FELICITAS

Félicitas - Chapitre 1

Mon histoire commence pendant l'hiver 1995. J'étais en 10ème classe au lycée à Moosbach, je vivais chez mes parents, dans une maison à l'abri du monde, et je pouvais regarder l'avenir avec confiance. Et jusqu'à ce jour du mois de janvier, où la nouvelle est arrivée dans notre classe, j'étais une fille comme toutes les autres, ordinaire. Je ne me rendais pas compte, à ce moment-là, à quel point ma vie allait changer. Ce lundi matin était glacial. Le thermomètre extérieur indiquait une température de -17°C. Bien emmitouflée dans mon anorak, mon bonnet et une grande écharpe, je me rendais à l'école, à travers les rues et les chemins enneigés. Dans les rues, la neige tassée était si glissante que je suis même tombée une fois. Je me suis rattrapée avec les mains, mais cela ne m'a pas empêchée de me fouler le genou. C'est en boitant que j'arrivai dans la cour de l'école. " La journée commence bien ", pensais-je. Lorsque Madame Kramer, notre prof d'Allemand, entra dans la classe avec cette fille, ma mauvaise humeur empira, car la place qui lui fut désignée fut à côté de moi.

" Je vous présente Joséphine. Elle vient d'Ukraine. Aidez-là à s'habituer le mieux possible à sa nouvelle vie. " Madame Kramer me regarda particulièrement. Je protestai : " Je ne veux pas qu'elle soit à côté de moi ! " Est-ce qu'elle savait bien parler Allemand ? Madame Kramer leva l'index. Je baissai la tête et fit comme si j'étais enthousiasmée de l'arrivée de la nouvelle.

A vrai dire, cela m'importait peu qu'elle sache bien parler Allemand ou pas. Ce qui me déplaisait en elle était son apparence. En effet, la nouvelle était plutôt ronde. Et comme je n'aime pas particulièrement les gros, sauf papa bien sûr, ce n'était pas très étonnant que je n'éprouve pas une grande sympathie pour la nouvelle.

Moi-même, j'étais très mince et je voulais rester ainsi. Ce n'était pas toujours facile. Mais maman m'aidait. Depuis plusieurs mois elle ne m'autorisait qu'à prendre de petites rations. C'était entre autre grâce à elle que j'avais gardé la ligne.

Mais depuis quelques temps, j'étais assaillie par des doutes. Je me demandais si je pourrais supporter encore longtemps ces restrictions, et si elles avaient un sens. C'est pourquoi la nouvelle représentait une menace pour moi. Quelqu'un arrivait, qui faisait exactement le contraire de ce que je faisais. Simplement manger jusqu'à être rassasiée et regarder le monde avec joie. A ces pensées, je soupirai. Plus tard, j'allais commences à vivre de la même manière ! Oh Dieu, pas ça ! Grrr !!! Les filles ricanèrent quand elles virent que je prie de la distance par rapport à la nouvelle.

Pendant la pause, j'ai discuté avec Fannie et Catherine, puis je suis allé voir Theresa pour médire de cette perturbatrice. Nous deux, nous avions fondé le club durant l'automne dernier, et nous nous en occupions avec enthousiasme. Actuellement, le club était constitué de 8 filles. La plupart habitaient Moosbach et ses environs. Seule Jennie habitait Weide. J'ai discuté avec Theresa de choses importantes. Il était principalement question des nouveaux tricots. Certes, nous étions déjà très belles, mais des nouveaux tricots nous seraient très bien allés. A cette époque, mon acnée s'était de nouveau agravée. Cela ne suffisait plus vraiment de la badigeonner. La mère de Theresa, qui était tailleuse, devait coudre les tricots : trois d'un seul coup, Jennie aait fourni les ébauches.

" Il me manque tes mesurations ", me dit Theresa. Je lui les donnai. Theresa m'observa avec jalousie : " Tu en as de la chance… Quand je pense à comment je suis foutue moi… " En fait, Theresa exagérait : elle avait juste des hanches un peu plus larges et une taille un peu moins fine. Malgré cela elle pouvait se montrer ; d'ailleurs, toutes les huit on était plus ou moins minces. Moi seule n'était pas blonde. La seule raison pour laquelle je ne changeait pas la couleur de mes cheveux, c'était que ma mère ne cessait de me répéter qu'il fallait que je me les teigne en blond.

