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Jouvet au th��tre




Intermezzo
de Jean Giraudoux

Cette pi�ce fut cr��e � Paris sur la sc�ne de la Com�die des Champs-Elys�es, le 1er mars 1933


Textes du programme:



Photos du programme







Analyse de la pi�ce

Acte 1
Il faut qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire dans une petite ville du Limousin pour que toutes les habitudes et les r�gles de la morale soient bouscul�es. Comme dans les r�ves, les pauvres s'enrichissent soudain, les malheureux sont combl�s. L'instruction obligatoire, elle-m�me, pr�pare les enfants � un nouveau certificat: celui de la joie, de la justice et du bonheur. Et il para�t qu'Isabelle, leur institutrice, flirte avec un spectre.
Les autorit�s, inqui�tes, d�l�guent un Inspecteur tr�s r�put� dans la r�gion qui, avec l'aide du Droguiste, du Maire de la ville et du Contr�leur des Poids et Mesures, institue une Commission charg�e de r�tablir l'ordre.
Dans un vallon fleuri, tr�s cher � Isabelle, la Commission, alert�e par une d�nonciation des demoiselles Mangebois, a d�cid� d'interroger la classe. Isabelle a remplac� la g�ographie par l'enseignement de l'indulgence, l'histoire des rois par celle des �toiles, toute la science par une fleur. L'Inspecteur, ahuri, et qui tient Isabelle pour tr�s dangereuse, lui retire ses �l�ves et les confie au Contr�leur.
C'est la nuit. Isabelle, que le Droguiste, magicien de la sous-pr�fecture, a pr�par�e � toutes les v�rit�s de l'irr�el, �voque son cher spectre et l'attend. Il appara�t beau, aimable, et tellement humain que la mort fait soudain envie � Isabelle plus que la vie. Et le spectre, charm�, lui promet de revenir ainsi tous les soirs.

Acte II
Depuis quinze jours, le spectre est fid�le � Isabelle - au grand d�sespoir du Contr�leur qui r�ve d'un tout autre amour. Tout le monde a surpris leurs rendez-vous, et l'Inspecteur, exasp�r�, a d�cid� de prendre mort ou vif celui qu'il tient tout simplement pour un bandit. A la nuit, tandis qu'Isabelle, charm�e, poursuit sa conversation avec l'au-del�, des braconniers cach�s dans les fourr�s, tirent sur le spectre. Et celui-ci tombe � terre. L'Inspecteur avait donc vu juste? Il s'agissait d'un homme comme les autres? Tandis que les t�moins, curieux et d��us, sont pench�s sur le cadavre, le spectre s'�l�ve � nouveau et, � l'�tonnement et � l'effroi de l'assistance, annonce � Isabelle qu'il viendra le lendemain � la fin de l'apr�s-midi dans sa chambre.

Acte III
Isabelle attend le spectre. Elle est inqui�te, comme pour un rendez-vous d'amour. La porte s'ouvre. Ce n'est pas lui. C'est le Contr�leur, que son coeur a lanc� � son secours. Elle l'�coute sans le croire, puis finit par l'entendre avec �motion, � le regarder avec tendresse. On dirait que soudain elle ne croit plus aux fant�mes, mais aux vivants. Quand le spectre arrive enfin, elle est d�j� conquise par le Contr�leur et, en disant d�finitivement adieu � son spectre, elle tombe inanim�e. Le Droguiste, toujours magicien, imagine de cr�er autour d'elle les bruits, les sons, les couleurs de la vraie vie d'une vraie femme. Et Isabelle se r�veille au milieu de toute la sous-pr�fecture, o� tout reprend sa place au soleil.

Le Th��tre Louis Jouvet
Une troupe, une �cole dramatique, ne se fondent vraiment que le jour o� l'auteur, l'acteur et le public se sont mis d'accord. Louis Jouvet a su r�unir ces trois collaborateurs dans son th��tre, les associer et maintenir leur entente. Tout ce que l'on pourrait ajouter � cette constatation de fait ne serait que conf�rence scolaire ou parade foraine, indigne �galement de Louis Jouvet et de son public.
Le r�pertoire va de Moli�re et M�rim�e � Jean Giraudoux et Jules Romains. La filiation est �vidente. Le M�decin malgr� lui alterne avec Knock; le Carrosse du Saint-Sacrement avec Amphitryon 38. Opposant � ces th�mes �ternels le plus puissant des probl�mes contemporains. Siegfried demeure � part, trag�die nouvelle. Enfin en mani�re de r�cr�ation, dans l'atmosph�re de la com�die italienne fiabesque, le programme comprend Le Prof' d'anglais que soutient, illumine la po�sie de Shakespeare.
Et pourquoi pr�senter les acteurs? seconds �l�ments de l'association tripartite? Il appartient au public de constater s'ils s'accordent avec les auteurs; ce faisant, il apportera � son tour sa part indispensable de collaboration, et l'�cole dramatique se trouvera r�alis�e. Un simple avis: que ce mot �cole n'effarouche personne. Les acteurs du Th��tre Louis Jouvet ne sont aucunement dogmatistes. Ils se gardent de prendre des hypoth�ses, des pr�somptions pour des certitudes. Vous verrez qu'ils ne se gargarisent pas de suffisance immobile. De m�me, ils n'attendent rien du hasard, comme trop d'exp�rimentateurs qui pr�tendent apporter du nouveau � tout prix, � tout risque. "Le nouveau, a dit L�on-Paul Fargue, n'est viable qu'� l'�ge de raison, et alors il n'est plus nouveau". La nouveaut�, l'originalit� du Th��tre Louis Jouvet, tient dans le scrupule de ne rien pr�senter que d'achev� et de vivant, dans un souci de logique qui est l'ordre dans lequel se rangent les �l�ments d'un spectacle, dans un besoin de clart�, de mesure, dans la ferveur de sa foi, dans la joie de son m�tier. A ces traits, vous reconna�trez que ces artistes ont su rester des artisans. Tout ce qui est de th��tre, ils le savent, d'�tude et de pratique, de l'esprit et de la main. Mais leur jeunesse l'emporte sur leur exp�rience. Une jeunesse merveilleuse, toujours en �veil et cependant toujours disciplin�e. Ajoutez une noble fiert� qui est aussi de la modestie.
--R�gis Gignoux


