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photo : Denis Chalifour

Fernand Dansereau
Prix Albert-Tessier 2005

CONSCIENCE
� Sans trop le savoir, peut-�tre, les cin�astes sont des travailleurs de la conscience. Nous cherchons, parfois � tort et � travers, � �largir la conscience que l'on a de tout et de rien, le regard que l'on y porte. �

Incontournable de la cin�matographie qu�b�coise, Fernand Dansereau a d�but� sa carri�re de cin�aste en 1955, au sein de la premi�re cellule de cr�ateurs francophones de l'Office national du film (ONF), celle-l� m�me qui a fa�onn� le cin�ma qu�b�cois d'aujourd'hui. � Si notre g�n�ration a fait un travail de fondation, dit ce sc�nariste-r�alisateur-producteur qui consid�re d'abord son m�tier comme un outil de communication et de relation, nous n'en �tions pas tellement conscients � l'�poque. En cette naissance de la R�volution tranquille, il r�gnait une grande fi�vre de conna�tre, de se lib�rer, d'exp�rimenter. �

De la c�l�bre s�rie Panoramique au documentaire sur son cousin l'�cologiste Pierre Dansereau, Quelques raisons d'esp�rer, en passant par Le festin des morts, il a r�alis� une quarantaine d'oeuvres, toujours empreintes de ses pr�occupations sociales, et en a produit presque autant. Au nombre des plus importantes � ses yeux, en raison de l'histoire affective qui les entoure, il retient la fiction �a n'est pas le temps des romans, mais aussi la s�rie t�l�vis�e Le Parc des Braves.

Quand cette aventure s'est termin�e apr�s quatre ann�es d'�criture, de diffusion et de rapport au public, j'ai eu l'impression d'avoir dit l'essentiel de ce que j'avais � dire. Le caract�re particulier de l'enfant que j'ai �t�, de la personne que je suis, je l'ai vraiment traduit dans cette s�rie. �

S'il ne l'a pas n�cessairement choisie, la fonction de producteur a jou� un grand r�le dans sa vie. � J'ai souvent eu le sentiment de chevaucher un tigre, confie-t-il. J'ai eu de la chance. Je me suis retrouv� � produire les premiers films des Michel Brault, Denys Arcand, Pierre Perrault. Je suis heureux d'avoir pu servir � cela. �

Il s'estime d'ailleurs chanceux d'�tre toujours en relation avec de jeunes cin�astes. � Trop souvent, le malheur lorsqu'on vieillit, c'est de tomber dans la solitude, quand ce n'est pas la d�su�tude. � Ce n'est manifestement pas son cas. � Je touche du bois �, dit l'homme qui travaille en ce moment sur deux projets, L'heure de la brunante, un long m�trage de fiction et Relance, un documentaire qui traite des cons�quences de la mondialisation sur une petite communaut� qu�b�coise.

Reportage publicitaire paru dans L'Actualit� du 15 d�cembre 2005

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Fernand Dansereau
Prix Albert-Tessier 2005

N� le 5 avril 1928
Montr�al

Il y a exactement cinquante ans Fernand Dansereau commen�ait sa carri�re dans le cin�ma. Cinquante ans de cin�ma qu�b�cois o� sa pr�sence a �t� constante, et que vient souligner le prix Albert-Tessier. � J'esp�re que ce prix n'est pas une pierre tombale �, dit en riant cet auteur prolifique, qui fut tout � tour animateur-reporter, sc�nariste, cin�aste et producteur, travaillant non seulement pour le cin�ma mais aussi pour la t�l�vision. � J'ai encore plein de projets �, ajoute-t-il. En effet, il souhaite donner une suite � une mini-fiction produite en 1966, �a n'est pas le temps des romans, qu'il consid�re comme sa plus belle r�alisation, et qui tra�ait le portrait d'une femme de 35 ans qui veut concr�tiser ses fantasmes afin d'�chapper aux affres du mariage et de la famille. L'Heure de la brunante est cette suite o� nous retrouvons le m�me personnage quarante ans plus tard. La vieille dame souffre de la maladie d'Alzheimer et d�sire faire un dernier tour de piste avant sa mort.

