple, une ou un collègue de travail qui ferait
quelques fois par jour des prières, discrètement dans son
bureau, mais en quoi est-ce que cela me dérange? Mais ça
ne me dérange pas deux secondes. Pour moi, le respect de la
croyance religieuse, ça peut être l’exemple que je viens
d’évoquer. Mais, en même temps, si on vient me dire "dans
les bureaux de Québec solidaire, vous devez prévoir un
local pour permettre des temps de prières, disponible 18 heures
par jour à cette fin", eh bien je dirais que ça pose un
problème majeur, nous avons un tout petit local de quatre
pièces exiguës qui sont déjà trop petites
pour les activités que nous avons. Mais on essaierait de trouver
une façon pour que la personne en question puisse faire ses
prières.
Donc l’idée n’est pas de rouvrir la charte, l’idée (et
c’est ce que la commission d’enquête va déterminer) est de
savoir où est-ce que ça se termine? Et malheureusement,
les gens de Hérouxville sont allés beaucoup trop loin.
Avoir un code de vie qui stipule que dans notre village nous
interdisons la lapidation, je m’excuse mais il n’y a pas de lapidation
au Canada et au Québec.
Oui, c’est vrai qu’à Montréal, il y a des
problèmes à régler avec des franges minoritaires
(et j’insiste sur ce point) de certaines communautés, mais
grosso modo, à Montréal ça va bien.
NP: L’un des grands combats
idéologiques pour lequel il a été
nécessaire de mettre au monde QS est celui du
néolibéralisme. Comment votre formation politique, au
cours de la campagne électorale qui s’annonce, entend-elle faire
la démonstration à la population que ce dogme
économique représente une menace par rapport à
l’existence même de la démocratie?
FD: Je dirais d’abord que ça va être par nos engagements
électoraux. Lorsque nous affirmons que nous voulons nationaliser
l’énergie éolienne, cette thèse est
foncièrement anti-néolibérale. Un
néolibéral ne peut raisonner de cette manière: le
plus profit que possible, le plus vite possible et il faut à
tout prix satisfaire le promoteur. Ou encore, lorsque nous affirmons
qu’il faut protéger les milieux humides du Québec, quitte
à dire à certains promoteurs immobiliers: "Non, vous ne
pouvez pas construire à tel endroit" pour cette raison… alors
voyez-vous, c’est par des propositions concrètes que l’on pourra
faire des liens en disant aux gens: "Nous, nous proposons ça" et
eux, un certains nombre de lucides et de néolibéraux nous
affirment "et bien, vous travaillez donc plus et plus fort" ou ils
disent aux travailleurs "coupez donc vos salaires de 30% ça
serait formidable et votre usine va pouvoir rester ouverte"; ils nous
disent d’augmenter les frais de scolarité, les tarifs de
l’hydro-électricité, pour se dépêcher
à rembourser la dette publique. A tout cela, nous disons non.
Alors, nous, on va se démarquer très clairement, et puis,
tout au long de la campagne qui s’annonce (entrevue
réalisée le 9 février), l’idée, ça
va être d’expliquer pourquoi les néolibéraux nous
proposent des solutions qui ne mènent à rien. D’abord,
jamais ils ne parlent d’environnement. Et quand je leur fais cette
remarque, ils disent: "bien, c’est parce que ce n’était le sujet
de discussion aujourd’hui…", pourtant, c’est LE SUJET DE L’HEURE! C’est
vrai que ce n’est pas l’unique sujet, mais on conviendra parfaitement
que la question de l’environnement fait maintenant partie des
préoccupations d’ordre existentiel en regard de la
viabilité de notre planète et la race humaine. C’est un
sujet prioritaire parmi les priorités, avec la lutte à la
pauvreté. Mais eux, les néolibéraux, ils n’en
parlent pas. Étonnant quand même, lorsqu’une grande partie
de la population prend conscience que, franchement, il faut qu’on
agisse. Et les néolibéraux n’en parlent pas parce que
ça veut agir, et agir cela signifie pour eux d’arrêter de
donner des subventions aux pétrolières, ça veut
dire ne pas quadrupler la production pétrolière à
partir des sables bitumineux de l’Alberta, ça veut dire non au
port méthanier, ça veut dire non au projet Rupert. C’est
donc pour ça que eux y capotent devant nos prises de position.
Nous, on va expliquer aux gens que nous sommes contre ce système
néolibéral destructeur, et que nous sommes pour une autre
sorte de développement, plus écologique, plus
respectueuse des travailleurs, tout simplement parce que l’avenir est
là. Il faut comprendre que l’avenir n’est nullement dans le
néolibéralisme, parce que c’est destructeur. On va
l’expliquer, le répéter et le redire à partir de
nos propositions.
