LE POINT D’INTERROGATIONS 1995

 

VERS DES LENDEMAINS QUI DÉCHANTENT... 1

L'OUVRIÉRISME... 5

LES VILLES SONT TOMBEES DANS LE PANNEAU ! 7

VIVE LA RECESSION ! 11

PLAIDOYER POUR UN RETOUR DES QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT DANS LE DEBAT PUBLIC.. 12

 

 

VERS DES LENDEMAINS QUI DÉCHANTENT

 

"A lors que serait nécessaire une volonté de lucidité, point n'est besoin de croire à une idéologie particulière, mais au contraire de refuser de croire et de se libérer des croyances anciennes et nouvelles. Point n'est besoin non plus de développer une vision tactique visant à définir certains objectifs, à valoriser certaines formes (dures) d'action en tant que telles, indépendamment du contexte."

Le Point d'Interrogations, 1994

 

"Tant qu'ils seront lâches, croyants, serviles, les opprimés subiront la férule des maîtres. Et les chambardements des partis changeront tout au plus le nom du despotisme...

Monarques couronnés, régnant dans les fastes des palais, ou ministres démocrates, ourdissant la trame de leurs intrigues dans les annexes de la Bourse, ne sont que des pantins dont la haute bourgeoisie tire les ficelles, et qu'elle casse, déplace, transforme -ô bien peu!- à son gré. Mais dans la coulisse du prestigieux décor des gouvernements, la Force qui opprime ne change pas. C'est l'argent - Capital - qui fait les gouvernements - Autorité -- et compte pour les maintenir sur l'inconscience des gouvernés. Calcul dont l'excellence est démontrée par mille exemples tragiques...

Constatations qui nous autorisent à qualifier d'inutiles les révolutions dont le but ou les résultats sont de remplacer un gouvernement par un autre.

Inutiles les efforts rageurs des révoltés que guide une folle illusion, inutiles leurs sacrifices, gaspillage de forces, gaspillages de vies...

C'est à la Bastille même qu'il faut s'attaquer, pour la détruire et non pour la refaire, pour vivre soi-même et non pour la vaine cause d'un Parti."

Lvovich Kibalchiche, L'anarchie N°288, 13 octobre 1910.

 

            Tout ce que peuvent tempêter, agiter,... ceux qui aspirent à mettre leur trop plein d'énergie au service d'une bonne cause n'est que bougonnerie sans lendemain. Et lorsqu'il apparaît que la cause n'était pas si bonne que ça, de passer à une autre, ou... quelques années étant passées d'occuper autrement ses loisirs pour le peu qu'il en reste. Pour peu que l'on soit de plus séduit non seulement par sa propre agitation mais aussi par celle des autres, on trouvera sans mal dans l'actualité quelques actions spectaculaires supposées exprimer une révolte bien entendue porteuse de lendemains qui chantent. Ces différents dérivatifs font d'autant plus recette que les dérivatifs habituels comme le syndicalisme ou la politique ne semblent plus offrir d'alternative... même fictive. Pour qui a eu la possibilité de contempler depuis les années 70 ce qui se dissimulait

derrière ce sentiment de gentillesse sacrificielle, il y a de quoi être édifié. Ainsi, la retombée des mouvements de mai-juin 68, fut suivie du développement d'une nébuleuse de groupes activistes et de théoriciens de la lutte armée (par exemple la "Gauche Prolétarienne"

en France[1]) fascinés par les "luttes nationales" et déçus par l'évolution de leurs anciens modèles soviétique, puis bientôt chinois. Une partie d'entre eux donnèrent naissance à des groupes terroristes comme les Brigades Rouges, la R.A.F. ("bande à Baader"),... et quelques autres moins médiatisés. Vu des années '90, tout ceci paraît bien exotique. Pour prendre l'exemple de la France, les principaux porte-paroles de la stratégie guérillériste se sont reconvertis dans la sphère gouvernementale, sont devenus conseillers du P.S.,... ou hommes d'affaires. La campagne électorale présidentielle de 1995 aura permis à certains de ces anciens "maos-spontex" de naviguer selon le sens du vent du mitterandisme au chiraquisme. Une occasion parmi d'autres de se retrouver coude à coude avec certains de leurs vieux adversaires du Mouvement Occident... et de se rappeler le bon temps où ils se crêpaient le chignon. Peut-être aussi d'évoquer la mémoire de ceux de leurs anciens compagnons de route qui, souvent moins célèbres et certainement moins adaptables, se sont suicidés.

