ll y a les taxes et il y a les impôts; la TPS, la
TVQ, les taxes foncières, les scolaires, les municipales, les taxes
d'affaires, les taxes d'eau, et j'en passe: il faut bien que l'État
finance tous ces services gratuits qu'il nous donne, de l'Éducation
aux autoroutes, au BS, en passant par la Santé.
Le fisc cherche à prendre plus à ceux qui ont plus; et ça,
au profit du monde ordinaire. Quand vous payez le fisc, consolez-vous donc
un peu en pen-sant que chaque fois que l'État vient taper votre voisin,
c'est comme s'il vous donnait quelque chose à vous ... ou presque.
Le problème n'est donc pas qu'on taxe les contribuables; c'est plutôt
qu'on les taxe d'une façon qui semble tellement contradictoire avec
tous nos objectifs! Comme si l'État "voyait croche", et
visait la mauvaise cible: l'action au lieu de l'inertie.
Car s'il y a deux choses que nous voulons encourager dans notre société,
c'est le travail et la consommation. Or, on recueille le plus clair de nos
fonds publics par un impôt sur le revenu, - salaire du travail
- et par des taxes de vente qui rendent la consommation plus onéreuse!
Tout le contraire de ce que nous voulons encourager.
Bizarre de taxer le revenu, les salaires et les profits. C'est ça
l'argent qui circule, le dynamisme économique qu'on veut soutenir!
Ne serait-il pas plus habile de taxer le capital plutôt que le revenu?
Et d'imposer celui qui regarde grandir son magot sans rien apporter de neuf
à l'économie, plutôt que le travailleur et l'entrepreneur
qui contribuent de leur initiative et de leur activité? Pourquoi
ne pas taxer le capital qui someille, l'argent parasite?
C'est la faute des Russes, bien sûr... Les marxistes-léninistes
ont dit tant de mal du capital - en faisant tellement de bêtises!
- que tout le monde a été depuis longtemps obligé de
n'en dire que du bien pour ne pas paraître un peu attardé.
Parler de taxer le capital faisait trop "à gauche".
Mais maintenant que les Terribles Soviétiques sont devenus des sous-développés
comme les autres et qu'il n'y en a plus que pour la libre entreprise - (dont
la plus douce vengeance est sans doute d'avoir vendu comme souvenirs, les
derniers vestiges du Mur de Berlin!) - on peut peut-être redevenir
plus critique.
Et pour commencer, on peut dire sans craindre le bûcher que c'est
une autre bêtise de parler, comme si c'était la même
chose, de la libre-entreprise et du capitalisme. Car on ne trouve pas plus
différent d'un entrepreneur qu'un capitaliste. Alors que l'entrepreneur
pense, décide, prend un risque et fait un profit s'il a
eu raison, le capitaliste, est celui qui profite sans courir de risque,
celui qui se nourrit d'intérêts plutôt que de
profits.
Le capitaliste est l'homme à l'argent paresseux. Il vit au crochet
du profit de l'entrepreneur et semble si inutile que, pendant des siècles,
la religion chrétienne a interdit le prêt à intérêt.
Une pratique d'ailleurs encore interdite aux musulmans.
Pour voir à quel point capitalisme et entrepreneuriat s'opposent,
regardez comment diverge en Bourse la valeur des obligations - qui
payent un intérêt, de celle des actions qui, elles,
distribuent des profits: quand les unes montent, les autres baissent...
!
Et quand c'est la valeur des actions qui grimpe, les entrepreneurs
font des profits, les travailleurs travaillent, et notre économie
est en expansion. Si, au contraire, les gens préfèrent ne
pas trop risquer, ne pas investir mais plutôt placer leur argent à
la banque, ou dans des Obligations du Canada, par exemple, les entrepreneurs
font faillite, et le chômage augmente. On dit que l'argent est rare;
en fait, il est devenu un peu trop paresseux.
Il faudraitt activer le tapis roulant, et faire courir alors un peu plus
vite ce capital paresseux ! Pas pour le faire mourir, mais pour lui faire
prendre un peu d'exercice.... Taxer le capital ne veut pas dire "aller
chercher l'argent des riches"; ça veut simplement dire aller
chercher l'argent autrement.
