ARBRE GENEALOGIQUE
de la famille Adam
G�rard
Adam
12 Janvier 1919
31 Mars 1974
Janine
Collard
14 Janvier 1921
Jocelyne
Gaullier

24 Mai 1946
Pierre
Adam
14 Juin 1949
G�rard Adam a �t� fait prisonnier le 16 juin 1940 � Chenicourt (Eure). Sa famille et notamment sa fianc�e, Janine Collard, resteront sans nouvelles de lui jusqu'au 8 ao�t. Ce jour l�, c'est l'�pouse d'un artisan peintre connu de Pierre Adam, le p�re de G�rard et de Marie Claire, qui fera parvenir un petit mot � moiti� d�chir� pr�cisant : � votre mari est prisonnier avec G�rard Adam dont vous voudrez bien pr�venir les parents �.
Le 17 octobre 1940 suivant parvient � Caen une carte lettre dans laquelle le jeune homme indique qu'il est prisonnier. Quelques mots �crits au crayon sur le petit espace r�serv� � la correspondance : � prisonnier depuis le 16 juin avec Robert Taillepied. En bonne sant�. R�clame nouvelles de tous. Particuli�rement inquiet au sujet de Janine. Pri�re d'envoyer colis de nourriture et v�tements chauds aussit�t re�u �tiquette sp�ciale. Baisers. G�rard. �
La bri�vet� du message rassure quelque peu la jeune femme et la famille du prisonnier, mais il faudra attendre la fin septembre 1941 pour qu'arrive enfin chez Janine Collard une lettre tr�s d�taill�e dat�e du 31 ao�t. Cette lettre avait pu parvenir jusqu'� Caen, via un camarade de captivit� de G�rard qui avait �t� lib�r� car �tant p�re de quatre enfants.
Cette missive, dat�e de Badlippspringe, �voque les premiers temps de la captivit� du jeune homme qui se poursuivra jusqu'en avril 1944. Voici quelques extraits de cette lettre. � Tout d'abord, je vais te raconter aussi bri�vement que possible mon odyss�e. La derni�re fois que je t'ai vue, il y a un an, le 9 juin, � Triel, je me suis f�licit� de vous avoir �loign�s si vite, ton p�re et toi, car une heure apr�s votre d�part nous faisions sauter le pont. Nous sommes partis le lendemain matin pour un petit bled assez proche: Ecquevilly, o� nous sommes rest�s deux jours avant de recevoir l'ordre de nous retrancher sur la Loire. Mon lieutenant me proposa alors de profiter de sa voiture et de filer avec lui, mais je refusai d'abandonner mes hommes. Nous �tions � pied, bien entendu, avec tout le barda, et c'est l� que mes souffrances ont commenc�. Nous avons march� plusieurs jours et nuits et avons finalement �t� faits prisonniers � Chenicourt dans l�Eure, le 16 juin� �

A 3000 parqu�s dans un champ

G�rard Adam explique ensuite son s�jour dans un camp pr�s d'Evreux. � Quelques jours qui m'ont paru des semaines... Nous �tions 3000 parqu�s dans un champ avec des mitrailleuses braqu�es sur nous. Nous couchions � la belle �toile, sans capote et ne recevions qu'un quart de bouillon par jour. C'est l� que j'ai rencontr� Robert. Nous avons eu la chance de ne pas �tre s�par�s depuis et je souhaite que cela dure jusqu'� la fin. C'est un bon copain, et ici, c'est lui ma famille� �
G�rard Adam �voque aussi dans sa lettre � Janine le transfert vers un camp de Seine et Oise, triste voyage et triste campement : � Nous avons fait du camping � en d�go�ter un fervent... Comme nourriture, un quart de pois cass�s � midi, un autre � 19h. Le d�fil� des fauves pour aller chercher la pitance durait plusieurs heures. Plusieurs heures � attendre, en pi�tinant sur place et en �s'engueulant � pour quelques petits pois nageant dans de la flotte... �
Combien de temps sont ils rest�s l� ? Une semaine ? Et puis le d�part un beau matin : � pour nous lib�rer �, ont pens� certains ! � Nous f�mes entass�s dans des wagons � bestiaux, 60 gars dans un wagon pour 40. Cinq jours et cinq nuits, nous avons voyag� de la sorte et je te jure qu'� la fin, dans les wagons, on ne trouvait plus qu'un monceau de loques humaines. Heureusement Robert et moi avions confectionn� un grand hamac pour deux dans de la toile de tente fauch�e dans une gare... �
Ce fut ensuite Arras, une nuit dans la prison d'une caserne : � J'ai rudement bien dormi sur les bat flanc de la � t�le � ...