            Pour tous ceux-là, la violence, les affrontements divers,... appartiennent à un passé révolu. Il s'agit aujourd'hui de se forger une place au sein du nouvel ordre mondial. Pourtant, toute réflexion sur ce sujet n'est pas nécessairement superflue. D'abord parce que la violence est présente partout, quotidiennement. Violence des rapports sociaux où les plus défavorisés sont soumis à des conditions de survie dégradantes, et où ceux qui bénéficient d'un niveau de vie considéré comme "décent" (c'est-à-dire qui parviennent à se nourrir et se loger) craignent les réactions de ceux qui peuvent s'attaquer au peu qu'ils possèdent. Terrorisme d'un monde soumis au pouvoir des gangs. Gangs des puissances politiques et économiques se disputant le pouvoir; gangs des religions établies et des sectes; gangs des minorités structurées pour s'imposer contre les autres, contrôler des parts du marché de la drogue, du crime organisé,.. Ensuite parce que la critique radicale de ce monde, déjà suffisamment faible, risque constamment de se trouver amoindrie par la séduction exercée par certains comportements, par un certain "look" dur ou jusqu'au-boutiste.

 

DE LA TERREUR RAPPELÉE PAR L'EXEMPLE

 

            Il y a des thèmes qui sont pour ainsi dire sacrés. J'en ai évoqué certains dans des numéros précédents du Point d'Interrogations: Antifascisme, Tiers-mondisme,... Dans le passé, ces thèmes ont été particulièrement exaltés par les groupes qui érigent le terrorisme en stratégie. La victoire de Castro en 1959 et les écrits de Che Guevara (avec ceux de Mao Tse Toung édités et diffusés gracieusement dans le monde entier), puis de Régis Debray leur fournirent un soutien idéologique et logistique, sinon une justification.

            C'est ainsi qu'après avoir analysé l'Italie comme le "maillon le plus faible de l'impérialisme" (!) (Résolution stratégique, février 1978), les Brigades Rouges s'étaient constituées en contre-Etat, pour mener leur propre guerre, ériger leur "justice populaire" avec ses "tribunaux révolutionnaires" fleurant bon le jacobinisme et le stalinisme sinisé. Cette conception était celle d'une organisation menant une "guerre de libération nationale": libérer l'Italie de la chaîne impérialiste et de la démocratie chrétienne complice des multinationales! Il n'est donc pas étonnant que les brigadistes et les groupes du même type se soient réclamé d'un courant où l'on retrouvait des organisations porteuses d'un lourd passé de liquidation physique de leurs opposants, style O.L.P. ou I.R.A. Les B.R. s'attaquaient aux sociétés multinationales, aux impérialismes occidentaux et au personnel démocrate-chrétien. Mais ils ne pipaient pas mot des impérialismes russe ou chinois. Leurs méthodes (commando abattant froidement des individus désignés à l'avance) n'étaient pas neutres, mais se rattachaient à toute une tradition historique: celle de la "terreur".

Historiquement, la "terreur" est une violence aveugle institutionnalisée, décrétée. La terreur dite révolutionnaire n'est ni plus ni moins qu'une réponse à une autre "terreur" restant sur le même terrain. Pas tant par l'utilisation de la violence, mais par l'aveuglement et l'arbitraire qui caractérisent son institution.

