Le garçon invisible :

Nouveau regard sur la victimologie au masculin: enfants et adolescents




Notre mission est d'aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé.
Santé Canada

Rédaction: Frederick Mathews, Ph.D., C. Psych.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue officiels de Santé Canada.

Also available in English under the title The Invisible Boy Revisioning the Victimization of Male Children and Teens

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Centre national d'information sur la violence dans la famille
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On peut obtenir, sur demande, la présente publication sur disquette, en gros caractères, sur bande sonore ou en braille.

© Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada 1996

Cat.: H72-21/143-1996F

ISBN: 0-662 -81082 - 1


Table des matières

Introduction: S'ouvrir aux victimes masculines

De la nécessité d'une perspective d'inclusion du vécu masculin

De la nécessité d'un nouveau regard sur la victimologie au masculin .

Le garçon invisible et sa raison d'être

Chapitre 1. La prévalence: Un drame aux nombreuses facettes .

Exploitation sexuelle des garçons - enfants et adolescents

Conduite sexuelle abusive entre frères et/ou soeurs

Harcèlement sexuel

Viols et agressions sexuelles contre les hommes en prison

Enfants maltraités physiquement et émotivement, et en carence de soins

Violence entre frères et/ou soeurs

Châtiments corporels

Violence dans le cadre communautaire, scolaire et institutionnel

Suicide

Jeunes de la rue

Prostitution

Jeunes souffrant de handicaps

Réaction des professions aux victimes masculines - un des déterminants de la prévalence

Images de violence contre les garçons et les jeunes gens dans les médias

Chapitre 2. Agresseurs des garçons et des hommes

Conduite sexuelle abusive

Contrevenants adolescents

Étrangers; connaissances

Contrevenants féminins

Dynamique de la conduite sexuelle abusive des femmes

Mauvais traitements et carence de soins

Châtiments corporels

Chapitre 3. Effets sur les victimes masculines

Conduite sexuelle abusive

Mauvais traitements physiques, châtiments corporels et carence de soins

La «licence des moeurs sexuelles des mâles » et ses conséquences

Chapitre 4. Implications

Implications pour la recherche

Implications en matière d'évaluation, de traitement et de développement de programmes

Une boucle de la violence?

Implications en matière de développement du personnel et de supervision des programmes

A la recherche d'une grille d'analyse plus inclusive

Nos messages aux victimes masculines

En quoi les choses seraient-elles différentes pour les victimes masculines si nous reconnaissions leur existence?

Commencer avec nous-mêmes comme adultes

Ressources et bibliographie


Remerciements

Le garçon invisible: Nouveau regard sur la victimologie au masculin: enfants et adolescents a été préparé par l'Association des familles d'accueil du Canada (AFAC) pour le compte du Centre national d'information sur la violence dans la famille de Santé Canada.

L'AFAC aimerait tout particulièrement remercier ceux et celles qui ont aidé à la préparation du manuscrit - Judy Urquhart, Len Kushnier, Veronica Marsman, Philip Quigley; la Division de la prévention de la violence familiale et le Centre national d'information sur la violence dans la famille de Santé Canada - de leur soutien au projet; ainsi que Fred Mathews et John Meston.

Linda Lelièvre

Présidente

l'Association des familles d'accueil du Canada

Introduction

S'ouvrir aux victimes masculines

« Étant donné que nous sommes parfois poussés contre notre volonté par des personnages de haut rang, voici comment par compression, l'opération est effectuée: des enfants, encore d'âge tendre, sont placés dans un bassin d'eau chaude et ensuite, lorsque les parties sont ramollies dans le bain, les testicules doivent être pressés avec les doigts jusqu'à ce qu'ils disparaissent. »
Paulus Aegineta

Ier siècle

Cette citation qui figure au début de l'ouvrage de Sander Breiner Slaughter of the Innocents: Child Abuse Through the Ages and Today [Le Massacre des innocents: enfants maltraités aujourd'hui et au cours des siècles] nous rappelle sans ménagement que la brutalisation des garçons remonte à la plus haute antiquité. Le passage en question est une «instruction» à ceux qui cherchaient à contourner une loi promulguée par l'empereur romain Domitien qui interdisait la castration des garçons destinés à des bordels ou vendus à des maîtres qui les sodomisaient. Au tournant du vingtième siècle, on pratiquait encore régulièrement la circoncision masculine sans anesthésie en guise de «thérapeutique» pour réprimer des comportements comme l'hyperactivité et la masturbation (De Mause, 1988). Quant à ceux qui croiraient que ce type de traitement inexcusable des petits ou des jeunes de sexe masculin est chose du passé, nous attirons leur attention sur les éléments suivants: Ces quelques exemples illustrent certains des thèmes que nous explorons dans les pages qui suivent, notamment une attitude de «deux poids, deux mesures» dans les soins et le traitement offerts aux victimes masculines, ainsi que l'invisibilité et la banalisation de la violence et de la conduite abusive exercées à l'encontre des garçons et des jeunes gens dans notre société.

En dépit du fait que plus de 300 ouvrages et articles sur les victimes masculines aient été publiés au cours des 25 à 30 dernières années, les garçons, petits et grands, demeurent à la périphérie du propos relatif aux enfants maltraités. Peu d'ateliers leur sont consacrés dans les conférences sur le sujet et il n'existe pas de programmes de formation spécialisés pour les cliniciens. Les évaluations spécifiques aux victimes masculines sont quasi inexistantes et les programmes de traitement sont rares. Et si l'on parie des adultes (hommes), la carence est encore plus criante. On a récemment pu être témoin à Toronto d'un triste exemple de cet état de choses. Après la diffusion du film Les garçons de Saint-Vincent - sur les mauvais traitements infligés à des garçons dans un orphelinat dirigé par l'Église - la ligne téléphonique de secours aux enfants Kids Help Phone a reçu plus d'un millier d'appels d'hommes angoissés qui se présentaient comme adultes rescapés de sévices sexuels infligés durant l'enfance. Il n'y a pas de mots pour décrire la cruelle ironie que ces hommes n'aient d'autre issue que de s'adresser à une ligne téléphonique d'urgence pour enfants.

Même le langage que nous utilisons dans le discours actuel sur la violence et les mauvais traitements masque, minimise ou occulte certaines réalités concernant les victimes de sexe masculin. Les expressions comme «violence familiale» sont devenues synonymes de «violence contre les femmes», surtout aux mains de maris, pères, ou autres hommes adultes. En fait, cette locution fait conceptuellement disparaître du rang des victimes potentielles tous les hommes (garçons, adolescents, hommes âgés, frères de tous âges maltraités par des frères ou soeurs), tout en occultant la notion de contrevenants féminins.

Le Canada traîne sérieusement de la patte par rapport à d'autres pays occidentaux en ce qui concerne les études sur les victimes masculines et les contrevenants des deux sexes. En fait parmi les multiples études et le nombre croissant de recherches sur les victimes masculines, seul un petit nombre sont canadiennes. Il y a d'énormes lacunes à combler en matière de politiques sociales, d'information publique, de financement des recherches et programmes de traitement, et en ce qui concerne la formulation d'un discours plus inclusif sur la violence interpersonnelle, qui refléterait aussi l'expérience masculine.

De la nécessité d'une perspective d'inclusion du vécu masculin

Une perspective sur la violence et la victimologie qui serait «inclusive du vécu masculin» doit nécessairement être dynamique et évolutionniste, étant donné que les victimes masculines ne font tout juste que commencer à s'exprimer sur leurs expériences. Au fur et à mesure, leurs histoires nous forceront à remettre en question nombre de présomptions anciennes qui font partie de notre paysage psychologique des victimes et des contrevenants. Il ne faut surtout pas s'imaginer que les victimes masculines constituent un groupe homogène, et avec le temps, il est probable qu'un certain nombre de perspectives distinctes surgiront. Hommes hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, autochtones, vivant avec des déficiences et membres de minorités visibles et culturelles apporteront différentes facettes aux drames qui se dessinent de la victimologie masculine.

Il existe, toutefois, quatre éléments qui sont fondamentaux au concept d'«inclusion du vécu masculin»; premièrement, la nécessité d'articuler un ou plusieurs points de vue au masculin, reflétant la diversité des hommes et des garçons au sein de la population dans son ensemble; deuxièmement, la nécessité pour les victimes masculines de rechercher l'équilibre émotionnel, physique, mental et spirituel dans leur lutte pour soigner la blessure dans ces divers aspects de leurs vies; troisièmement, la nécessité d'honorer et de protéger les gains obtenus par les victimes féminines et de reconnaître les contributions que les femmes ont faites pour rompre le silence sur la violence et les mauvais traitements; quatrièmement, la nécessité de développer une vision commune d'intégration des histoires des victimes, aussi bien masculines que féminines, pour que puisse évoluer une perspective cohérente et inclusive qui nous appartiendrait à tous et que nous pourrions utiliser collectivement dans la lutte pour réduire et éliminer la violence interpersonnelle et les mauvais traitements dans notre société. Malheureusement, comme le révèlent les histoires que racontent les victimes masculines, nous avons encore énormément de chemin à faire pour réaliser l'un ou l'autre de ces objectifs.

Les victimes masculines mentionnent qu'elles sont extrêmement navrées, frustrées, et parfois même en colère de voir que leurs histoires ne sont pas reflétées dans le discours public sur la violence et les mauvais traitements. Plusieurs vastes études canadiennes sur la violence interpersonnelle faites ces dernières années ne signalent que des constats propres à la victimologie féminine et cachent les résultats portant sur les victimes masculines. De nombreux documents universitaires sur les victimes de la violence se targuent d'être «équilibrés» alors qu'ils ne donnent ordinairement qu'un faible écho de la situation masculine dans leurs analyses. D'un point de vue conceptuel, bien des gens font également l'erreur d'accepter et d'utiliser, sans un instant de réflexion, un modèle victimologique uniquement axé sur la femme. Les victimes masculines estiment également qu'une bonne partie de ce travail est déshumanisante et qu'elle fait peu de cas de leur vécu. Ces hommes considèrent en outre que de nombreux auteurs et penseurs dans le domaine ont démarqué le discours sur la violence et les mauvais traitements en traçant des frontières qui les excluent.

Les hommes s'aperçoivent souvent que leurs thérapeutes, conseillers ou autres types de praticiens habitués à fonctionner avec des modèles axés sur la victimologie féminine ne sont pas capables de les aider. Par conséquent, ils sont susceptibles de tout simplement abandonner la thérapie, laissant inexplorés de nombreux problèmes issus de leur expérience de victime, alors qu'ils sont cruciaux à leur rétablissement spirituel.

Comme leurs contreparties féminines avant eux, ces hommes aussi ont eu à se bute r à une panoplie de critiques et détracteurs, de s gens qui refusaient de les croire, ignorant les statistiques de prévalence, minimisant l'impact des mauvais traitements, s'appropriant la parole des hommes dans une volonté de déni, ou reléguant la victimologie masculine au rang de faux problème. En présence de données statistiques sur la prévalence de la victimologie masculine, l'opinion selon laquelle la plupart des contrevenants sont des hommes est fort répandue. Cette croyance est sans fondement. Elle tend d'habitude à vouloir réduire la victimologie masculine à un «problème d'hommes». En plus d'être désobligeantes, de telles opinions sont perçues par les rescapés masculins comme autant de blâmes à l'endroit des victimes. Certes, il est utile de scruter et critiquer concepts et théories, et cela joue même un rôle important dans l'évolution et le développement de tout domaine, mais il ne fait aucun doute que le déni, la minimisation et le silence sont dommageables pour les victimes.

À bien des égards, les victimes masculines se retrouvent là où leurs contreparties féminines en étaient il y a 25 ans. La plupart d'entre nous oublions l'énorme opposition rencontrée par le mouvement des femmes lorsque celles-ci ont commencé à s'organiser et à exiger d'avoir voix au chapitre pour manifester contre la violence et montrer du doigt les auteurs de sévices. C'est de haute lutte qu'elles ont obtenu les services de soutien actuels qui, pourtant, courent encore constamment le risque d'être privés de fonds. Par comparaison, il n'existe pas réellement comme tel de mouvement organisé des victimes masculines. En général, le mode de socialisation de s mâles ne favorise p as leur regroupement comme c'est le cas pour les femmes, ni la communication intime, pas plus que leur capacité à se percevoir comme soutien l'un pour l'autre. Bref, une bonne partie de ce dont ont besoin les victimes masculines pour s'organiser en «mouvement» les obligerait à surmonter de nombreux éléments communs du mode de socialisation masculine, lesquels militent tous contre l'avènement d'une telle réalité

De la nécessité d'un nouveau regard sur la victimologie au masculin

Le sous-titre de cet ouvrage, Nouveau regard sur la victimologie au masculin, est une invitation au public aussi bien qu'aux praticiens à «revoir» et à «réévaluer» leur savoir et leur compréhension de la violence et des mauvais traitements, et de faire en sorte que l'on puisse y inclure une perspective masculine . Si l'on se fie aux indices présentés dans les pages du présent rapport, cette doléance est convaincante et incontournable.

La réflexion et le dis cours actuels, tant publics que professionnels, en matière de mauvais traitements et de violence interpersonnelle sont majoritairement fondés sur un point de vue axé sur la femme. Il n'y a là ni juste ni faux, ni bien ni mal; cela étant plutôt fonction de ceux et celles qui ont su prendre la parole. Cependant, il en résulte que la victime a toujours un visage féminin, les contrevenants, un visage masculin. Et c'est ce visage masculin des bourreaux qui fait que la violence dans notre société a été «masculinisée» et qu'elle est exclusivement imputée aux hommes et aux «modes de socialisation masculins». Bien qu'il soit indéniable qu'il existe une dimension masculine à de nombreuses formes de violence, surtout sexuelles, des théories aussi superficielles sur la socialisation des mâles ne peuvent expliquer pourquoi l'écrasante majorité des hommes ne sont pas violents.

La violence est même imputée à l'hormone masculine, la testostérone. Le paradoxe de cet argument n'échappe pas aux victimes masculines. Alors que les femmes luttent depuis belle lurette pour invalider la prétendue malédiction qui voudrait qu'elles soient à la merci de leurs hormones, voilà que l'on accuse les hommes d'être à la merci des leurs.

Les hommes victimes cheminent sur un sentier très étroit, entre leur volonté d'être entendus et validés, d'une part, et leur désir d'être «pro-femmes» et solidaires des victimes féminines, tout en remettant en question des idées reçues qui reflètent des stéréotypes qui ne les favorisent guère. En luttant contre certains de ces stéréotypes, ils s'exposent souvent à des accusations de misogynie, d'appartenir à la réaction idéologique contre le féminisme, ou encore d'appliquer en sous-main un programme occulte visant à miner les gains des femmes. S'il y a la moindre véracité à l'une ou l'autre de ces accusations, elles devront être confrontées par nous tous. Mais si elles ne sont motivées que par la crainte qu'une reconnaissance de la victimologie masculine puisse saper les gains des femmes, alors il faudra en discuter sans détour et surtout sans essayer de minimiser le vécu de ces hommes en s'engageant dans une sorte de compétition qui chercherait à établir lequel des deux groupes aurait été le plus meurtri. Néanmoins, il importe que nous nous rendions tous compte que bien des femmes risquent d'avoir de la difficulté à prêter l'oreille aux drames des victimes masculines avant d'avoir été rassurées à cet égard.

Il est triste de constater que les hommes victimes et leurs porte-parole risquent gros en s'opposant au statu quo et qu'ils subissent de fortes pressions pour rester tranquilles. N'est-il pas paradoxal que les pressions exercées sur eux ne font que reproduire, à un niveau social, les mêmes modèles de silence, de déni, et de tentative de banalisation qu'ils ont subis aux mains de leurs agresseurs? Si nous ne confrontons pas la nécessité de guérir les «blessures de l'être sexuel», aussi bien des hommes que des femmes, alors nous mettons en péril la recherche de la paix entre les sexes.

Enfin, et c'est peut-être là la raison la plus importante de réexaminer notre compréhension de la problématique, force est de constater que hommes et adolescents ne se joignent pas de manière significative aux femmes dans la lutte pour mettre fin à la violence. Cela est en partie explicable dans la mesure où les hommes n'ont pas du tout le sentiment que leurs propres drames sont reflétés dans les discussions publiques sur la violence et les mauvais traitements. S'il fallait se fier uniquement aux médias pour faire connaître cet aspect du vécu masculin, fort peu de drames individuels viendraient à être connus, hormis les cas particulièrement sensationnels des orphelinats d'obédience religieuse ou de diverses écoles provinciales de formation. Il n'est pas rare d'entendre des garçons manifester du ressentiment à l'égard d'un programme scolaire anti-violence qui attribue sans discernement à leur sexe les rôles d'exploiteurs, de harceleurs, de violeurs et d'agresseurs sexuels en puissance. En effet, il est difficile pour une personne de se solidariser avec un mouvement social collectif contre la violence lorsqu'elle a le sentiment que les drames de sa propre vie sont banalisés, exclus du propos ou repoussés du revers de la main. Un examen même sommaire de la documentation fait clairement ressortir qu'elle est essentiellement fondée sur des stéréotypes, et sur des hypothèses jamais remises en question quant à une présumée « colère masculine », « agression masculine » ou « sexualité masculine » . Trop souvent, les auteurs prennent pour point de départ une caricature des pires éléments imaginables de la «virilité » et présument que cette caricature est valable pour tous les hommes.

Maintenant que les hommes commencent à se lancer sur les sentiers déjà battus par les femmes, ils font appel à tout leur courage pour ajouter leurs propres voix au débat public et au discours professionnel sur la violence et les mauvais traitements. Si nous souhaitons que les hommes s'engagent dans un véritable dialogue, nous devons être ouverts à l'expression de leurs critiques, de leurs expériences, et de leur souffrance.

Le garçon invisible et sa raison d'être

Le garçon invisible est destiné aux lecteurs les plus divers. Certains trouveront sans doute inattendues ou surprenantes quelques-unes des questions abordées ou recherches présentées dans le document, peut-être même les jugeront-ils un peu controversées. D'autres ne seront pas du tout étonnés et y trouveront plutôt une confirmation de leur propre expérience, de ce qu'ils ont eux-mêmes observé, ou de ce qu'ils ont toujours su. Quoi qu'il en soit, il importe probablement surtout de considérer le document non pas comme un énoncé définitif de l'expérience masculine (le combat vient à peine de commencer), mais plutôt comme un instantané croqué sur le vif de certaines controverses, de quelques-uns des défis, des insuffisances dans le savoir, et des problèmes inexplorés relatifs à la victimologie masculine. Si le présent document devait provoquer chez les lecteurs l'envie d'en savoir plus sur ce qui s'est écrit sur le sujet, ou devait encourager les milieux des thérapeutes à étendre leur savoir sur les victimes et les contrevenants, ou encore servir à élargir le débat public sur les mauvais traitements dans le sens de l'inclusion de toutes le s victimes, alors il aura atteint son but.