Puis le train de nouveau : � les femmes pleuraient sur notre passage et pourtant essayaient de nous r�conforter de leur mieux. Elles nous ont distribu� leur pain, leur vin, tout ce qui leur restait. Mais h�las comme cela paraissait peu pour des milliers d'affam�s"...
Ce sera par la suite encore la Belgique puis la Hollande. "Adieu la France ! Et pour combien de temps ?", �crit G�rard.

Camps de concentration

"Nous d�barqu�mes de nuit dans le Nord de l'Allemagne o� nous avons connu les camps de concentration situ�s en pleines tourbi�res. Nous avons march� pendant des jours dans ces terres spongieuses, allant de camp en camp pour aboutir finalement � celui de Bathorn o� nous sommes rest�s trois semaines. L�, couch�s sur la paille (comme c'�tait moelleux !) nous avons connu les joies que procurent les poux. Menu quotidien : Ersatz de caf� le matin, soupe � midi, un morceau de pain � 17h et le tout rationn�. Tout juste ce qui faut pour ne pas crever Dans la journ�e, travail � la tourbe. M�me pas la force de manier la pelle, et des �tourdissements � chaque mouvement un peu brusque. L�, j'ai pleur�. Je crois que je ne pleurerais plus maintenant. Ah je l'ai crev�e la faim ! Je r�vais la nuit � de grosses miches de pain que je ne pouvais saisir et je me r�veillais avec des crampes d'estomac. Un jour, Robert et moi, nous avons mang� des patates crues que nous avions resquill�es dans quelque coin... �
C'est au camp de Hemer que les prisonniers fran�ais allaient �tre � immatricul�s, fouill�s, d�barrass�s de toutes choses inutiles pour un prisonnier et �pouill�s �... � Quelques jours plus tard, nous part�mes pour un kommando de travail, celui o� je suis encore en ce moment et o� j'esp�re demeurer jusqu'� la fin de notre captivit�. Il est situ� dans la petite ville d'eaux de Badlippspringe. Nous y arriv�mes le 26 juillet. Nous avons mang� ce soir l� une soupe qui m'a paru divinement savoureuse. J'en ai englouti une telle quantit� que j'ai �t� malade comme une b�te. Enfin, petit � petit, notre faim s'est apais�e... �

