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Les résidences à vocation ciblée


 

On est la plupart du temps malade avec une chance de guérir et, si on entre à l'hopîtal ou même à l'institut, c'est généralement avec l'espoir d'en sortir vivant. Quand on est placé en résidence, on ne croit pas qu'on aura cette chance et l'on sait que, sauf une heureuse mais improbable erreur de diagnostic, on ne guérira pas. Quand on entre en résidence, c'est pour la vie.

Le but de la vie en résidence est le bonheur ­ comme partout et toujours ­ avec cette distinction qu'il n'y a pas ici de sacrifices à consentir « maintenant » pour s'assurer un meilleur « plus tard » ; il n y a pas de vie « après-résidence ». C'est à la vie, à la mort en résidence, car il ne semble pas judicieux de regrouper les patientes en phase terminale dans un mouroir du genre « Sago Street » où, à Singapour, il y a une génération, on allait porter les vieux pour les laisser mourir.

Cette approche semble irrespectueuse et peut créer un climat malsain. On peut faire une gestion tout aussi efficace de cette situation, en maintenant les patients en phase terminale en résidences, dans le même environnement où ils ont été dans les semaines, les mois ou les années précédentes, pour autant que tout acharnement thérapeutique auquel le patient ne consent pas est proscrit . La volonté du patient sain d'esprit est sacrée et s'assurer qu'il est sain d'esprit est la première priorité. Le patient à le bénéfice du doute.

Il faut donc chasser des résidences le désir chez les spécialistes d'améliorer leurs statistiques, de réaliser des performances et de faire avancer la science. Il y aura, dans les instituts, des volontaires pour tenter des expériences et chez qui le désir de survivre sera tel que souvent ils payeront pour servir de cobayes. Personne n'a le droit d'imposer ce choix à un être humain.

Chaque résidence est soumise aux procédures prescrites pour une éventuelle phase terminale, pour laquelle le patient, normalement, a déjà depuis longtemps donné ses instructions. S'il n'y a pas une chance crédible de moments de bonheur suffisants pour justifier de poursuivre vivre en résidence , il faut penser à l'euthanasie. Nous en parlons ailleurs.

Ici, nous posons pour prémisses une volonté de vivre et, en attendant l'inévitable, on travaille sur la qualité de vie, car vue sous l'angle de la santé , une volonté de vivre et de bonheur est une volonté de mieux-être. Ce qui caractérise la résidence, c'est donc que les soins y prennent définitivement le pas sur les traitements et, du même coup, les infirmiers sur les spécialistes. Guérir n'étant plus par définition une option crédible, c'est le bien être hic et nunc qui est prioritaire.

Cela vaut pour les trois (3) types de résidences a vocation ciblée que nous avons identifiées : les résidences psychiatriques, les résidences gériatriques et celles pour malades chroniques. Elles ont chacune leur spécificité dont nous disons un mot ; les décrire exigeraient des volumes et serait naturellement un autre projet.

Les résidences psychiatriques ont deux (2) spécificités. La première est qu'ils comportent toujours une composante carcérale, puisque personne n'y est interné dont le cas ne soit pas si lourd qu'on ne veuille pas lui interdire la discrétion d'en sortir. Ceux qui sont la en permanence doivent être surveillés. Avec mansuétude, mais sans complaisance. Ne pas oublier, non plus, le nombre croissant d'auteurs de crimes de violence qui seront aussi confinés à des résidences psychiatriques à mesure qu'une société plus raisonnable traitera leur violence comme une pathologie, leur évitant la prison mais pas les grilles ni les barreaux.

Les cas légers ne sont pas là ; ils sont sous traitements ambulatoires. Les cas « à épisodes » sont soumis à un protocole de suivi, avec garde à domicile, ou internement temporaire quand se déclanchent les signaux mis en place qui annoncent une crise. Cliniquement, leur cas est différent, mais lorsqu'ils doivent être internés leur condition justifie aussi des mesures quasi-carcérales .

La deuxième spécificité de ces résidences est la nature différente et la densité moindre du personnel et des équipements requis. Un profil différent et une présence infirmiere moindre, car surveiller est moins proactif et donc moins exigeant que soigner. Un aménagement physique différent, aussi, de celui d'un hôpital, avec un besoin moindre d'équipements lourds et légers, allant des scanners aux simples bobonnes à oxygène.

La résidence gériatrique a une tout autre problématique. Sa clientèle augmentera an flèche et, à mesure qu'augmentera l'âge moyen de ses patients, leur état dans l'ensemble ne pourra que se détériorer. Physiquement et mentalement, sans la composante violence des résidences psychiatriques, mais avec le défi, au contraire, de gérer sans contention de quelque nature que ce soit une population inoffensive, mais inepte.

Un défi éthique, car la barre devra nécessairement être déplacée entre les soins personnalisés et ceux qui reposeront sur une utilisation plus massive de tranquilisants et de « réjouissants » de type Prozac, dont on fabriquera sans cesse de plus efficaces. Un débat de société qui n'a pas sa place ici. À court terme, le rapport des préposés aux soins à celui des ressources infirmières devra augmenter brutalement et tout ce qui peut être mécanisé devra l'être pour que les coûts soient maintenus.

Au contraire de la résidence psychiatrique, la résidence pour malades chroniques est plus riche en équipements divers qu'un hôpital. La densité du personnel y est aussi plus grande, tendant plus ou moins, selon la nature des maux des patients, vers celle d'un module de soins intensifs. Ici, c'est la répétitivité des soins à donner qui permet d'augmenter le rapport des préposés aux soins à celui des ressources infirmières.

Une politique claire devra fixer les frontières entre les trois types de résidence, car la tentation sera forte pour le gériatrique en croissance irrépressible de déverser ses Alzheimers vers le psychiatrique et ses grabataires vers les résidence pour malades chroniques. Transfert possible mais selon des normes strictes et sous contrôle vigilant.

 

Pierre JC Allard

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