LA RÉVOLUTION PAR OBJECTIFS
Depuis que je publie ce site, je reçois naturellement des commentaires
et des propositions; ce n'est pas le courrier de Madonna, mais ce n'est
pas le désert non plus et, avec le temps, ça fait tout de
même un volume significatif. Or, des courriels que je reçois,
un bon tiers veulent m'inscrire à un parti ou me proposent d'en lancer
un. Ce qui m'inquiète un peu, parce que je ne crois pas que la mise
en place d'une Nouvelle Société et son développement
subséquent passent par la création d'un parti au sens traditionnel.
Oh, il faudra bien utiliser au moment opportun l'approche "parti"
- puisque le système actuel ne permettra pas l'accession au pouvoir
de ceux qui veulent le changement à moins que ceux-ci ne passent
par cette voie - mais il faut garder en mémoire que ce "parti"
que constitueront au besoin ces derniers ne visera pas d'autres objectif
s que d'ouvrir la porte à ce changement et ne devra pas chercher
à en déterminer les modalités. En fait, la notion de
"parti", dans son acception actuelle, est l'antithèse même
de ce qui doit prévaloir dans une Nouvelle Société.
Ce qu'on appelle aujourd'hui un parti, consiste d'individus qui ADHÈRENT
à une structure dont le but est la prise du pouvoir. La force du
parti découle du nombre de ses membres et de leur loyauté.
Leur nombre dépend de l'habilité qu'ont mis les dirigeants
du parti à composer un programme et à forger des slogans qui
ne rebutent personne et dépend donc de la maîtrise qu'ont ceux-ci
de l'ambiguïté et de la compromission. La loyauté des
membres - même en laissant de coté les menaces et les promesses
qui en sont souvent la vraie raison d'être - exige pour sa part une
acceptation inconditionnelle de cette ambiguïté et de ces compromis.
Le "partisan" renonce à sa liberté d'opinion personnelle
et "adhère" à l'opinion du parti, recevant en échange
la satisfaction dérisoire d'appartenir au parti et la promesse implicite
bien aléatoire d'être un jour privilégié si le
parti acquiert un pouvoir quelconque.
Cette adhésion inconditionnelle de l'individu à un parti -
à une pensée qui n'est pas vraiment la sienne mais la résultante
de compromis divers qu'on le soudoie pour accepter -incarne le vice majeur
de la démocratie actuelle. La vraie démocratie commence quand
chaque individu, au meilleur de ses moyens, cherche à penser par
lui-même et ne soutient aucune démarche ni politique avec laquelle
il ne soit d'accord.
Gouverner exige de concilier des intérêts et des principes
divergents; il est donc indispensable que le programme d'action qui deviendra
la politique de l'État soit le résultat de compromis, tant
pour obtenir le soutien d'une majorité de la population que pour
assurer la cohérence entre les diverses initiatives qui seront prises
par le gouvernement. Il est normal, dans une Nouvelle Société,
que des "partis" existent qui proposent chacun son programme et
que la population confie la gouverne de ses affaires à celui qu'elle
jugera le plus apte (Voir Démocratie contractuelle).
Ces "partis", toutefois, ne chercheront pas à constituer
de vastes regroupements populaires qui leur accorderont leur appui inconditionnel
longtemps avant que leur programme ne soit connu; ces partis se limiteront
à apparaître comme ce qu'ils sont toujours dans la réalité:
une petite équipe qui a un plan et qui demande à la population
un mandat pour réaliser ce plan.
Le citoyen moyen d'une Nouvelle Société n'est pas un partisan;
il donne chaque fois son appui au "parti" dont le programme lui
semble le mieux refléter ce que lui, le citoyen, voudrait voir accompli.
Dans une élection à deux tours, il devra souvent choisir au
second tour le parti qui lui paraîtra le moins mauvais - et accepter
ainsi un compromis réaliste de gouvernement - mais le citoyen qui
accordera ainsi son appui de deuxième choix le fera sans se croire
en aucune façon solidaire de ce parti qu'il accepte de porter au
pouvoir et n'aura envers ce parti d'autre loyauté que de le soutenir
dans la mise à exécution de ce programme de compromis. Le
citoyen ne renoncera jamais à sa liberté d'opinion, ni à
sa liberté de se dissocier en tout temps sans opprobre d'un parti
quelconque.