En effet, Maman avait l'ambition de faire d'une de ses filles une " Miss Bavière ". Elle-même avait été " Miss Bavière " il y a 23 ans. D'abord, ma mère avait essayé avec ma sœur aînée. Mais lorsque Samantha commença à voir sa silhouette s'arrondir de plus en plus, elle abandonna, frustrée. Depuis, ses espoirs étaient portés sur moi. Mais j'étais plutôt petite (je mesure 1m69). Et de nos jours, il faut faire plus d'1m75. Mais maman vivait toujours à la même époque. Malgré tout, un point positif dans l'optique de ce concours : je restais merveilleusement mince.

La nouvelle se tenait sans cesse à mes côtés, ce qui m'énervait. Mais qu'est-ce qu'elle voulait ? Je l'ignorais : pendant toute la durée du cours je ne lui adressais aucun mot. Mais cela m'énervait qu'elle soit aussi bonne en maths. Une fille venait de l'est et elle était meilleure que moi. Incroyable ! Joséphine avait un accent, lorsqu'elle parlait Allemand. Elle parlait distinctement, mais parfois ça sonnait bizzarement. Quand elle répondait à une question de la prof je me tournais vers Fannie et Carine, et nous ricanions.

Sur le chemin de la maison, Joséphine m'accosta. " Est-ce que je peux t'inviter à prendre un hamburger avec moi ? ". Elle montrait Mac Donald. " Cherche quelqu'un d'autre, lui répondis-je. Moi, jamais de la vie ! ". A ce moment-là, mon estomac grommela. Je continuai mon chemin en boîtant, pleine de ressentiments. La douleur s'était même aggravée, entre temps.

Mon genou me retint une semaine au lit. Bien sûr, j'ai dû annuler les épreuves à la patinoire. J'étais très déçue, car pour moi, cette activité représentait le remplacement des soirées en discothèques, interdites par ma mère. Cette dernière veillais particulièrement à ce que j'évite ce genre de divertissement. Elle pensais que ce n'était pas là-bas que j'allais faired e bonnes fréquentations. De plus, je devais me concentrer plus sur mes cours, mes performances scolaires n'étant pas glorieuses. Pendant la semaine, papa me soignait : il travaillait pratiquement à domicile. En tant que libre employé d'une entreprise de marketing, il développait des nouveaux logiciels spécifiques. Papa était toute la journée et la moitié de la nuit à l'ordinateur. Son bureau se trouvait juste à côté de ma chambre. Il était très bien placé pour me rendre une petite visite de temps en temps.

Presque tout le temps je lisais ou j'écoutais de la musique. Bien sûr, avec le temps, ça devenait ennuyeux. Parfois, lorsque maman était absente, il venait m'apporter quelques friandises. Il me clignait alors de l'œil en signe de complicité. Bien sûr, il savait que maman serait hors d'elle si elle apprenait cela. Mais il me semblait que je lui faisais de la peine. Car il était quotidiennement témoin du fait que ma mère me menait la vie dure dans tous les domaines, surtout dans le domaine de l'alimentation. Il ne comprenait pas cela, je le savais. Mais s'imposer contre elle, il n'y arrivait pas non plus. Lui-même mangeait souvent, et avec plaisir. Bien sûr, mon père n'était pas un modèle pour moi, dans ce domaine-là.

Mais bientôt, je devais refuser : " Papa, je te remercie pour toutes ces attentions, mais je ne peux pas. Les barres de chocolat et les cacahuètes font grossir, tu le sais bien. L'intention est bonne, c'est parce que tu m'aimes, je le sais. ". Mon père secoua ses épaules imposantes. " Tu pourrais sans problème avoir 3 ou 4 kilos de plus. Samantha est différente sur ce point: elle a arrêté ce cirque. Je ne comprends pas pourquoi tu fais toujours ce que maman te dis ". Je souriais. Encore une fois il me disait cela ! Pourtant, toutes les deux, on n'osait pas être en conflit avec maman, même Samantha, pleine de volonté. Mais elle trouvait toujours le moyen d'imposer ses attentes. Mais je n'étais pas aussi forte qu'elle.