Les lecteurs ne devraient surtout pas voir dans les pages du garçon invisible une quelconque tentative de diluer l'expérience des femmes affectées par la violence et les mauvais traitements. Qu'il n'y ait aucun doute, les femmes et les filles qui souffrent quotidiennement de la violence au Canada sont légion. Les drames des femmes doivent être entendus, reçus et respectés, sans déni ou minimisation. Il faut résister à toute tentative de mettre les victimes masculines et féminines en compétition en termes de ressources ou de crédibilité. Nous ne pouvons plus nous permettre la division qui démarque les sexes et qui envahit malheureusement les discussions sur la victimologie masculine et féminine. Si l'on veut faire avancer le mouvement contre la violence au Canada, il faut nous diriger vers la «réconciliation des sexes» et nous tenir à l'écart des brutales polémiques qui passent pour une «défense des droits» dans bien des débats publics.

Idéalement, les histoires des victimes des deux sexes devraient être présentées côte à côte afin que nous sachions mieux observer et comprendre à quel point leurs vécus sont inextricablement enchevêtrés. Une tâche de cette ampleur dépasse malheureusement la portée de ce texte. Puisque leurs expériences sont mal comprises, insuffisamment signalées, essentiellement non reconnues, et qu'elles semblent exclues de la majorité des propos publics et professionnels, Le garçon invisible se concentrera principalement sur les victimes masculines et regroupera en un même lieu nombre des variantes de leur vécu collectif.

Des tas de questions demeurent sans réponse. Pourquoi la société canadienne qui se targue d'être charitable et juste accuse-t-elle un tel retard par rapport à d'autres pays dans la défens e des droits de s victimes masculine s ? Pourquoi l es médias refusent-ils d'accorder une importance égale aux problèmes de ces victimes-là? Pourquoi négligeons-nous aussi régulièrement les besoins de soutien des hommes victimes? Pourquoi cette attitude de deux poids, deux mesures lorsqu'il s'agit de traitement et de soins aux victimes masculines? Sans doute la réponse la plus simple à tout ce qui précède réside dans le fait que l'essentiel de ce qui constitue la victimologie masculine est invisible à nous tous, surtout aux victimes masculines elles-mêmes. Le garçon invisible se propose d'explorer ces problèmes-là ainsi que d'autres questions connexes dans les pages qui suivent.

Chapitre 1

La prévalence: Un drame aux nombreuses facettes

Quelle est l'ampleur du phénomène des mauvais traitements infligés à des victimes masculines? Les chiffres suggèrent une multitude de scénarios, selon l'orientation de l'étude, le cadre théorique de l'analyse, la définition donnée aux mauvais traitements et à la victimologie, et les sources que l'on consulte. En fonction de ce qui précède, il y a plusieurs façons bien différentes de répondre à la question.

Si l'on se cantonne aux seules catégories communément signalées de mauvais traitements physiques, sexuels ou psychologiques, et de carence de soins, on obtient un certain tableau. Mais si l'on ajoute les châtiments corporels, la violence communautaire et en milieu scolaire, et le suicide, la toile se complique nettement. D'autres aspects surgiraient encore si l'on développait la notion de «violence dans la famille» et si l'on explorait plus en profondeur des descripteurs cliniques couramment utilisés comme «enfants ou jeunes difficiles à encadrer», «conflits parents-enfants», «enfants turbulents», «familles dysfonctionnelles», «adolescents à problèmes», «conduite perturbée», «attitude d'opposition et de défi», ou «déficience de l'attention», pour ne nommer que ceux-là. Dans les enquêtes de population générale, lorsque l'on utilise des expressions comme «contact sexuel» ou «attouchement sexuel» au lieu d'«agression sexuelle» ou «abus sexuel», les chiffres de prévalence augmentent considérablement, surtout pour les sujets masculins qui, souvent, ne se rendent pas compte que leur vécu sexuel en fait des victimes de «conduite abusive» en termes strictement cliniques et juridiques.

On pourrait ajouter d'autres catégories si l'on examinait de plus près le concept de situation « à risque » . Par exemple, aux É. -U., les garçons sont plus susceptibles que les filles d'être diagnostiqués comme souffrant de troubles du comportement et de problèmes mentaux, plus susceptibles d'être admis dans des hôpitaux psychiatriques, deux fois plus susceptibles de souffrir d'autisme, huit fois plus susceptibles de faire l'objet d'un diagnostic d'hyperactivité, plus susceptibles d'accoutumance aux drogues et à l'alcool, et plus susceptibles de décrochage scolaire au secondaire (Kimbrell, 1995).

Les choses se compliquent davantage lorsqu'on ajoute les expériences quotidiennes des enfants et des jeunes de sexe masculin placés sous la garde de l'État, vivant dans une famille d'accueil, dans un foyer de groupe, avec un tuteur légal ou dans un établissement de détention pour jeunes contrevenants. Il ne faut pas non plus oublier les agressions contre les aînés de sexe masculin, la victimisation masculine dans les cas de violence entre frères et soeurs, les mauvais traitements entre partenaires de sexe masculin, ainsi que la violence à l'égard des handicapés de sexe masculin, qu'il s'agisse d'enfants, d'adolescents ou d'hommes. Sans compter tout ce qui arrive aux jeunes sans abris, aux gamins des rues et aux adolescents de sexe masculin qui ont recours à la prostitution pour survivre.

Il devient très vite apparent que les histoires personnelles de nombreux types de victimes masculines restent à raconter. Même si la réalité des enfants maltraités a beaucoup gagné en crédibilité dans les débats publics et dans les milieux professionnels, on risque toujours d'oublier qu'il s'agit encore d'un champ d'étude très neuf. Les définitions de la conduite abusive continuent à évoluer, tout comme celles de s donné es de prévalence, des théories de victimologie et de contravention, et des modèles d'évaluation et de traitement. Nous sommes encore loin de posséder un savoir exhaustif ou global du sujet. Nous n'avons tout simplement pas eu assez de temps pour tester nombre de nos idées de façon empirique, pas plus que nous ne savons encore toutes les questions qui doivent être posées.

Même si, répétons-le, la crédibilité des allégations de mauvais traitements a généralement fait du chemin, nous ne devons jamais oublier qu'il s'agit d'un domaine d'intérêt qui est émotivement et politiquement chargé, et c'est là un point que les victimes et leurs porte-parole seraient mal venus d'oublier. La discussion rationnelle est parfois difficile, la poursuite d'indices est fréquemment dis qualifiée ou ignoré e dans l'intérêt de la politique, et de s tas de gens, même dans les professions, ne croient toujours pas qu'un phénomène comme l'exploitation sexuelle des enfants représente véritablement une problématique sociale répandue et inquiétante. Ainsi, jusqu'au milieu des années 70, le point de vue dominant en psychiatrie à l'égard de l'inceste était qu'il s'agissait d'un phénomène extraordinairement rare (Freedman, Kaplan et Sadock, 1975).

Pour la victime de sexe masculin, la situation est encore plus précaire. De nombreux obstacles culturels et autres doivent être surmontés par les garçons (enfants et adolescents), les milieux professionnels et le grand public, ne serait-ce que pour en arriver à reconnaître que le vécu qui s'inscrit dans la victimologie masculine rejoint les mauvais traitements. Quant aux garçons et aux hommes «gais», toute révélation des sévices qui leur seraient infligés les obligerait à divulguer leur homosexualité, et par conséquent, il est caractéristique qu'ils gardent le silence. En fait, c'est très simple, si l'on ne se met pas à la recherche des victimes masculines, elles ne se manifestent pas spontanément. Si nous n'explorons pas la problématique de la victimologie masculine avec les hommes et les garçons, ceux-ci ne nous livreront pas leurs histoires de leur propre chef. Par conséquent, et cela est malheureusement très caractéristique, la première fois qu'un contrevenant masculin, adolescent ou adulte, reçoit la moindre aide au niveau de sa propre victimologie, c'est lorsqu'il a retenu l'attention du système judiciaire pour avoir lui-même fait des victimes (Sepler, 1990).

Exploitation sexuelle des garçons - enfants et adolescents

La quasi totalité de la discussion sur la prévalence de la victimologie masculine au Canada et ailleurs se fonde sur des «statistiques officielles», c.-à-d. chiffres tirés de rapports sur les cas signalés à un organisme public: hôpitaux, police, aide à l'enfance. Toutefois, il ressort nettement de toute étude sur les enquêtes de population générale que la victimologie masculine souffre d'un grave déficit sur le plan des signalements - déficit autrement plus aigu que dans le cas des victimes féminines.

Dans la Ontario Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect [étude ontarienne d'incidence des signalements d'enfance maltraitée et en carence de soins], les filles faisaient l'objet de 54 % des enquêtes (25016) et les garçons, de 46 % (21426) (Trocme, 1994). Les adolescents comptaient pour 14 % des allégations d'abus sexuels imputées aux parents et pour 18 % des allégations imputées à d'autres. Cependant, lorsque l'on examine les cas qui concernent des enfants plus jeunes (8-11 ans), on constate que les garçons comptent pour 42 % à 44 % des allégations.

En 1984, le gouvernement fédéral a publié une étude en deux tomes, maintenant très connue, Infractions sexuelles à l'égard des enfants, ou «Rapport Badgley». De nombreux aspects de la victimologie masculine détaillés dans cette étude à l'échelle nationale n'ont toujours pas été portés à l'attention du public ou même des milieux professionnels. Un coup d'oeil sur certaines des données de prévalence que l'on y trouve permet un constat étonnant sur la prévalence des victimes masculines d'abus sexuels.

Si l'on prend comme point de départ les résultats de l'étude en matière de prévalence, on constate qu'un homme ou garçon sur trois (33 %) et qu'une femme ou fille sur deux (50 %) ont affirmé avoir été victimes d'attouchements sexuels non désirés durant leur vie. De ces incidents, environ 4 sur 5 se sont produits durant l'enfance ou la jeunesse du sujet. Sur une population canadienne que nous placerons à 29 millions, divisée également par sexe, ces pourcentages livrent les taux de prévalence suivants:

Table 1

Taux de prévalence de l'exploitation sexuelle des enfants au Canada par sexe
 
Sexe masculin Sexe féminin 
Population: 29 000 000 
14 500 000 à 33 % 14 500 000 à 50 % 
= =
4 785 000  7 250 000 

A partir de ces simples calculs, on peut voir qu'il y a près de cinq millions de garçons ou d'hommes au Canada qui ont été victimes d'une forme quelconque d'attouchements sexuels non désirés. On peut considérer qu'il s'agit là d'une estimation minimale étant donné que la victimologie masculine souffre d'un déficit des signalements plus aigu que dans le cas des femmes.

Dans la catégorie des agressions sexuelles, quelque 3 victimes sur 4 dans l'étude étaient de sexe féminin, dans 1 cas sur 4 il s'agissait donc d'un garçon. L'étude Badgley a également constaté que la proportion des victimes masculines d'agressions sexuelles augmente avec l'âge, alors que les signalements diminuent, et dramatiquement, après la puberté. Dans l'Enquête nationale sur la santé de la population, 90 % des garçons/hommes et 75 % des filles/femmes n'avaient pas signalé l'expérience subie. Dans l'ensemble, les victimes féminines étaient deux fois plus susceptibles de le faire.

L'étude signalait également des constats relatifs aux contrevenants féminins qui n'ont absolument pas été portés à l'attention du public ou des professionnels, particulièrement en matière d'«outrages à la pudeur» (exhibitionnisme, notamment) visant des personnes de sexe masculin, et le recours à des juvéniles s'adonnant à la prostitution. Ces deux types de constats sont ignorés dans les discussions sur les taux de prévalence relatifs aux victimes masculines. Parmi les constats de la sous-étude Enquête nationale sur les forces de l'ordre (Badgley, 1984), le rapport révèle que les hommes comptent pour 99,4 % des personnes accusées d'outrage à la pudeur, les femmes, pour 0,06 %. Toutefois, dans l'Enquête sur la santé ci-dessus (Badgley, 1984), 77,6 % des victimes des deux sexes ont signalé avoir été la cible d'hommes, alors que 22,4 % avaient été la cible de femmes. Dans ce contexte, 33 % des victimes masculines ont indiqué avoir été exposées, contre leur volonté, au spectacle d'un sexe féminin. Une victime féminine sur 13 avait été la cible d'un contrevenant féminin, dans un cas sur 20, il s'agissait de l'exhibition d'un sexe féminin. En dépit des taux de signalement d'attentats à la pudeur de la part de femmes dans l'Enquête sur la santé, seule une faible proportion des incidents sont signalés, et peu de contrevenants féminins finissent par être poursuivis.

Dans l'Enquête nationale sur la prostitution juvénile, 50 % des 229 jeunes sujets qui s'adonnaient à la prostitution dans diverses régions du Canada, signalaient qu'ils avaient été sexuellement sollicités par une femme adulte, soit 62 % des sujets masculins et 43,4 % des sujets féminins. Dans 75 % de ces incidents, le consommateur était la femme elle-même; dans les autres cas, le destinataire était une connaissance masculine. Vingt-deux pour cent des juvéniles de sexe masculin et 20 % des juvéniles de sexe féminin avaient été sollicités par des femmes trois fois ou plus. Cependant, dans cette étude et dans d'autres, les clients masculins représentent toujours plus de 95 % des consommateurs de services sexuels offerts par des juvéniles et des adultes des deux sexes qui s'adonnent à la prostitution.

Aux É.-U., les enfants victimes d'agressions sexuelles violentes sont plus souvent des garçons (Office of Juvenile Justice et Delinquency Prevention, 1995). Les indices suggèrent que les garçons sont plus susceptibles que les filles d'être maltraités physiquement et sexuellement à la fois (Finkelhor, 1984). Les recherches qui explorent les différences dans la gravité des abus sexuels subis par les victimes masculines, en les comparant avec les victimes féminines, suggèrent que les garçons subissent des agressions plus envahissantes, sont victimes d'une plus grande variété d'actes sexuels, perpétrés par un plus grand nombre d'auteurs (Baker et Duncan, 1985; Bentovim, 1987; DeJong, 1982, Dubé, 1988; Ellerstein, 1980; Finkelhor et cool., 1990; Gordon, 1990; Kaufman, 1980; Reinhart, 1987). Toutefois, il est probable que ces constats ne tiennent pas compte du fait que c'est la gravité même de l'agression qui permet à un incident impliquant une victime masculine d'être porté à l'attention des autorités. Garçons et hommes n'ont pas tendance à signaler les abus sexuels moins graves, surtout lorsque l'auteur est de sexe féminin.

La Table 2 donne les taux de prévalence des mauvais traitements sexuels pour différentes populations masculines. Les échantillons et les taux couvrent une très grande échelle. Il est intéressant de constater les taux élevés de mauvais traitements dans les antécédents des contrevenants sexuels masculins.

Table 2

Taux de prévalence des abus sexuels chez les personnes de sexe masculin
 
Auteurs Échantillon Prévalence %
Canada

Badgley (1984) 

Enquête de population générale  14 
Violato & Genuis (1992)  Étudiants d'université (Canada)  14
É.-U.

Finkelhor, et coll. (1990) 

Enquête nationale (É.-U.)  16 
Condy et coll. (1987)  Universitaires - hommes (É.-U.)  16 
Fromoth et Burkhart (1987)  Étudiants pré-diplômés (É.-U.) 24
Stein et coll. (1988)  Enquête communautaire É.-U.)  12,2 
Urquiza (1988)  Étudiants pré-diplômés (É. -U. )  32
Cameron et coll. (1986)  Enquête nationale (É.-U.)  16 
Risin et Koss (1987)  Garçons de moins de 14 ans  7,3 
Condy et coll. (1987)  Prisonniers - hommes (victimes de femmes seulement)  46
Groth (1979)  Contrevenants sexuels adultes - hommes  33 
Petrovich et Templer (1984)  Contrevenants sexuels adultes - hommes (victimes de femmes seulement)  59
Johnson (1988)  Garçons (4-13 ans) ayant eu une conduite sexuellement abusive  49
G.-B.

Baker & Duncan (1985) 

Enquête nationale (G.-B.) 

Les taux de prévalence des victimes masculines dans le total de la population des victimes d'abus sexuels figurent à la Table 3.

Table 3

Victimes masculines comme pourcentage du total des victimes d'abus sexuels
 
Auteurs Échantillon Prévalence %
DeJong, et coll. (1982)  Étude des hôpitaux 17 
Ellerstein et Canavan (1980) Étude des hôpitaux  11
Finkelhor (1984)  Examen de la documentation sur les abus sexuels  10-33
Neilson (1983) Estimations des programmes de traitement  25-35
Pierce et Pierce (1985)  Étude sur les lignes d'urgence pour enfants maltraités  12
Ramsay-Klawsnik (1990a) Enfants adressés pour leur protection 
Cas confirmés d'abus sexuels 
39
45
Rogers et Terry (1984)  Étude des hôpitaux  25
Grayson (1989)  Interviews de cliniciens  25-50 

Conduite sexuelle abusive entre frères et/ou soeurs

L'inceste entre frères et soeurs est un autre domaine dont on commence tout juste à discuter et dont l'étude a été entravée du fait que bien des gens omettent de classer de tels incidents sous la rubrique des mauvais traitements. Il est difficile d'obtenir une image complète de la prévalence des abus sexuels entre frères et soeurs du fait que bien des enfants, des adolescents et des adultes jugent qu'il s'agit de «curiosité sexuelle» ou d'«expérimentation». Certaines victimes voient cela comme de l'«exploration mutuelle».

En termes strictement juridiques et cliniques, il est parfois difficile d'étiqueter ces actes sexuels comme un comportement «délinquant» si l'on ne se donne pas la peine de considérer l'âge des enfants, les différences d'âge entre victimes et auteurs, le pouvoir qu'impartit l'âge, le fonctionnement intellectuel, la taille et la force, l'impact sur la victime, ou l'éventuelle position d'autorité de la personne plus âgée - frère ou soeur (c.-à-d. gardien-gardienne). Dans d'autres cas, l'enfant «contrevenant» agit «en réaction», en s'en prenant à un frère ou une soeur plus jeune ou plus faible pour avoir été lui-même (elle-même) maltraité(e). Peu de cas de ce genre figurent dans les statistiques officielles sur la délinquance ou la prévalence du fait que les contrevenants ont moins de 12 ans.

Pour les victimes masculines d'abus sexuels infligés par un frère ou une soeur, certains avancent des chiffres de 6 % (Pierce et Pierce, 1985a), 13 % (Finkelhor, 1980), et 33% (Thomas et Rogers, 1983). Longo et Groth (1983) ont constaté que parmi les victimes de contrevenants juvéniles au sein de la famille on trouve: des soeurs, soeurs par remariage, ou soeurs adoptives (20 %); des «frères» en famille d'accueil (16 %); et des frères biologiques (5 %).

Harcèlement sexuel

Les femmes ont eu à se battre pendant des années pour que les discussions publiques sur la violence et la victimologie intègrent leurs expériences, préoccupations et appréhensions en matière de harcèlement sexuel. Leurs efforts ont réussi à nous sensibiliser aux subtilités et à l'impact du harcèlement sur les fillette s, les adolescentes et l es femme s dans bien de s milieux de travail et scolaires. Même s'il y a encore du chemin à faire, le harcèlement sexuel est maintenant reconnu comme un grave problème pour les femmes. Mais c'est une problématique qui engendre des victimes masculines aussi. Toutefois, comme pour tout phénomène relatif à la victimologie, les hommes sont en butte à des stéréotypes discriminatoires et à une attitude de deux poids, deux mesures. Il suffit de soulever la question des victimes masculines du harcèlement sexuel pour voir les sourcils se froncer et l'incrédulité se peindre sur tous les visages.

