Laurent Vermeersch, peintre

 

  

Communiqué de presse

 

Les paysages surréalistes de Laurent Vermeersch nous invitent au voyage ; quoi de plus naturel pour ce Docteur en géographie urbaine qui a décidé depuis quelques années de se consacrer entièrement à la peinture.

Mais c’est un voyage bien singulier dans le temps et en nous-mêmes qu’il nous propose.

 

Ses œuvres à l’aspect très structuré, aux effets de perspectives omniprésents dans lesquelles se mêlent et s’imbriquent présent et passé, rêve et réalité, tangible et inaccessible, nous entraînent du réel vers le surréel, le transréel.

Ces villes imaginaires sont en fait plus des paysages urbains qui se déclinent sous différents aspects : châteaux, villes fortifiées moyenâgeuses, cathédrales, architectures gothiques coexistant de plus en plus avec des villes contemporaines, futuristes.

 

Chacun de ses tableaux est non seulement une composition élaborée et pensée, mais également une véritable construction, telle que la ferait un bâtisseur.

Un dessin précis et soigné, un souci du détail que l’on découvre peu à peu, allié à une maîtrise de la perspective donnent une intensité irréelle à ses paysages et provoquent dans certaines œuvres une impression pouvant aller jusqu’à une sensation de vertige.

 

Les peintures de Laurent Vermeersch ravivent en nous l’écho de tout un ressenti inconscient en faisant naître une émotion qui nous entraîne dans un monde onirique que peu à peu nous nous approprions et dans lequel nous finissons par faire vivre notre propre imaginaire et notre propre rapport au monde.

 

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Ecrits d’auteurs

 Texte écrit par Yann Lepuits, écrivain (

 

« Soleils de nuit »  de Laurent Vermeersch

     Depuis quatre décennies, j’ai pour habitude de fréquenter les galeries de peinture, et, par conséquent, les peintres, ceux en tous cas dont j’aime les tableaux. Par « aimer », j’entends ici « s’attarder », c’est-à-dire s’affranchir de la lutte contre le temps, qui d’avance est perdue, mais aussi de l’espace de réalisme dans lequel nous sommes confinés, et dont les règles de fonctionnement ne tolèrent généralement pas l’intrusion de l’imaginaire.   

    Rarement je fis une rencontre aussi  étonnante, que celle de la peinture de Laurent  Vermeersch, précisément parce qu’elle est radicalement imaginative.

    La première fois que j’eus le bonheur de voir des toiles de l’artiste, c’était à Saint-Cyr-sur-Loire, en février 2007, dans cette superbe salle d’exposition de la Péraudière. Quel contraste, et des plus inattendus, entre l’architecture classique et rassurante des lieux, d’une part, et ce monde de si troublantes incertitudes que nous propose le peintre.  

    Immédiatement, face à cet univers de suprême étrangeté, je me suis senti conquis. Que le lecteur veuille bien me pardonner de parler de moi-même, mais, il me semble que, pour tenter de dire ce qu’une œuvre contient et révèle, et qui pourra toucher d’autres hommes, inévitablement, il nous faut admettre la nécessité du passage par ce prisme d’interprétations qu’est la sensibilité personnelle. L’analyse exclusivement intellectuelle (si toutefois une telle chose existe), détachée du substrat de la sensibilité, lorsqu’il s’agit d’Art, ne conduirait qu’au dessèchement ; l’Art est d’abord une aventure sensible, une expérience tâtonnante, qui nous mène, d’une approximation à l’autre, jusqu’à des images et des vérités dont nous ne soupçonnions qu’à peine l’existence.  

    Mis en présence du monde imaginaire de Laurent Vermeersch, spontanément, ma réflexion initiale fut :

   

    « Si j’avais été peintre, voilà les toiles que j’eusse aimé réaliser. Hélas, je n’ai aucun talent pour la peinture ! ».

    

     Puis, telle une indiscutable évidence, me vint cette certitude : il me faudrait revoir ces tableaux, les regarder plus longuement, m’attarder au cœur de ces paysages mi-urbains, mi-aquatiques. Probablement parce que, depuis une trentaine d’années, à travers l’écriture de nouvelles et de contes, je vis dans le voisinage d’êtres imaginaires,  extraordinaires ou monstrueux,  face à la peinture visionnaire de Laurent Vermeersch, je me suis senti transporté vers des domaines où, précisément, pourraient se montrer de ces êtres qui nous laissent pantois d’horreur et d’admiration, sans que nous puissions démêler l’une de l’autre. Un seul mot résume cela : fascination

     En février 2008, j’ai rendu visite à Laurent Vermeersch dans son atelier, où j’ai revu ses toiles. Nous avons assez longuement parlé de peinture et de littérature.