NP: Quelles sont les propositions que
QS fera au peuple du Québec pour relever le défi du
déclin démographique?
FD: Il est assez amusant de noter que les statistiques de 2006
révèlent une augmentation appréciable des
naissances au Québec. Ce qui pourrait peut-être
s’expliquer par le programme des congés parentaux. Alors, cet
effet immédiat, ça nous dit quelque chose. J’ai
noté par ailleurs un très bon éditorial, il y a
quelques temps, un papier signé par Josée Boileau au
Devoir, et elle affirmait qu’à chaque fois qu’il y a une mesure
structurante venant soutenir la famille, on observe une tendance
à la hausse. Il faudrait peut-être y comprendre la chose
suivante: que les femmes du Québec (et les hommes,
j’espère) sont prêtes pour envisager des familles de deux
ou trois enfants. Mais elles démontrent aussi, par la
réponse que l’on observe dans les statistiques que j’ai
tantôt évoquées, qu’elle veulent se sentir
soutenues dans ce choix-là! Ça veut dire avoir des
logements abordables, et Dieu sait que la chose devient de plus en plus
difficile à Montréal; puis des propriétaires qui
cessent de refuser les familles avec enfants. On veut bien croire que
la charte interdit la discrimination formelle, mais il y a tellement de
"bonnes raisons" pour refuser; ça veut dire aussi que les
garderies doivent demeurer à sept dollars par jour, avec des
services de garde qui ont une qualité à laquelle on est
en droit de s’attendre. Par surcroît, nous proposons aux femmes
qui prennent la décision de demeurer à la maison pour
élever leur famille, d’avoir droit à une certaine forme
de reconnaissance financière et sociale. On va faire des
propositions très concrètes à ce propos.
NP: Je croirais entendre Mario Dumont
me parler…
FD: Bon, s’il arrive à Mario Dumont d’avoir des bonnes
idées de temps en temps, je veux bien. Mais attention, parce
qu’aux dernières élections, Mario Dumont voulait retirer
les subventions aux services de garde, pour donner les fonds aux
parents, qui, eux, feraient ensuite le choix du service de garde ou de
demeurer à la maison, via les bons. Les services de garde
n’avaient plus aucun soutien. Donc, nous ne disons pas cela. Nous
voulons que l’État continue de subventionner le réseau
des garderies de manière universelle, mais en même temps
(et il ne faut pas voir ou comprendre cela comme un salaire à la
ménagère), nous voulons qu’il y ait une reconnaissance
fiscale ou financière du travail des femmes à la maison.
Alors oui, il faut soutenir les familles et démontrer de
manière très significative qu’elles peuvent avoir le
nombre d’enfants qu’elles désirent; on peut aussi augmenter
l’immigration, parce que nous avons besoin de ces gens-là, et
surtout d’une main-d’œuvre qualifiée. Mais une fois que ces
gens-là vont être arrivés ici, il faudra leur
permettre de travailler selon les compétences et diplômes
qu’ils auront, et non pas forcer un médecin à faire du
taxi, comme nous le voyons trop fréquemment. Il faudra avoir un
comportement un peu plus cohérent par rapport à cela.
NP: Quelles sont les propositions de
votre formation en matière de santé, d’éducation,
de culture?
FD: Ill faut avoir à l’esprit que notre formation politique
n’existe que depuis un an, nous n’avons pas un programme avec quatre
cents propositions. Notre plate-forme électorale comprend
vingt-cinq propositions très précises. En santé,
notre proposition principale est la mise sur pied de
Pharma-Québec, qui est un groupe d’achat public de
médicaments et de production de médicaments
génériques, cela dans le but de concurrencer les
compagnies de médicaments privées et qui les vendent trop
cher. En jouant ainsi le jeux de la concurrence, on obtiendrait une
baisse des prix des médicaments au Québec.
En éducation, on a plusieurs propositions, mais les trois plus
importantes: l’abolition progressive du financement des écoles
privées, l'abolition progressive des droits de scolarité
universitaires et la diminution du nombre d’élèves par
classe, au primaire et secondaire. Cela est important parce qu’il faut
éduquer tous nos enfants. Il faut bien avoir à l’esprit
qu’ils ne vont pas tous se rendre à l’université. C’est
pour cette raison que l’on considère d’une très grande
importance la qualité de l’environnement au primaire et au
secondaire, et le surnombre actuel d’enfants par classe a des
incidences directes sur le rendement scolaire. On propose aussi que les
professeurs puissent avoir accès à du soutien
professionnel par rapport aux enfants en difficultés. Tout ce
contexte favorisa l’émergence d’un plus grand nombre de jeunes
qui iront à l’université. Et quand on nous demande de
quelle manière nous allons nous y prendre pour financer ces
mesures, eh bien, de tous ces jeunes qui y iront se chercher une
formation en éducation supérieure, cela en fera des
professionnels très bien payés, et nous irons chercher
cet argent en impôts auprès de nos professionnels en
question.