Malheureusement, lorsque l'on essaie d'établir la prévalence du harcèlement sexuel dont des hommes font les frais, on est encore confronté au même problème du retard du Canada par rapport aux autres pays occidentaux. La Communauté européenne a produit un rapport de 93 pages sur le harcèlement sexuel intitulé The Guide to Implementing the European Code of Practice on the Dignity of Women and Men at Work [Guide d'application du Code européen des pratiques relatives à la dignité des femmes et des hommes au travail]. Dans ce document, on mentionne que 19 % des hommes en Allemagne et 21 % des jeunes gens en France ont signalé qu'ils ont fait l'objet d'avances sexuelles non sollicitées (Globe & Mail, 1993). Que femmes et filles soient plus exposées au harcèlement sexuel ne justifie nullement le fait qu'il n'existe pratiquement aucune recherche entreprise au Canada pour documenter la prévalence du phénomène lorsqu'il vise les hommes. Quant à la question du harcèlement entre homosexuels masculins, elle n'a même pas fait surface.

Il y a pourtant une exception: une étude récemment publiée sur le harcèlement sexuel entre élèves du secondaire. Cependant, elle tombe rapidement dans le piège du reportage biaisé et de l'interprétation. Un dépliant qui fait la promotion de l'étude contient le paragraphe suivant:

«Dans une étude récente effectuée dans les écoles secondaires de l'Ontario, plus de 80 pour cent des filles ont affirmé avoir été harcelées sexuellement. Quant aux garçons, ils ont déclaré que leur harcèlement était souvent un compliment ou une taquinerie: peu d'entre eux ont dit qu'ils ne se sentaient pas en sécurité ou que le harcèlement était une interférence dans leur quotidien, sauf si l'auteur du harcèlement était de sexe masculin. » (OSSTF, 1994)

La plupart des gens lisent un tel passage sans y penser deux fois. Ce qu'il y a d'inquiétant dans des propos de ce genre, c'est qu'ils renforcent des stéréotypes biaisés et nocifs au sujet des hommes et qu'ils renforcent l'attitude des deux poids, deux mesures. Et ce n'est pas tout, il y a d'autres problèmes.

Tout d'abord, le pourcentage global des jeunes gens qui ont signalé avoir été harcelés sexuellement n'est pas donné, de sorte qu'il est difficile de comparer quoi que ce soit avec la proportion de 80 % indiquée dans le cas des jeunes filles.

Deuxièmement, à la question: <.Avez-vous parfois peur d'être sexuellement harcelé(e)s?», quelque 70 % des filles et 30 % des garçons ont répondu «Oui». Entre un quart et un tiers des jeunes gens ont donc dit «Oui» (qu'ils l'ont cette crainte). On ne peut pas dire qu'il s'agit là d'un petit pourcentage. Mais ce qui est sans doute plus important, c'est que cela rend indéfendable la position des auteurs qui est de minimiser la gravité du problème pour les garçons sous prétexte que la prévalence est plus élevée chez les filles.

Troisièmement, les auteurs émettent également des jugements qualitatifs quant à l'impact sur les garçons, sans reconnaître que ces derniers sont moins susceptibles de signaler les cas de harcèlement, plus portés à minimiser tout impact négatif, plus disposés à réprimer toute expression de crainte, et plus enclins à banaliser leur expérience dans la mesure où la socialisation qui leur est propre leur enseigne à apprécier et à considérer comme positives les «ouvertures sexuelles» venant de la gent féminine. Il faut se demander si l'on pourrait se permettre de ne pas douter des commentaires des jeunes femmes dans l'étude qui déclareraient avoir perçu comme un compliment ou une taquinerie le harcèlement dont elles ont fait l'objet.

Cette critique ne diminue en rien l'importante contribution du travail ou des efforts incessants de ceux qui essaient de protéger les étudiants du harcèlement. Il ne s'agit pas non plus d'une banalisation du fait que, ordinairement, les filles éprouvent davantage la crainte, l'inconfort et les conséquences émotionnelles du harcèlement. Le problème est plutôt que les auteurs, dans leurs commentaires et interprétation des résultats, renforcent de malheureux stéréotypes qui ne font que perpétuer le problème du harcèlement sexuel entre étudiants, surtout lorsque l'une des parties est de sexe masculin.

Du fait que la conscience publique ne fait tout juste que s'éveiller au harcèlement sexuel, il n'est pas du tout inusité de rencontrer des gens qui croient que les garçons ne peuvent pas être harcelés sexuellement parce que, en tant que mâles, ils ont le «pouvoir». Certes, le harcèlement sexuel est une question de pouvoir, mais une définition du «pouvoir» exprimée en termes politiques ou économiques seulement serait trop étroite pour être appliquée au quotidien des enfants et des adolescents. Elle serait également trop restreinte si l'on supposait que seuls les mâles ont le pouvoir en vertu de leur sexe. L'attirance physique, l'âge, la popularité, et même la «personnalité» peuvent être des formes de «pouvoir social». Par exemple, avec quel sérieux un administrateur scolaire ou même des copains sont-ils susceptibles d'écouter un garçon boutonneux, maigrichon ou de type «rat de bibliothèque» qui se plaindrait d'avoir été sexuellement provoqué ou taquiné par une fille attirante et populaire? Et que dire d'un cas où le garçon en question serait «plus jeune» ou s'il s'agissait d'un étudiant appartenant à une minorité visible dont la première langue n'est pas le français alors que l'étudiante serait une blanche? Ou encore si l'étudiant venait d'un milieu religieux très strict où l'on considère le moindre propos ou contact «sexuel» comme non approprié et agressif? Vu de cet angle-là, le harcèlement sexuel peut donc être perçu comme une atteinte à la dignité humaine fondamentale et une violation des croyances religieuses ou des normes et valeurs culturelles.

Viols et agressions sexuelles contre les hommes en prison

La forme d'agression sexuelle la plus négligée dans notre société a pour victimes des hommes qui se font violer en prison. Les études sur la prévalence des agressions sexuelles ne mentionnent jamais cette forme de violence. En fait, on ne trouve aucune recherche qui documente les agressions sexuelles infligées à des hommes adolescents et adultes dans les prisons ou dans des établissements de garde fermée, bien que l'on estime que cela soit courant. Il est facile d'ignorer le sort de ces hommes à cause de leur statut « diminué » en tant que contrevenants; même trop facile de manquer totalement de compassion pour eux - jusqu'à ce que l'on se mette à réfléchir au fait que nombre d'entre eux sont eux-mêmes des «rescapés» (anciennes victimes) de diverses formes de mauvais traitements durant l'enfance.

Enfants maltraités physiquement et émotivement, et en carence de soins

Les mauvais traitements sexuels infligés aux enfants et aux jeunes ont été une dominante d'une bonne partie des activités de recherche, des prises de position sociales, et de nombre de reportages dans les médias au cours des dix dernières années sur les enfants maltraités, en dépit du fait que ce phénomène ne compte que pour environ 14 % des diverses formes de mauvais traitements signalés ou prouvés (NCCAN, 1994). Aux É.-U., les enfants en carence de soins (négligés) comptent pour 49 % des cas de mauvais traitements, les enfants maltraités physiquement, pour 23 % et émotivement, pour 5 %. La privation de soins médicaux, elle, compte pour 3 %, les enfants autrement carencés, pour 9 %, et les cas de négligence pour raisons inconnues constituent le reste. Cela est particulièrement significatif lorsque l'on se rend compte que les garçons, surtout dans les catégories d'âge plus jeunes, représentent habituellement la majorité des victimes de mauvais traitements physiques et émotionnels.

Dans l'étude ontarienne d'incidence des signalements d'enfance maltraitée et en carence de soins, il a été constaté que les garçons étaient sur-représentés dans la catégorie des mauvais traitements physiques. Ils comptaient pour 59 % des enquêtes dans la catégorie d'âge 0-3 ans, pour 56 % des 4-7 ans, pour 55 % des 8-11 ans, et pour 44 % des 12-15 ans. En ce qui concerne les victimes de mauvais traitements émotionnels, les garçons comptaient pour 54 % de toutes les enquêtes. Les taux d'incidence étaient à leur plus élevé pour les garçons de 4-7 ans (69 % ) et à leur plus bas pour ceux de 8-11 ans (33 %). Pour ce qui est de la carence de soins, les chiffres étaient passablement équivalents, sauf pour les enfants de 8- 11 ans où les garçons représentaient 55 % des cas. Curieusement, cette étude ne donne pas les taux comparatifs des cas où «il y a matière», entre garçons et filles, que l'on a trouvé être beaucoup moins élevés pour les garçons, surtout dans les cas comportant des mauvais traitements sexuels (Powers et Eckenrode, 1988). Rosenthal (1988) a constaté que les garçons dans toutes les catégories d'âge étaient victimes de coups et blessures beaucoup plus graves que les filles, les cas les plus extrêmes se manifestant chez les garçons de moins de 12 ans.

L'étude ontarienne rapporte que les taux de mauvais traitements physiques étaient légèrement plus élevés pour les filles de 12-15 ans ( 56 %) et affirme que les filles dans cette catégorie d'âge sont en général «à plus haut risque» de mauvais traitements physiques que les garçons. Des résultats analogues ont été signalés ailleurs (Johnson et Showers, 1985; Russell et Trainor, 1984; et Walker et d'autres, 1988). Néanmoins, ce que cette interprétation omet de prendre en ligne de compte, c'est que les garçons sont moins susceptibles de signaler la conduite abusive, qu'il est moins probable que celle-ci soit portée à l'attention des autorités, et que les garçons sont plus enclins à se défendre du fait qu'ils sont, en moyenne, plus grands à cet âge-là (Gelles, 1978; Russell et Trainor, 1984).

Toutefois, il y a des indices qui suggèrent que les mauvais traitements physiques infligés aux adolescents des deux sexes sont sous-signalés (Garbarino, Schellenbech, et Sebes, 1986; Powers et Eckenrode, 1988; Farber et Joseph, 1985; Pelcovitz et d'autres, 1984; et Libbey et Bybee, 1979).

Violence entre frères et/ou sœurs

Tout comme en ce qui a trait aux mauvais traitements sexuels, la violence entre frères et soeurs du même sexe ou de sexe opposé pose un grave problème du fait aussi qu'elle fait l'objet d'une sérieuse carence de signalements (Steinmetz, 1977). Ce type de violence est ignorée par les parents et elle est occultée par des expressions comme «interactions un peu rudes mais normales», «rivalité entre frères et/ou soeurs», ou «chicanes». Les garçons sont même parfois encouragés à se battre pour «les endurcir» et les préparer à «la vraie vie».

Presque tous les enfants américains sont violents à l'égard de leurs frères et soeurs (Straus et coll., 1980). Selon cette recherche, 83 % des garçons et 74 % des filles ont agressé un frère ou une soeur. Cinquante-neuf pour cent des garçons et 46 % des filles ont attaqué un frère ou une soeur avec des conséquences graves.

Bien qu'il s'agisse de la forme la plus ignorée de «violence familiale», la violence exercée par un frère ou une soeur a des conséquences significatives pour les garçons et les jeunes gens. Selon Straus: ce type de violence est plus fréquent qu'entre parents et enfants ou mari et femme; les gars dans tous les groupes d'âge sont plus violents à l'égard d'un frère ou d'une soeur que ne le sont les filles; et le niveau le plus élevé de violence se manifeste lorsqu'un garçon n'a que des frères.

Châtiments corporels

La question des châtiments corporels a fait tout juste son apparition dans le propos sur l'enfance maltraitée et nous commençons à être témoins de remises en question de la justesse de certains articles du Code criminel qui sanctionnent le recours aux châtiments corporels comme mesure disciplinaire à l'égard des enfants. Ce qui inquiète, c'est que les châtiments corporels font partie d'un continuum qui commence par des fessées et se termine par des mauvais traitements physiques et des agressions. Il est parfois très difficile d'évaluer à quel stade un parent ou tuteur a franchi la ligne de démarcation. Quoi qu'il en soit, que le recours à la force ait constitué une agression ou que l'intention ait été de nature disciplinaire, les effets sur l'enfant sont nocifs (Yodanis, 1992; Vissing et coll., l991).

Les châtiments corporels sont particulièrement inquiétants dans le cas des garçons. Au Canada, 70 % des victimes d'agressions non sexuelles dans la catégorie des moins de 12 ans sont des garçons (Statistique Canada, 1991). Il est évident que les garçons sont frappés plus souvent que les filles (Bryan et Freed, 1982; Gilmartin, 1979; Knutson et Selner, 1994; Maccoby et Jacklin, 1974; Newson et Newson, 1989; et Wauchope et Straus, 1992).

Des études publiées aux É.-U. montrent qu'entre 93 % et 95 % des jeunes adultes signalent avoir fait l'objet de châtiments corporels durant l'enfance ou l'adolescence (Bryan et Preed, 1982; Graziano et Namaste, 1990). Les enquêtes menées auprès des parents indiquent qu'environ 90 % des adultes ont recours à des châtiments corporels comme mesure disciplinaire pour «corriger» leurs enfants (Wauchope et Straus, 1990; Straus, 1983).

Violence dans le cadre communautaire, scolaire et institutionnel

La violence dans le cadre communautaire et scolaire parmi les enfants et les adolescents est un sujet qui a gagné de la notoriété dans les médias et dans les milieux scolaires. Un article de journal récent rapportait que des chercheurs à l'Université du New Hampshire qui utilisaient un échantillon aléatoire d'enfants de 10 à 16 ans, ont trouvé qu'un garçon sur 10 (10 %) aux É.-U. avait subi un traumatisme génital qui n'était pas une agression sexuelle, soit ordinairement un coup de pied de la part de quelqu'un du même âge (Globe & Mail, 1995). Le taux analogue pour les filles était de 2 %. Ces mêmes chercheurs ont rapporté aussi que 40% des auteurs de traumatismes étaient des filles. Les garçons porteurs de lunettes ou vivant avec d'autres types de déficiences étaient trois fois plus susceptibles de recevoir des coups. Un an après avoir reçu un coup de pied, un garçon sur quatre souffrait encore de dépression liée à l'incident.

En 1990, Statistique Canada avait fait une étude des modèles de victimologie d'origine criminelle. On y a constaté que la catégorie la plus «à risque» était celle des hommes, jeunes, célibataires, et vivant en milieu urbain.

Dans une étude portant sur un millier d'élèves du cours moyen en Ontario, 29 % des garçons de 6e année ont signalé avoir été battus dans l'enceinte de l'école et 22 % auraient été victimes de vol, toujours à l'école, par comparaison avec 19 % et 10 % respectivement pour les filles de 6e année. Dans cette même étude, on a constaté que, globalement, les garçons et les filles étaient susceptibles, à proportions égales, d'être victimes ou auteurs d'actes violents (Ryan, Mathews, et Banner, 1993). Dans une étude à Calgary portant sur 962 élèves du cours moyen et du secondaire, 47, 5 % des garçons et 26,6 % des filles ont signalé avoir été giflés, avoir reçu un coup de poing ou un coup de pied, à l'école, durant l'année écoulée (Smith et coll., 1995). Au Canada, la violence exercée à l'école ou au sein de la communauté contre les jeunes gens homosexuels représente un autre problème dont on discute rarement.

Aux É.-U., 72 % des victimes juvéniles d'homicides sont de sexe masculin. Quarante pour cent des victimes juvéniles sont tuées par des membres de la famille, principalement par l'un des parents. Dans le cas des garçons, 53 % des victimes sont tuées par leur père, et dans le cas des filles, un peu plus de la moitié (51 %) par leur mère (OJJDP, 1995). On rapporte également dans cette étude le fait que les blancs de sexe masculin comptent pour 83 % des suicidés de moins de 20 ans, et que pour deux jeunes de 0- 19 ans assassinés aux É. -U. en 1991, un jeune s'était suicidé.

Suicide

Le Canada a l'un des taux de suicide les plus élevés dans le monde occidental. Un peu moins de 2 % de tous les décès au Canada sont des suicides, et près de quatre fois plus d'hommes/garçons que de femmes/filles se suicident annuellement. Les taux de suicide des jeunes ont appréciablement augmenté depuis les années 1950, surtout parmi les jeunes gens de 16 à 24 ans (Santé Canada, 1994). Les adolescents homosexuels de sexe masculin et les jeunes autochtones sont particulièrement à risque.

Jeunes de la rue

Dans divers pays en développement, le nombre des enfants de la rue est estimé à entre 10 et 100 millions, en grande majorité des garçons (Organisation mondiale de la santé, 1995). Au Canada, parmi les jeunes de la rue les deux sexes semblent être également à risque face à la violence physique, la plupart des auteurs de cette violence étant quelqu'un que la jeune personne considérait être un(e) ami(e) ou une connaissance de la rue (Janus et coll., 1995). Dans cette étude, les mauvais traitements physiques étaient la raison la plus fréquemment avancée pour expliquer le départ de ces jeunes de la maison. La conduite abusive était le plus souvent le fait d'un parent biologique, et plus particulièrement de la mère. Dans d'autres études portant sur les jeunes fugueurs, Powers et Eckenrode (1987) ont constaté que les garçons constituaient42,3 % des victimes de mauvais traitements physiques (filles, 57,7 %), 37,9 % des victimes de mauvais traitements émotionnels (filles, 62,1 %), et 47,7 % des victimes de carence de soins (filles, 52,3 %). McCormack et d'autres (1986) ont découvert que 73 % des fugueuses et 38 % des fugueurs avaient été physiquement maltraités.

Prostitution

Les abus sexuels figurent souvent dans la victimologie des adolescents et adolescentes qui s'adonnent à la prostitution (Mathews, 1989). Trente pour cent des filles et 27,4 % des garçons qui se prostituent ont signalé une expérience sexuelle incestueuse. Dès l'âge de 13 ans, 62,8 % des filles et 77 % des gars indiquaient avoir eu des expériences sexuelles, par comparaison avec des échantillons de la population générale de 1,7 % et de 5,4 % respectivement (Badgley, 1984). Bien entendu, ces chiffres ne reflètent pas la réalité existentielle qui est que 100 % des garçons et des filles de moins de 16 ans qui louent leurs corps à des adultes sont, de fait, sexuellement exploités par leurs clients.

Jeunes souffrant de handicaps

Soixante-et-un pour cent des enfants et des adolescents qui ont des problèmes de développement - désordres généralisés du développement et arriération mentale, notamment - sont soumis à des mesures disciplinaires corporelles très dures (Ammerman, 1994). Graham (1993) a constaté que les garçons et les filles handicapés sont tout autant à risque en matière d'exploitation sexuelle. Les adultes handicapés des deux sexes en institution sont eux aussi physiquement maltraités en très grands nombres (Roeher Institute, 1995; Sobsey et Varnhagen, 1988).

Réaction des professions aux victimes masculines un des déterminants de la prévalence

L'une des difficultés pour essayer de comprendre le véritable taux de prévalence de la victimologie masculine concerne la façon dont le tableau actuel de la situation a été influencé par des facteurs relatifs à la pratique professionnelle. Ici, nous devons jeter un coup d'oeil sur la question des faibles taux de corroboration (justification des allégations) des diverses formes de mauvais traitements, particulièrement dans le cas des enfants plus jeunes. Les taux de corroboration sont toujours plus élevés parmi les adolescents; il est nettement plus facile de les interviewer et ils sont plus aptes à expliquer aux enquêteurs ce qui leur est arrivé.