Bien sûr, il doit y avoir plus que jamais, dans une Nouvelle Société,
des citoyens passionnément intéressés à la politique
et qui chercheront à faire triompher leurs idées. La plupart
de ceux-ci, toutefois, oeuvreront pour la réalisation d'UNE idée
à laquelle ils croiront et dans le cadre de "mouvements"
qui viseront à convaincre une majorité de la population du
bien fondée de cette idée, faisant ainsi tôt ou tard
de cet objectif un élément incontournable du programme de
tout parti qui aura une chance réelle de former le gouvernement.
C'est ainsi que les vrais croyants lutteront, chacun pour sa propre "révolution"
qui consistera pour chacun à concrétiser son propre objectif.
En parallèle à ceux que la politique intéresse "passionnément"
et qui luttent pour réaliser un objectif auquel ils croient, il y
a ceux pour qui la politique est un jeu dont le prix est la prise du pouvoir
et qui doivent être adeptes de l'art du possible. Ceux-ci se formeront
en équipes, créeront des partis, proposeront des programmes
qui concilient entre eux les objectifs divers des "passionnés"
dans la bonne proportion pour que la majorité de la population s'y
rallie.
Une vision futuriste? Changez simplement "passionnés" par
"groupes de pression" et ramenez à la taille de leur leaders
et organisateurs nos partis actuels; ce que vous voyez aujourd'hui même
est-il si différent de ce qui est proposé ici ? En fait, ce
qu'une Nouvelle Société va mettre au rebut c'est la notion
du partisan-adhérent-inconditionnel qui donne sa force à un
parti qui ne le respecte pas et le consulte encore moins.
La notion de partisan inconditionnel étant désuète,
il serait contradictoire de créer un Parti Nouvelle Société
dont on exigerait de ses membres qu'ils adhèrent tous à toutes
les idées et propositions énoncées sur ce site. Ce
qu'il faut, au contraire, c'est un effort de réflexion libre chez
chaque citoyen et un engagement de chacun dans la poursuite du ou des objectifs
auxquels il croit.
Personnellement, je crois non seulement que chaque proposition que j'ai
faite sur ce site devrait être réalisée mais que, tôt
ou tard, elle le sera ou que sera appliquée une solution qui lui
ressemblera beaucoup. C'est mon opinion, mais il n'est pas nécessaire
que quiconque la partage entièrement. Ce qui est important, c'est
que pour chacune de ces propositions il se trouve au moins quelques individus
qui soient d'accord et aient la volonté ferme de travailler pour
qu'elle s'accomplisse.
L'important n'est pas qu'un parti se constitue qui défende toutes
et chacune des propositions de ce site mais que ceux qui croient à
la justesse de l'une ou l'autre d'entre elles fassent tout en leur pouvoir
pour en favoriser la diffusion et éventuellement l'acceptation par
une vaste majorité de la population. Pour cette mission de diffusion,
il peut-être opportun que des groupes se forment dont chacun visera
ses propres objectifs, mais on comprend qu'il y a loin de cette synergie
qui repose sur un désir commun d'atteindre un but à la notion
de parti organisé avec ses officiers, ses règlements, ses
procédures, ses "power trips ", ses taupes et agents provocateurs
à la solde du Système
Ceux qui souhaitent l'avènement d'une Nouvelle Société
doivent ne s'associer que pour un objectif précis et n'admettre comme
membres de leur association que ceux qui partagent totalement cet objectif,
ce qui n'est possible que si cet objectif est simple et énoncé
clairement. Toute discussion autre que sur les MOYENS d'atteindre l'objectif
ne sert qu'à détruire un groupe et à mettre en péril
son objectif.
Créer un parti ? Il n'y a qu'un seul parti à créer
et ce parti doit respecter les principes ci-dessus : un seul objectif simple
et énoncé clairement. C'est le parti qui permettra que le
changement - le changement que VOUS souhaitez - devienne possible. Ce sera
l'objet du prochain texte.
PJCA