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Le droit à la dissidence


 

Il n'y a pas qu'entre régions que peuvent exister des disparités et toute disparité n'est pas nécessairement économique. Nous vivons dans un monde où se constituent, lentement mais sûrement, de larges entités économiques qui tendent à devenir politiques, l'Europe à 25 en étant le meilleur exemple. C'est une évolution de l'État national vers une État supranational, essentiellement administratif, nécessairement multiculturel. Il ne faut pas que la démocratie se noie dans ce tourbillon.

Une vraie démocratie accepte de déléguer à des entités régionales et locales le pouvoir de régir et gérer les domaines où leurs intérêts divergent, sous réserve de pallier par péréquation, au nom de la solidarité, les écarts inacceptables que cette délégation pourrait créer. Dans un État multiculturel, elle doit en faire autant pour ses diverses minorités et pour tout groupe qui se perçoit comme une entité distinct et dissidente.

Il faut remettre en question le droit de la société d'imposer à tout le monde ce qui ne correspond qu'à la volonté de quelques-uns, fussent-ils une majorité. Chaque fois que faire se peut, ceux qui veulent autre chose que la majorité doivent pouvoir garder le droit de faire bande à part.

Une vraie démocratie n'utilise son pouvoir d'imposer un comportement et une règle unique à tous que lorsqu'en exempter ceux qui veulent l'être priverait d'en jouir cette majorité qui a choisi d'y être astreinte. L'ingérence cavalière de l'État dans la vie des individus ne sera donc plus permise du seul fait que la majorité a pris une décision; on devra établir que cette ingérence est nécessaire et ce sera à l'État d'en faire la preuve.

Faire la preuve qu'il n'existe pas une alternative à la solution simpliste qui consiste à imposer universellement une règle uniforme. On peut réduire radicalement les contraintes qu'une société impose à ces citoyens en permettant le développement de solutions de rechange sur le plan de la réglementation.

L'éthique du gouvernement de l'État passe alors du critère de majorité à celui de consensus; on accepte comme normal que coexistent des comportements divers, tous moralement équivalents, tous légaux. On choisit ainsi une vision libertaire plutôt que totalitaire de la démocratie et on accède à un niveau supérieur de respect des autres.

On reconnaît que le droit de l'individu à sa spécificité ne doit être soumis qu'à un mi-nimum de contraintes. La liberté ne se confond donc plus avec la démocratie, mais se situe par-delà la démocratie; la liberté, dorénavant, se mesure au droit à la dissidence qu'une société consent à accorder.

Une vraie démocratie fait tout en son pouvoir pour favoriser l'expression et la jouis-sance tranquille de ce droit à la dissidence, réduisant donc l'espace démocratique au profit de l'espace libertaire, celui à l'intérieur duquel l'individu souverain, directe-ment ou par pouvoir délégué, se donne les règles qui lui conviennent.


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