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L'effet chinchilla


 

Pour les produits de consommation courante, l'astuce assez grossière pour en produire et en vendre plus est à la fois de promouvoir la consommation de ce qui est inutile et d'encourager la consommation excessive de ce qui est utile comme ce qui ne l'est pas. On est ici dans la chasse gardée par excellence de la publicité, car c'est quand il faut faire beaucoup avec peu que celle-ci est surtout nécessaire.

Prétendre que le détergent A fait briller vos verres plus que le détergent B laisse sceptique. Dire que « du beurre, c'est du beurre » a un certain charme, mais n'est pas très instructif. De même les boissons qui « rafraîchissent » et autres lapalissades. Insignifiant mais relativement innocent. Parfois, cependant, la publicité glisse vers la « suggestio falsi » et la non-vérité. Ainsi, personne ne conteste qu'il soit utile de se brosser les dents ou de se laver les cheveux. On pourrait même concevoir qu'une population raisonnablement éduquée continuerait à le faire sans publicité. On pourrait aussi penser que l'hygiène dentaire n'en souffrirait pas, si tout le mode choisissait l'une ou l'autre des grandes marques connues de dentifrice plutôt qu'une autre. Mais...

Il a été établi que l'usager moyen met sur sa brosse à dents quatre (4) fois la quantité de dentifrice nécessaire. Ne croyez pas les études, essayez : vous verrez que vos dents ne terniront pas si vous n'en mettez que 5 mm. Personne n'a dit à l'usager d'en mettre 20 millimètres au lieu de 5, mais c'est 20, qu'il voit sur la brosse dans les annonces télévisées et personne ne l'a détrompé, bien sûr. Ça ne peut pas lui faire de mal et ça quadruple le chiffre d'affaires. Une différence qui représente sans soute le revenu national brut d'un petit pays d'Afrique.

Ça ne lui fait pas de mal. Si, cependant, comme bien des gens, vous faites deux cycles lavage-rinçage à chaque shampoing, pour avoir des cheveux plus soyeux, ça devient un peu plus ambigu. Vous en aurez, des cheveux plus soyeux, mais vous devriez savoir que le premier cycle a rendu vos cheveux aussi propres qu'ils peuvent l'être ; le second enlève seulement toute trace résiduelle d'huile naturelle du cheveu et le rend plus fragile, plus friable. Le problème n'est pas que vous le fassiez, c'est votre choix. Le problème, c'est qu'on ne vous informe pas des conséquences.

Le problème, c'est la consommation intempestive de produits de consommation courante, dont on se garde bien de nous avertir qu'ils ne nous apportent rien et parfois nous font du mal. La surconsommation des produits de consommation courante ne donne son plein potentiel de gaspillage, toutefois, que lorsque l'on quitte carrément le domaine de l'utile pour passer dans celui de l'imaginaire et de la superstition.

Le besoin artificiel parfait, c'est celui qui n'apporte rien, part d'un mensonge implicite et joue sur la bêtise humaine. L'industrie des cosmétiques est un exemple de mensonge implicite qui s'est fait une belle carrière, aidé au besoin de quelques autres mensonges, bien explicites ceux-là. Le mensonge implicite, c'est de laisser supposer, sans en avoir la moindre preuve, que quelque produit cosmétique connu que ce soit puisse régénérer votre peau, empêcher la calvitie, ou que sais-je. Les mensonges explicites, c'est le recours massue à l''Effet chinchilla »

L'«effet chinchilla », en deux temps, c'est d'associer d'abord ce qui est cher avec ce qui est bon, puis de généraliser ensuite allègrement en laissant supposer que ce qui est bon pour quelque chose l'est pour n'importe quoi. Pour l'industrie des cosmétiques, c'est de prétendre que les huiles de vison ou de chinchilla, les extraits d'orchidées, de champagne ou de caviar - ou de quoi que ce soit dont le nom puisse projeter une image de cherté - puisse vous faire quelque bien, et surtout plus de bien qu'une concoction extraite des pissenlits, de la queue-de-rat ou de la crotte de mouton.

Peut-être existe-t-il un produit cosmétique miraculeux, mais on l'ignore. Le problème le plus grave que cause la publicité, c'est qu'au milieu des mensonges même une vérité devient incroyable. S'il existe un produit qui puisse empêcher la calvitie, il faudrait qu'on le sache ; s'il n'y en a pas, il ne faudrait pas prétendre qu'il y en a un. Il faut mettre fin aux mensonges explicites de la publicité et faire en sorte que, si la cosmétologie peut avoir un effet vraiment bénéfique, ceux qui peuvent offrir des résultats probants puissent se faire entendre. Pour le reste, on ne peut qu'éduquer : l'humain est encore bien jeune.

On peut regretter, que l'industrie des cosmétiques exploite la sottise populaire - à la hauteur de plus de 100 milliards de dollars par année ! - mais Il y a au moins 4 000 ans que les Egyptiens et les Chinois utilisent des fards. Aucune civilisation subséquente n'y a échappé. On peut donc dire que la victime, ici, est bien consentante, ce qui, dans une Nouvelle Société, est une raison suffisante pour qu'on n'interdise rien. C'est affaire d'éducation : aussi longtemps que le client le veut, il y a droit.

Les cosmétiques, d'ailleurs, ne sont visés ici que parce qu'ils sont une cible facile. C'est la seule illustration qui suffit, mais il faut comprendre que tout le champ des produits de consommation courante obéit à la même problématique d'une industrie qui vise avec acharnement à vendre plus de n'importe quoi à une population qui a déjà assez de tout, et bien trop d'une foule de choses que seule sa naïveté la pousse à acquérir

 


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