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La formation Infirmière.


 

Le personnel infirmier va acquérir plus d'autonomie face à la ressource médicale. Les médecins et autres spécialistes devront reconnaître que c'est la tâche du personnel infirmier d'appliquer les traitements et aussi sa responsabilité formelle de réagir sans délai aux effets des traitements et aux demandes des patients.

La formation de l'infirmier doit le préparer à cette mission qui est d'appliquer des traitements, d'informer et surtout de prendre soin. Le contenu de cette formation, comme pour toutes les autres professions, doit en être déterminé de façon empirique, par l'analyse des tâches concrètes que le système veut confier à l'infirmier. Ce contenu être défini avec précision et scrupuleusement respecté.

L'infirmier doit avoir la compétence d'un infirmier, telle qu'on l'aura définie selon les besoins. Pas moins, bien sûr mais pas plus. Ce qui semble une évidence, mais va à contre courant de la tendance actuelle à « enrichir » les professions. L'habitude se répand aujourd'hui d'exiger des infirmiers une formation universitaire. C'est un non-sens, puisque le travail d'application des traitements et de soutien au mieux-être est bien concret et, pour une large part, indépendant du contenu didactique qui le sous-tend. C'est un savoir-faire qui est nécessaire à la ressource infirmière, pas un curriculum chargé.

On peut penser qu'en savoir plus ne peut pas nuire, mais c'est une erreur . Il y a de très graves inconvénients à vouloir enseigner à l'infirmier plus que sa description de tâches ne l'exige, dont le premier est qu'on limite ainsi le nombre de ceux qui pourront être formés pour assumer les tâches qui sont véritablement celles du nursing, au moment où il faut au contraire y assigner plus de ressources. En enseignant au delà des exigences de la fonction, on impose une double contrainte à l'expansion des effectifs.

Un contrainte,d'abord, par le simple effet des coûts qui augmentent avec la durée de formation, mais aussi en réduisant le bassin à partir on peut recruter, lequel s'amenuise, à mesure que s'accroissent les exigences de départ et que le candidat doit revoir à la hausse son estimation des efforts qu'il lui en coûtera pour aller au bout de cette formation.

Augmenter les exigences académiques a aussi un impact négatif au palier des attitudes, car en « savoir plus » peut inciter l'infirmier à substituer son jugement à celui de la ressource médicale dans ce qui est du ressort de celle-ci, alors que l'on souhaite que ce soit dans le cadre de ses véritables attributions de soins que l'infirmier assume plutôt une plus grande indépendance. L'infirmier doit occuper sa place, mais rester à sa place. Si sa tâche est de transmettre une information, ce doit être celle qu'on lui a donnée à transmettre, pas le résultat de ses propres conjectures.

En augmentant les connaissances de l'infirmier au delà des exigences des tâches qui lui sont dévolues, on court le risque insidieux de transformer peu à peu l'infirmier en quasi-médecin et de laisser vacante la fonction de « soignant », qu'on veut lui confier. Le nursing exige le « quotient émotionnel » auquel fait appel cette compassion qui doit renaître au sein du système de santé et dont le personnel infirmier est le principal vecteur. En accroissant les exigences strictement intellectuelles qu'une formation longue tend à privilégier, on risque de négliger d'autres qualités qu'on souhaiterait des cohortes qui seront recrutées.

Ce qu'on veut, au contraire, c'est faire un effort pour identifier ces « autres qualités », facilitant l'accès de cette profession à ceux qui les possèdent. On veut y admettre de nouvelles strates de postulants. On n'y arrivera certes pas si, au lieu de substituer ces nouvelles exigences à celles qui existent déjà, la formation infirmière cherche à les y AJOUTER. On ne ferait alors que rendre plus discriminante l'épreuve d'admission à un apprentissage théorique, apprentissage sans vrai relation avec les vrais exigences du poste.

Ce danger est d'autant plus menaçant qu'il est déjà manifeste, dans tout le système de main-d'uvre actuel, dont c'est une des aberrations de favoriser la fuite en avant vers n'importe quelle éducation ou formation, aussitôt que les offres de travail dépassent la demande d'embauche. Une bêtise qui semble s'autojustifier, puisque les postulants qui ont cette formation supplémentaire trouvent plus facilement à se faire embaucher. On refuse de voir qu'ils n'y arrivent que parce que les gestionnaires incompétents qui les embauchent accordent aussitôt la priorité aux plus scolarisés, sans que le lien ait été fait entre ce surplus d'éducation et une meilleure performance.

On encourage ainsi une course ridicule aux diplômes et une éducation/formation sans aucune pertinence devient simplement une forme de sélection, ce qui en fait le plus horriblement coûteux des tests et le plus injuste des discriminants. Il ne faut pas permettre cette absurdité dans le système de santé, mais imposer une correspondance stricte entre ce que la formation enseigne et ce que le poste de travail exige.

Les modules conduisant à la diplômation et à la certification éventuelle comme infirmier doivent avoir la durée que détermine l'analyse des tâches de la fonction et la fonction doit être définie pour que l'ensemble des tâches qu'elle recouvre n'exige pas une formation supérieure à deux (2) ans : une année de formation théorique à l'Université, en Science infirmières, et une année en stage auprès du Bureau du nursing d'un établissement de santé.

S'il veut travailler comme autonome, il doit suivre un stage supplémentaire d'un an auprès d'un infirmier autonome qualifié comme parrain, toutes les condition de ce stage mutadis mutandis, étant celles qui s'appliquent au spécaliste médical qui veut devenir praticien. L'infirmier qui ne veut que travailler comme salarié, toutefois, est prêt à la pratique après son année de stage en établissement.

C'est la certification de cette compétence, acquise en deux (2) ans, que l'État employeur exigera des infirmiers qu'il embauche. Devrait-on introduire dans la formation infirmière, suite à ce niveau de certification, une spécialisation qui recoupe celle que nous avons recommandée pour les médecins et spécialistes? On peut faire mieux. Autrement.


Pierre JC Allard

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