Sur la culture, notre proposition maîtresse est d’explorer
très sérieusement l’idée d’un filet de
sécurité sociale pour les artistes, car la très
grande majorité de ces personnes vivent sur le seuil de la
pauvreté. Le problème est qu’en général, ce
n’est que le "produit fini" de leur création qui est reconnu,
malheureusement, toute la période de recherche et de production
en tant que telle ne l’est pas. Alors cela est à envisager avec
attention, en allant voir ce qui se fait dans d’autres pays en cette
matière, car ce n’est pas un dossier simple. Mais nous avons cet
objectif d’en arriver à un filet de sécurité
social pour les artistes.
NP: Souveraineté: j’ai
été l’un des observateurs de la scène politique a
avoir critiqué l’approche choisie par QS pour que le
Québec puisse accéder à son statut de pays
souverain. Quels ont été les éléments de
réflexion de vos membres qui ont conduit à la
décision d’adopter la voie de
l’étapisme-référendaire?
FD: Nous ne l’appelons pas la voie de
l’étapisme-référendaire. La réflexion est
fort simple, car il n’y a que deux éléments majeurs. Le
premier: le dernier référendum date d’un peu plus de dix
ans, nous en sommes toujours à peu près au même
point dans les appuis en regard de la souveraineté du
Québec, à tel point que s’il y avait un
référendum sur la souveraineté du Québec,
le score final risque fort bien d’être semblable à celui
de 1995 à quelques poussières près. Si le oui
l’emportait, ce ne serait que par une très faible marge. Alors,
ce scénario, dans notre optique, ce n’est pas gagnant. Bof,
c’est légal et légitime, si c’est 50% virgule quelque
chose. Mais vous savez aussi bien que moi, que dans le rapport de
forces, dans les négociations subséquentes avec le reste
du Canada, suite à une victoire aussi mince, le rapport de
forces serait très faible et à notre désavantage.
C’est comme une grève. J’en ai fait quelques-unes dans ma vie,
j’en ai observé d’autres; alors une grève
déclenchée à 50,5% ne donne pas un rapport de
forces qui soit à l’avantage des syndiqués dans les
négociations avec la partie patronale. Il faut donc trouver une
voie qui va nous emmener à un consensus beaucoup plus large. Ce
ne sera l’unanimité, il faut bien s’entendre là-dessus,
mais il faut un consensus très largement partagé dans la
population. Ça c’est une première considération.
La seconde, c’est que la question de la souveraineté est
tellement associée à un parti politique (le PQ), que cela
fausse complètement les règles du jeu. Il y a des gens
qui votent contre la souveraineté parce qu’ils votent en
réalité contre le Parti québécois, parce
qu’ils ne font pas confiance au Parti québécois, ils
refusent de s’engager dans la voie souverainiste à cause du PQ
en soi. Là, je parle du PQ parce qu’il est le principal porteur
de la cause souverainiste depuis quarante ans, mais n’importe quel
autre parti souverainiste se retrouverait, à moyenne
échéance, avec exactement la même
problématique.
Donc, on se dit qu’il faut sortir ce débat-là de la
partisanerie politique. D’après nous, c’est là la
meilleure voie d’y parvenir, à la souveraineté du
Québec. Ce n’est pas être étapiste, c’est une voie
totalement différente et qui ne fut jamais explorée
auparavant.
NP: Donc un peu à la
manière de Socrate qui avait fait descendre la philosophie dans
la rue, Québec solidaire veut faire descendre dans la rue le
débat sur le statut constitutionnel du Québec?
FD: Cela me fait bien plaisir que l’on soit comparé à
Socrate. Si vous voulez, c’est quelque chose comme ça! - Ce que
l’on propose, nous, c’est qu’un gouvernement de Québec solidaire
élaborerait un projet de loi pour la mise en place d’une
assemblée constituante, formée de gens qui
reflèteraient diverses tendances politiques, de régions,
de professions, des hommes et des femmes, etc. Ces gens auraient deux
mandats: consulter les gens de toutes les régions du
Québec, avec tous les moyens pédagogiques que l’on a
à notre portée, pour un débat franc, ouvert et
serein (s’il y a moyen de le faire sans se crier des noms ou des
bêtises par la tête), sur les mérites de la
souveraineté pour ceux qui y croient, l’autonomie du
Québec (celle défendue par l’ADQ) et le
fédéralisme. Nous, on veut que cela soit
représentatif.