     En premier lieu, l’artiste a éclairé ma lanterne sur certains aspects techniques. Pour des raisons de commodité, Laurent Vermeersch utilise de plus en plus la peinture acrylique, de préférence à la peinture à l’huile. La première sèche beaucoup plus vite que la seconde, et le vernis peut être appliqué dans un délai plus court. Par contre, avec l’huile, on obtient plus de mouvements, et une plus grande variété dans les couleurs. 

    Réalisée à l’huile, la toile « Naissance d’une île », paysage où se mélangent la lumière et l’eau, représente une île émergeant de l’obscurité de l’océan. Avant de connaître le titre, j’avais vu la toile comme étant, au contraire, la représentation de l’engloutissement. L’anecdote illustre assez bien les différences d’interprétation d’une œuvre donnée, l’artiste ayant des intentions que le regard d’autrui ne perçoit pas toujours, sans même parler des implications de l’œuvre, que le créateur n’est pas toujours en mesure d’analyser lui-même. J’ai moi-même connu ce genre de situations proches du malentendu, à tel point que parfois, entre le livre que je crois avoir écrit, et celui dont le lecteur me parle, il peut y avoir un gouffre, comme celui de « Naissance d’une île » où je voyais l’image de l’anéantissement ! 

     A l’occasion de la rencontre à l’atelier, Laurent Vermeersch me parla de son admiration pour Julien Gracq, dont l’un des livres, « Le rivage des Syrtes », semble l’avoir profondément marqué. La référence n’est pas mineure : le romancier, qui refusa le prix Goncourt, est resté en marge de toutes les écoles. La très haute exigence de Julien Gracq était d’abord et surtout, et encore, esthétique. Celui qui se donne une telle ambition se doit aussi de préserver, s’il le faut de façon farouche, la totale indépendance nécessaire à la création artistique. Ce que voulut faire et sut faire Julien Gracq.

    Or, nous savons qu’entre les arts ne se dresse aucune muraille infranchissable. La lecture passionnée de l’œuvre de Julien Gracq n’est probablement pas demeurée sans effet sur la peinture de Laurent Vermeersch, mais l’étude pointilleuse des rapports esthétiques entre les romans, d’une part, et les tableaux, d’autre part, nécessiterait une série de développements, dépassant de beaucoup le cadre de cet article. Aussi vais-je me limiter à l’ébauche d’une réflexion, qui pourra s’approfondir ultérieurement.        

    M’a particulièrement arrêté le tableau intitulé : « L’Amirauté », allusion faite au roman précité de Julien Gracq. Laurent Vermeersch mêle, dans cette œuvre, des aspects de Saint-Pétersbourg et Stockholm. Cet exemple illustre bien sa manière, qui consiste à rapprocher des éléments apparemment trop disparates pour pouvoir jamais se souder, mais dont la rencontre magique nous ouvre les portes du rêve, ce rêve éveillé, qui ressemble si fort au voyage. 

   Le choix des deux grands ports n’est pas gratuit. D’abord, Laurent Vermeersch puise les matériaux de ses paysages imaginaires dans les souvenirs de ses nombreux voyages. Comme la poésie, la peinture se nourrit d’éléments issus du réel. Ensuite, l’eau en général, les bords des fleuves et  l’océan nous attirent, affirme avec raison le peintre. Pourquoi cela ? Précisément parce que les rivages nous assurent de la présence, à la fois onirique et matérielle, des navires et bateaux de tous tonnages, en partance vers cet ailleurs que, par la pensée, nous avons visité avant de nous y rendre. Les ports nous offrent la possibilité d’arrachement aux routines. Même le plus petit d’entre eux semble nous dire : « Larguons les amarres ! ». A ce propos, me reviennent à l’esprit les lectures bouleversantes des romans de Blaise Cendrars, écrivain que la postérité a, de façon inique, jeté dans les oubliettes de la littérature.    

    C’est sur cette limite entre les deux éléments, le liquide et le solide, que se situent les sources de l’imaginaire. Le long des rivages, nous cherchons le mystère de l’inconnu. 