Par exemple Samantha avait réussis à ce que maman soit d'accord pour la laisser partir comme fille au-pair aux Etats-Unis, malgré son apparence rondelette. Mais bon, Samantha avait déjà 19 ans, alors que je n'en avais que 16 et demi. J'enviais ma sœur pour sa ténacité. Une chose, malgré tout, me déplaisait en elle : qu'elle soit devenue si ronde ces derniers temps. Sur ce point-là, nous étions très différentes. Les sucreries de papa étaient très tentantes, et très vite je succombai. Peut-être en grande partie parce que je m'ennuyais. Je grignotai d'abord les truffes. Plus tard, j'essayai les barres de chocolat. Sentir le goût du chocolat sur ma langue, c'était absolument divin. Mes nerfs transmetteurs du goût dansaient de joie. Et ainsi, je grignotais de plus en plus souvent. Avec le temps, cela devint automatique. Je me surpris même à grignoter des barres de chocolat ou d'autres friandises en lisant.

Cela continua. Et à partir d'un moment, je perdis le contrôle. Je ne pouvais plus lâcher les friandises. Les nerfs transmetteurs de goûts semblaient vraiment avoir pris la main. Et à vrai dire, je ne pensais plus à ce que je faisais. C'était devenu mécanique. C'était génial aussi de simplement se laisser aller.

Au moment où je me suis rendu compte de ce qui se passait, c'était déjà trop tard. En effet, à la fin de la semaine, j'avais pris 2 kilos et demi. Brrr !!! Je tombai littéralement de mon nuage. Certes, je savais que le grignotage exagéré avait toujours des conséquences, mais pendant cette semaine je n'avais pas réalisé. J'avais certainement été naïve. Par ailleurs, je n'aurais jamais pensé qu'il me soit possible de prendre autant de poids en aussi peu de temps. 2 kilos et demi en une semaine, c'était la bérézina !

Cependant, j'avais l'impression de ne pas avoir changé du tout. Ou, en tout cas, à ce moment-là, je ne remarquais rien. Peut-être que cela venait de la balance qui avait donné une valeur fausse ? Je commençais à croire à une telle possibilité. Mais lorsque, un peu plus tard, je voulais mettre un jean, la réalité m'apparu de manière indiscutable. Il m'était tout simplement impossible de tirer le jean plus loin que les cuisses. J'ai tiré un bon moment, et ce n'est qu'après de longs efforts que je parvins à rentrer dedans. Mais le jean était si tendu que je ne m'y sentais pas bien. Certaines parties de mon corps étaient comprimées. Oh non, pas ça ! Je me voyais de nouveau être assise devant mon muesli. Rien que cette pensée était déjà affreuse. Non, je ne voulais pas ! Je préférais de loin avoir 3 kilos en trop que de m'imposer encore des restrictions. Je retirai le jean et j'enfilai une jupe qui n'était pas forcément un hit, mais qui m'allait mieux. Bien sûr, je n'étais pas satisfaite de cette solution. Au début de la semaine suivante, j'allais de nouveau au lycée, même si, au départ, je ne devais pas solliciter trop mon genou. Le médecin avait parlé de 3 semaines pendant lesquelles ça pouvait être encore critique.

Certes, pendant la pause, je ne mangeais qu'une pomme ou une banane maximum, comme je l'avais fait auparavant. Mais, dans les toilettes, lorsque personne ne me voyais, je me jetais sur la barre de chocolat qui se trouvait dans le compartiment supérieur de mon sac. Ce n'était pas un endroit appétissant, mais je ne voulais pas me dévoiler devant les autres filles. Elles ne devaient pas savoir que depuis peu de temps je me bourrer de bombes à calorie. Je pris une deuxième barre dans la cour, derrière l'angle d'un bâtiment, au profit d'une minute pendant laquelle je ne risquais pas de craindre d'observateur. C'était clair, en une semaine, j'étais devenu une gloutonne.

Par conséquent, lorsque Joséphine m'invita de nouveau pour aller à Mac Donald, je n'avais pas spécialement de raisons d'avoir faim. M ais j'avais l'impression d'avoir envie d'y aller malgré tout. J'hésitai un peu, pour des raisons de tactique. Je laissai mijoter Joséphine un moment. Ensuite, seulement, j'acceptai, et je fis comme si c'était une concession pour moi d'aller à Mac Donald.