Autrement, mais pas nécessairement ailleurs. Car, vous comme moi,
nous sommes tous à la fois un peu entre-preneurs et un peu capitalistes.
Ainsi, un dépanneur ou un chauffeur de taxi sont des "entrepreneurs"
durant leur travail, mais sont des "capitalistes" quand ils spéculent
sur la hausse de valeur, celui-ci de son permis, celui-là de son
fonds de commerce.
Si plutôt que de taxer l'argent qu'ils gagnent, on taxe l'argent
que les gens ont, rien ne prouve que tous les riches payeront plus
d'impôts et les pauvres moins. Chacun sera seulement taxé comme
propriétaire et d'investisseur plutôt que comme entrepreneur,
commerçant ou travailleur.
La différence alors? Quand on taxe le revenu, on pousse le contribuable
à ne pas prendre de risques; quand on taxe le capital, celui-ci doit
devenir actif... il court sur un tapis roulant!
Pour taxer le capital, il faut voir qu'il y en a deux sortes.
D'un coté, le capital des choses qui ont une vraie valeur - usines,
maisons, équipements, etc. - et de l'autre, l'ombre de toutes ces
choses: l'argent. En soi, l'argent est un bout de papier qui n'a pas d'utilité;
c'est l'État qui lui en donne, en disant qu'on peut l'échanger
contre les autres biens et services dont le commerce est légal. La
monnaie a la valeur qu'on veut bien lui donner. La façon facile d'imposer
le capital est donc de "taxer" l'argent.
Pour taxer l'argent, un gouvernement n'a pas besoin d'être bien subtil.
Il n'a qu'à faire tourner la planche à billets et à
en imprimer d'autres! Si vous doublez ainsi le nombre de billets en circulation,
vous venez - en théorie - de diminuer de moitié la valeur
de votre argent. Ce qui fait un bel impôt de 50% prélevé
à la source sur les détenteurs de billets, puisque l'État
a en main les nouveaux billets.
Ça, c'est en théorie. En pratique... c'est encore plus facile!
L'État n'a pas à imprimer de billets; il lui sufit de manipuler
la masse monétaire par des émissions d'obligations du gouver-nement,
des variations des fonds de réserve des banques à charte,
et autres trucs de magie financière.
Dites "Presto!", et l'argent est taxé! La plupart des pays
du Tiers-monde se financent exclusivement de cette façon. Une remarque
importante, toutefois: le mot magique n'est pas vraiment "Presto!";
c'est "Inflation". L'inflation est un remède dangereux.
A petites doses, elle dynamise; mais trop, et la perte de confiance est
telle qu'on perd vite bien plus que tout ce que peut produire la planche
à billets.
Ce qui donne à l'argent paresseux une peur maladive
de toute inflation qui le fasse courir un peu plus vite. Courir pour garder
sa place... et pour tirer le pays avec lui, car pas un pays ne peut survivre
sans une inflation raisonnable qui force les détenteurs de capitaux
à bouger au moins un peu. Nous avons eu, en 1991, moins de 5% d'inflation
mais une récession extrêmement pénible. Entre 6% et
8%, nous aurions eu une reprise. La différence, pour ceux qui l'ont
empochée, valait-elle toute cette sueur et ces larmes du monde ordinaire?
L'État jure qu'il ne se financera pas par la magie de l'inflation
et, pour le prouver, laisse la Banque du Canada contrôler la masse
monétaire. Une vertueuse coquetterie, mais nocive pour le monde ordinaire,
puisqu'on emprunte à intérêt, ces milliards de dollars
qu'on n'mprime pas: l'intérêt sur la dette représente
28% du budget fédéral! Nos sorciers des finances sont
des apprentis... ou ne pensent pas au monde ordinaire. Il faudrait que nos
apprentis-sorciers nous donnent une inflation contrôlée.