Au lendemain de l’élection d’un gouvernement de Québec
solidaire, c’est sûr que la tendance majoritaire sera
souverainiste. Mais l’idée est de permettre à tous
d’avoir droit au chapitre, et surtout de dire au peuple
québécois: "Regardez, là, ce débat,
ça vous appartient, ça n’appartient pas au gouvernement
de Québec solidaire ." Alors, consultation et élaboration
d’une constitution. Quelles sont les valeurs fondatrices du
Québec, qu’il devienne souverain ou non? Quelles seraient les
institutions démocratiques que l’on voudrait valoriser? Veut-on
toujours le parlementarisme britannique? Préfère-t-on
vivre en république? Et puis, etc. Au terme de cette
première consultation, qui peut durer six mois, un an ou
dix-huit mois, peu importe le temps que cela va prendre, ce qui est
important est de créer le momentum où les gens ont envie
de discuter, où ils sont interpellés, Au fond, le pari
que l’on fait dans cet exercice, c’est que les gens se disent que c’est
intéressant. Et l’autre pari que l’on fait, c’est qu’au terme de
cette opération, il y aurait deux questions posées au
peuple:
1) Voulez-vous, oui ou non, vivre dans un Québec souverain?
2) Appuyez-vous le projet de constitution qui vous est
présenté?
Et le pari que nous faisons est que la réponse sera un oui
très largement consensuel. Tout simplement parce que ce n’est
pas Québec solidaire qui va leur demander une telle chose. Ce
n’est pas un gouvernement ni péquiste ni solidaire, ce sera une
assemblée du peuple qui posera cette question au reste du
peuple. C’est autre chose, lorsque nous mobilisons les gens.
Nous avons vécu cette expérience à Option
citoyenne avant la fondation de Québec solidaire, puisque nos
membres étaient divisés sur cette question de la
souveraineté, et pendant un an, nous avons fait exactement
l’exercice que nous voulons proposer aujourd’hui au peuple
québécois, et, à la fin, nous avons eu un
résultat d’un appui à la souveraineté de l’ordre
de 95%. Il faut donc comprendre une chose d’ordre pédagogique:
lorsque les gens ont le sentiment qu’ils ont une place pour s’exprimer
et que les jeux ne sont pas pipés d’avance, dites-vous bien
qu’ils ont l’esprit ouvert à des idées nouvelles et
audacieuses. Cette voie innovatrice, il nous apparaît donc,
preuve à l’appui, que c’est beaucoup plus prometteur à
l’égard de la souveraineté politique du Québec.
NP: Si demain matin la direction du PQ
approchait QS pour former une coalition souverainiste, telle que
proposée par le Rassemblement pour l’indépendance du
Québec, celle de l’élection décisive, de quelle
manière répondriez-vous à une proposition comme
celle-là?
FD: Dans mon esprit, la réponse est sans équivoque: non.
À Québec solidaire, nous sommes attachés à
l’idée du référendum, précédé
de l’étape que nous venons d’évoquer dans la question
précédente. Vous savez, même si nous formions une
coalition souverainiste, rien ne dit que nous obtiendrons 50%+1 des
votes avec le mode de scrutin que nous avons présentement et la
multiplicité des partis, rien n’est moins certain. Par
surcroît, nous mêlons les cartes. Lorsque les gens sont
appelés à une élection, ils votent pour un
gouvernement. Et je ne crois pas que les gens seraient enchantés
de voter à la fois pour un gouvernement qui a un programme, et
pour l’idée que si on vote à tout prix pour ces
gens-là, on vote en même temps pour la
souveraineté. Pour beaucoup de gens, ce ne sont pas des choses
liées. Le sentiment que j’ai par rapport à
l’élection décisionnelle est que nous brouillons les
choses.
S’il y a coalition souverainiste à faire, il est mieux de la
faire après l’élection d’un gouvernement souverainiste.
Si le PQ est élu dans quelques semaines et qu’il s’engage dans
un référendum (moi je n’en suis pas si certaine que
cela), mais s’il le fait, je suppose qu’il nous proposera d’être
du côté du camp du Oui. Il est bien certain que nous
serons dans le camp du Oui, mais en négociant notre
participation, que cela soit très clair. Mais notre proposition
à nous, c’est la mise en place d’une assemblée
constituante. Je doute fort que le PQ accepte cette proposition, mais
nous allons quand même la défendre et nous verrons dans la
négociation vers quoi cela nous emmenera. Mais il est clair que
la proposition de l’élection décisionnelle, nous n’y
sommes pas favorables.
FIN
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