            La terreur nait politiquement pendant la révolution française avec la loi du 22 prairial (10 juin 1793): "Les ennemis de la Révolution son ceux qui, par quelque moyens que ce soit, et de quelques devoirs qu'ils se soient couverts, ont cherché à contrarier la marche de la Révolution et à empêcher l'affermissement de la République. La peine due à ce crime est la mort; les preuves requises pour la condamnation sont tous les renseignements, de quelque nature qu'ils soient, qui peuvent convaincre un homme raisonnable et ami de la liberté." La terreur jacobine, après avoir été utilisée contre les royalistes, devint-elle par sa logique propre une méthode d'extermination des fractions adverses dont furent victimes aussi bien Danton que ses initiateurs Robespierre et St. Just. C'est cette terreur jacobine dont s'inspirèrent en Russie les bolcheviks, à commencer par Lénine et Trotski, en réponse à la terreur blanche et aux vagues d'attentat. Ainsi, en août 1918, Lénine recommandait-il la capture d'otages qui "répondraient sur leur vie". Prenant prétexte du "caractère prolétarien" de la terreur, les victimes étaient choisies en fonction de leur

appartenance sociale et non de conduites ou de délits précis. D'où l'institution, dés décembre 1917, d'un corps spécialisé dans l'administration de la terreur, la Tcheka[2]. Comme en 1793-95, la terreur signifiait aussi l'élimination des fractions adverses: clubs anarchistes en avril 1918, socialistes révolutionnaires de gauche en juillet 1918,...

 

TERREUR ET VIOLENCE

 

"Nous comprenons que cela puisse arriver, dans la fièvre de la bataille, chez des natures généreuses mais manquant de préparation morale -fort difficile à acquérir actuellement- qui peuvent perdre de vue le but à atteindre et prennent la violence comme une fin en soi et se laissent entraîner à des actes sauvages.

Une chose est de comprendre, une autre pardonner certains faits, les revendiquer, en être solidaires. Nous ne pouvons accepter, encourager et imiter de tels actes. Nous devons être résolus et énergiques, mais nous devons également nous efforcer de ne jamais dépasser les limites nécessaires." Errico Malatesta, Un peu de théorie (1892), in Articles Politiques (10/18).

 

            Si le terrorisme, violence cynique calquée sur celle de l'État, est condamnable, une réflexion plus générale sur la violence ne peut être menée d'une point de vue moralisateur. Toute période de crise qui voit chanceler le pouvoir établi connaît son cortège de violences parfois massives qui trouvent leurs racines dans la haine, les rancœurs et les humiliations subies depuis des lustres. Mais à ce niveau, il faut distinguer entre des violences de masse, spontanées, parfois excessives en périodes offensives (excès qu'une réflexion plus approfondie conduit à tempérer et non à utiliser, surtout dans le cas de violences contre des individus) et la violence théorisée... érigée en mètre-étalon de la radicalité. On peut comprendre, sans les poser en modèles, les actions parfois désespérées de groupes ou individus placés dans des circonstances historiques données, caractérisées par la retombée d'un mouvement social important et l'existence d'une société répressive et bloquée. Ainsi en fut-il:

            * des bombes anarchistes de la fin du 19° siècle, dans une période marquée par les charniers de la Commune et par les pratiques anesthésiantes de la social démocratie;

            * de l'incendie du Reichtag de Berlin par Marius Van der Lubbe, suite à la férocité de la terreur des troupes de Noske-Scheidemmann et à la liquidation des organisations communistes radicales;

            * des actions clandestines, dans l'Espagne franquiste, de groupes rejetant l'establishment républicain en exil. Un exemple typique est celui des membres du groupe M.I.L.[3] à Barcelone qui dans les années 70 attaquèrent des banques pour alimenter les caisses de grèves. Encore ces actions ne furent pas des actes terroristes, aveugles et stratégiques, visant à la reproduction de leur groupe.

 

Hème, aout 1995

 

 

"C'est que vous ne connaissez pas... ce qu'il y a d'impuissance et même de niaiserie chez la plupart des hommes de la démagogie européenne. Ces tigres ont des âmes de mouton, des têtes pleines de vent; il suffit de parler leur langage pour pénétrer dans leur rang. Leurs idées ont presque toutes, d'ailleurs, des affinités incroyables avec les doctrines du pouvoir absolu. Leur rêve est l'absorption des individus, dans une unité symbolique. Ils demandent la réalisation complète de l'égalité, par la vertu d'un pouvoir qui ne peut être en définitive que dans la main d'un seul homme. Vous voyez que je suis encore ici le chef de leur école! Et puis il faut dire qu'ils n'ont pas le choix. Les sociétés secrètes existeront dans les conditions que je viens de dire ou elles n'existeront pas."