Cette problématique est encore plus aiguë dans le cas des victimes masculines. Lorsque la victime est un garçon, on a tendance à ne pas se rendre compte qu'il a tout autant besoin de soins et de soutien qu'une fille (Watkins et Bentovim, 1992). On est également plus porté à les blâmer pour ce qui leur est arrivé (Burgess, 1985; Broussard et coll., 1988; Whatley et Riggio, 1993) et leurs agresseurs ne sont pas tenus pour responsables au même degré (Burgess, 1985). Dans l'une des études les plus troublantes, Pierce et Pierce (1985) ont constaté que les victimes masculines, bien qu'ayant été assujetties à des types de mauvais traitement plus «envahissants» et soumis à davantage de types d'actes sexuels que les victimes féminines, avaient 5 fois moins de chances d'être retirées de leur foyer.

Images de violence contre les garçons et les jeunes gens dans les médias

Si l'on porte le regard au-delà des formes plus conventionnelles de recherche et d'autres types d'information sur la violence et les mauvais traitements, il n'est pas difficile de trouver des images dans les médias qui semblent encourager l'agression contre les garçons et les hommes. Il y a déjà belle lurette que les femmes ont sommé les médias de se montrer responsables et de s'abstenir d'exploiter dans la publicité et dans les émissions de divertissement des images de femmes qui seraient nocives, sexistes et déshumanisantes. A leur tour, les hommes commencent maintenant à exprimer leurs propres préoccupations.

La violence contre les hommes et les garçons est tellement banalisée dans notre société qu'elle est devenue pour ainsi dire «invisible» aux yeux de la plupart des gens, tout comme les images qui renforcent les stéréotypes nocifs concernant les hommes et la virilité. Par exemple, on attend des hommes qu'ils soient physiquement forts et capables, de vrais «durs de durs», et ainsi on ridiculise dans les bandes dessinées, dessins animés et films comiques le garçon ou l'homme petit de taille, maigrichon ou trop sensible. Hélas, des tas de jeunes gens qui essaient de s'imposer les impossibles normes que dictent les culturistes et autres haltérophiles sont en train de se tuer lentement par l'usage de stéroïdes.

Notre insensibilité aux victimes masculines est flagrante dans les images que véhiculent les médias, la publicité, les films comiques au cinéma ou les comédies de situation à la télévision, et même les bandes dessinées dans les journaux au Canada (Mathews, 1994). Il suffit de regarder America's Funniest Home Videos pendant quelques semaines pour observer les inévitables images qui se veulent «amusantes» d'un jeune homme qui se fait mal aux testicules en faisant du sport, dans une rencontre avec un animal agité ou un enfant particulièrement énergique, ou à cause d'un quelconque autre accident. Une publicité pour une compagnie américaine de restauration rapide montre l'un des personnages de la comédie de situation Seinfeld recevant une rondelle de hockey dans les testicules.

Des bandes dessinées à forte distribution - Fox Trot, For Better or Worse et Nancy mettent en situation des filles qui s'attaquent à des garçons de leur classe, ou des soeurs adolescentes qui s'en prennent à leur frère: un coup de poing par ci, un coup de trique par là, ou encore en lui brisant ses lunettes. D'autres bandes dessinées comme Beetle Bailey et Andy Capp montrent régulièrement des violences infligées à des hommes d'âge mûr.

Dernièrement, un film pour enfants, Tom et Huck, nous montrait un garçon qui se faisait donner un coup de poing sur le visage par le personnage féminin, Becky, alors que la même scène dans la version originale du film et dans le livre dont est tirée l'histoire ne comportait pas de violence. Un autre film récent, les Beverly Hillbillies, nous montre une jeune femme (Elly-Mae) en train de lutter avec un camarade de classe et de lui donner des coups de pied dans les testicules. Les viols dans les prisons, les blessures aux testicules, l'exploitation sexuelle des garçons par des femmes sous prétexte d'«initiation», ainsi que d'autres comportements que l'on identifie facilement comme agression physique ou sexuelle lorsque des filles/femmes en sont les victimes, sont si régulièrement exploités sur le registre de l'«humour» qu'ils sont devenus une sorte de norme dans les films de divertissement populaire et comédies de situation (Mathews, 1994).

Chapitre 2

Agresseurs des garçons et des hommes

Conduite sexuelle abusive

La plupart des données qui ont déterminé notre perception de la conduite sexuelle abusive nous viennent de rapports sur des études de cas, de statistiques officielles sur la criminalité de constats de police et de registres d'organismes d'aide à l'enfance. Lorsque l'on examine les études de cas, il est évident que la majorité des agresseurs sexuels qui s'en prennent à la fois aux filles, aux garçons, aux femmes et aux adolescentes sont des contrevenants masculins hétérosexuels (DeJong et coll., 1982; Ellerstein et Canavan, 1980; Faller, 1987; Parber et coll., 1984; Reinhart, 1987; Showers et coll., 1983; Spencer et Dunklee, 1986). Ramsay-Klawsnik (199Oa) a constaté que les garçons sont victimisés par des hommes adultes dans 33 % des cas et par des adolescents dans 12 % des cas. Le contrevenant est le père biologique dans 20 % des cas selon Pierce et Pierce (1985), 7 % selon Ellerstein et Canavan (1980), 29 % selon Paller (1989), 14 % selon Spencer et Dunklee (1986), et 48 % selon Priedrich et d'autres. (1988). Le contrevenant est le conjoint de la mère dans 28 % des cas selon Pierce et Pierce (1985). Bien qu'il n'existe pas d'études sur les agressions sexuelles de même sexe ou les «viols de rendez-vous» parmi les adolescents homosexuels masculins, on dispose d'indices tirés d'une étude sur les hommes gais adultes qui suggèrent que les agresseurs dans cette catégorie pourraient bien être en majorité d'autres hommes gais ou bisexuels (Mezey et King, 1989; Waterman, Dawson et Bologna, 1989).

Contrevenants adolescents

Les abus infligés à des victimes masculines par des adolescents sont bien documentés dans les textes. Rogers et Terry (1984) ont constaté que 56 % des victimes masculines ont été la cible de contrevenants adolescents, comparé à 28 % des filles et des femmes. Longo et Groth (1983) ont constaté que 19 % des auteurs d'inceste frère-soeur étaient de sexe féminin. D'autres ont également documenté les taux élevés des abus infligés par des adolescents à des victimes masculines (Ellerstein et Canavan, 1980; Showers et coll., 1983; Spencer et Dunklee, 1986). Longo et Groth (1983) ont constaté que les auteurs adolescents (81 %) etadolescentes (19 %) dedélitssexuelsont jetéleurdévolusurunfrère (16 % et 5 % respectivement). Dans la plupart des cas d'inceste frère-soeur, la victime était plus jeune que le contrevenant (Pierce et Pierce, 1987). Il s'agit habituellement de personnes qui ont une faible estime de soi, un profond sentiment d'inadéquation et d'isolement, et on a affaire à des solitaires sans maturité qui préfèrent la compagnie d'enfants plus jeunes (Groth et Laredo, 1981; Shoor et coll., 1966).

Étrangers; connaissances

Les garçons semblent plus susceptibles que les filles d'être victimes d'exploiteurs multiples (Paller, 1989; Pinkelhor, 1984; Rogers et Terry, 1984). Certaines recherches signalent qu'un garçon est plus susceptible d'être la victime d'un étranger (Pinkelhor, 1979; Rogers et Terry, 1984). Paller (1989) indique qu'enseignants, employé(e)s de garderie, chefs scouts et membres du personnel de camps d'été sont responsables de 24 % des abus infligés aux garçons. Risin et Koss (1987) signalent que les contrevenants sont des membres de la famille dans 22 % des cas; des étrangers à 15 %; gardien(ne)s d'enfants à 23 %; voisins, enseignants ou amis de la famille à 25 %, amis d'un frère ou d'une soeur à 9 %; et des pairs de la victime dans moins de 6 % des cas seulement. Cependant, il ressort dans l'ensemble que les garçons, comme les filles, sont plus susceptibles d'être victimes d'une connaissance (Paller, 1989; Parber et coll., 1984; Promuth et Burkhart, 1987,1989; Risin et Koss, 1987; Rogers et Terry, 1984; Showers et colli., 1983; Spencer et Dunklee, 1986).

Les résultats des recherches sur les abus infligés à des garçons au sein de la famille varient, avec des taux qui vont de 20 % à près de 90 % (Pierce et Pierce, 1985; Pinkelhor et al., l990). Selon d'autres rapports, la majorité des abus sexuels vécus par des garçons sont extra-familiaux (Farber et coll., 1984; Risin et Koss, 1987; Showers et coll., 1983). Mais ordinairement, il semblerait bien que les garçons sont plus susceptibles que les filles d'être exploités-agressés en dehors de la famille et par des personnes sans lien de parenté avec eux.

Contrevenants féminins

Jusqu'à il y a à peine 10 ans, on croyait communément qu'une femme ou fille ne pouvait même pas s'en prendre sexuellement à un enfant ou à un jeune. Même certains professionnels actifs sur le terrain estimaient que les femmes ne représentaient que 1 % à 3 % des contrevenants tout au plus. Cependant, les résultats de recherches qui s'accumulent sur les contrevenants sexuels féminins (adolescentes et adultes) commencent à remettre en question nos croyances sur le sujet; en revanche, la perspective ancienne et périmée reste encore extrêmement répandue chez la majorité des gens.

Mais le pourcentage des femmes et adolescentes que l'on retrouve parmi les contrevenants dans les rapports sur les études de cas est plutôt restreint: 3 % à 10 % (Kendall-Tackett et Simon, 1987; McCarty, 1986; Schultz et Jones, 1983;

Wasserman et Kappel, 1985). Pour les victimes masculines, le contrevenant est féminin dans 1 % à 24 % des cas; pour les victimes féminines, dans 6 % à 17 % des cas (American Humane Association, 1981; Finkelhor et Russell, 1984; et Finkelhor et coll., 1990). Dans l'étude ontarienne d 'incidence des signalements d'enfance maltraitée et en carence de soins, 10 % des enquêtes pour conduite sexuelle abusive impliquaient un contrevenant féminin (Trocme, 1994). En revanche, dans six études revues par Russell et Finkelhor, ce chiffre passe à 25 %. Ramsay-Klawsnik ( 1990) a constaté que des femmes adultes étaient responsables d'abus infligés à une victime masculine dans 37 % des cas, et qu'il s'agissait d'adolescentes dans 19 % des cas. Ces deux pourcentages sont plus élevés que ceux que l'on signale dans la même étude pour les contrevenants masculins, adultes ou adolescents.

Dynamique de la conduite sexuelle abusive des femmes

Une recherche a rapporté que les contrevenants féminins, comparés aux hommes, commettent des abus sexuels moins nombreux et des actes moins «envahissants». Alors que les agresseurs masculins sont plus susceptibles de sodomiser leurs victimes et de leur imposer un contact oral-génital, les contrevenants féminins sont plus portés à avoir recours à des objets durant l'acte (Kaufman et coll., 1995). Cette étude a également signalé que l'on ne trouvait pas de différences de fréquence en termes de pénétration vaginale, attouchements par la victime ou l'agresseur, frottements génitaux sans pénétration, ou contacts avec la bouche de la part de l'agresseur.

Les femmes seraient plus portées à la coercition verbale que physique. Les types d'abus les plus communément signalés dans le cas des contrevenants féminins comportent: pénétration vaginale, sexe oral, attouchements, et actes sexuels de groupe (Faller, 1987; Hunter et coll., 1993). Toutefois, les femmes s'adonnent également à la masturbation mutuelle et à des actes sexuels de type oral, anal et génital; elles montrent à des enfants des images pornographiques et elles jouent à des jeux sexuels (Johnson, 1989; Knopp et Lackey, 1987). La recherche suggère que, dans l'ensemble, les contrevenants féminins et masculins commettent essentiellement les mêmes actes et suivent en majorité les mêmes modèles de conduite abusive à l'encontre de leurs victimes. En outre, ils n'ont pas tendance à être bien différents en termes de leur relation avec la victime (la plupart étant apparentés) ou du lieu où se déroule l'acte (Allen, 1991; Kaufman et coll., 1995).

Il est intéressant de noter dans l'étude de Kaufman et coll. (1995) que 8 % de ces femmes étaient des enseignantes et 23 % des gardiennes d'enfants; les contrevenants masculins assumant ce type de fonctions dans 0 % et 8 % des cas respectivement. Finkelhor et coll. ( 1988) signalent aussi des taux nettement plus élevés d'exploitation sexuelle d'enfants par des femmes dans un cadre de garderie ou de garde d'enfants. Ce constat ne devrait pas surprendre puisque la majorité des employés de garderie sont des femmes.

La recherche sur les contrevenants sexuels féminins a permis de constater que nombre de ces adolescentes ou adultes ont une faible estime de soi, un comportement anti-social, des aptitudes sociales inadéquates, de la difficulté à se contrôler, elles craignent le rejet, et elles souffrent de passivité, de promiscuité, de problèmes de santé mentale, d'un désordre consécutif à un stress post-traumatique et de très brusques sautes d'humeur (Hunter et coll., 1993; Mathews, Matthews et Speltz, 1989). Néanmoins, comme dans le cas des contrevenants masculins, la recherche ne permet pas d'établir que ce soient des femmes psychotiques ou fortement perturbées qui prédominent dans cette catégorie (Faller, 1987).

Il y a toutefois des indices qui suggèrent que les femmes seraient plus portées à agir de concert avec un autre contrevenant, ordinairement un homme, bien que les études affichent sur ce point un écart de l'ordre de 25 % à 77 % (Faller, 1987; Kaufman et coll., 1995; McCarty, 1986). Cependant, Mayer (1992), dans un examen des données sur 17 adolescentes ayant commis des délits sexuels, a constaté que deux d'entre elles seulement avaient agi de concert avec un homme. Elle a également observé que les jeunes femmes dans cette étude connaissaient leurs victimes et qu'aucune d'entre elles n'avait eu à souffrir des conséquences judiciaires de ses actes.

Les études sur les auto-signalements offrent un tableau très différent des délits sexuels et gonflent considérablement le nombre des contrevenants féminins. Dans une étude rétrospective des victimes masculines, 60 % rapportent avoir été exploitées par une femme (Johnson et Shrier, 1987). On retrouve le même taux dans un échantillon d'étudiants universitaires (Fritz et coll.,1981). Dans d'autres études sur des universitaires masculins, on a noté des taux de délinquance féminine allant jusqu'à72 %-82 % (FromuthetBurkhart, 1987, 1989; Seidner et Calhoun, 1984). Bell et coll. (1981) ont constaté que 27 % des victimes masculines avaient été ciblées par des contrevenants féminins. Dans certaines des études de ce type, les contrevenants féminins représentent jusqu'à 50 % du total (Risin et Koss, 1987). Knopp et Lackey (1987) ont constaté que 51 % des victimes des contrevenants féminins étaient de sexe masculin. Il est évident que les études de signalement de cas livrent des données de prévalence très différentes de celles des auto-signalements. Ces écarts extraordinaires nous alertent à la nécessité de commencer à remettre en question toutes nos idées reçues concernant les contrevenants et les victimes en matière d'enfance maltraitée.

Finalement, dans les antécédents des violeurs, des contrevenants sexuels et des hommes sexuellement agressifs, il y a des taux alarmants d'exploitation sexuelle par des femmes: 59 % (Petrovich et Templer, 1984), 66 % (Groth, 1979) et80 % (Brière et Smiljanich, 1993). Il est impératif d'identifier les contrevenants féminins comme on peut le constater à la Table 4 qui présente les résultats d'une étude de O'Brien (1989) sur les contrevenants sexuels adolescents des deux sexes. Ceux de sexe masculin qui avaient précédemment été exploités par une personne de sexe «féminin seulement» ont presque exclusivement choisi des victimes féminines.

Table 4

Sexe de la victime selon le sexe de l'agresseur du contrevenant
 
Sexe de l'agresseur du contrevenant Sexe de la victime Masculin ou masculin et féminin  Féminin seulement
Masculin seulement  67,5%  32,5% 
Féminin seulement  6,7% 93,3%

Berkowitz (1993), dans une étude sur les victimes sexuelles masculines en thérapie de groupe à Winnipeg, a obtenu les résultats suivants:

Table 5

Sexe des exploiteurs de victimes masculines en thérapie de groupe
 
Sexe des exploiteurs Nbre %
Délits au sein de la famille (Nbre = 54)

Contrevenant masculin

54 100,0
Contrevenant féminin  39 72,2
Délits en dehors de la famille (Nbre = 55)

Homme adulte 

50  90,9
Femme adulte 30 54,5
Adolescent 39 70,9
Adolescente 24 43,6

Mauvais traitements et carence de soins

Dans l'étude ontarienne d'incidence, 41 % des enquêtes sur l'enfance maltraitée portaient sur la conduite brutale, en comparaison de 24 % pour inconduite sexuelle, 30 % pour carence de soins, 10 % pour carence émotive ou cruauté mentale, et 2 % pour autres formes de mauvais traitements. Dans 12 % des enquêtes, on soupçonne deux formes ou plus de mauvais traitements. Dans 27 % des cas, il y avait eu corroboration; dans 30 %, des soupçons; et dans 42 %, pas de corroboration. Dans 49 % des enquêtes, la victime présumée était un garçon, tout comme dans 35 % des cas où il y avait soupçon d'inconduite sexuelle (Trocme, 1994). En Ontario, 34 % des enquêtes portaient sur des enfants vivant avec les deux parents biologiques, 19 % avec un parent biologique et un parent par remariage, 36 % avec une mère célibataire, et 6 % avec un père célibataire. L'aide sociale était la principale source de revenus du ménage dans 38 % des cas. Au moins 17 % des personnes vivaient dans un logement subventionné.

Aux É.-U., les chiffres fournis par l'American Association for the Protection of Children (1985) révèlent que la majorité des mauvais traitements physiques et que la plupart des coups et blessures infligés à des enfants étaient attribuables à des femmes. D'autres recherches livrent des indices qui suggèrent que les mères représentent la majorité des contrevenants en matière d'enfance maltraitée et carence de soins (Johnson et Showers, 1985; Rosenthal, 1988). Archambault et coll. (1989) ont constaté que les mères sont les principaux contrevenants aussi bien dans le cas des fugueurs que des fugueuses, victimes de mauvais traitements physiques.

Il ressort donc que de nombreux enfants maltraités et en carence de soins se retrouvent dans des familles dirigées par une mère célibataire et vivant dans un milieu à stress élevé. Poussées à bout, ces mères frustrées s'en prennent à leurs enfants. Certaines d'entre elles sont également victimes de violence conjugale, ont été maltraittées comme enfants, ou subissent un certain nombre de facteurs courants et chroniques de stress. Les mères demeurent la principale source de soins aux enfants et elles passent plus de temps avec eux; il n'est donc pas surprenant qu'elles apparaissent en plus grand nombre dans les statistiques sur l'enfance maltraitée et carencée.