Depuis longtemps j'avais le désir de pouvoir enfin manger jusqu'à être complètement rassasiée. Même l'expérience du jean devenu trop étroit n'avait rien changé à cela. Je mis mes pensées de côté, et j'arrivai à ignorer ma mauvaise conscience. Même de penser à ma mère ne m'arrêta pas. Je dirais presque que j'étais fière de moi. Et je me disais que ça ne pouvait pas être si grave. Cela m'était même égal que l'invitation provienne précisément de la fille qui était si grosse et que je n'aimais pas.

Arrivées à Mac Donald, nous trouvâmes tout derrière une table pour deux. J'étais très satisfaite que notre table se trouve à l'arrière du restaurant, à l'abri derrière une cloison. Je désirais ne pas être vue. Cela m'aurait été très désagréable que Theresa ou une autre fille de la classe me voit.

Joséphine m'apporta un Cheeseburger. Elle amena aussi une grande barquette de frites. " Est-ce que c'est pas un peu beaucoup ? " demandai-je en montrant l'immense portion. Joséphine rit : " Non, pas du tout. J'y arriverai bien ! ".

Quand elle riait, deux fossettes se dessinaient sur ses joues. Je trouvai alors que Joséphine n'était pas moche du tout. Beaucoup de filles devaient même lui envier ses cheuveux blonds épais qu'elle avait attachés derrière son coup, sans les serrer. En peu de temps, Joséphine était pour moi très sympatique. Dommage seulement qu'elle soit si grosse. Sa taille égalait presque celle de notre prof d'Allemand, qui est bien corpulente. Ce n'était pas étonnant, étant donné ce qu'elle mangeait.

" Aujourd'hui, je t'ai vue prendre un chocolat, sur la cour. " Elle souriait. " Je croyais que tu ne te nourrissais que de fruits. " Je prie peur : on m'avais vue. Une chance que ce n'était que Joséphine. Je répondis : " Ah oui… tu sais, euh, moi aussi, parfois ça m'arrive d'avoir envie de quelque chose de sucré. "

Mais ensuite, j'expliquai ce qui m'était arrivé la semaine dernière. Je pouvais bien lui dire. A vrai dire, je n'aurais pas pu me confier à quelqu'un d'autre. E revanche, j'étais sûre que Joséphine allait me comprendre.

" Felicitas, je comprends très bien. Il ne faut surtout pas te tourmenter pour cela. -Mais j'ai quand même pris presque 3 kilos dans l'histoire, c'est pas normal. Qu'est-ce que tu en penses ? " Joséphine secoua la tête : " Pourquoi, pas normal ? Pendant longtemps tu as mangé très peu. Ton corps n'avait plus de réserve. Maintenant il construit ce qui a manqué, c'est logique. ". Je compris. Joséphine avait raison. J'étais soulagée. " Tu sais quoi, j'ai encore une faim de loup ! ", avouai-je, non sans courage.

Il était difficile pour moi d'avouer que j'auras volontiers mangé encore autre chose. Pourtant, je vainquis cet obstacle. Mon appétit était plus fort que mes craintes. Joséphine me sourit. Je pouvais sentir ce qu'elle pensait. Mais bizzarement, cela ne me dérangeait pas. Je trouvais ça génial de pouvoir parler si ouvertement. Et il n'était pas exclu que mon appétit grandissant puisse devenir problématique. Joséphine se leva et me ramena une grande portion de frites. Lorsque la barquette se trouva sur la table, je ne savais pas quoi faire avec ce qui se présentait. Est-ce que je devais me prendre encore toute cette portion ? Est-ce que j'avais le droit ? Mais les frites étaient si tentantes que je ne pus résister. Pendant que je mangeais, j'ai pensé un court instant aux calories. Mais les frites étaient tellement succulentes, que j'oublai bien vite ces pensées. Je me régalais.

Lorsque, une demi-heure après, nous quittions le Mac Donald, la jupe me serrait. Et je sentais mon estomac rassasié, ce qui me faisait énormément de bien. Il m'était clair que si je m'habituer à cela, il en était fini de ma minceur, j'allais devenir comme ma sœur.



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