Qu'arriverait-t-il, si on annonçait que la masse monétaire
du pays - d'environ 400 milliards de dollars (M 2+) - sera désormais
accrue de 0,66% par mois, cette somme étant créditée
au compte de l'État? D'abord, des entrées de 32 milliards
au budget de l'État; on pourrait donc déjà réduire
l'mpôt sur le revenu des particuliers de 55 %.
Mais attention! Il ne faut surtout pas en rester là, car le tapis
qui démarre à 8% peut vite faire du 50%... ou du 1000%. Le
capitaliste va s'affoler, se précipiter pour acheter une maison ou
un Van Gogh. Surtout une maison.
Surtout une maison. La maison qui valait 10 000 dollars
en 1950 et qui en coûte 150 000 en 1990 est toujours la même
maison. La maison ne "vaut" pas plus: c'est l'argent qui vaut
moins.
Parce qu'on a imposé plutôt le revenu que le capital, l'immobilier
est devenu un refuge; le propriétaire immobilier s'est joint au prêteur,
pour empocher ces milliards dont l'État nous a privés. Prenez
la maison qui vaut trois fois le revenu annuel de son propriétaire.
Si sa valeur augmente par l'inflation de 8% par année, ce gain capital
égal à 24% de son revenu payera une bonne partie de l'impôt
de celui-ci... Mais le poid du budget sera encore plus lourd sur les entrepreneurs.
Et sur les locataires, qui ne sont certes pas les plus riches du monde ordinaire.
Si on passe de l'impôt sur le revenu à un impôt sur le
capital, il faut que cette plus-value artificielle que cause la baisse de
valeur de l'argent soit récupérée du propriétaire.
Si l'inflation est de 8%, la taxe sur les immeubles doit être aussi
de 8%. Si l'État en prend 7%, en laissant 1% aux municipalités,
le refuge immobilier disparaît.
Et l'État complète son financement. Car ,appliquée
au 1,8 trillion que vaut au Canada la propriété immobilière,
ce 7% vient ajouter 126 milliards de dollars au 32 milliards perçus
de la presse à billets et on dépasse le revenu réel
de l'État en 1991, lequel n'a été que de 151 milliards
de dollars.
L'impôt peut donc disparaître; mais, si on ferme le refuge immobilier,
l'argent paresseux trouvera enfin des ailes... pour fuir le pays plus vite
qu'on ne peut dire "Cuba". A moins qu'on ne lui offre tout de
suite un meilleur refuge.
Nos baleines sont menacées. Mais "Beluga"
est aussi un caviar précieux. Contrairement à l'avis des théologiens,
le capitaliste n'est pas inutile; il évite que tout le pouvoir soit
aux mains des fonctionnaires, ce qui menerait à une inertie encore
plus grande. Il faut donc ouvrir un refuge pour cette autre espèce
menacée que devient le capital. Le capital n'a pas peur d'une inflation
de 8%: il a peur de l'incertitude. Comment lui garantir que l'inflation
ne dépassera pas 8%?
Une façon est l'émission de bons d'État indexés,
remboursables en tout temps au prix d'achat majoré du taux d'inflation
réel excédant 8%. Ainsi, celui qui ne veut pas courir sur
le tapis roulant mais seulement protéger son avoir, pourra acheter
ces bons et être sûr qu'il ne sera pas taxé de plus de
8% de son capital-argent.
Vous croyez qu'il n'y aurait pas preneurs pour ces bons? Prenant les taux
d'inflation et d'intérêt réels offerts, et les taux
d'imposition qui se sont appliquésaux revenus élevés
au cours des dernières décennies, il aurait mieux valu la
plupart du temps, pour un "capitaliste" qui paye fidèlement
ses impôts, acheter des bons indexés de la sorte dans un régime
sans impôt sur le revenu, plutôt que des Obligations du Canada
dans le régime fiscal en vigueur. Ce n'est donc pas sur son dos que
se fait la réforme fiscale. Elle se fait en privilégiant l'action
sur l'inaction, et en ne payant plus le prix de l'incertitude que laissent
planer les apprentis sorciers du fisc actuel.