Mais auparavant, il travaillera avec trois jeunes cin�astes � un documentaire sur la mondialisation. En pilotant ce film, il retrouve sa situation d'il y a presque cinq d�cennies lorsqu'il �tait producteur � l'Office national du film (ONF), pr�occup� actuellement par la rel�ve comme autrefois il soutenait les projets de jeunes hommes qui se nommaient Claude Jutra, Gilles Groulx, Pierre Perrault, et qui en �taient � leurs premi�res armes.

� Je suis un cin�aste de relations �, quand on lui demande de se d�finir. Cet homme profond�ment engag� n'a jamais abandonn� sa d�fense des travailleurs et des gens ordinaires. Son engagement a caract�ris� son entr�e en journalisme mais aussi sa sortie ! Car c'est en refusant de franchir les piquets de gr�ve des typographes du Devoir que Dansereau se voit signifier son cong�diement du quotidien dirig� alors par G�rard Filion. Le lendemain, il re�oit un coup de fil d'un d�nomm� Pierre Juneau, qu'il ne conna�t pas, qui l'invite � devenir reporter pour les s�ries que l'ONF produisait pour la t�l�vision de Radio-Canada. Envoy� imm�diatement dans l'Ouest canadien, il revient d��u de son travail. � Je trouvais extr�mement mauvais ce qui avait �t� fait �, avoue-t-il. Il veut retourner au journalisme quand Guy Glover, producteur, lui propose de sc�nariser une fiction sur l'�ducation syndicale, un monde qu'il conna�t tr�s bien. Ce sera Alfred J., deux courts m�trages qui d�crivent avec justesse le syndicalisme dans un milieu populaire.

En 1958, l'institution f�d�rale d�m�nage d'Ottawa � Montr�al et Fernand Dansereau fera partie de la cellule de cr�ateurs qui contribueront � la naissance et � l'affirmation de l'�quipe fran�aise de l'ONF. Jusqu'en 1960, il sc�narise ou r�alise plusieurs films de fiction et de documentaire pour la s�rie � Panoramique �. De 1960 � 1964, il est producteur ex�cutif, puis directeur adjoint de la production, et sous sa f�rule na�tront quelques-uns des plus beaux sp�cimens du cin�ma direct qu�b�cois : Golden Gloves, de Gilles Groulx, en 1961, Les B�cherons de la Manouane, d'Arthur Lamothe, en 1962, et, un an plus tard, Pour la suite du monde, de Pierre Perrault et Michel Brault. On peut affirmer que c'est � cause d'un producteur rassembleur et visionnaire comme lui qu'on reconna�t dans l'aventure du cin�ma qu�b�cois l'aventure sociale et politique du Qu�bec, dans la mani�re qu'ont eue les cin�astes d'utiliser les outils du cin�ma pour d�finir l'identit� d'un peuple.

Cette identit�, on peut dire qu'il l'a recherch�e dans une autre aventure, celle du long m�trage de fiction, qui existait � peine � cette �poque. En 1965, il redevient r�alisateur avec un projet consid�r� comme grandiose, un film historique, avec un com�dien fran�ais, Alain Cuny, et un budget que n'avait jamais eu un film qu�b�cois : 485 000 $! C'est Astata�on ou le Festin des morts, qui ne conna�tra que quelques projections publiques et qui, amput� de dix-sept minutes, devient Le Festin des morts. R�flexion sur les pouvoirs de la civilisation (un p�re j�suite doute du bien-fond� de sa mission et sa foi est mise en crise), le film est alors remarqu� pour son esth�tisme puissant et �vocateur.