Bien que plus de femmes que d'hommes soient responsables de mauvais traitements physiques et de carence de soins aux enfants, on dispose de certains indices qui montrent que les hommes infligeraient des coups et blessures plus graves à leurs victimes, surtout masculines (Rosenthal, 1988). En outre, les pères sont deux fois plus susceptibles que les mères d'être responsables lorsqu'il y a mort d'enfant (Jason et Andrek, 1983). Dans d'autres études, on n'a pas trouvé de différence entre les sexes dans les familles à deux parents quant à la gravité des mauvais traitements ou en termes de mort d'enfant (Gelles, 1989; Greenland, 1987). Cependant, les femmes étant encore la principale source de soins aux enfants, l'impact émotif des mauvais traitements infligés par la mère, quelle que soit leur forme, pourrait être plus grand que celui des agissements d'un père.

Le fait que les coups donnés par le père ont des conséquences physiques plus graves est sans doute attribuable à la force plus considérable des hommes en général, mais aussi aux effets anti-inhibitifs de l'alcool et, dans une moindre mesure, des drogues, qui entrent massivement en ligne de compte dans les cas d'enfants et de jeunes maltraités par les parents (Cavaiola et Schiff, 1988). Les mauvais traitements d'enfants, dans toutes leurs formes, voient l'intervention d'éléments comme l'excès de boisson, l'abus de drogue, les problèmes de santé mentale et la violence interparentale en tant que facteurs de risque chez les parents, mais surtout en matière de mauvais traitements physiques et de carence de soins (Trocme, 1995).

Le stade où commencent les mauvais traitements est susceptible d'avoir un certain impact sur leur évolution, leur durée et leurs conséquences, même si l'on n'a toujours pas suffisamment de résultats de recherche pour pouvoir «cartographier» un cheminement et des séquelles prévisibles. En général, l'évolution des mauvais traitements suivra l'un des trois cheminements suivants: commencent durant l'enfance et se terminent lorsque l'enfant atteint l'adolescence; commencent durant l'enfance et se poursuivent durant l'adolescence; commencent durant l'adolescence (Lourie, 1979). La durée peut s'étendre d'un mois à plus de 15 ans. La durée moyenne est d'environ cinq ans (Farber et Joseph, 1985).

Châtiments corporels

Les châtiments corporels infligés par des parents, enseignants, responsables de garde de jour, ou divers professionnels en milieu institutionnel, passent essentiellement inaperçus ou ne sont pas considérés comme des mauvais traitements du fait que l'on estime qu'ils font partie des fonctions acceptables de l'adulte dans le rôle de parent, de substitut de parent ou de responsable des soins de l'enfant. Cela est en partie attribuable aux normes culturelles répandues dans la société nord-américaine qui sanctionnent le recours à la force comme outil disciplinaire pour corriger les enfants et les jeunes, et à une vision d'un «monde juste» en vertu de laquelle les enfants qui se conduisent mal, sont difficiles à contrôler ou mettent les adultes dans tous leurs états, méritent bien la fessée.

Mais cela est aussi dû au fait que cette forme de mauvais traitements n'est portée à l'attention des autorités que lorsqu'elle prend une tournure grave. Comme dans le cas des mauvais traitements entre conjoints, nous avons historiquement considéré ces incidents de violence au sein de la famille comme une préoccupation «domestique» ou une question familiale strictement privée, même si d'importantes étapes ont été franchies pour modifier cette perception au Canada. Néanmoins, nous n'avons pas encore appris que les enfants méritent le même type de compassion et le même souci dont on a enfin reconnu la légitimité dans le cas des épouses.

Presque tous les parents américains souscrivent aux châtiments corporels et y ont régulièrement recours, aussi bien avec les tout petits qu'avec les moins jeunes et les adolescents, bien que l'usage tende à diminuer avec l'âge. Cependant, il semble que les garçons soient plus souvent la cible des châtiments corporels que les filles. Plus de fils signalent avoir été frappés par les parents, et plus de parents admettent avoir frappé un fils qu'une fille (Straus, 1994). Dans la même étude, les fils indiquent qu'ils sont tout aussi susceptibles d'être frappés par les deux parents, alors que les filles adolescentes sont plus susceptibles d'un tiers d'être frappées par la mère. Le modèle le plus fréquent concerne les mères qui frappent des fils adolescents, et le moins fréquent est celui des pères qui frappent leurs filles. Les deux tiers des mères qui ont des bambins les frappent trois fois par semaine ou plus. D'autres études ont également constaté des taux plus élevés pour les mères qui frappent des enfants adolescents (Wauchope et Straus, 1990).

Lorsqu'un/une adolescent(e) est frappé(e), c'est ordinairement les deux parents qui s'y mettent, surtout s'il s'agit d'un garçon. Quand un fils est frappé, c'est le père qui inflige les coups dans 23 % des occurrences, la mère dans 23 %, et les deux parents dans 53 % des cas. Lorsqu'une fille reçoit des coups, c'est le père qui frappe dans 20 % des occurrences, la mère dans 39 %, et les deux parents dans 41 % des cas. Le taux le plus élevé des coups portés contre des adolescents se manifeste dans des familles de la classe moyenne (Straus, 1994).

Plusieurs théories résumées par Straus (1994) avancent des explications pour essayer de savoir pourquoi les garçons sont frappés et punis plus souvent que les filles: conduite plus souvent détestable; encouragés à être plus actifs (subtile invitation à mal se conduire?); ferait partie de leur préparation à un futur rôle de pourvoyeur et protecteur; servirait à les endurcir. Le sexe du parent qui administre le châtiment corporel est lui aussi susceptible d'influencer nos perceptions. A cause de nos stéréotypes sur la femme «nourricière naturelle», nous sommes moins portés à attribuer une intention malicieuse aux mères et autres femmes. On aurait plutôt tendance à considérer que lorsqu'une femme a recours à la force physique ou aux châtiments corporels, c'est qu'elle est poussée à bout. On est donc tout aussi porté à ne pas trop s'attarder (préoccupation passagère) sur les cas où une femme aura recours à la force physique ou à des châtiments corporels à l'encontre d'un grand garçon ou d'un adolescent dont elle a la charge. Néanmoins, les théories qui expliquent le recours à la violence de la mère contre des enfants et des adolescents uniquement en termes de stress omettent de recevoir et d'intégrer les problématiques à spécificité sexuelle, alors qu'elles ont des conséquences particulières sur les victimes masculines.

On estime généralement que le stress parental attribuable à la pauvreté ou la modestie du statut socio-économique (SSE) contribue à la situation des enfants «à risque». Toutefois, la recherche n'est pas concluante. L'examen de la documentation sur les châtiments corporels qu'a fait Erlanger n'a révélé aucune corrélation particulière entre le recours aux châtiments corporels et le SSE. D'autres ont conclu à des taux plus élevés pour les familles à revenu moins élevé (Bryan et Preed, 1982; Stark et McEvoy, 1970). Une étude a constaté que les taux de châtiments corporels sont à leur plus élevé dans les familles de classe moyenne (Straus, 1994). Cette même étude a également révélé qu'alors que moins de parents adolescents de SSE modeste frappent leurs enfants, ceux qui le font les frappent plus souvent.

Croyances personnelles, expérience de vie, imputation de motifs, et apprentissage social semblent tous jouer un rôle dans la prévisibilité du recours aux châtiments corporels. Les parents convaincus que frapper un enfant ne constitue pas une agression et que cela sert à le corriger; ceux qui imputent la mauvaise conduite à de la préméditation ou à un désir de provocation; qui attribuent le comportement à des caractéristiques personnelles de l'enfant, qu'il leur appartient de réprimer; qui observent un partenaire qui a recours à la force ou, au contraire, qui se sentent totalement démunis, sont les plus susceptibles d'appliquer des châtiments corporels ou d'abuser de leur force (Bugental et coll., 1989; Dibble et Straus, 1990; Dietrich et coll., 1990; Dix et Grusec, 1985; Fry, 1993; Institut pour la prévention de l'enfance maltraitée, l 990; et Walters, 1991). Plus les parents croient dans les châtiments corporels, plus ils sont susceptibles d'y avoir recours, et plus la probabilité est grande qu'ils le feront durement (Moore et Straus, 1987).

Chapitre 3

Effets sur les victimes masculines

La majorité des textes sur les effets des sévices ont été consacrés aux victimes féminines et ont par conséquent tendance à refléter une perspective centrée sur elles. Pour reprendre les paroles de Fran Sepler, nous assistons à une «féminisation de la victimologie» ( 1990). Mais il ne faut pas croire que ces textes ne peuvent pas s'appliquer aux victimes masculines. Il y a probablement plus d'analogies que de différences entre victimes masculines et féminines.

Il est classique, dans les discussions sur la victimologie, que surgissent des questions cherchant à établir lequel des sexes souffre davantage de l'impact des mauvais traitements. Watkins et Bentovim (1992), dans un survol de la documentation sur le sujet, n'ont pas été en mesure d'établir clairement qui, des victimes masculines ou féminines, souffrait le plus de leur vécu en termes de victimologie. Toutefois, la question elle-même est vaine étant donné l'énorme éventail des caractéristiques qui distinguent différentes personnes au plan de leur souplesse d'adaptation, leur capacité à faire face, leurs ressources personnelles, la disponibilité de supports sociaux, et les différences individuelles, pour ne nommer que ces quelques traits.

Un problème qui surgit lorsque l'on essaie d'évaluer l'impact des mauvais traitements sur des personnes d'un sexe ou de l'autre concerne le tri à faire entre conséquences immédiates ou réactions à court terme, d'une part, et celles qui sont susceptibles d'être durables. Un autre problème réside dans la difficulté à évaluer l'impact sur les enfants et les jeunes qui ont connu deux types ou plus de mauvais traitements. Par ailleurs, les personnes, les milieux familiaux, et les contextes culturels et de développement sont très différents l'un de l'autre, tout comme certains autres facteurs - l'état de santé mentale et physique avant les mauvais traitements, ou encore le fonctionnement intellectuel ou cognitif. D'autres éléments compliquent la situation comme le fait que la plupart des recherches récentes sur les impacts ont été faites sur des victimes et des rescapés de mauvais traitements sexuels. Par conséquent, il est difficile d'affirmer quoi que ce soit de portée générale sur les impacts, qui puisse s'appliquer à toutes les victimes, même dans des cas de mauvais traitements analogues.

Conduite sexuelle abusive

De nombreux facteurs ont été cités comme éléments qui contribuent à une situation durable ou délétère: durée et fréquence des mauvais traitements, pénétration, recours à la force, contrevenants qui sont des membres de la famille ou des proches, absence de soutien après la divulgation, pressions pour se rétracter, multiples autres problèmes dans la famille, et le jeune âge de la victime (Browne et Pinkelhor, 1986; Conte et Schuerman, 1987; Pinkelhor, 1979; Priedrich et d'autres, 1986; Russell et Finkelhor, 1984; Tsai et d'autres, 1979). Dans le cas des victimes masculines, il y a la dimension supplémentaire de ne pas pouvoir divulguer la conduite abusive de crainte d'être traité de «gai», de faiblard, ou de menteur qui peut amplifier les effets des autres facteurs. Même lorsque la victime masculine choisit la voie de la divulgation, elle dispose de peu de supports et de services, et il n'y a pas beaucoup de professionnels dotés des compétences et du savoir voulus pour lui apporter une aide efficace.

On considère généralement que les victimes masculines sont plus susceptibles que leurs contreparties féminines d'«extérioriser leurs sentiments» en réaction à ce qu'ils ont vécu. Il se développe chez ces garçons des comportements sociaux problématiques: contravention aux moeurs sexuelles, agressions, désordres de conduite, ou délinquance; et ils semblent plus portés à adopter des comportements qui sont au détriment de leur santé comme fumer, s'adonner à la drogue, fuguer, ou avoir des problèmes scolaires menant à l'expulsion (Bolton, 1989; Priedrich et coll., 1988; Kohan et coll., 1987; Rogers et Terry, 1984).

On estime que les filles, généralement, réagissent en intériorisant leur réaction au niveau de leur «être intime» et qu'elles développent davantage de problèmes émotionnels, souffrent de désordres somatiques et de sautes d'humeur, adoptent des comportements autodestructeurs, et deviennent vulnérables à de nouvelles agressions. Bien que cette perspective ne soit pas dénuée de fondement, elle conforte les stéréotypes des rôles sexuels et ne cadre pas avec la recherche actuelle relativement à l'impact des mauvais traitements sur les garçons. En général, les victimes masculines sont tout aussi susceptibles que les autres de connaître la dépression, sauf qu'on ne leur donne pas beaucoup la «permission» d'en afficher les manifestations. On attend des garçons qu'ils soient stoïques et qu'ils sachent s'en sortir «comme des hommes».

Habituellement, les hommes ne discutent pas de leurs sentiments ni ne se tournent vers de s thérapeutes pour obtenir de l'aide et, par conséquent, ils ne sont pas susceptibles de figurer dans les statistiques sur la dépression. Étant donné que les garçons n'ont pas vraiment la permission de discuter de leurs sentiments, la dépression chez les mâles peut prendre des allures de bravade, d'agression, ou de besoin d'agir dans une tentative de surcompensation face à des sentiments d'impuissance. Les victimes masculines en dépression sont également susceptibles de se fondre dans d'autres statistiques: suicides, accoutumances, et accidents mortels inexpliqués au volant. Si les victimes masculines sont effectivement plus portées à adopter des comportements d'extériorisation par les actes, ce pourrait être tout simplement le résultat du fait que nous ne leur permettons pas d'être vulnérables ou même d'avoir été des victimes.

En réalité, les textes documentent une énorme foule d'indices de perturbation émotionnelle chez les victimes masculines: anxiété, faible estime de soi, sentiment de culpabilité et de honte, fortes réactions d'appréhension, dépression, stress post-traumatique, retrait et isolement, rappel d'images, désordres de la personnalité multiple, anesthésie émotionnelle, colère et agressivité, hyper - vigilance , passivité , et un besoin anxieux de faire plaisir aux autres (Adams-Tucker, 1981; Blanchard, 1986; Brière, 1989; Brière et coll., 1988; Burgess et coll., 1981; Conte et Schuerman, 1987; Rogers et Terry, 1984; Sebold, 1987; Summit, 1983; Vander Mey, 1988). Par comparaison avec les hommes qui n'ont pas été maltraités, les anciennes victimes masculines de mauvais traitements sexuels connais sent à l'âge adulte une plus forte proportion de problèmes psychiatriques - dépression, anxiété, dissociation, tendance au suicide et désordres du sommeil (Brière et coll., 1988).

On a découvert dans les antécédents d'un grand nombre d'hommes incarcérés dans les prisons fédérales qu'ils avaient été victimes de conduite sexuelle abusive durant l'enfance (Diamond et Phelps, 1990; Spatz-Widom, 1989; Condy et coll., 1987). Du fait que les garçons sont plus susceptibles d'être agressés physiquement et sexuellement à la fois, il se pourrait qu'ils soient plus conditionnés à amalgamer sexe, violence et agression comme éléments inséparables. Cela pourrait nous servir d'indice pour expliquer pourquoi les victimes masculines semblent exploiter ou agresser sexuellement autrui plus souvent que ne le font les anciennes victimes féminines, pourquoi leur colère et leur frustration paraissent davantage orientées sur autrui que dans le cas des filles, pourquoi les garçons semblent se créer un site externe de contrôle plus ferme, et pourquoi ils affichent une sensibilité amoindrie à l'impact sur leurs victimes des sévices qu'ils leur infligent.

Cependant, l'exploitation sexuelle n'est que l'une des conséquences possibles pour les anciennes victimes masculines. La plupart ne deviennent pas des contrevenants sexuels (Becker, 1988; Condy et coll., 1987; Freeman-Longo, 1986; Friedrich et coll., 1987; Friedrich et Luecke, 1988; Groth, 1977; Kohan et coll., 1987; Petrovich et Templer, 1984). Certains deviennent «sexualisés»: se masturbent plus souvent, sont obsédés par des pensées sexuelles ou utilisent fréquemment un langage sexuel. D'autres développent des fétiches (Friedrich et coll., l 987; Kohan et coll., l 987).

Les victimes masculines connaissent un certain nombre de symptômes physiques analogues à ceux des femmes. Les plus courants sont: perturbation du sommeil, désordres alimentaires, automutilation, pratiques sexuelles dangereuses, cauchemars, agoraphobie, énurésie et encoprésie, anxiété très élevée et phobies de tous genres (Adams-Tucker, 1981; Burgess et coll., 1981; Dixon et coll., 1978; Hunter, 1990; Langsley et coll., 1968; Spencer et Dunklee, 1986). Les victimes masculines souffrent également de problèmes psychosomatiques normalement associés à un mode de vie comportant des niveaux élevés de stress durable ou chronique, ils attrapent des maladies transmises sexuellement, se blessent par suite d'attouchements rudes, de pénétration ou d'insertion d'objets, ou, dans les cas extrêmes, se font tuer. Chez les garçons d'âge préscolaire et chez les tout petits, on a observé: absence d'épanouissement, masturbation précoce et compulsive, hyperactivité, comportement sexuel avec les animaux de compagnie, attouchements sexuels sur d'autres enfants avec qui ils reproduisent ce qui leur a été infligé, et régression au niveau de la parole ou des compétences linguistiques (Hewitt, 1990).

La victimisation sexuelle du jeune mâle produit une incapacité à s'imposer des limites personnelles, un sentiment de désespoir, et une propension à divers types de comportements insouciants ou autodestructeurs comme l'intimité sexuelle avec des partenaires à haut risque. Il n'est donc pas surprenant de découvrir que 42 % des séropositifs sont d'anciennes victimes sexuelles (Allers et Benjack, 1991; Allers et coll., 1993).

Johnson et Shrier (1987) ont constaté que les garçons qui avaient été molestés par de s hommes étaient plus susceptibles que ceux qui avaient été molestés par des femmes de se percevoir comme «gais», donc dotés d'un statut dévalorisé dans la société nord-américaine. Mais dans cette même étude, d'autres garçons, qui avaient été la cible d'une femme, affichaient des symptômes nettement plus graves, peut-être comme conséquence d'un renversement des rôles sexuels stéréotypés, élevant la femme à un rôle plus puissant.

Parmi les raisons qui font que la victime sexuelle masculine risque d'être meurtrie davantage, il y a le fait que sa victimisation remet en question dans son esprit l'intégrité globale de son identité sexuelle et personnelle «en tant qu'homme»; en effet, elle est plus susceptible de souffrir de confusion sur ce plan (Johnson et Shrier, 1987; Rogers et Terry, 1984; Sebold, 1987). L'anatomie masculine joue sans doute un rôle clé dans la formation de cette perception. Du fait que les parties génitales masculines sont externes, l'excitation en réponse à une stimulation directe est plus évidente. Avoir eu une érection, ressenti du plaisir ou connu un orgasme sont des «indices d'homosexualité» dans l'esprit de la victime masculine. Cela renforce également la croyance erronée du garçon qu'il était responsable d'une manière ou d'une autre de sa victimisation puisqu'il en a tiré un plaisir «flagrant». Contrairement à la croyance populaire, un garçon peut avoir une érection et arriver à l'orgasme, même lorsqu'il a peur.

