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Tir� du magazine
92 Express
Juin 2001

Les tribulations de Louis Jouvet

Par Jean-Marc Loubier


27 juillet 1907 A la lueur d'une bougie vacillante, un jeune homme de vingt ans au regard vif, � la bouche sensuelle, aux cheveux courts �crit dans une longue lettre � sa "cousinette" Aline: "la pharmacie ainsi que ma chambre qui est au rez-de-chauss�e donnent sur une place magnifique. Il y a ici trois jeunes filles, gentilles, trois bonnes petites m�nag�res � marier entre 14 et 19 ans. M. Rousseau est lui-m�me un homme charmant, tr�s intelligent." L'�pistolier apprenti pr�parateur travaille depuis une semaine � la Pharmacie Moderne de C�lestin Jules Rousseau, 4 place de la R�publique � Levallois. Mince, aimable, plut�t causant, il ne manque pas de charme. Il s'applique � pr�parer les rem�des prescrits par les m�decins de la commune. Il effectue l� son dernier stage avec la ferme intention d'obtenir son examen. Deux ann�es d�j� qu'il s'est inscrit � la facult� de pharmacie.

Apr�s un stage chez son oncle dans les Ardennes puis � Noisy-le-Sec le voici donc � Levallois pour quelques mois. S'il s'int�resse � la pharmacop�e et montre une r�elle attention aux mis�res physiques de ses contemporains, le pr�parateur de Levallois songe � une autre destin�e. Il s'appelle Louis Jouvet et, � l'insu de sa famille qui estime que le "th��tre est un m�tier honteux", il hante les couloirs du Conservatoire en ignorant que ceux-ci le conduiront, bien des ann�es plus tard � passer la blouse blanche de l'inoubliable docteur Knock.

A Levallois, o� il va demeurer jusqu'au 8 juillet, on aime bien le jeune homme et ils sont nombreux � le regretter quand il s'en retourne vivre � Paris dans une mansarde du Quartier Latin. Pour survivre il effectue des remplacements de pr�parateur � Nogent, Chatou, Rueil... Des stages de courte dur�e sauf � Bourg-la-Reine o� il prom�ne sa longue silhouette dans la Grande-Rue. Au num�ro 96, il travaille cinq mois � la pharmacie Krick en 1908 et gagne sept francs par jour. C'est aussi � Bourg-la-Reine qu'il apprend � monter � bicyclette! Discret, il continue non sans peine, � conjuguer pharmacie, � Bourg-la-Reine ou � Paris, et apprentissage du th��tre pendant plusieurs ann�es sans jamais ni se lasser ni se plaindre. Le 12 avril 1913, il obtient enfin son dipl�me de pharmacien de premi�re classe avec la mention "assez bien".

Il se marie puis rencontre le metteur en sc�ne Jacques Copeau dont il devient le r�gisseur. D�s lors, il peut pleinement se consacrer � sa passion. A son tour, il prend la direction de la Com�die des Champs-Elys�es o� il conna�t ses premiers triomphes en particulier en 1923 en cr�ant Knock de Jules Romains. En 1927, il rencontre "son" auteur en la personne de Jean Giraudoux qui lui offre Siegfried, Amphitryon 38, Intermezzo, La Guerre de Troie n'aura pas lieu... Un soir de 1932, il c�l�bre son dernier succ�s chez des amis o� il croise le regard d'une com�dienne aux cheveux tr�s blonds. Elle s'appelle Madeleine Ozeray et habite Neuilly.

Pr�mices d'une passion partag�e. Pour Madeleine, il veut monter une pi�ce � sa mesure. En 1936, elle sera son Agn�s de l'Ecole des Femmes, en 1939 son Ondine dans la pi�ce de Giraudoux. Un couple quasi ins�parable qui pourtant se brisera au d�but de l'ann�e 1943 alors que Jouvet et sa troupe sont en tourn�e en Am�rique du Sud. Madeleine Ozeray, lass�e de la tyrannie de cet homme qu'elle a aim� passionn�ment l'abandonnera � Lima... pour les beaux yeux d'un chef d'orchestre.

Bien des ann�es plus tard, apr�s �tre devenu une vedette de cin�ma, l'acteur et le professeur que l'on sait, il suit de pr�s le jeune Jean Vilar qui souhaite se lancer dans l'aventure du th��tre d�centralis�. Vilar peinant � trouver un lieu pour mener ses premi�res exp�riences re�oit ce conseil de Jouvet: "Il ne manque pas de salles, elles sont seulement sous-exploit�es. Va faire un tour du c�t� de Suresnes, de Clichy, d'Issy-les-Moulineaux ou de Gennevilliers, tu m'en diras des nouvelles"

Mais Louis Jouvet, �puis� par le travail, succombe le 16 ao�t 1951. Il ne pourra assister au premier spectacle mont� par Vilar, sur ses conseils, dans la cit�-jardin de Suresnes le 17 novembre 1951.

Les tribulations de Louis Jouvet
par Jean-Marc Loubier
Tir� du magazine "92 Express"
Juin 2001 No122


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