Mais le cin�aste n'abandonne pas pour autant ses pr�occupations sociales, qui se refl�teront avec une absolue efficacit� dans St-J�r�me, en 1968. Exceptionnelle entreprise que ce long m�trage d'enqu�te, qui comprend �galement vingt-sept films satellites constitu�s d'interviews accord�es durant le tournage. De cet incontournable de notre cin�matographie, Fernand Dansereau parle encore avec �motion. B�tie sur une m�me s�rie de questions pos�es � divers groupes sociaux de la ville du cur� Labelle, l'enqu�te, qui a pris neuf mois de pr�paration, neuf mois de tournage et neuf mois de montage, d�bouche sur un nouveau contrat social, fid�le en cela aux id�aux de la R�volution tranquille. Suit en 1969 Tout l'temps, tout l'temps, tout l'temps..., qui porte sur la pauvret�, l'ali�nation et l'oppression de la classe ouvri�re. La m�thode de production est unique en son genre, qui tient du cin�ma direct et du sociodrame, parce qu'il est sc�naris� et interpr�t� par un groupe de treize citoyens de l'Est de Montr�al.

En 1970, il quitte le public pour le priv� et participe � la fondation de In-M�dia, une soci�t� qui offre des sessions d'intervention en animation culturelle. L'ann�e suivante, il part � la rencontre des gens du pays et fait l'inventaire des ressources humaines que rec�le le Qu�bec en r�alisant pour la Soci�t� Saint-Jean-Baptiste et la Soci�t� nationale des Qu�b�cois Faut aller parmi l'monde pour le savoir. Il y traduit ce que vit profond�ment le peuple qu�b�cois en lui renvoyant une image chaleureuse et affectueuse de ce qu'il est. En donnant la parole aux citoyens, il leur fait �galement prendre conscience de la situation politique et leur rappelle que les combats sont collectifs.

Avant de retourner au long m�trage de fiction en 1978, avec Thetford au milieu de notre vie, un film qui met en sc�ne un couple du milieu des mines et auquel il reste fortement attach�, Dansereau travaille, de 1973 � 1978, � la t�l�vision, en particulier pour une s�rie documentaire sur la culture populaire et le patrimoine intitul�e � Un pays, un go�t, une mani�re... �. La t�l�vision l'accaparera de nouveau de 1984 � 2000. Il �crira, entre autres, un t�l�roman qui remportera beaucoup de succ�s, Le Parc des Braves. Tout en �tant fid�le aux �v�nements de l'�poque, il y transcrit sa perception qu'il avait enfant de la Deuxi�me Guerre mondiale. Lui qui a cherch� constamment � r�inventer le langage du cin�ma pour le mettre � la port�e de tous est enchant� de son exp�rience. � La t�l�vision est extr�mement gratifiante, non seulement parce qu'on y est bien pay�, mais parce que la r�action est instantan�e et qu'on peut entrer en interaction avec l'auditoire. C'est ainsi que Tancr�de, interpr�t� par G�rard Poirier, est devenu plus pr�sent dans la suite du t�l�roman � cause du jeu du com�dien �, confie-t-il.

Fernand Dansereau est maintenant heureux de retourner au cin�ma avec son projet L'Heure de la brunante, surtout en cette p�riode de vaches grasses pour le cin�ma qu�b�cois. En trois d�cennies, celui-ci s'est structur� et consolid�. Mais pour cet homme qui a cherch� � dialoguer constamment avec le spectateur � travers des oeuvres consid�r�es comme moyens de communication et de conscientisation, notre cin�ma a surtout touch� son public, comme le prouvent C.R.A.Z.Y. et La Neuvaine, qui se r�v�lent de vrais films populaires, c'est-�-dire des fictions qui rendent visibles les symboles d'un peuple et font corps avec les mythes et la r�alit� d'un pays. N'est-ce pas ce qu'a toujours voulu faire depuis cinquante ans ce cin�aste du partage et du questionnement ?

Membres du jury :
Lucille Veilleux (pr�sidente)
Bernard �mond
Monique Mercure
Claude Racine

Texte : Andr� Roy

source : Les Prix du Qu�bec


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