Nombre de victimes masculines connaissent des difficultés dans leurs relations intimes par suite de leur expérience. Ces hommes ont peu ou pas du tout d'amis proches, sont portés à la promiscuité, ont de la difficulté à demeurer fidèles à leurs partenaires, s'attachent rarement à des gens et se retrouvent souvent dans des relations à court terme, abusives et dysfonctionnelles. Nombreux sont ceux qui ne connais sent que très peu de relations sexuelle s satisfaisantes au plan de s émotions ou physiquement, et parfois ils évitent complètement le sexe. D'autres deviennent sexuellement compulsifs, développent des dysfonctions sexuelles, ou s'adonnent à la prostitution (Coombs, 1974; Dimock, 1988; Promuth et Burkhart, 1989; Johnson et Shrier, 1987; Krug, 1989; Lew, 1986; Sarrel et Masters, 1982; Steele et Alexander, 1981; Urquiza, 1993).

Mauvais traitements physiques, châtiments corporels et carence de soins

Il semble y avoir une certaine vérité à la notion que la violence engendre la violence. Les enfants qui ont des antécédents de mauvais traitements physiques et de châtiments corporels sont plus agressifs, moins capables de se contrôler dans leur conduite, affichent des taux plus élevés de criminalité et de violence une fois adultes, et sont plus susceptibles de maltraiter leurs frères ou soeurs ou d'attaquer leurs parents (Bandura et Walters, 1959; Bryan et Freed, 1982; Eron, 1982; Hirschi, 1969; Sears et coll., 1957; Straus et coll., 1980; Welsh, 1978; Widom, 1989). Hommes et femmes qui ont subi des châtiments corporels sont aussi plus susceptibles de maltraiter leurs partenaires ou conjoints (Straus, 1991). Les plus forts indicateurs de criminalité et délinquance futures sont les suivants: être frappé une fois par semaine ou plus à l'âge de 11 ans; et avoir une mère, à cet âge-là, qui croit fermement dans les châtiments corporels (Newson et Newson, 1990).

Il y a des indices qui permettent de croire que les adultes qui ont été frappés en tant qu'adolescents s ont plus susceptibles de connaître la dépression ou d'avoir une fixation sur le suicide que les autres, indépendamment du sexe, du statut socio-économique, de problèmes de boisson, de violence conjugale, ou du fait d'avoir été témoin ou non durant l'enfance de scènes de violence entre les parents. A vrai dire, plus on a été frappé, plus la dépression en sera l'une des conséquences probables (Straus, 1994).

Straus avance quatre conséquences éventuelles des châtiments corporels. Sur le plan immédiat, cela mène à une escalade - où un enfant qui résiste oblige le parent à appliquer de plus en plus de force, ce qui pourrait causer des blessures graves. Au plan du développement, plus on a recours à des châtiments corporels, plus souvent il faudra le faire car l'enfant sera moins susceptible de développer des contrôles intériorisés dans son comportement. Au plan macro-culturel, les châtiments corporels créent une société qui approuve la violence comme forme de punition. Au plan inter-générations, cela accroît les risques que l'enfant, devenu adulte, approuve la violence interpersonnelle, se retrouve dans un mariage caractérisé par la violence, et connaisse la dépression.

Il est difficile d'évaluer l'impact de la carence de soins étant donné que ses effets sont susceptibles d'être inséparables de problèmes reliés à un mode d'existence aux caractéristiques suivantes, notamment: environnement domiciliaire dangereux ou très stressé; quartier ou localité peu sûrs; pauvreté; compétences parentales inadéquates; parents ayant des problèmes de santé mentale; criminalité parentale ou abus des substances et accoutumance; et violence interparentale. Là, les effets sont susceptibles d'être analogues pour les victimes masculines et féminines. On peut également s'attendre à des problèmes de santé reliés à une absence d'épanouissement sans raisons organiques, des caries dentaires, la malnutrition, l'anémie, et de faibles niveaux de protection immunitaire.

La «licence des moeurs sexuelles des mâles» et ses conséquences

Habituellement, hommes et garçons ont davantage la permission d'agir comme des êtres sexuels dans notre société. Cela fait des siècles que l'on applique une norme différentielle de moralité selon le sexe. Ainsi, il n'existe pas d'expressions positives ou flatteuses pour les femmes correspondant à «c'est un homme à femmes », « après tout, c'est un garçon! » et «il butine à toutes les fleurs ». On tient ordinairement pour acquis qu'il est avantageux d'avoir une certaine «licence de moeurs sexuelles». Selon la perception qui prévaut, l'homme dérive un pouvoir de sa capacité à obtenir des faveurs sexuelles ou à s'imposer sexuellement, alors que la femme exerce le sien en privant l'autre de telles faveurs.

Malheureusement, la licence des moeurs sexuelles a de sérieuses répercussions sur les victimes masculines. Elle accroît la susceptibilité d'un garçon à une conduite abusive par la promotion ou l'encouragement de la participation à des activités sexuelles. Elle pousse les garçons à être cachottiers car ils ont peur de signaler les expériences sexuelles qui tournent mal de crainte d'être responsables et de s'attirer la réprobation. Cela va même jusqu'à voiler nos perceptions en tant que professionnels (thérapeutes ou autres responsables) et à encourager les gens à blâmer la victime masculine et à minimiser l'impact sur celle-ci des agressions sexuelles perpétrées par un contrevenant masculin, et encore plus lorsqu'il s'agit d'un contrevenant féminin. Cette «licence» pousse les mâles à considérer que les faveurs sexuelles d'une femme sont un dû. Elle encourage une conduite sexuelle à risque et elle crée un certain nombre d'attentes chez les mâles: ils sont censés prendre les devants en matière sexuelle et avoir des connaissances et de l'expérience.

Chapitre 4

Implications

Implications pour la recherche

Comme on peut s'y attendre dans tout nouveau champ de recherche, les textes sur la victimologie masculine manquent de cohésion, surtout en matière de mauvais traitements sexuels. Les échantillons ont une portée très générale. Certaines études ne donnent même pas de définition de la conduite sexuelle abusive. Certaines ne couvrent que les délits comportant un contact direct. D'autres ne parlent d'exploitation sexuelle que si la différence d'âge entre victime et contrevenant est de cinq ans ou plus. Certaines, enfin, ne placent l'auteur de l'acte dans la catégorie des contrevenants que s'il s'agit d'un adulte ou d'une personne de 16 ans au moins. De la sorte, on ne compterait pas l'exemple d'un garçon de 10 ou 1 1 ans qui aurait été la victime sexuelle d'un garçon de 15 ans ou encore d'une adolescente. Certaines victimes masculines ont même été exclues si elles avaient admis avoir «souhaité» ou accepté l'acte en question.

Il y a toujours une foule de problèmes au plan des définitions et des concepts sur ce qui constitue une conduite sexuelle abusive à l'encontre des garçons et des jeunes gens. Même lorsque des définitions sont clairement énoncées dans la loi, nous sommes souvent en proie à des difficultés pour cerner la notion: lorsqu'il y a pression pour s'engager dans des actes sexuels entre pairs adolescents; que des adolescentes ou des femmes adultes s'exposent sans pudeur devant des garçons; que des femmes adultes ont recours aux services d'adolescents qui s'adonnent à la prostitution; que des femmes abordent des garçons ou des adolescents pour échanger des propos lascifs; ou qu'une personne adulte montre du matériel pornographique à un garçon ou à un adolescent. Même si l'on s'entend sur certaines de ces catégories lorsqu'il est question d'un jeune garçon, nos perceptions ont tendance à refléter l'attitude des deux poids, deux mesures, dès qu'il s'agit d'un adolescent.

L'imprécision et les partis-pris dans le choix des questions ont une très forte influence sur les résultats. Par exemple, des termes comme «contact» sexuel et «exploitation» sexuelle ont des sens très différents pour les mâles dont le mode de socialisation les amène à souhaiter et à valoriser toute interaction sexuelle avec la gent féminine. C'est pourquoi les études qui amplifient leur définition de l'exploitation sexuelle (conduite sexuelle abusive) et demandent aux mâles de parler de leurs «expériences sexuelles» avec des adolescentes plus âgées qu'eux ou avec des femmes livrent des taux de prévalence plus élevés sur les contrevenants féminins. Les enquêtes de type études de cas, qui livrent toujours des taux de prévalence plus faibles, sont responsables de la forme actuelle du discours professionnel sur l'exploitation sexuelle des enfants et de l'impression qu'a le public de la victimologie masculine à présent - essentiellement erronée et trompeuse.

L'application d'une norme différentielle (deux poids, deux mesures) dans l'interprétation des résultats a également influencé nos perceptions quant aux impacts sur les victimes masculines. Il n'est pas rare dans les études sur les victimes masculines de contrevenants sexuels féminins de trouver des affirmations selon lesquelles les garçons ne percevaient pas le contexte sexuel comme «de l'exploitation» et qu'ils considéraient la chose comme une expérience neutre ou positive. Quiconque lirait ces études où l'on accepte de telles affirmations sans les remettre en question pourrait être amené, à tort, à croire qu'il n'y a effectivement eu aucun impact négatif ou délétère. Du moment où l'on fait une telle supposition, on oublie que le mode de socialisation des mâles les pousse à minimiser l'impact de leur propre victimologie, surtout si le contrevenant appartient «au beau sexe», et ils cachent souvent leur crainte ou leur inconfort en affichant une attitude «machiste».

En acceptant de telles auto-évaluations sans sourciller, on renforce des stéréotypes sur les mâles qui ont des conséquences imprévues sur les deux sexes et qui perpétuent la prévalence d'une norme différentielle no cive dans le champ d'étude de l'enfance maltraitée. Ces stéréotypes font également passer un message qui semble dire que les victimes masculines sont capables «d'encaisser» et que les femmes ne sont pas des contrevenants, mais plutôt des «douces séductrices», et ils encouragent certains contrevenants féminins à faire du déni en se persuadant qu'elles ne sont que des initiatrices sexuelles pour leurs victimes masculines. Ces auto-évaluations renforcent le stéréotype qui veut que les garçons sont «séduits» alors que les filles sont violées ou sexuellement agressées; elles peuvent avoir un effet pernicieux sur les attitudes, croyances et comportements des policiers, médecins, employés d'hôpitaux, responsables de l'aide à l'enfance, ou de toute autre personne qui examine les victimes pour établir les répercussions, ou qui enquête sur des incidents impliquant des contrevenants féminins et des victimes masculines; et elles pousseraient les investigateurs à ne s'attarder que sur d'éventuelles traces de blessures et à ignorer ou minimiser les réactions sur le plan des émotions. De telles affirmations laissent entendre que, si notre mode de socialisation avait été le même pour les garçons et les filles, ces dernières auraient elles aussi exprimé les mêmes types de réactions «positives» ou «neutres». Ce n'est certainement pas le message à faire passer à qui que ce soit au sujet des enfants ou des jeunes.

Nous avons l'obligation à l'égard de nous-mêmes et des victimes masculines de poser des questions plus incisives dans nos recherches. Par exemple, si l'on re-situait l'expérience pour ces victimes masculines et qu'on les invitait à réexaminer les différences de pouvoir entre l'enfant que ces garçons ou ces hommes étaient et le contrevenant (femmes adultes ou adolescentes), à sonder leurs sentiments de confusion ou d'anxiété avant, durant ou après le contact sexuel, et à examiner dans leur vie adulte la qualité ou la quantité de leurs relations infimes et sexuelles, est-ce que ces victimes masculines seraient plus susceptibles de répondre différemment? Est-ce que l'on accepterait sans broncher d'une victime féminine l'affirmation que son «contact sexuel» avec un adolescent ou un homme adulte n'était pas de l exploitation, ou encore qu'il s'agissait tout simplement d'un aspect de son apprentissage sexuel? Peu probable. Il importe de se demander pourquoi l'on accepte si facilement une telle réponse de la part des hommes.

Cette norme différentielle qui opère dans le domaine de l'enfance maltraitée a créé une situation très fâcheuse pour les garçons et les jeunes gens. Ce n'est que lorsque les conséquences des actes des contrevenants féminins sont extrêmement graves et flagrantes qu'on les considère responsables d'agression. Donc, les mâles doivent être maltraités de façon plus grave et évidente avant qu'on ne les prenne au sérieux en tant que victimes.

Il y a aussi de sérieuses lacunes dans la documentation. On a insisté de manière extraordinaire sur les mauvais traitements sexuels, ce qui - relativement à la prévalence d'autres formes de mauvais traitements - est hors de toutes proportions. Le moment est venu pour nous de consacrer davantage de temps, d'attention et de ressources à l'étude des mauvais traitements physiques, y compris les châtiments corporels, à la carence de soins, et aux mauvais traitements émotionnels des enfants. Les victimes masculines représentent la majorité des cas dans ces catégories.

Nous devons également enquêter sur les besoins particuliers des victimes masculines qui appartiennent à une minorité visible, culturelle ou d'orientation sexuelle. Les impacts sur la victime masculine (garçon ou jeune homme), de concert avec nos réactions à ses besoins et à ses problématiques, peuvent être fortement déterminés par son appartenance à l'une ou à plusieurs de ces catégories à la fois.

Enfin, il serait nécessaire de rétablir une certaine justice dans l'allocation des ressources consacrées à la recherche et à l'éducation publique en matière d'enfance maltraitée et de violence interpersonnelle. Le champ est dominé par les études qui se concentrent uniquement sur les préoccupations des femmes. Même si cela a représenté un investissement utile et valable de nos ressources, l'accent placé sur la défense des droits d'un seul sexe est à présent une entrave à la préparation d'un tableau plus inclusif et complet sur la violence interpersonnelle au Canada. Jusqu'à ce que nous arrivions à mieux comprendre les problématiques de s victimes masculines, nous continuerons à accuser beaucoup de retard par rapport aux autres pays occidentaux, et à compromettre l'objectif d'une véritable égalité des sexes.

Implications en matière d'évaluation, de traitement et de développement de programmes

On s'imagine ordinairement que les approches qui servent pour travailler avec les victimes féminines fonctionneront également avec les mâles. Même si cela n'est pas totalement dénué de fondement, nos modèles actuels de victimologie, essentiellement centrés sur la femme, ne sont pas adéquats à plusieurs égards qui ont leur importance lorsqu'on les applique aux victimes masculines, et ils peuvent en fait être nuisibles si on les utilise sans réfléchir.

Le silence, le déni et la résistance qui entourent la question de l'enfance maltraitée sont particulièrement problématiques dans le cas des mâles. Étant donné que les connaissances au sujet de la victimologie masculine sont très limitées parmi le grand public, que l'on en parle peu dans les médias, et que l'on n'y consacre pas beaucoup de recherches, les victimes ont besoin de se faire dire dès le début qu'elles ne sont ni le premier ni le seul mâle à avoir été exploité, maltraité ou agressé. En s'assurant que le sujet comprend la prévalence de la victimologie masculine, on fait un pas énorme en l'aidant à se débarrasser de son sentiment d'isolement et de mépris de soi, sentiment qui accompagne souvent une perception fort répandue du style «ces choses, ça arrive rien qu'à moi» ou «j'ai pas été à la hauteur».

Apprendre à faire confiance à un thérapeute et même à ne pas se méfier de ses propres pensées, sentiments et perceptions lorsque l'on a été victime, cela présente un problème de taille pour tous les «rescapés». S'ouvrir à un thérapeute est parfois un défi extraordinaire pour les victimes masculines qui ont en plus à surmonter un obstacle en ce qui concerne leur mode de socialisation qui enseigne aux mâles à être stoïques et silencieux, les empêche d'afficher leur vulnérabilité même s'ils le désirent, et les encourage à ne compter que sur soi. Les compétences et connaissances du thérapeute, et son expérience passée avec des victimes masculines, sont très importantes pour faciliter l'avènement de la confiance chez les mâles et les amener au-delà de ces obstacles. Être en mesure d'identifier pour les victimes masculines que nous soignons les « oeillères » altérant nos perceptions de chacun des deux sexes, et qui finissent par être la cause ou le facteur d'exacerbation de nombre de leurs problèmes, doit les aider à rebâtir leur confiance en soi et, en définitive, à nous faire davantage confiance.

Les thérapeutes qui travaillent avec des victimes masculines doivent avoir une connaissance approfondie du développement humain à toutes les étapes de la vie. Par exemple, bon nombre de séquelles de mauvais traitements subis alors que l'on était garçon ne font surface que plus tard dans la vie. C'est en comprenant comment les mauvais traitements ont pu avoir un effet sur le développement durant l'enfance, et en élucidant leurs séquelles potentielles, que les thérapeutes peuvent être des guides plus efficaces pour la victime masculine et devenir une ressource importante pour ceux qui en ont soin, pour ses partenaires intimes, ou pour toute autre personne qui l'aide dans sa guérison.

Une évaluation approfondie et globale s'impose absolument lorsque l'on travaille avec ces victimes. Les garçons plus âgés, les adolescents et les jeunes hommes adultes se remémorent souvent leurs expériences de façon fragmentaire ou comme dans un rêve. Cela est en partie attribuable à l'âge auquel la conduite abusive a eu lieu, au fait qu'elle était bien «déguisée» dans le contexte d'interactions en apparence typiques entre enfant et adulte, ou dissimulées - car fusionné es - dans les interactions quotidiennes d' un environnement familial sexuellement chargé. La permission donnée aux mâles dans leur processus de socialisation de vivre comme des êtres sexuels peut également semer la confusion dans les souvenirs et déformer l'interprétation de l'expérience . L'exploitation sexuelle laisse souvent les victimes masculines avec une sexualité traumatisée qui peut être intériorisée ou interprétée comme un mode de fonctionnement sexuel «normal» pour un mâle.

Étant donné que la socialisation des mâles les forme pour prendre les choses en main, être responsables, et s'occuper d'eux-mêmes, les mauvais traitements physiques et les châtiments corporels peuvent être interprétés comme «mérités», et donc intériorisés sous forme d'une image de soi négative qui renforce une tendance à se blâmer soi-même. Elle peut également renforcer l'intériorisation de la colère qui se manifestera sous forme d'abus de drogue et de boisson, de risques excessifs, de suicide, et de tentatives mal pensées de réaffirmer un sentiment tordu de la virilité. Toutes ces problématiques particulières aux rôles sexuels doivent être démêlées et énoncées pour les victimes masculines.

Un autre aspect qui a une pertinence spéciale pour les mâles concerne le recours à des types d'intervention à forte teneur langagière et à base d'introspection. Les garçons ont tendance à accuser du retard par rapport aux filles dans l'acquisition et l'utilisation des compétences linguistiques (Maccoby et Jacklin, 1974). Cela est peut-être partiellement attribuable à des différences dans les modes de développement ou de maturation du cerveau entre les deux sexes. La documentation sur les jeunes gens à haut risque de comportement violent et agressif, dont beaucoup sont des victimes, contient de très nombreux textes sur la prédominance des déficits linguistiques et autres difficultés d'apprentissage.

Ce retard dans le développement linguistique pourrait servir d'explication supplémentaire au fait que les garçons sont moins susceptibles que les filles de passer à la divulgation.

Ce dont on discute rarement, toutefois, c'est le fait qu'un retard dans le développement linguistique, ou même la présence de déficits linguistiques, pourrait également avoir des racines dans le différentiel du mode de socialisation, dans des facteurs familiaux et environnementaux, ou dans des problèmes de mauvais traitements et de carence de soins. En général, les mâles ne sont pas encouragés à parler de leurs sentiments ou de leurs réflexions personnelles. Par conséquent, peu de garçons et d'adolescents ont beaucoup d'expérience dans l' exploration ou l'exploitation de leur état d'esprit et de leurs émotions profondes. Ils sont ordinairement plus orientés sur l'action, et donc enclins à rejeter un long processus d'exploration intime, et ils préfèrent tout simplement «prendre les choses au jour le jour». Un recours à des types d'interventions exclusivement basées sur l'exploration introspective et à forte teneur langagière risque de bousculer le mâle dans un processus thérapeutique ou de guérison qui le mettra mal à l'aise du fait qu'il n'y est pas préparé ni capable d'y faire face.