    Il existe aussi, poursuit Laurent Vermeersch, une marginalité des bords de l’eau. L’artiste cite à ce propos l’une de ses références littéraires : « Quai des brumes », de Francis Carco, précurseur de Jean Genet dans l’art de nous conter la vie des truands et  des voyous.

    A noter que, dans toutes les œuvres où paraissent des villes au bord de l’eau, les reflets qu’elles projettent ont presque autant d’importance qu’elles-mêmes. L’image de l’image apporte une note supplémentaire d’onirisme. L’eau devient ce miroir, au-delà duquel nous voulons trouver une réalité bien différente de celle où nous vivons. Pensons aux contes où le héros plonge sous la surface de lacs enchantés, dans les profondeurs desquels tremblent des demeures fantastiques.  

    Un autre tableau, « Paysage au carré » se compose, comme l’indique le titre, d’un assemblage de carrés ; ici, la peinture devient lieu de construction géométrique. Ce choix confirme la manière de Laurent Vermeersch, qui consiste à jeter des ponts entre des disciplines assez éloignées les unes des autres. Dans ce tableau, l’étrange et le bizarre  s’affirment de manière encore plus flagrante que dans « L’Amirauté », puisque là, c’est un village de style flamand, qui s’accroche aux pentes des Pyrénées ! Nous sommes loin du « Plat pays », mais n’oublions pas que, dans la chanson de Jacques Brel, les cathédrales étaient comparées à des montagnes… L’association de paysages aussi peu compatibles dans « la réalité » souligne, rehausse, les caractères propres à chacun, et donne à l’ensemble une force de suggestion peu courante.

       Suivons la route des aigles, et, d’un coup d’ailes, franchissons les Pyrénées. Dans « Interstices noctambules », nous voyons une représentation, assez fidèle de la cathédrale de Burgos… au bord de l’eau ! Licence poétique, s’il en est. Un petit personnage lit, au pied de l’édifice. Seuls le lecteur et la cathédrale sont éclairés. Que nous dit ce tableau, sinon la solitude du penseur, du philosophe, qui cherche la vérité dans la nuit ?

    La figure humaine est d’ailleurs assez rarement présente dans les tableaux de Laurent Vermeersch. Elle ne leur est pas nécessaire, et, lorsqu’elle y paraît, elle n’y joue pas le rôle principal. L’homme se trouve ici par défaut, à travers l’architecture qu’il édifie sur le paysage naturel. L’homme devient étranger à la ville, ou celle-ci se vide de ses hommes.

    Mon interlocuteur me fit découvrir l’écrivain québécois, Luc Bureau, dont les textes sur le thème de la nuit l’intéressent particulièrement.

     Je lui demandai s’il puisait l’inspiration dans les livres, mais il me répondit qu’il lui arrivait plus souvent de trouver dans les écrits la confirmation de ses intuitions. Ce dernier mot est, à mon avis, l’un des mots clefs dans la recherche artistique. L’intuition n’est pas rationnelle. Par essence, son exactitude sera toujours indémontrable, car la démonstration relève de la démarche scientifique. Elle ne peut que s’éprouver, parce que souverainement subjective. Si nous poursuivons une recherche, c’est parce que, dans ce domaine où nous avançons « à l’aveuglette », sans connaître ses limites (si toutefois il en a) seule la tâtonnante intuition permet de définir l’objet de la recherche, et, par là-même, les limites provisoires du domaine à explorer, que la poursuite d’un nouvel objet fera ensuite reculer.     

    Deux autres fois, à l’occasion de l’exposition que Laurent Vermeersch a donnée au mois de mars 2008, à l’espace Châteauneuf à Tours, je suis revenu m’imprégner de cette atmosphère si personnelle, laquelle, précisément parce qu’elle est si personnelle, ne peut nous laisser indifférents.

    A lui seul, l’intitulé de l’exposition, « Soleils de nuit », nous attire et nous intrigue. Paradoxal et poétique, il existe des… éclaircissements. Entre les tableaux de Laurent Vermeersch, nous voyons des petits cadres à fond blanc, où sont reproduits des textes de Luc Bureau. Or, la thématique commune à ces citations est celle de la primauté de la nuit sur le jour, lequel  est perçu comme une parenthèse, à l’intérieur du domaine beaucoup plus vaste de la matrice originelle d’obscurité, d’où tout est sorti, les couleurs y comprises. 

