Robert Sabatier


Photo M. Claquin

 


Passage de l'arbre




Un arbre passe, un homme le regarde
Et s'aper�oit que ses cheveux sont verts
Il bouge un bras tout bruissant de feuillages
Une main douce � cueillir les hivers
Lentement glisse � travers la muraille
Et forme un fruit pour caresser la mer.

Quand l'enfant vient, c'est la for�t qui parle
Il ne sait pas qu'un arbre peut parler
Il croit entendre un souvenir de sable
La vielle �corce aussi le reconna�t
Mais elle a peur de ce visage p�le.

Chacun s'�loigne ----- il vole quelques feuilles
Tout l'arbre bouge et jette son adieu
Pour une veine il pleure sept �toiles
Pour une �toile il a donn� ses yeux
Il a jet� ses racines aux fleuves.

Les derniers cris d�serteront les gorges
Quand les oiseaux ne s'y poseront plus
Quelqu'un d�chire un � un les automnes
Le fils de l'arbre �carte ses bras nus
Et dit des mots pour que le vent les morde.

 

*~~*~~*

 

Le peuple du soleil



I


Il coule entre mes doigts le murmure du monde
Je ne sais pas s'il vit cet oiseau que je tiens
Ou s'il veut s'endormir au secret de ma paume
J'ai besoin de son chant, de son vol  j'ai besoin
Il est blanc cet oiseau,  je le nomme Colombe
C'est le clair messager des armes du printemps
Et moi je suis bless� de tant de terre et d'onde
En laissant mon oiseau s'envoler dans le temps.

 

II

 

Je dis l'arbre, l'enfant, je dis soleil, plan�tes
Et tout devient plus clair ----- �coutez immortels
Les mots de mon amour, je dis oiseau prunelles
Et vous battez d�j� le grand vol de vos cils
Ils ne mourront jamais les mots que je r�p�te
Ces dieux ne s'usent pas ------- voici les fruits, les fleurs
Voici la biche au lac que sa clart� refl�te
Voici la femme et l'homme et voici l'univers.

 

III

 

Lorsque je combattrai les fauves et les guerres
N'ayant pour tout soleil que l'amure du cœur
Vous me suivrez mes yeux, plus haut que la pri�re
Et vous ma main de flamme au royaume des fleurs
Vous cueillerez le lys, le thym, la marjolaine
Pour apaiser les dieux, vous cueillerez la mort
Lorsque je combattrai les fauves et les guerres
Vous me suivrez mes yeux, vous me suivrez mon corps.

 

IV

 

Mais quel est cet oiseau que nul ne peut atteindre
Et qui vit dans les cœurs et s'envole en chantant
On le nomme la joie, il dissipe les limbes
Et traverse d'un vol le plus clair de nos ans.
Mais quel est cet oiseau qui d�passe nos t�tes
Tant�t d'air et de feu, tant�t de terre et d'eau
Ce simple chant dans l'arbre apaise les plan�tes
On l'�coute pour vivre au pays des oiseaux.

 

V

 

Les mains peuvent parler quand les bouches se taisent
Et quand les yeux sont clos peuvent danser les doigts
Mais priv� de la voix, du regard, de l'oreille
N'�tant plus rien qu'un corps �cras� sur le bois
Bless� de solitude � l'autre bout du monde
Dans un fleuve de sang roulant au fond des mois
J'aurai toujours assez de forces et de foi
Pour jeter cet oiseau qu'on appelle Colombe.

 

VI

 

Peuple de ce temps dur, il te faut r�apprendre
La langue du soleil ------- il te faut d�cimer
Les d�mons de la nuit. En soufflant sur la cendre
Tu peux faire jaillir un grand arbre de mai
Peuple voici venir � toi les mille orph�es
Ne les repousse pas, peuple qui t'�merveilles
D'un simple oiseau de jour, d'une b�che enflamm�e
Orph�e t'offre la joie, � peuple du soleil !

 

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Extraits du recueil : Les f�tes solaires �d. Albin Michel 1955




 

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