La langue de la thérapie est habituellement un langage sur les sentiments, ce qui pose des problèmes pour certaines victimes masculines. Ces personnes ont ordinairement beaucoup de difficulté à exprimer leurs sentiments. Il ne faut pas interpréter cela comme une confirmation des stéréotypes qui veulent que les hommes soient démunis au plan des sentiments, ou que leurs niveaux d'expressivité émotionnelles seraient plus faibles que ceux des femmes. En fait, les hommes ressentent les mêmes émotions que les femmes, mais ces émotions sont simplement moins susceptibles d'être différenciées et articulées. Par exemple, les sentiments de honte, culpabilité, humiliation, anxiété, tristesse, et rage peuvent se retrouver amalgamés sous forme de colère. Étant donné que la colère est le seul sentiment «légitime» qu'ils peuvent exprimer, ils font souvent l'erreur, et nous aussi, de ne pas aller plus loin pour comprendre ce qui se passe lorsque, en tant que victimes, ils expriment leur colère. Certains mâles ont peur d'exprimer une colère quelconque à cause du tourbillon potentiel de sentiments incontrôlés et confus qu'ils craignent de déclencher. Certains ont peur d'exprimer cette colère car ils l'associent à la violence. Des thérapeutes qui ne seraient pas conscients de ces complexités risquent d'inviter une victime masculine à exprimer sa colère au point de se faire peur à soi-même et de finir par abandonner le counselling. Inversement, lorsque l'on suggère à un mâle qu'il a besoin d'acquérir des techniques pour «contrôler» ou «gérer» sa colère, le message qui risque de passer est qu'il s'agit d'une «pathologie» qu'il faudra corriger, et que la douleur et la confusion sous-jacentes ne sont pas légitimes.

C'est pourquoi il est si important de différencier entre colère toxique et colère juste dans le cas des victimes masculines. La colère toxique est une réaction de rage inadéquate, non reçue, réprimée ou mal orientée qui peut faire du tort à la victime et à ses relations avec les autres.

La colère juste est potentiellement «habilitante» une fois qu'elle est comprise comme une réaction normale et saine aux restrictions étouffantes des rôles sexuels du mâle, et une réponse adéquate au fait d'avoir été exploité, et à l'environnement social «pipé», peu accueillant et qui cherche à imposer le silence, que les mâles sont obligés de confronter lorsqu'ils essaient de divulguer l'agression.

Certaines victimes masculines deviennent intensément «homophobes», leur colère étant provoquée par des perceptions de soi et des doutes quant à leur «virilité» ou par la crainte d'être «gai». Il est important d'aider ces jeunes gens à comprendre que le fait d'avoir été agressé ne «provoque» pas de changement d'orientation sexuelle chez la victime. Il importe également d'aider les mâles à comprendre que cette colère émane d'une menace perçue au plan de leurs convictions personnelles au sujet de leur masculinité, et d'un contexte culturel qui renforce les préjugés homophobes. Si notre société était bien disposée à l'égard des homosexuels, ces sentiments et ces perceptions homophobes seraient moins susceptibles de surgir. Il nous faudra expliquer à ces garçons et à ces jeunes gens que la masculinité est une construction sociale qui est malléable. Nombre d'entre eux souffrent de la tyrannie d'une définition étriquée de ce que signifie «être un homme». Ces garçons ont besoin d'aide, de soutien et d'encouragement pour apprendre à être eux-mêmes, en dehors des rigides prescriptions sur les rôles sexuels.

Dans certains autres cas, la victime masculine n'exprime aucune émotion de colère mais a plutôt tendance à se retirer, à s'isoler et à entrer en dépression. Beaucoup de mâles cachent leurs émotions en se lançant intensément dans le travail, le perfectionnisme et la super-performance. Tous ces comportements peuvent opposer une très vive résistance à tout changement puisqu'ils ont pour effet de détourner la souffrance et qu'ils sont richement récompensés en termes d'argent, de prestige ou de statut social.

Bien que la dynamique fondamentale de toute forme de victimisation soit l'abus de pouvoir, de nombreuses victimes masculines ne mentionnent pas s'être senties impuissantes et ne se voient pas comme des «victimes». Même s'il est important de respecter leurs points de vue, nous ne pouvons pas donner l'impression d'approuver le comportement des contrevenants ni omettre de communiquer les aspects juridiques, moraux et éthiques qui entrent en jeu dans la conduite abusive à l'encontre de garçons ou de jeunes gens par des personnes plus âgées. Être plus âgé, physiquement plus grand, plus attirant, riche, populaire, intelligent, ou en position d'autorité, tout cela représente des formes de «pouvoir social» qui peuvent être utilisées par des contrevenants pour piéger, séduire, harceler ou exploiter des victimes, ou leur nuire.

Une boucle de la violence?

Avons-nous là une boucle de la violence qui se perpétuerait dans le cas des victimes masculines? Les perspectives varient, et la question résiste à une réponse simple, car il y a sans doute de nombreux facteurs qui interviennent de front pour influencer le comportement subséquent d'une victime.

Beaucoup de gens croient que les mâles qui sont victimisés deviennent automatiquement des délinquants. Certains critiques font valoir que s'il existe effectivement un modèle de «boucle perpétuelle», il y aurait davantage de contrevenants sexuels féminins que masculins, étant donné que plus de femmes que d'hommes sont sexuellement exploitées. Cependant, cette position omet de tenir compte de plusieurs facteurs. Premièrement, la délinquance sexuelle féminine est beaucoup plus élevée que ne le révèle la recherche fondée sur des études de cas. Deuxièmement, beaucoup plus de garçons sont sexuellement exploités que ne le documente la recherche fondée sur des études de cas. En fait, garçons et filles seraient tout aussi susceptibles d'être exploités sexuellement, surtout au sein de la famille. On oublie également le fait que, alors que l'exploitation sexuelle des garçons se poursuit durant l'adolescence, les signalements, eux, chutent de façon dramatique après la puberté. Troisièmement, de nombreuses formes d'exploitation par des contrevenants sexuels féminins sont difficiles à détecter du fait qu'elles sont masquées derrière des apparences de comportement «nourricier» ou qu'elles ne ressemblent pas aux actes perpétrés par des hommes. Mathews (1989) documente quelques-uns des agissements moins évidents qui semblent caractériser les contrevenants sexuels féminins: laver de façon compulsive les parties génitales, prendre des dispositions inopportunes pour le coucher, entrer inopinément à la salle de bain pendant que l'enfant y est ou qu'il se déshabille avant le coucher, tenir des propos sexualisés, ou encore taquiner un enfant au sujet de ses organes sexuels et de leur développement. Quatrièmement, du fait que notre mode de socialisation ne favorise pas particulièrement la sexualisation des filles, les contrevenants féminins seraient plus portés à exprimer colère et frustration sous forme de carence (passive) de soins aux enfants, de châtiments corporels ou de brutalité, ou encore de mauvais traitements psychologiques.

D'autres critiques s'inquiètent du message que nous transmettons aux victimes masculines par l'intermédiaire de ce modèle d'une boucle perpétuelle. Bien que certaines victimes masculines, tout comme certaines victimes féminines, s'en prennent ensuite à d'autres, la majorité ne le fait pas. Si l'on demande à brûle-pourpoint à une victime masculine si elle commet des actes de cette nature, est-on en train de pousser le jeune sur la voie d'une présumée fatalité incontournable? Est-on en train de créer ou de renforcer des sentiments chez le sujet qui l'emmèneraient à croire qu'il est «foncièrement mauvais» ou qu'il est «marqué» une fois pour toutes par ce qui lui est arrivé? Les critiques s'inquiètent aussi de ce que les victimes masculines exposées à la rhétorique politiquement chargée - sur les hommes en tant qu'«oppresseurs» des femmes - puissent en arriver à croire que les agissements délinquants font inévitablement partie de leur destin. On risque également de cultiver chez la victime masculine un affaiblissement de l'estime de soi ou de la valeur individuelle en véhiculant le message que sa victimisation personnelle serait moins dramatique que la victimisation des autres.

D'autres critiques encore avancent des arguments nettement plus curieux. Par exemple, lorsque les contrevenants sont des femmes ou des adolescentes, ils considèrent que leurs antécédents de victimes ou leur situation de stress «causent» le comportement délinquant, mais n'admettent pas cette même causalité dans le cas des contrevenants masculins. Ces critiques ne reconnaissent pas que les traumatismes vécus par des mâles - résultant d'une victimisation antérieure, du stress consécutif à la perte d'un emploi, des attentes rattachées à leur rôle de principal pourvoyeur de la famille, ou de problèmes de santé mentale ou physique - puissent eux aussi contribuer à expliquer pourquoi certains pères se déchaînent contre les enfants ou d'autres membres de la famille. Fondamentalement, cette perspective illustre parfaitement la position qui veut que, pour l'essentiel, les femmes sont les victimes et les hommes, les bourreaux.

Néanmoins, abstraction faite des propos qui précèdent, il est évident que de nombreuses personnes exploitées, des deux sexes, s'en prennent effectivement à d'autres et leur nuisent. Et même s'il est possible de parler en termes généraux d'attitudes spécifiques à chaque sexe en réaction à une victimisation antérieure, la violence et l'agression, quelle que soit leur forme, ne représentent pas uniquement un problème propre à un sexe. On a documenté dans les textes des modes de transmission inter-générations de la violence et de l'agression qui remontent aux grands-parents, se poursuivent avec les parents et sont transmis aux enfants. On a constaté des taux élevés de victimisation historique dans les antécédents d'hommes et de femmes dans les prisons. Le modèle d'une boucle perpétuelle, bien qu'il soit loin d'être complet, représente un outil conceptuel utile pour nous aider à mieux comprendre toutes les formes de mauvais traitements et leurs conséquences personnelles et sociales ainsi que leur effet sur le développement.

Implications en matière de développement du personnel et de supervision des programmes

Il est probable qu'une proportion significative des jeunes contrevenants, surtout ceux qui ont commis des crimes impliquant l'agression physique et sexuelle, est constituée de victimes de mauvais traitements d'une forme ou d'une autre. Si nous avons eu si peu de succès avec nombre de ces jeunes, l'une des raisons ne serait-elle pas précisément parce que nous n'avons pas su reconnaître la problématique des mauvais traitements et de la carence de soins qui sous-tend leur comportement antisocial?

La formation spécialisée pour les professionnels dans le domaine de la victimologie masculine est terriblement inadéquate ou non-existante. Le personnel de première ligne et les effectifs de supervision dans les organismes qui servent les enfants, les jeunes et la famille vont devoir se tenir au courant de ce qui s'écrit sur la victimologie masculine, dont les textes sont maintenant nombreux et ne cessent d'augmenter. Si nous voulons mieux servir les clients masculins et leurs familles, une formation continue du personnel dans ce domaine devra devenir la norme pour pouvoir continuer à pratiquer.

Étant donné que les garçons et les jeunes gens exploités ont souvent de la difficulté avec leur conception de soi «en tant qu'hommes», tous ceux qui prodiguent les soins devront être vigilants et éviter que leur propre comportement et leurs attentes face aux victimes masculines ne renforcent des notions étroites ou stéréotypées de la «masculinité». Les travailleurs masculins, plus particulièrement, vont devoir se rendre compte qu'ils contribuent au «modèle masculin» à chaque instant qu'ils passent avec un garçon ou un adolescent. Et du fait que les garçons passent une si grande partie de leurs premières années formatrices avec leurs mères et leurs enseignantes, les femmes doivent elles aussi être vigilantes en ce qui concerne la manière dont leur comportement ou leurs commentaires risquent de renforcer ces stéréotypes étriqués.

Les professionnels et autres travailleurs de soutien qui prodiguent des soins aux victimes masculines doivent comprendre clairement les effets saillants de l'homophobie et de leurs propres vues personnelles sur l'homosexualité. Les croyances personnelles de ceux qui prodiguent les soins peuvent avoir, et ont, un très fort impact sur ceux dont le vécu de mauvais traitements les ont laissés super-attentifs à toutes sortes d'indices chez les autres, y compris les expressions du visage et la gestuelle du corps. Nous trahissons tous un peu trop facilement notre malaise à l'égard des agressions ou des mauvais traitements sexuels dans les cas où contrevenant et victime sont du même sexe. Pour le garçon ou l'adolescent qui a été victime et dont le concept de soi a souffert ou s'est fragilisé, toute indication de notre part qui trahirait un jugement, une répulsion ou de l'hypocrisie ne fera que créer davantage de souffrance.

Quel que soit notre rôle professionnellement, nous devons tous arrêter de minimiser l'impact des mauvais traitements sur les victimes masculines ou de présumer que les mâles doivent être capables d'«encaisser». Les symptômes de la conduite abusive sont souvent invisibles dans le cas des garçons. En continuant à appliquer une norme différentielle aux victimes masculines, nous renforçons et nous appuyons subtilement la violence à l'encontre des garçons et des jeunes gens dans nos écoles, nos communautés, nos foyers et nos institutions.

À mesure que les gouvernements provinciaux procèdent à des compressions budgétaires, la pression se fait sentir dans les organismes d ' aide à l' enfance pour qu'ils rationalisent leurs services. Certains choisissent de discontinuer le service dans les cas de mauvais traitements sexuels d'enfants en dehors de la famille, cédant cette responsabilité à la police. L'un des problèmes immédiats dans le contexte d'une telle décision concerne le fait que dans de plus en plus de cas de ce type, il y a des victimes masculines. Si les enquêteurs de la police ne possèdent pas la formation voulue pour reconnaître la symptomatologie spécifique qui opère dans le cas des mâles, ils risquent de ne pas adresser les intéressés aux personnes compétentes ou de ne pas tenir compte d'indices importants. Dans les cas intrafamiliaux, les enquêteurs de l'aide à l'enfance doivent poser des questions plus ciblées afin que des subtilités - comme «un environnement sexuellement chargé» ou d'autres facteurs moins flagrants, mais qui ont un impact sur le sain développement du garçon - ne leur échappent pas durant les évaluations . Les indices de la recherche courante suggèrent que l' on est moins susceptible de corroborer les dires des garçons; que les victimes masculines risquent davantage d'être blâmées pour leur propre victimisation; et que les exploiteurs sexuels de garçons sont moins souvent tenus responsables de leurs actes. Tout cela fait ressortir la nécessité d'une plus grande sensibilisation des policiers, des enquêteurs de l'aide à l'enfance et des praticiens des soins de santé.

Dans les cas d'exploitation d'un enfant impliquant des contrevenants des deux sexes à la fois, on ne doit plus continuer à présumer que c'est le contrevenant masculin qui est seul responsable ou qui est à l'origine du délit. Si l'on omet de tenir le contrevenant féminin pleinement responsable, on fait du tort à la victime masculine par le déni de ce qui lui est arrivé. En outre, cela infantilise les femmes ou les adolescentes en renforçant les stéréotypes selon lesquels seuls les mâles sont capables de conduite abusive.

Enseignants et administrateurs scolaires doivent devenir plus vigilants en ce qui concerne les niveaux de la violence à l'encontre des garçons et des adolescents dans les écoles. Tout programme anti-violence qui escamote la réalité de la violence et de la victimisation des mâles, qui minimise le harcèlement sexuel dont ils font l'objet, ou qui les présente comme étant les seuls contrevenants possibles, aura pour résultat une totale désaffectation des garçons et des jeunes gens. Les contenus de programmes doivent prévoir autant de temps pour enseigner aux garçons, aussi, comment éviter de devenir des victimes. Et il nous faut aussi enseigner aux filles comment éviter de devenir des contrevenants, étant donné que les étudiantes signalent que, dans les écoles, ce sont d'autres filles qui posent le plus grand risque (Mathews, 199 5 ) . Assurément, tout programme qui ne présente la problématique qu'à la lumière d'un «contrevenant masculin» sans consacrer autant d'importance à la façon dont les rôles et les attentes des deux sexes sont interdépendants et mutuellement limitatifs, ne peut qu'être biaisé et aliénant pour les élèves de sexe masculin. Nous ne devons plus tolérer les textes sur l'enfance maltraitée et en carence de soins qui présentent, avec force détails, des histoires de victimes féminines, et qui n'abordent l'expérience des mâles qu'en passant, ajoutant à la sauvette que «cela arrive aussi aux garçons et aux hommes». La violence et la victimisation vues d'une perspective masculine ne sont pas toujours la même chose que pour les victimes féminines, et il faut absolument les reconnaître séparément.

Bien des élèves violents et agressifs apportent avec eux à l'école d'extraordinaires problèmes personnels et familiaux. Chahutage, déficit de l'attention, hyperactivité et difficultés d'apprentissage peuvent masquer des problèmes sous-jacents de mauvais traitements. Les administrateurs scolaires doivent veiller à ce que tous les membres du personnel reçoivent une formation régulière pour reconnaître les indices et les symptômes de mauvais traitements et de carence de soins tels qu'ils se manifestent chez les garçons. Dans les cas où ces derniers affichent une conduite de défi et d'opposition ou de déficit de l'attention ( avec ou sans hyperactivité), on doit maintenant pouvoir trancher quant à la possibilité d'une victimisation courante et continue, ou de mauvais traitements dans le passé.

Les activités sportives à l'école présentent un défi particulier. De nombreux jeunes «à risque» ont le sentiment que les programmes sportifs communautaires et scolaires leur offrent une bonne «soupape de sécurité» et les aident à éviter les problèmes. Il est effectivement important de reconnaître les effets bénéfiques du sport, en termes de forme physique, d'activité en équipe et d'autodiscipline. Mais il est essentiel que les entraîneurs ou autres employés de supervision fassent clairement savoir que la violence et les contacts d'une rudesse excessive ne seront pas tolérés sous prétexte de défoulement. Le personnel des programmes sportifs scolaires doit également comprendre que de nombreux garçons, rescapés de la violence familiale, fuient les classes de gymnastique et évitent complètement les sports. Ils ont peur de se changer dans les vestiaires ou de se déshabiller pour la douche et d'avoir à «s'exposer».

À la recherche d'une grille d'analyse plus inclusive

Il importe de se souvenir que l'enfance maltraitée est un champ d'étude relativement neuf et qu'il ne peut ni ne doit demeurer statique. Pour que le domaine maintienne son intégrité et qu'il se développe comme champ d'étude de plus en plus rigoureux au sein des sciences sociales, il doit se tenir ouvert aux nouvelles idées, aux questionnements et aux voix multiples qui viennent déranger le statu quo et les hypothèses reçues.

L'un des pièges dans lesquels nous sommes tombés dans notre étude de la violence et des mauvais traitements concerne notre tendance à voir les choses à partir d'une perspective «essentialiste». La position essentialiste présume que tous les membres d'un groupe, d'un sexe, d'une classe, d'une culture, etc., sont semblables; que ce qui est caractéristique d'un individu est caractéristique du groupe tout entier, indépendamment de la manière dont les membres individuels peuvent se percevoir ou interprètent leur propre comportement.