� Les parents ne pouvaient �crire � un prisonnier que par l'interm�diaire de lettres r�ponses. Le prisonnier �crivait sur une page et il y avait une page pour la r�ponse. On �crivait au crayon �, se souvient Mme Lef�vre qui s'empresse d'ajouter � mais il y avait aussi le courrier clandestin envoy� dans les colis o�, avec un peu d'habilet�, on pouvait dissimuler une missive �.
Cela �tait au prix d'une �criture minuscule, sur un papier le plus fin possible. � Il fallait rouler les feuillets en forme de cigarette et les introduire dans un tube vide d'aspirine. Puis on introduisait le tube dans une petite motte de beurre �. Une technique � haut risque. En effet � un jour, la supercherie fut d�couverte et le prisonnier interrog�. Heureusement, la lettre ne contenait aucune allusion politique... � Par la suite, le message fut envelopp� dans du cellophane ou du papier sulfuris� et ainsi, la lame de couteau investigatrice traversait le message sans rencontrer d'obstacle.
Les colis, c'est une autre histoire. Ils ne devaient pas d�passer 5 kg et l'on dut alors remplacer les bocaux par des boites m�talliques. Or, tout le probl�me �tait de s'en procurer. � La directrice de la laiterie Paillaud eut la bont� de fournir ces bo�tes � la famille Adam et de les st�riliser dans son usine de Creully �, r�v�le Marie Claire Lef�vre.
Il fallait ensuite � se procurer les vivres au march� noir les pr�parer et les porter � Creully �. Les colis transitaient par la poste et le port �tait gratuit. En revanche, il fallait avoir une �tiquette au nom et � l'adresse du prisonnier� et la famille n'en recevait qu'une par mois.
Les cartes se sont donc succ�d�es au fil des mois, donnant des nouvelles limit�es et souvent impr�cises. En de rares occasions, G�rard Adam put envoyer un colis de vieilles affaires et de bocaux vides.
Un beau jour, dans les planches d'un � colis en bois �, il r�ussit � introduire une lettre, non sans, bien entendu, avoir r�ussi � pr�venir auparavant ses parents qu'il ne fallait surtout pas jeter les planches du colis... Voici les termes de cette lettre dat�e du 10 janvier 1943 et que nous versons aujourd'hui au dossier de nos grands t�moins des ann�es 40 � Mes chers parents,
Puisque le premier colis que je vous ai envoy� est bien parvenu, je me d�cide � en envoyer un autre. Vous trouverez dans ce colis mes chaussures pour que vous les fassiez remettre en �tat... Je les ai recousues au moins 10 fois, mais cela ne tient pas... En attendant, je mettrai des sabots. Je vous renvoie les bocaux en verre et des lainages qui, pour moi, sont perdus. Peut �tre que M�m� r�ussira � en tirer quelque chose. S'il y a de la place, je mettrais des � chaussettes � trous � qui ne me servent que l'hiver car l'�t� je les �conomise. Au point de vue habillement, nous ne touchons pas grand chose. Les chleux sont fauch�s ! Nous avons d�cid�, Robert et moi, de tenter notre chance. C'est � cette intention que je vous ai demand� de m'envoyer de l'argent... Robert et moi, nous ne gagnons que 15 marks par mois (c'est ce que gagne un ouvrier en 3 jours) et c'est bien simple, nous n'arrivons jamais � joindre les deux bouts. Alors, nous empruntons aux copains qui gagnent plus, mais voil� il faut rendre et les dettes s'accumulent !
12 janvier: � il est n� le divin enfant ! � J'ai 24 ans et cela ne me rajeunit pas ! Les copains sont venus me souhaiter mon anniversaire et j'ai �t� oblig� de leur arroser cela !... Je ne me fais pas d'illusion sur la possibilit� d'une lib�ration. Nous savons tr�s bien que nous sommes prisonniers jusqu'� la fin de la guerre, s'ils la perdent. S'ils la gagnent je ne sais pas si nous rentrerons... En attendant, nous voudrions bien � devancer la classe �. Seulement, pour cela il faut poss�der le maximum de chances. Car il ne s'agit pas, lorsqu'on est bien dans un commando, de risquer les camps de repr�sailles en Sil�sie. Il faut pour r�ussir des v�tements civils tr�s propres... Il faut pouvoir prendre le train avec une valise... alors pouvez vous m'envoyer mon complet gris en deux fois et si possible mon trench coat.
... J�ai pass� de tr�s bonnes f�tes de No�l gr�ce � ce que vous m'avez envoy�. J'ai, re�u le colis avec les chaussons. Ah! les chaussons !, J�aurai bien chaud aux pieds... Que pensez vous de la guerre ? Je ne voudrais pas que les Russes la gagnent car alors, que deviendrait la pauvre France?... Si les chleux tombaient sur cette lettre, ils croiraient que je suis gaulliste alors que je suis tout simplement Fran�ais de tout mon c�ur. Dire que j'�tais partisan de la collaboration ! "Les Fran�ais sont des camarades, il n'y aura plus jamais de guerre... " et nous sommes toujours prisonniers! Cela fera bient�t 3 ans... Comment va toute la famille? M�m�, ma ch�re grand'm�re je pense bien souvent � toi et je serai bien content tu vois, malgr� mes 24 ans, de t'avoir pour me consoler ! Je vous remercie, mes chers parents, de tout ce que vous faites pour moi. Ah!je voudrais bien �tre parmi vous. J�en ai marre, marre, marre ! C'est quand m�me dur d'�tre s�par� de son Papa et de sa Maman et de tous les �tres qui nous sont chers. C'est lorsqu'on est s�par� depuis longtemps qu'on s'aper�oit combien on les aime ! Ah !je vous aime bien fort mes chers parents et vous ne pouvez pas imaginer comme cela me fait du bien de vous �crire. Dire qu'autrefois je n'�tais jamais content, je n'en avais jamais assez. Et maintenant mon bonheur serait d'�tre avec vous et avec ma petite Janine... Je ne demanderais que cela: �tre parmi vous.
... Ah! quand je pense comme nous �tions heureux avant la guerre. Et c'est nous qui l'avons d�clar�e ! C'est � n'y rien comprendre! Saurons nous un jour le fin mot de l'histoire ? Que devient l'entreprise ? Est ce que le travail marche toujours ?
�Je ne pense plus qu�� une chose maintenant: que ce colis arrive bien et le plus t�t possible. Mes chers parents, je vous charge d'embrasser bien fort toute la famille et de souhaiter mes meilleures amiti�s � tous les amis. Je vous embrasse tous les deux bien bien fort comme je vous aime.
Votre grand fils G�rard �.
G�rard tentera plusieurs fois et sans succ�s de s'�vader. C'est le jour de No�l 1944 qu'il apprendra la mort de son p�re, Pierre Adam, lors du bombardement du 7 juillet 1944. Peut on imaginer l'angoisse de ce prisonnier qui apprend que la ville de Caen a �t� bombard�e et qui ne re�oit que de br�ves nouvelles de sa famille o� on lui cache la gravit� de la situation ?
Lib�r� seulement quelques mois plus tard, G�rard Adam rentra � Caen le 23 avril 1945. Pr�venue par t�l�gramme, sa fianc�e fid�le l'attendait sur le quai de la gare avec sa m�re et sa grand-m�re.
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