Antioche Kirm – OVO



Dimanche 18 septembre 2005, 22h20 :

La lune finit de se remplir, sa lumière rend possible les ballades nocturnes dans les cailloux tout au bord du Chéran, même par temps nuageux.

Car… Au resto du plan d'eau de Lescheraines, dans les Bauges, hier soir à 20h30 précises… A 20h30 passés… Le début du concert, contrairement à ce qui était indiqué en toute lettre sur l'affiche… Ca allait être pour un peu plus tard.
L'Underground Family, organisatrice de la soirée, n'avait pas encore mangé, alors forcément. Ce doit être ce qu'on appelle le 1/4h savoyard, un 1/4h qui dure facile 1/2h mais on ne va pas se plaindre: ça valait la peine d'attendre et ça a permit à tous les retardataires d'arriver à l'heure… Il y en avait pas mal… Peut-être des gens un peu mieux renseignés que d'autres sur cette tradition savoyarde…
Et ça, c'est ce qu'on appelle un cercle vicieux.

Ce samedi 17 septembre, la grande salle qui a accueilli la scène du Festival Caniculaire n'est plus de mise, une petite moitié seulement suffira: ce soir au programme, c'est musique expérimentale et on sait déjà que ça n'ameutera pas autant de peuple que du punk. Et puis ce week-end, l'automne a débarqué: qui voudrait aller se les geler dans les des Bauges pour de la musique expérimentale?
En effet, le terme "expérimentale" fait peur, ou plus exactement l'écrasante majorité de la population l'associe quasi systématiquement au terme "chiant", pardon pour le langage mais après tout, tout le monde parle comme ça, non?
"L'écrasante majorité de la population" est vraiment très mal renseignée, la pauvre.

Antioche Kirm a ouvert le bal.
C'était là le tout premier concert solo de ce contre-bassiste hors-norme qui, assisté de loopser et autre boîtes à bidules dont les subtilités échappent aux communs des mortels, a entraîné son public dans un univers étrange, au rythme d'une contre-basse qu'il serait sans doute difficile de triturer d'avantage sans la casser.
Monsieur Kirm, c'est écrit sur l'affiche, fait dans l'"expérimental organique": quand il croise le regard d'un chevreuil dans les bois, ça l'inspire comme personne et son instrument est bel et bien en matière organique.
Les extraterrestres ne sont peut-être pas encore parmi nous mais s'ils sont en stand-by quelque part, ils pourraient bien être pris de l'envie de débarquer en captant cette musique là.
Enfin, Monsieur Kirm interagit avec son public: il raconte des petites choses sur le morceau qu'il va jouer, il demande si ça va et si des gens au fond de la salle, c'est à dire au bar, l'interpellent bruyamment pour une raison ou pour une autre, il répond sur le même ton: Antioche Kirm joue une musique qu'il est aller pêcher très loin de ce bas monde mais il ne faudrait pas croire pour autant qu'il vit sur une autre planète, coincé dans son trip. Non, non: il répond quand on lui parle!

Les deux musiciens d'OVO, par contre, viennent vraiment d'ailleurs, plus précisément de Milan, comme le dit l'affiche, alors on comprend qu'ils ne parlent à personne. Après tout… Chi parla italiano a Lescheraines? Si des locaux ont appris un peu d'italien à l'école, comme ils ne le pratiquent jamais, ils ont presque tout oublié.
Donc, non seulement OVO ne parle pas au public mais ce batteur et cette guitariste/violoniste/chanteuse/etc. portent aussi des masques, ce qui rend leur apparence un rien mystérieuse, limite inquiétante, et lorsqu'ils commencent leur numéro et font signe aux spectateurs d'approcher plus près, certains pourraient être pris de l'envie de se montrer un peu prudents, limite méfiants.
Mais non! Il ne faut pas avoir peur! Ca ne mord pas! Et quand le batteur quitte la scène, c'est pour aller taper sur tout ce qu'il trouve, ou jette par terre, mais pas du tout sur le public!
Ce samedi soir là, OVO a montré aux Baujus (habitants des Bauges) qu'il est possible de faire des choses vraiment pas croyables avec ses instruments, ou sans instruments: un archet sur une dread, ça marche aussi très bien! Ou vous avez une vieille guitare électrique pourrie dont vous ne savez plus quoi faire? Posez-là par terre et tapez dessus!
OVO, c'est sauvage! "Wild", en anglais. En duo avec un groupe de métal genre Slip Knot, ils ne dépareilleraient probablement pas, sûrement à cause de leurs masques et de leur gros bruit (plus exactement, nous dit l'affiche, ils font du "noise bruitiste expérimental") mais la "sauvagerie" d'OVO n'évoque pas seulement la brutalité froide de l'ère des machines: elle semble venir de plus loin et jaillir de ces racines primitives et ancestrales que nous avons tous en commun.
Ainsi, la chanteuse, qui ne doit pas faire plus d'1m60 et 50 kilos toute mouillée (des dreads vraiment très longues, mouillées, ça doit peser un sacré poids) peut évoquer, selon les sensibilités, Nina Hagen ou une sorcière/guérisseuse/medecine woman de l'ère pré-chrétienne.

Bref, à la prochaine occasion, allez vous les geler dans les Bauges! Vous verrez du pays!
Et puis si vous traînez dans les parages après ce genre de spectacle, vous aurez peut-être droit à des petits bonus inattendus, comme ce samedi soir, à côté du mini bus d'OVO, juste avant leur départ: un très soft "I wanna be loved by you…" et une histoire de petite pieuvre, offerts par… une voix de rêve accompagnée d'une minuscule guitare rouge.

Soirée joyeusement hallucinante jusqu'au bout.


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