Louise de Vilmorin

 

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Plus jamais

 

Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers � perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d'une heure � peine,
O� reposer � tes genoux.

Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M'apporte-t-il si lourdes cha�nes
Que je ne puis les soutenir ?

Rivage, oh ! rivage o� j'aimais
Aborder le bleu de ton ombre
Rives de novembre ou de mai
O� l'amour faisait sa p�nombre
Je ne vous verrai plus jamais.

Plus jamais. C'est fini
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de l�vres o� fleurit et sombre
L'instant que l'amour a b�ni.

Quelle est cette nuit dans le jour ?
Quel est dans le bruit ce silence ?
Mon jour est parti pour toujours,
Ma voix ne charme que l'absence,
Tu ne me diras pas bonjour.

Tu ne me diras pas, me voyant,
Que j'illustre les diff�rences,
Tu ne diras pas, le croyant,
Que je suis ta bonne croyance
Et que mon coeur est clairvoyant.

Mon temps ne fut qu'une saison.
Adieu saison vite pass�e.
Ma langueur et ma d�raison
Entre mes mains sont bien plac�es
Comme l'amour en sa maison.

Adieu plaisirs de ces matins
O� l'heure aux heures enlac�e
Veillait un feu jamais �teint.
Adieu. Je ne suis pas lass�e
De ce que je n'ai pas atteint.

 

...   ...   ...

 

Un tonnelier s�v�re



Un tonnelier s�v�re
Qui mon amant devint
Par l'automne s'en vint
De Paris � Tonnerre
Car son coeur est devin.

Mon coeur n'a pas d'automne,
J'avais un autre amant
Cach� dans une tonne
Que nul ne s'en �tonne
Comment faire autrement ?

En entrant dans la pi�ce,
Mon amant tonnelier
Voulut me mettre en pi�ce
Puis en tonnant : " Qui est-ce ? "
Il s'en fut au cellier.

L�, couch� dans sa tonne,
� lit de ses revers,
Mon innocent entonne
Quelques vers o� l'eau tonne
Quand les bois sont d'hiver.

Mon tonnelier s�v�re,
� mis, � midi vingt,
L'ami, l'ami divin
Vent d'ange dans sa bi�re
Et je l'appelle en vain.

 

...   ...   ...

 

J'ai vu

 

J'ai vu plus d'un adieu se lever au matin,
J'ai vu sur mon chemin plus d'une pierre blanche,
J'ai vu parmi la ronce et parmi le plantain
Plus d'un profil perdu, plus d'un regard �teint
Et plus d'un bras, la nuit, que me tendaient les branches.

Par le calme et la pluie et le souffle du vent,
J'ai vu passer les mots qu'un baiser accompagne
J'ai vu ces baisers-l� s'en aller au couvent,
Et dans le flot des lacs o� le temps va, r�vant,
J'ai vu plus d'un noyer dont je fus la compagne.

J'ai vu tous mes regrets guetter mon avenir,
L'amour me d�laisser pour une autre nature,
Mon coeur, mal estim�, de loin me revenir
Et ce coeur me rester pour battre ma mesure.

Ces mains, ces yeux, ces bras o� passa mon destin,
Ces profils �perdus ne pesant plus une once,
Je les revois dans l'onde et l'arbre et le plantain
Et je me vois gisant dans l'entrelacs des ronces.

 

...   ..   ...

 

Extraits de : " Le livre d'or de la po�sie contemporaine "
par Pierre Seghers
Collection Marabout Universit�

 

 

 

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