La poésie de Nadj |
|
A deux pas de moi
A deux pas de moi, un petit cur gisait, Avec une grosse pancarte ; " prière d'adopter ". Il était dans un sale état, mais je l'ai ramassé J'avais justement un surplus d'attention à distribuer. J'ai recousu délicatement ses grosses plaies béantes Cautérisé les parties que je croyais les plus saignantes Avec une étoile de mer, et une autre polaire comme assistante Quand dans la nuit claire, il en est passé une troisième, filante. J'en étais arrivée au dernier point de suture, Quand j'ai senti dans ma main, comme une piqûre, Le petit cur revivait, il battait la mesure, Le tempo tendre et dure du diapason de la nature. J'ai alors reposé ce petit cur qui n'était pas le mien, Afin qu'il retrouve tout seul le chemin Qui conduit l'homme de chagrin en chagrin ; Et cette belle aventure a pu trouver une fin Dans les mains fragilement offertes du destin
|
Une chevelure, un jour, une vie
Liée à ma peau par la chimie de la nature Au départ, tu es née conditionnée mais un peu dispersée En petites mèches bouclées qui entouraient ma figure De fil d'or, fleurant bon mon odeur de bébé. Poussée par le désir naturel de t'installer Puis de grandir, de t'établir et d'évoluer Sous les tribulations du petit peigne d'antan Tu as pris de l'ampleur à mesure que passaient les ans. De douches froides en douches froides, tu t'es faite rebelle, Coupées tes longues mèches que l'on trouvait si belles, D'une vision de ton futur tu as eu un peu peur Un certain jour à quinze ans, à une certaine heure. Alors, fatiguée, dégrisée et la peur dans la tête Tu as griffé mon cuir pour devenir une crête Tu pensais peut - être dominer ta situation En te dressant sous le joug du gel et du savon ? Puis encore baignée des couleurs de tes rêves Au printemps de ta vie tu t'es dit, " mais, je crève ! " Le ciseau a tranché, le rasoir a rasé Comme l'on fauchait antan, ces tendres champs de blé. Maintenant tu es à la frontière de la vie Tu te souviens des jours anciens avec mélancolie Et tu as beau essayer de te démêler Tu t'arraches au bon sens de la réalité. En fait de réalité tu entretiens ton pauvre nid En vain, te souvenant qu'au départ il était si petit Si douillet que les mains se pressaient pour le toucher Et qu'à l'heure qu'il est la maladie est passée Traversant ton parfum de cheveu en bonne santé Que tu vois maintenant et tomber et tomber. C'est l'histoire d'une chevelure que jadis l'on aima Et qui au cours de sa vie a rencontré le sida. ~~~ |
Tu avais les yeux gris couleur asphalte Dans mon horizon tu as fait une halte Mes nuits blanches ont pris de la couleur Et mes draps légers un peu de pesanteur. Je connaissais ton blues et son refrain Et voulais m'initier à ce chagrin Qui complétait le mien mis à sac et ressac Lorsque la marée noie ceux qui débarquent Et qui met le cur et l'âme en vrac. Tu avais une couleur et une odeur particulière Celles à qui la vie t'a rendu un peu plus amer Celles de Casablanca, des palmiers, des orangeraies Des raisins secs, du couscous et des fruits de l'année. Ton parfum ressemble à celui de ceux qui s'envolent Suis-je ainsi programmée sur ton prochain vol ? Ou sommes-nous condamnés à l'interférence Qui fait que dans un discours commun, il reste la nuance Malgré mon amour à ta chance. Tes idées n'éveillent en moi aucune soumission À l'état, le pays, la patrie ou la nation Que faudrait-il faire pour qu'enfin on s'entende ? Mon tribu est lourd et à le porter, j'en tremble. Quatre oreilles à nous deux et seulement trois qui écoutent N'est-ce pas là, propice à nous plonger dans le doute ? Mais quand je vois tes yeux m'irradier de mille feux Je poétise, n'est-ce pas une raison de vivre à deux En territoire no man's land, heureux ? Nadj |