La Trag�die en France

Toutes les fois o� aristocratie et bourgeoisie arrivent en France � forger un mod�le d'homme affin�, ami du luxe, et des conditions de vie o� ce mod�le est � l'aise, bref un type sp�cial de libert� et d'aisance dans la vie, toutes nos oeuvres litt�raires deviennent r�elles. Fils d'un pays sans proph�te, aveugle pour l'invisible, sourd pour tous silences, mais dou� du tympan le plus sonore pour tout ce qui est coeur, veines et art�res, l'�crivain fran�ais est vou� � ce monde et � son honneur. Ce que la litt�rature fran�aise suppose le moins c'est la fin du monde, si ce n'est pourtant la naissance du monde. De l� lui vient quand elle parle des h�ros grecs ou imaginaires, de ces personnages symboliques qu'aucune vie n'a jamais effleur�s mais qui ont �t� model�s et creus�s par tous les burins et les tours de la raison et de l'imagination humaines, cette assise et cette r�alit� profonde qui se refuse souvent, au del� des fronti�res, � ces �crivains qui �tudient � la loupe les ouvriers des usines et qui photographient les verrues d'un �picier. La prodigieuse ressemblance de la pens�e grecque et de la pens�e fran�aise r�sulte justement de cette distinction absolue trac�e une fois pour toutes pour elle une sorte d'arm�e de gladiateurs sur laquelle on l�che, non des b�tes f�roces, mais tous les fauves du destin et du coeur. Si la trag�die de Poizat ou de Silvain attire autant de spectateurs que celles de Racine ou de Sophocle, c'est que le h�ros seul compte, comme le taureau ou le gladiateur. Il est toujours int�ressant de voir comment il luttera contre une nouvelle forme de la fatalit�, et dans cette course o� les toreros s'appellent l'inceste, la jalousie, l'orgueil, notre public est assur� du moins que le maximum de combat sera obtenu par la vari�t� Oedipe, Ajax ou Athalie, dont la capacit� de r�sistance et de courage aux banderilles les plus empoisonn�es est aussi connue � Saintes, � Orange ou place du Palais-Royal que celle des taureaux Miaura chez l'afficionado espagnol. Ainsi donc le manque d'instinct litt�raire de la masse et l'exag�ration litt�raire de l'�lite les ont conduites toutes deux au m�me resultat, et aussi la sp�cialisation de l'une et la modestie de l'autre: � constituer une humanit� sp�ciale charg�e d'�prouver les grandes souffrances et de supporter les grands coups du sort, � diviser le monde entre un nombre infini de spectateurs et un nombre limit� d'acteurs: ce sont l� exactement les d�finitions de la trag�die.
--Jean Giraudoux


La t�che du d�corateur au Th��tre Jouvet consiste � avoir avec le "patron" une conversation d'apparence l�g�re, � lire une pi�ce pendant qu'il en joue une autre, � fumer des cigarettes, bien install� au meilleur fauteuil d'orchestre (ce qui procure un plaisir analogue � celui de prendre � pied les rues par leur "sens interdit"), � accaparer la sc�ne � son seul profit jusqu'aux trois coups du spectacle journalier, d�ner d'un "cr�me" avec L�on, le chef-machiniste, donner des grands coups de ciseaux dans les tapis et dans la tarlatane, user de gros fusains sur du contre-plaqu�, exiger despotiquement que celui-ci donne des fleurs, et que la tarlatane soit nuage, vitrail ou ville enti�re; quand tout cela s'est accompli consciencieusement dans la joie que la pi�ce � "habiller" soit de Giraudoux et qu'au petit jour un merle a siffl� son bonheur sous la pluie, il a m�rit� d'�tre appel� "mon fr�re" par Jouvet.
--L�on Leyritz



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