    C’est là que se manifeste la parenté, entre le peintre et l’écrivain, car,  dans l’œuvre de Laurent Vermeersch, même dans les tableaux les plus vivement colorés, le noir joue un rôle important. Il nous rappelle que la nuit n’est jamais totalement absente, mais provisoirement placée en retrait, donc prête à revenir au galop.

    L’exemple donné par Laurent Vermeersch et Luc Bureau montre que le cousinage, artistique et intellectuel, entre des créateurs qui oeuvrent dans des disciplines différentes, ne peut être qu’une voie d’enrichissement mutuel, susceptible de déboucher sur une véritable synergie.     

     Nous prendrons pour exemple le tableau bizarrement nommé : « Arbrantesque ». Notons d’abord que l’artiste forge un néologisme, accouplement de deux substantifs, « arbre » et, je le suppose, « arabesque ». . D’entrée de jeu, le mot nous évoque un univers échappant aux lois communes du réalisme. Les mots que nous forgeons suscitent de nouvelles réalités, extérieures au réel commun. Déjà, en nous,  le Verbe crée l’image.

    Le tableau se compose de deux panneaux, l’un noir, plus large et plus haut que le second, où paraît l’arbre. Celui-ci naît donc de l’obscurité, en l’occurrence celle des profondeurs telluriques. Nuit minérale, à laquelle répond l’écho de la nuit liquide, océanique, si récurrente dans la plupart des tableaux présentés, cette nuit des gouffres où, depuis si peu de temps, la science projette enfin quelque lumière ; ces gouffres, où les plus anciennes légendes et, plus près de nous, Jules Verne avait vu grouiller de monstrueux animaux, prophétie que nous confirme la zoologie. 

    Plusieurs des tableaux sont d’ailleurs des triptyques, dont les éléments s’associent de façon variée dans l’espace. Laurent Vermeersch s’intéresse à la dimension sculpturale, associée à la picturale.   

    Dans « Littoral nocturne », une église italienne, et un arbre dont la forme évoque celle de la feuille, sont face à la mer. Il s’agit d’un triptyque, composé de cadres aux formes différentes : le rectangle, le cercle et le carré, les deux dernières étant des formes que nous pourrions qualifier de «  parfaites ». Ce tableau conjugue des éléments essentiels : l’océan, comme symbole de l’éternité ; l’arbre, qui s’élève vers l’infini, autre image de l’éternité, tandis que ses racines s’enfoncent vers la nuit tellurique, ou nuit des origines. La verticalité de l’église et de l’arbre, avec leurs dimensions souterraines (crypte et racines) assure les liens matériels et symboliques entre les deux domaines, le tellurique et le céleste. Au total, l’œuvre est très forte.       

    Laurent Vermeersch a beaucoup voyagé. Récemment, il s’est rendu en Chine. Il est ainsi entré dans une « période chinoise », quoique, dit-il, « japonisante » serait plus approprié. Prenons pour exemple « Quai à l’arbre mauve ». Cette fois-ci, au contraire de certaines œuvres déjà citées, la représentation de la ville est totalement imaginaire. C’est peut-être pour cette raison que la vision s’écarte encore plus radicalement des schémas figuratifs. Les corps humains stylisés sont suspendus dans les arbres. La lune tombe de l’arbre, image qui nous rapproche des belles illusions de l’enfance, lorsque la perception peut passer pour fidèle reflet de la chose elle-même. 

    Depuis ses voyages en Chine, le rouge apparaît dans les tableaux de Laurent Vermeersch. Il contraste vivement avec le noir (rappel de la nuit) et le blanc (le jour aveuglant, qui nous renvoie à la nuit). L’artiste m’a expliqué que les Chinois placent des morceaux de marbre poli, lequel présente des veines évoquant des paysages, dans des cadres de bois. Ce sont ces formes stylisées qui l’inspirent actuellement.   

    Citons quelques appréciations glanées dans un communiqué de presse : « paysages surréalistes (…) dessin précis et soigné (…) souci du détail (…) maîtrise de la perspective (…) ». Toutes ces remarques sont exactes. J’ajouterai que la peinture de Laurent Vermeersch a le mérite de s’affranchir du faux dilemme : peinture abstraite ou figurative ? La sienne ne relève ni de la première catégorie, ni de la seconde. Surréaliste, oui, mais non dépourvue de sens, elle n’est pas le fruit de choix purement arbitraires, ni de simples hasards. Ici, la nuit nous éclaire, par la force des visions qu’elle projette sur l’écran de la toile.

 

Yann Lepuits

      

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