05.11.13

 

 

LA MARÉE BOISCLAIR

 

 

André Boisclair est un bien beau garçon. Élégant, intelligent aussi. Un verbomoteur dont le verbe précède la pensée de si loin que celle-ci ne nous apparaît jamais très clairement, ce qui, en politique, n'est pas un inconvénient. Habile, avec ça. Il fait ces jours-ci du slalom autour de ses concurrents et s'est monté une organisation qui fait paraître ridicules leurs organisations. La marée montante qui porte Boisclair est une grande martiale, une déferlante. Pariez 6 contre 1 que André Boisclair sera élu chef du Parti Québécois le 15 novembre prochain.

Ensuite, le 16 novembre, pariez aussi 6 contre 1 que le Parti Québécois mourra et sera porté en terre, bien peu de temps après les prochaines élections. Juste avant ou juste après le prochain référendum annoncé. Ce n'est pas Boisclair qui portera le PQ en terre. Il sera remplacé en temps et lieux par un nouveau chef plus vieux, plus austère, plus dans la note pour marcher devant le cercueil à enterrement. Tout ça va être bien triste et bien injuste.

Bien injuste, car c'est sans doute Boisclair qui portera le chapeau, même si ce n'est pas lui qui sera responsable de la mort du PQ. Boisclair n'en aura pas été le responsable, seulement l'occasion. Comme celui qui retire la flèche que la victime a reçue en pleine poitrine et lui donne le coup de grâce en provoquant l'hémorragie fatale. Le parti québécois est à mourir lentement ; André Boisclair va précipiter son décès. André Boisclair va faire ce qu'il faut pour ça, pas parce qu'il veut tuer le PQ, mais parce qu'il ne reste que ce risque désespéré à courir.

Ce qui est fatal pour le PQ chez Boisclair, c'est sa jeunesse. Sa jeunesse et toute cette cohorte de jeunes qu'il traîne derrière lui. Le Parti Québécois est un vieux parti et un parti de vieux. Je ne parle pas de ceux qui votent pour le PQ, mais de ceux qui le dirigent et qui l'animent. Le PQ est le parti d'une génération. De la génération qui s'est manifestée au début des années 60, la génération issue de la révolution tranquille et de l' « équipe du tonnerre » de Jean Lesage. La génération qui est venue au pouvoir avec René Lévesque en 1976 et qui a plus changé le Québec en 3 ans qu'on ne l'avait changé depuis un siècle.

Les pionniers du PQ ont fait ce qu'ils avaient à faire, ce qu'ils pouvaient faire, puis ils se sont tus. Peu à peu ils se sont tus, puis sont partis. Un à un ils meurent. Il n'y a pas de relève. Ils étaient grands et ils avaient occupé toute la place.

Il n'y a pas de relève naturelle à la génération de 1976. Personne ne pouvait les remplacer, du moins, pas avant qu'on ne les oublie. Il en est résulté que celui qui succède à Bernard Landry est son cadet de 30 ans et non de 15. Toute une génération politique a été escamotée. Ce hiatus ne pourra etre comblé. Le nouveau PQ que bâtira André Boisclair ne sera pas la suite logique de celui de Bernard Landry. C'est un nouveau locataire qui va occuper la vieille maison. Un survenant et qui a ses propres idées, côté décoration.

André Boisclair va faire face à un dilemme insoluble. Il peut choisir de garder les vieilles photos jaunies sur les murs et de diriger un PQ de nostalgiques, voyant rapidement s'effilocher le nombre de ceux qui voudront voir un projet d'avenir dans une idée d'indépendance aujourd'hui bien dépassée. L'autre terme du dilemme, c'est que s'il repart à neuf, développe de nouvelles idées, apporte une nouvelle vision, s'appuie sur cette jeunesse qui le suit, les anciens qui forment la base solide et loyale du Parti Québécois ne le suivront pas. Comme ils n'ont pas suivi Johnson fils, pas plus quils n'ont suivi Bouchard.

Entre les deux voies, je serais surpris que André Boisclair ne choisisse pas de faire le ménage. Je ne vois pas sa promesse de tenir sans délai un référendum, autrement que comme une tactique pour vider cet abcès au plus tôt et passer vite à autre chose. Ce qui n'est pas bête, au contraire, mais c'est un défi insurmontable de réussir à ce que la vieille garde du parti renonce, après l'échec d'un nouveau référendum, à ce pourquoi elle a vécu. Elle ne suivra pas. Elle ne suivra pas un nouveau Parti Québécois à l'image d'André Boisclair.

Prendre cette voie, c'est retirer la flèche... André Boisclair peut faire le ménage, mais il ne rassemblera alors jamais une majorité au Québec. L'UFP à gauche, l'ADQ à droite, vont venir grignoter la clientèle déçue d'un PQ vieillissant. Sans la foi aveugle en un projet d'indépendance. Le PQ va mourir.

Ce n'est pas sans un petit pincement de coeur que j'annonce le décès prochain du Parti Québécois. Pas parce que je l'identifie à l'idée de l'indépendance; comme tous les anciens du RIN, j'ai toujours pensé que le PQ n'avait été qu'à demi indépendantiste, même à l'époque René Lévesque et que, sauf durant l'intermède Parizeau, il ne l'a jamais été beaucoup plus. J'aime le PQ parce qu'il nous a donné une raison d'aller quant m�me de l'avant, quand, dès le départ, il est vite devenu évident que l'indépendance était un mirage. Le PQ a vraiment eu la volonté de nous sortir de l'immobilisme. Même lorsqu'il a commencé à manquer de souffle, j'ai toujours gardé une grande affection pour le PQ.

Le Parti Québécois a vieilli et fait son temps. Je ne crois pas que la marée montante qui porte André Boisclair aujourd'hui sera suffisante pour emporter les digues de l'inertie, de l'apathie et de l'indifférence populaire qui « protègent » aujourd'hui le Québec du changement. Le serait-elle, d\ailleurs, que sous le meme vocable c'est un tout autre projet qui nous sera proposé. Cela dit, j'aime ceux qui relèvent des défis impossibles. La vie est un défi impossible. Il faut respecter la volonté d'André Boisclair de tenter de ressusciter Lazare et je lui souhaite la meilleure des chances.

 

 

Pierre JC Allard



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