La réflexion essentialiste nous fait utiliser des expressions comme «la violence masculine», en dépit du fait que la plupart des mâles ne sont pas violents. Si l'on utilisait l'expression «la criminalité juvénile au sein des groupes minoritaires», le racisme inhérent d'une telle déclaration sauterait immédiatement aux yeux, étant donné que les jeunes appartenant à des minorités seraient ainsi stéréotypés comme résultat des actions de quelques-uns. Alors que l'on peut «voir» le racisme dans les mots qui précèdent, le préjugé véhiculé dans l'expression «violence masculine» est invisible. Par conséquent, l'utilisation de cette expression dans notre propos nous éloigne d'une saisie plus complète de la violence interpersonnelle et des mauvais traitements. Les mâles semblent effectivement représenter la majorité des contrevenants sexuels, mais les femmes sont les principaux agents responsables de l'enfance maltraitée physiquement et en carence de soins. Les mères et les pères semblent être tout aussi susceptibles d'avoir recours aux châtiments corporels. Les mères et les pères pourraient être tout aussi susceptibles d'infliger à un enfant des sévices graves ou mortels. Étant donné que les enfants sont plus souvent victimes de carence de soins et de violence physique que d'exploitation ou d'agression sexuelle, nous devrions très sérieusement examiner la manière dont les termes et les concepts que nous utilisons risquent de nous aveugler en occultant une partie importante et négligée du problème des mauvais traitements.

Ce qu'une perspective essentialiste empêche de voir, c'est la complexité des problèmes sociaux et la dynamique des relations interpersonnelles. La réflexion essentialiste finit par compromettre l'intégrité d'un domaine du fait que sa concentration étriquée sur les caractéristiques de groupe omet de tenir compte des différences individuelles et de l'impact des variables situationnelles et autres sur le comportement. C'est le problème auquel nous sommes confrontés dans le domaine de l'enfance maltraitée.

Les femmes ayant pris les devants dans le domaine des mauvais traitements, une bonne partie des écrits sur le sujet reflètent un point de vue féminin et une grille d'analyse essentiellement féministe et à forte spécificité sexuelle, connue généralement sous le nom de «théorie du patriarcat», caractérisée dans l'oeuvre de Herman (1981). Dans le cadre de cette théorie, les mauvais traitements surtout sexuels - sont la résultante d'une «culture patriarcale du pouvoir et des prérogatives du mâle, et de l'inclination de celui-ci à sexualiser toutes les relations» (Hyde, 1990).

À première vue, la théorie du patriarcat s'impose car elle est fondée sur le vécu historique des femmes et sur les inégalités politiques, sociales et économiques très réelles auxquelles les femmes sont confrontées tous les jours. Elle a également le potentiel d'apporter un éclairage à de nombreux aspects du quotidien des femmes, y compris la façon dont les inégalités sociales peuvent se répercuter sur la santé mentale et émotionnelle, et cela est effectivement vrai.

En tant que théorie générale issue du vécu des femmes «comme groupe», elle a du mérite. Mais elle se fonde aussi sur certaines hypothèses concernant les hommes comme groupe qui, lorsqu'on les scrute de plus près, s'avèrent biaisées. Les victimes masculines commencent à remettre en question une certaine vision de la violence, de la victimisation et des relatons de pouvoir, strictement basée sur le sexe, étant donné que leur propre vécu leur démontre quelque chose de totalement différent.

Par exemple, l'un des domaines où cette théorie commence à s'essouffler réside dans son analyse des interactions au niveau des classes sociales et des races. En termes économiques et politiques, une femme riche a plus de pouvoir social qu'un homme pauvre ou sans abri. Une femme de profession - médecin, juge ou avocate - a plus de pouvoir qu'un homme sans formation, en vertu de ses études, son pouvoir d'achat et son influence sociale. Une femme blanche a plus de pouvoir social qu'un homme appartenant à une minorité visible. La théorie omet également de tenir compte du pouvoir que les femmes exercent sur les enfants de sexe masculin, d'abord à titre d'adultes et aussi comme mères, enseignantes, gardiennes, ou employées de garderie.

Et il y a également d'autres problèmes. La théorie du patriarcat, et cela est évident dans la citation de Hyde, porte préjudice à tous les hommes dans la manière dont elle généralise le stéréotype négatif de la «sexualité masculine». La plupart des hommes sont en fait bons, corrects et sympathiques dans leurs relations avec les femmes comme maris, amants, partenaires, collègues, pères et amis. La sexualité des hommes varie d'une personne à l'autre autant que chez les femmes.

Il ressort clairement des recherches auxquelles on se réfère dans ce rapport que la violence interpersonnelle est un phénomène complexe qui ne peut être réduit à une théorie unique. Les modèles qui se basent exclusivement sur le mode patriarcal de relations entre les sexes, même lorsqu'ils sont utiles, ne suffisent pas à expliquer les nombreuses facettes du drame de la violence et des mauvais traitements. Ils ne réussissent pas non plus à rapprocher les hommes et les femmes dans l'objectif commun de mettre fin à la violence.

En outre, lorsqu'il est strictement appliqué, un modèle très spécifique à un sexe ne réussit pas à expliquer pleinement l'existence de contrevenants sexuels féminins, et notamment l' exploitation de garçons par leurs mères, ou par d'autres femmes adultes ou adolescentes, ni la séduction de jeunes gens mineurs par des adolescentes plus âgées et par des femmes, pas plus que l'inceste mère-fille, ou l'exploitation sexuelle d'enfants par des enseignantes, des employées de garderie, des responsables féminines dans les institutions, et par d'autres femmes en position de pouvoir et d'autorité (Mathews, 1995). La théorie est également «hétérosexiste» et elle n'explique pas l'exploitation et les abus sexuels ni les mauvais traitements physiques dans les relations entre lesbiennes (Renzetti, 1992) ou entre hommes gais. Elle ne réussit pas non plus à rendre pleinement compte de la responsabilité de s femme s dans les châtiments corporels, la carence de soins et les mauvais traitements émotifs infligés aux enfants. Mais sa plus grande faiblesse réside dans le fait qu'elle n'est pas exhaustive. Son plus grand atout est qu'elle identifie une «dynamique du pouvoir» qui a de vastes applications à tous les types de relations sociales.

Il y a un certain nombre de considérations que l'on pourrait appliquer à une grille d'analyse plus ample pour expliquer les mauvais traitements. La plupart d'entre elles cadreraient dans les catégories du comportemental, du relationnel, et du pouvoir. Crowder (1993) offre un point de départ utile, surtout dans le domaine de la conduite sexuelle abusive. Elle définit les mauvais traitements sexuels comme étant « une conduite sexuelle explicite ou implicite entre deux personnes quand existent les conditions suivantes: la nature de l'acte sexuel n'est pas appropriée sur le plan du développement dans le cas d'au moins l'un des participants; l'équilibre du pouvoir et de l'autorité (psychologique, économique, rôle, statut, etc.) entre les deux personnes n'est pas égalitaire; et il existe déjà entre les deux personnes un autre type de lien émotif établi (par exemple, entre un enfant et un gardien ou une gardienne, ou entre un enfant et une personne en position d'autorité) ».

Un modèle de la conduite abusive qui s'articule sur des déséquilibres de pouvoir ou sur l 'exploitation illicite d'un pouvoir représente un b on point de départ dans notre recherche d'une grille d'analyse plus globale du fait qu'il nous encourage: à tenir sur un même pied de responsabilité les exploiteurs masculins et féminins; à «habiliter» les victimes à prendre le contrôle de leur démarche de guérison et de leur vie; à reconnaître et valider le vécu de la victime; à réaffirmer que la connaissance que la victime a d'elle-même est suprême; à mettre en lien la lutte individuelle de la victime et le combat collectif pour transformer les relations de pouvoir dans notre société; et à nous concentrer sur la dynamique du pouvoir dans la relation thérapeutique (Mathews, 1995).

On commence à se rendre compte que différents types de conduite abusive requièrent différents modèles explicatifs et théoriques, pris séparément ou conjugués. Par exemple, une théorie féministe des relations sexuelles de type patriarcal peut partiellement expliquer l'inceste père-fille, l'exploitation sexuelle d'une fille par le conjoint de sa mère, et le recours d'un père à des châtiments corporels. Un modèle axé sur les relations de pouvoir peut expliquer plus pleinement le recours des femmes à la violence physique contre des garçons et des adolescents, l'exploitation sexuelle de garçons et d'adolescents par de s femmes, le recours maternel aux châtiments corporels, ou la violence entre frères et/ou soeurs.

Un cadre théorique plus inclusif est nécessaire non seulement pour comprendre l' étiologie afin de créer de meilleurs programmes d'évaluation et de traitement, mais aussi pour éliminer la norme différentielle que l'on a tendance à appliquer aux cas où la victime de la conduite abusive est masculine. Un modèle d'«abus de sexualités» variante de la perspective de l'abus de pouvoir s'appliquerait aux deux sexes et nous donnerait un cadre conceptuel plus inclusif à utiliser, par exemple, dans des cas d'outrage à la pudeur commis par une femme à l'encontre d'un mâle, et d'exploitation sexuelle de garçons et d'adolescents par des femmes plus âgées (Bolton, 1989). Bolton, reflétant en cela l'opinion de Finkelhor (1986), Russell (1983), et Brandt et Tisza (1977), prône l'application de niveaux multiples de conceptualisation de la conduite abusive afin de saisir des éléments comme «l'environnement sexuellement chargé» dans une famille, l'exploitation sexuelle d'un enfant, ou toute expérience abusive qui interfère avec le sain développement d'un enfant. Le modèle d'«abus de sexualité» de Bolton décrit un continuum d'environnements qui s'étale de la promotion d'un développement sexuel normalisé chez les garçons et les filles, pour aller jusqu'aux environnements qui oblitèrent la possibilité même d'un développement normal.

Les indices suggèrent qu'un cadre théorique global basé sur un modèle d'abus de pouvoir pourrait être plus prometteur. Cependant, nous sommes encore loin d'avoir toutes les réponses, en supposant que nous ayons même su poser toutes les questions. Une compréhension plus complète et globale de l'enfance maltraitée et de la violence interpersonnelle pourrait se situer aux points où se croisent un certain nombre de modèles théoriques ou conceptuels. Nous allons devoir adopter une perspective développementale en ce qui concerne les impacts de la conduite abusive. Il faudra nous attaquer aux effets ou à l'influence d'éléments très multiples: statut socio-économique, appartenance ethnique et raciale, relations entre les sexes, systèmes familiaux, compétences et connaissances parentales, santé mentale et physique des parents, attachements, normes culturelles suscitant la violence et la conduite abusive, abus de boisson et accoutumance aux drogues, stress, fonctionnement intellectuel, inégalités structurelles, préjugés contre les gais et les lesbiennes, et les facteurs situationnels. Nous allons devoir également examiner avec soin nos écoles, institutions, méthodes thérapeutiques, et la préparation et la formation des professionnels qui s'occupent des jeunes, pour établir la responsabilité de chacun à l'égard du problème d'encouragement ou de promotion implicite de la violence interpersonnelle et de la conduite abusive.

Nos messages aux victimes masculines

Minimisation et déni du vécu de la victime masculine sont tellement omniprésents dans notre culture que l'on en trouve des traces partout, des comptines pour les tout petits jusqu'à la recherche universitaire en passant par les bandes dessinées, les comédies au cinéma, les émissions de télévision et les articles de journaux. Nous faisons passer un message aux victimes masculines, tous les jours de leur vie, où nous semblons leur dire qu'ils risquent gros s'ils osent se plaindre. De façon succincte, nous leur disons: si un garçon ou un homme a été victime, c'est qu'il l'a mérité, qu'il l'a cherché, ou qu'il ment. S'il s'est blessé, c'est de sa faute. S'il pleure ou qu'il se plaint, nous ne le prendrons pas au sérieux, et nous ne l'approuverons pas s'il «pleurniche» parce qu'il est censé «prendre ça comme un homme». Nous rirons de lui. Nous le pousserons à minimiser l'impact de ce qui lui est arrivé. Nous l'encouragerons à accepter la responsabilité d'avoir été victime et nous lui enseignerons à passer outre à tous sentiments associés à ce qui s'est passé. Nous le culpabiliserons et nous le réduirons à avoir honte afin qu'il se tienne debout et qu'il n'oublie pas que «ce n'est pas la fin du monde».

En transmettant aux garçons et aux jeunes gens toutes sortes de messages qui suggèrent que leur vécu de violence et de victimisation ne compte pas comme celui des filles ou des jeunes femmes, nous semblons leur donner une leçon quant à leur valeur en tant que personnes. Nous leur enseignons également que le recours à la violence à l'encontre des mâles est légitime. Lorsque nous faisons peu de cas de leur souffrance, nous n'encourageons pas exactement les garçons et les jeunes gens à écouter et à prendre au sérieux les préoccupations des femmes au sujet de la violence et de la victimisation. Lorsque nous cherchons à atténuer la gravité de leurs expériences ou que nous omettons de tenir leurs exploiteurs masculins et féminins pleinement responsables de leurs actes, nous ne faisons en fait que perpétuer leur victimisation.

En quoi les choses seraient-elles différentes pour les victimes masculines si nous reconnaissions leur existence?

Comment notre société serait-elle différente si nous reconnaissions les victimes masculines et que nous leur donnions notre appui? On aurait à reconnaître la manière dont le conditionnement des rôles sexuels prive les garçons d'une vie émotionnelle riche et les ampute de portions entières de leur être essentiel. On découvrirait alors comment certaines de nos pratiques pour élever les enfants (distance émotionnelle et physique à l'égard des fils «pour les endurcir» tôt dans la vie) handicapent leur aptitude à former des attachements sécurisants et nourriciers. On commencerait alors à voir comment l'appartenance même au sexe masculin est en soi un facteur de risque capable d'amplifier les effets de toutes les formes de mauvais traitements et de les canaliser dans des actes violents, agressifs et irréfléchis, ciblés contre soi-même ou les autres. On admettrait enfin les indices incontournables issus de la recherche concernant l'importance et la fréquence de la carence de soins et des mauvais traitements physiques, sexuels et psychologiques, y compris les châtiments corporels, infligés à des garçons et à des adolescents par des personnes de sexe féminin, sans plus jamais faire de minimisation.

Nous serions tenus de reconnaître que s'il existe une dimension propre au sexe masculin dans les nombreuses formes de violence exprimées ouvertement, les causes n'ont pas besoin d'être reliées à la violence routinière et normalisée qui est prévalante dans notre société à l'égard des mâles, et qui prend la forme d'enfants maltraités et en carence de soins, de mauvais traitements psychologiques, de châtiments corporels, et d'agression implicite dans le mode de socialisation des mâles. Nous nous rendrions enfin compte que toutes les formes de violence à l'égard des garçons et des adolescents dont nous avons discuté dans ce document sont le lot quotidien de la plupart des mâles plutôt que l' exception . Nous ne tolérerions plus les images dans le s médias qui se veulent humoristiques ou divertissantes dans leur façon de présenter les victimes masculines ou féminines de la violence, ni le journalisme de parti pris qui omet de présenter le tableau complet de la situation de l'enfance maltraitée et en carence de soins, et de la violence interpersonnelle, familiale et communautaire.

Nous reconnaîtrions que, indépendamment de nos propres points de départ théoriques, les victimes masculines ont leur propre voix pour s'exprimer, et leurs propres interprétations de leur vécu. Si nous continuons à ignorer leurs drames, en passant à autre chose ou en refusant d'explorer la situation, nous serons privés d'éléments importants dont nous avons besoin pour les amener à la thérapie et à la guérison. Nous aurions la prétention de retracer pour eux les origines et le parcours de leurs difficultés, alors que, du fait de s limitations de nos propres visions du monde sur le plan personnel et professionnel, nous serions en train de les «réformer» à notre image. Et en ayant recours à nos pratiques professionnelles actuelles, nous risquons de reproduire les mêmes modèles dysfonctionnels et inhabilitants de communication et de relation que nombre de ces mâles ont trouvé dans leurs familles d'origine ou dans les milieux où ils ont grandi.

Nous aurions à admettre que nous ne parviendrons jamais à résoudre le problème complexe de la violence dans notre société avant de nous être mis à l'écoute des drames et des propos des victimes de la violence; avant que des hommes et des femmes de bonne volonté ne choisissent de commencer à travailler côte à côte; et avant que les outils de notre lutte collective en faveur de la paix ne reflètent le respect, la compassion et l'inclusion que l'on doit se donner comme norme minimale. Nous reconnaîtrions, enfin, que les moyens sont des fins. C'est dans le choix de nos moyens d'action que nous sommes le plus en mesure de prendre consciemment des décisions d'inclusion au sujet de notre orientation future. Dans une perspective post-moderne, dans tout processus inclusif de formation d'un consensus à l'égard d'un but donné, on ne peut pas voir l'aboutissement dès le point de départ. Donc, si les moyens que nous choisissons pour essayer de créer une société plus juste ne sont pas eux-mêmes justes et équitables, nous ne ferons que tourner en rond.

Commencer avec nous-mêmes comme adultes

Peut-être que, en fin de compte, la plus grande part de responsabilité à l'égard du sort des garçons et des jeunes gens demeure entre les mains des adultes. C'est bien nous qui faisons des recherches biaisées et portant sur un seul sexe. C'est bien nous qui présentons aux médias plus d'opinions politiques sur la victimologie masculine que d'informations objectives et empiriques. C'est bien nous qui contribuons à la survivance de stéréotypes biaisés sur les garçons et les jeunes gens, stéréotypes qui continuent à les réduire au silence. C'est bien nous qui contribuons à renforcer dans l'esprit du public l'image de la victime masculine forte et capable d'encaisser alors que nous savons qu'il s'agit en réalité d'êtres humains qui souffrent énormément dans l'isolement et la solitude.

Les adultes, surtout ceux qui travaillent dans le domaine de l'enfance maltraitée, sont les yeux de la société canadienne sur cet aspect de la souffrance humaine. C'est à nous qu'il incombe d'élever notre voix contre la conduite abusive et l'injustice, et pour la compassion et l'inclusion. Si nous ne nous ouvrons pas à l'autocritique, pour réfléchir consciencieusement et continuellement à nos hypothèses, méthodes et normes de travail, ou si nous nous permettons de tomber dans le piège de la rhétorique, ce sera alors nous, plus que quiconque, qui mettrons en péril la crédibilité dans ce domaine.

En définitive, nous allons tous devoir réfléchir sur une vérité fort simple et pleine de sagesse: on ne peut pas emmener les autres - des enfants, des adolescents, le public, ou d' autres professionnels - au - delà du point où l'on est rendu en termes de conscience de soi et de compréhension, car on ne dispose pas soi-même d'un plan de voyage. Comment prétendre que notre collectivité est en quête de justice alors qu'elle tolère l'application d'une norme différentielle, qu'elle accepte un discours qui nous divise sur la violence et les mauvais traitements, et qu'elle laisse les victimes masculines en dehors du champ de notre compassion et de nos soucis? Éventuellement, toutes les victimes, des deux sexes, et tous les Canadiens et Canadiennes, perceront notre hypocrisie. Si nous ne parlons pas pour tous les enfants, pour toutes les victimes, des deux sexes, nous finirons par ne parler pour personne.

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