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Le verdict populaire


 

Les services de santé que l'État s'engage à fournir gratuitement à tous sont ceux dont décide le consensus populaire, parmi les scénarios qu'on lui propose et qui sont conformes aux ressources dont la société peut disposer. Ce sont ces services qui vont constituer le noyau dur de la médecine universelle et que, par convention, on dira « essentiels » Comment le consensus social va-t-il les choisir ?

Par le même processus démocratique ubiquitaire de consultation, de sondages et de choix qui permane dans une Nouvelle Société et que nous décrivons ailleurs. Concrètement, en ce qui concerne la santé, les citoyens sont appelés à choisir le scénario qui correspond le mieux à leurs attentes, parmi plusieurs qui leur sont soumis. Chaque scénario est composé de modules clairement identifiés et donc le coût est indiqué, précisant en chaque cas si les ressources pour offrir le service correspondant sont déjà surabondantes.

Les scénarios ont un tronc commun, mais se ramifient en offrant des choix alternatifs de modules complémentaires. Choisir un scénario est donc toujours acquiescer à ce que l'État juge légalement incontournable et a mis au tron commun, comme souscrire à la cohérence des prérequis que manifeste la séquence des modules. Le citoyen choisit un scénario en noircissant à l'ordonnancement de référence qu'on lui remet - qui apparaît, en fait, à l'écran de son ordinateur - un ensemble de modules, allant sans hiatus du général au spécifique, jusqu'à ce que le coût cumulé des modules qu'il à choisis atteigne la limite du budget qu'il souhaite que l'État consacre à la santé.

Quand on a fait la somme des choix, le scénario retenu - et qui devient le menu des services que l'État offrira gratuitement à tous - correspond à l'ensemble des modules reliés sans solution de continuité au tronc commun qui ont obtenu le plus de suffrages, jusqu'au point que permet le budget global défini par le montant qu'ont accepté d'y allouer par leurs choix 50% de ceux qui se sont exprimés

Les modules inscrits à ce menu et pour lesquels les services sont surabondants vont constituer l'espace d'universalité au sens strict du système de santé. Une véritable universalité, puisque l'État aura introduit ces services aux scénarios proposés en garantissant leur surabondance. On crée ainsi le noyau d'universalité le plus large possible, à l'intérieur duquel les services sont gratuits. Il en ressort aussi une impression subjective de surabondance des services de santé qui est un facteur crucial de satisfaction de la population.

La surabondance rend aussi raisonnable le pouvoir des fournisseurs de services. C'est l'État, qui devient arbitre de la juste rémunération des professionnels. Quand les services offerts sont en surnombre, le prix qu'en paye l'État au professionnel doit être juste - sans quoi il tendrait vers zéro, comme le prix de tout ce qui est surabondant - et ce juste prix qu'en offre l'État est le meilleur que le professionnel puisse obtenir pour ses services sur le marché, puisque l'État devient en fait le seul véritable acheteur des services de santé essentiels.

L'État n'a besoin d'aucune coercition ni prohibitions pour conserver cette position de monopsone. Dans la mesure où il ne prend en charge que les services que ses moyens et le consensus populaire lui permettent de garder surabondants, il n'a pour la préserver qu'à maintenir l'équilibre entre formation et besoins, en s'assurant qu'il n'y ait jamais carence de ressources. C'est alors toujours lui qui en offrira le meilleur prix. Cet arbitrage de l'État permet que les services de santé coûtent moins cher et qu'on puisse donc en recevoir davantage.

On espère que tous les services qu'on juge essentiels sont bien inclus dans cet espace d'universalité. L'espace de gratuité, cependant, peut s'étendre au-delà du noyau d'universalité. C'est le consensus populaire qui le détermine aussi, lorsqu'il choisit des modules dont on lui a précisé clairement que les ressources n'y étaient pas surabondantes. Ces services sont aussi gratuits, si 50% des citoyens les réclament, mais État ne s'engage à les fournir que selon leur disponibilité et la jouissance en est donc sous condition d'un délai d' attente.

Situation fâcheuse, mais l'on peut être sûr que l'État fera l'impossible pour réduire à néant ce délai d'attente, car cette zone grise de gratuité qui va au-delà de l'universalité est périlleuse pour l'État. Quand on prolonge la gratuité au-delà de l'universalité, y incluant des services qui ne sont pas surabondants, l'État n'est plus en position de monopsone.

Il se retrouve en concurrence avec d'autres fournisseurs car ,si les délais d'attente sont longs, il peut devenir plus acceptable pour l'individu de payer un fournisseur de service que de supporter le délai qu'on veut lui imposer pour recevoir un service gratuit. Ce choix est plus facile à faire pour les mieux nantis, ce qui réintroduit cette « mercantilisation » de la santé et de la vie que la médecine gratuite est justement mise place pour éviter. On peut s'y opposer par des interdits bien sûr, mais l'Histoire a amplement prouvé que ces prohibitions ci ne mènent jamais qu'à l'illégalité.

C'est la surabondance qui définit l'universalité et on n'y arrive qu'en ajoutant des ressources. Quand la population a réclamé la gratuité d'un service dont elle sait qu'il exigera une attente, c'est donc la priorité absolue de l'État de rendre ce service surabondant. Il y arrive sans mal, par son contrôle de la formation et de la certification des ressources humaines, les composantes matérielles du système se réduisant elles-mêmes, indirectement, à une demande de compétences et restant gérable par contrôle sur la formation.

Non seulement le consensus populaire définit-il donc alors l'ampleur et la nature des services de santé, mais il en détermine également l'évolution. Il faut seulement que la structure soit là pour donner suite à ses demandes et elle y est. C'est aussi le rôle de la nouvelle Régie de la santé.


Pierre JC Allard

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