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Le patient proactif


 

La science progresse, la médecine a de plus en plus à offrir et l'on souhaite donc une couverture médicale à la fois plus étendue et plus dense. Comme il est clair qu'on ne peut augmenter indéfiniment les tâches de chaque médecin et de chaque infirmier, il semble bien qu'il faille augmenter le nombre des intervenants en santé. Or, le personnel de la santé et surtout les médecins constituent une ressource rare et chère : il y a un seuil qu'on ne peut dépasser où le nombre des intervenants dépasse simplement nos moyens. Une partie perdue ? Pourtant, parmi les intervenants potentiels, il y en a un qu'on néglige, même s'il travaille gratuitement et ne compte pas ses heures: VOUS.

Puisqu'on veut un système de santé qui puisse mettre à la disposition de la population, à un coût raisonnable, la plus grande partie possible de la panoplie des nouveaux moyens qu'offre la médecine, il faut mettre à la base de notre stratégie l'intervention constructive du patient lui-même. On ne créera un système de santé qui puisse utiliser au mieux les apports de la science moderne, que si on redonne à l'individu la première responsabilité pour sa santé. Une place qu'il n'aurait jamais dû perdre.

Pour bien comprendre l'importance du rôle du patient, il faut d'abord voir clairement que ses épisodes de morbidité s'inscrivent dans un continuum qui est sa vie quotidienne, une séquence de hauts et de bas où il se sent plus ou moins bien et à laquelle, le plus souvent, il est le seul à prêter attention. Sa santé se modifie, parfois brutalement, mais souvent presque imperceptiblement. L'intervention médicale que la maladie rend un jour nécessaire, est le résultat d'une longue suite d'événements. Événements qui découlent parfois de son comportement, parfois des circonstances, mais toujours des conditions de vie et du milieu ambiant qui y contribuent. Sur beaucoup de ces évènements, sinon tous, l'individu aurait pu agir.

Un système de santé efficace, nous l'avons vu, met d'abord l'accent sur les bien portants. Mais ce changement de priorité n'a tout son effet que si le bien portant n'est pas perçu comme passif, mais comme un acteur à part entière. Pour l'individu, au départ, en amont de toute intervention médicale curative au sens strict, y a une double possibilité d'action sur sa santé.

Une action par le choix de son environnement, de son mode de vie et des habitudes qu'il se permet, mais une action plus proactive, aussi, par l'impact qu'il peut avoir sur l'aménagement et la transformation de cet environnement. Dès qu'on parle « prévention » au sens large, c'est évidemment l'individu qui est l'acteur principal, tous les autres ne pouvant avoir qu'un rôle adjuvant. Personne ne conteste cette évidence, le système n'en tire simplement pas les conséquences.

Pour que l'individu ordinaire devienne efficacement proactif en santé il doit, comme tout autre intervenant, dans quelque domaine un peu complexe que ce soit, recevoir une formation qui le lui permette. L'individu doit donc recevoir, comme un élément essentiel de son éducation de base, les notions qui lui permettent d'abord de ne pas "se rendre malade": nutrition, exercices physiques, contrôle des assuétudes, incluant l'usage raisonnable des médicaments.

L'individu étant non seulement un patient en devenir, mais un citoyen, il doit aussi être conscientisé aux problèmes environnementaux. Sensibilisé par le système d'éducation aux exigences de la santé, il peut identifier les risques pour la santé de chacun, dans la société en général et surtout dans son milieu familial et professionnel. Ayant reçu cette initiation sommaire aux questions de la santé, il peut donc jouer efficacement son rôle pour optimiser non seulement sa propre santé, mais aussi celle des autres.

Pas seulement pour ne pas lui-même en créer, mais aussi pour devenir socialement proactif, déceler les incartades des autres et, au besoin, attirer sur ces méfaits l'attention des autorités. Une Nouvelle Société met à la disposition de chaque citoyen, via un réseau de communication en ligne (Internet), les moyens de contribuer lui même au respect de la loi. Encourager cette solidarité proactive du citoyen ordinaire est un élément important d'une politique de santé efficace. Elle est dans l'esprit même de ce que doit promouvoir une Nouvelle Société.

La société doit mettre à sa disposition tous les moyens de dénoncer ce que sa propre conscience lui fait considérer révoltant et inacceptable. On n'imposera pas au citoyen une obligation de délation, cependant, car promouvoir la délation au-delà de ce que sa propre conscience sociale suggère à l'individu a des effets néfastes sur la société

La dénonciation, dans une Nouvelle Société, est toujours discrète, mais elle n'est jamais anonyme. Le vrai qui a été révélé n'a jamais à être signé, mais la calomnie est irrecevable et elle sera punie ; ce qui serait faux fera l'objet d'une poursuite. L'individu qui décèle un problème environnemental a d'ailleurs une alternative à cette dénonciation. En parler à son médecin.

Le pivot d'un système de santé doit être une relation entre l'individu et son médecin qui fasse de ce dernier l'auditeur permanent de son patient. La société qui crée les conditions de cette relation crée également la possibilité pour le patient de discuter avec son médecin, entre autres, des problèmes environnementaux dont il est informé. Or, c'est une partie du travail du médecin d'être aux aguets de ces problèmes, d'en jauger l'importance et de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes en soient avisées.

Le rôle de l'individu en santé comporte la prévention à la vigilance. Le résultat le plus avantageux de cette mobilisation de l'individu, toutefois, c'est lorsqu'il dégage les médecins et les autres professionnels de la santé de l'obligation d'intervenir, quand leur compétence n'est pas absolument requise. Il contribue alors à optimiser leur disponibilité pour tous les cas où leur intervention est vraiment indispensable. Comment l'individu y parvient-il ? En portant d'abord un prédiagnostic sur sa condition avant de demander un avis à son médecin. Même durant les épisodes de morbidité appréhendée, il va falloir demander au patient de s'aider un peu.


Pierre JC Allard

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