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Prendre soin.


 

On a accoutumé de donner au système de santé la finalité quasi exclusive de guérir, alors qu'il a une autre fonction tout aussi importante, sinon plus, qui est de « prendre soin ». Ebloui par les succès souvent spectaculaires de la médecine moderne, on laisse ainsi dans l'ombre, par inadvertance, la masse des défis à relever pour que la société accède vraiment au mieux être.

Or, ce sont ces défis du mieux-être, au contraire, qu'on devrait monter en épingle. Ce sont ceux servent à tous et aussi ceux qui procurent au système ses seules vraies victoires, puisque la bataille pour conserver la vie, elle, est inexorablement perdue ; nous mourrons tous . Le premier objectif du système de santé doit être de nous permettre de vivre mieux et en santé.

Un Nouvelle Société, s'affichant résolument hédoniste, va accorder une importance croissance à la fonction de prendre soin. Une importance croissante, donc, à la ressource infirmière, puisque celle-ci, par construction, se situe dans le système de santé au palier de l'application des soins. Le ratio infirmier/patient absolu et l'importance numérique relative de la ressource infirmière, à la ressource médicale sont des indicateurs tangibles de l'accent qu'on veut mettre sur la qualité des soins et le bien-être. Les meilleurs indicateurs de l'importance qu'on veut accorder à l'humanité et à la compassion. Nous utiliserons l'expression « nursing » pour désigner l'ensemble des activités reliés aux fonctions de la ressource infirmière.

L'importance du nursing va croître énormément. Dans un système de santé, la tendance à couper les postes infirmiers pour privilégier d'autres besoins est révélatrice d'un déshumanisation, d'un détournement plus ou moins conscient de sa mission de prendre soin, au profit des exigences administratives du système lui-même, des procédures et des statistiques. C'est le symptôme d'un instinct de mort. Il nous faut plus de nursing dans le système de santé. La densité de la présence infirmière, dans le système de santé, doit non seulement être maintenue, mais augmentée.

Le nombre absolu des ressources infirmières dans le système va augmenter et aussi leur proportion au sein des effectifs globaux affectés à la santé. Elles vont croître en nombre et aussi en importance, car on va leur accorder une plus grande autonomie. Les infirmiers ne doivent pas être de quasi-médecins. L'infirmier est un professionnel de la santé qui a sa mission propre : il est responsable du mieux-être. Le médecin tente de guérir, l'infirmier soigne.

Parce qu'une partie de la tâche des ressources infirmières consiste à appliquer les traitements que les ressources médicales prescrivent, on tend à les percevoir comme subordonnées à celles-ci. Sur ce point précis, en effet, elles n'ont en principe qu'à comprendre les instructions et à les appliquer, mais, en pratique, En pratique, toutefois, parce qu'elle connaît mieux les besoins réels du patient avec lequel son contact en milieu clinique est bien plus assidu que celui des médecins, la ressource infirmière doit interpréter ces instructions, parfois, sous réserve d'en aviser le médecin au plus tôt, simplement mettre au rancart une procédure qui, pour un individu donné, peut-être si vexatoire qu'elle cesse de lui être utile.

Comment peut-on permettre que l'infirmier s'écarte à l'occasion des instructions du médecin ou du spécialiste ? Parce qu'appliquer ces instructions n'est qu'un volet de sa tâche globale qui est d'assurer le bien être du patient. Comme le traitement n'est qu'un partie de la problématique de la santé, laquelle, dans son ensemble, se confond avec ce bien-être du patient. Lorsque la ressource infirmière « interpréte » les directives médicales, ce n'est pas le bien fondé du traitement même qu'elle discute, en fonction d'une éventuelle guérison, c'est l'importance relative qu'il faut accorder à ce traitement, au temps de guérison, à la guérison elle-même dans le paysage plus vaste du bien­être du patient, lequel ne se confond PAS avec cette seule guérison.

Cette primauté du bien-être sur la guérison exige qu'on admette que c'est le patient lui-même, s'il est adulte et sain d'esprit, qui est maître de son dossier et l'ultime décideur de ce qu'il accepte de subir. Il a droit de refuser un traitement, il a le droit de modifier un dosage. Le patient doit pouvoir affirmer sa volonté et l'imposer, il ne doit pas, dès qu'il fait appel au système de santé, être physiquement ou psychologiquement mis et tenu en contention. Il est d'autant plus incontournable que le patient reprenne le contrôle de son dossier que, contrairement à la guérison qui peut correspondre à des critères objectifs, le bien ­être est essentiellement subjectif et n'a pas à être discuté.

En redonnnant la préséance au bien-être et le contrôle du dossier au patient, on remet vraiment le système de santé AU SERVICE du patient. Cette nouvelle approche sera ressentie comme une libération par les malades. Pour que cette approche soit possible, toutefois, il faut que l'on fasse prioritairement respecter le droit du malade à être renseigné et non tenu dans l'ignorance. Le patient qui conserve l'autorité sur son traitement ne peut prendre de décisions éclairées que s'il est bien informé ; c'est la tâche et la responsabilité de l'infirmier qu'il le soit, comme c'est celle du système que celui-ci puisse fournir cette inforrmation.

C'est sur cette autorité ultime du patient informé que repose le principe de l'autonomie de l'infirmier face à la ressource médicale. Les directives médicales seront interprétées et au besoin transgressées pour répondre aux exigences du bien-être. Quand elles le seront, ce ne sera qu'à la demande, ou du moins avec l'accord explicite du patient, mais l'infirmier devra sans cesse exercer son propre jugement, sa relation au médecin ne sera donc plus de soumission aveugle.

La ressource infirmière ne doit jamais se substituer à la ressource médicale dans le cadre du traitement, mais elle doit respecter la volonté du patient pour fixer les limites du cadre où ce traitement s'exerce. Si le patient choisit de s'écarter du traitement prescrit, l'infirmier doit le lui permettre et la discussion de la place que doit occuper le traitement doit toujours rester ouverte.


Pierre JC Allard

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