Machiavel, dans MAURICE JOLY, DIALOGUE AUX ENFERS ENTRE MACHIAVEL ET MONTESQUIEU  (1864).

L'OUVRIÉRISME

L'ouvriérisme ?

            C'est une étrange maladie dont souffre presque toute l'intellectualité dite avancée. Le marxisme et le syndicalisme en sont des formes incurables. Énormément d'anarchistes en souffrent. Elle consiste en une déformation plus ou moins grave des facultés de perception et de la pensée, déformation qui fait qu'aux yeux du malade tout ce qui est ouvrier apparaît beau, bon, utile, autant que ce qui ne l'est pas est laid, mauvais, inutile, sinon nuisible. Le triste abruti, à la silhouette avachie, alcoolique, tabagique, tuberculeux, constituant la masse des bons citoyens et des honnêtes gens, devient par enchantement le travailleur, dont le labeur "auguste" fait vivre et progresser l'humanité, dont l'effort magnanime lui réserve un splendide avenir... Gardez-vous bien de faire remarquer à l'ouvriériste que ledit prolétaire est somme toute le soutien le plus sûr de l'abominable régime du Capital et de l'Autorité, qu'il soutient et sanctionne par le service militaire, le vote, le travail quotidien. Vous vous entendrez immédiatement traiter d'individu arriéré, aux préjugés bourgeois et ne comprenant rien à la... sociologie !

 

Les causes de cet état d'esprit, quoique assez nombreuses, sont faciles à déterminer. En premier lieu il convient de placer l'idée du travail "geste auguste" puisqu'il entretient la vie; le travail étant noble en son essence, dirent les esprits simplistes, noble est le travailleur. Voilà! Ils n'oublièrent qu'une chose; c'est que la noblesse d'une activité est une conception tout à fait conventionnelle et relative; que le travail théoriquement si beau est dans la pratique ordinaire, laid, abrutissant, démoralisant; enfin qu'un geste quel qu'il soit ne saurait être empreint de beauté lorsque celui qui le commet est une pauvre bête humaine tenaillée par la crainte et la faim...

 

Et cet état d'esprit est certes l'une des causes de l'engouement vers le syndicalisme, contre lequel des anarchistes s'efforcent de réagir. Enthousiasmés par l'essor rapide des associations ouvrières - toujours révolutionnaires à leur origine (ainsi que tous les organismes jeunes et n'ayant rien à perdre, tout à gagner) des cerveaux absolus virent en le nouveau mouvement la panacée universelle. Le syndicalisme répondait à tout, pouvait tout, promettait tout. Pour les uns, il allait par de sages et prudentes réformes améliorer sans fracas l'état social. Pour les autres il était la première cellule de la société future, qu'il instaurerait un beau matin de grève générale. Il a fallu déchanter beaucoup. On s'est aperçu - du moins ceux que l'illusion n'aveuglait pas - que les syndicats devenaient robustes et sages, perdaient envie de chambarder le monde. Que souvent ils finissaient par sombrer dans le légalisme et faire partie des rouages de la vieille société combattue; que d'autres fois, ils n'arrivaient qu'à fonder des classes d'ouvriers avantagés, aussi conservateurs que les bourgeois tant honnis. Enfin, des trouble-fêtes sont venus dire qu'il ne suffisait pas, pour modifier le milieu, de grouper des abrutis, et que quand même ils seraient puissamment organisés ils ne pourraient rien créer qui fut au-dessus de leur mentalité...

            Par ailleurs, dans les milieux plus cultivés, parmi les écrivains, les artistes, il fut convenu d'admirer le prolo. Une littérature surgit où l'on dépeignait en termes indignés les souffrances du pauvre peuple. Les "martyrs du travail" eurent leurs chantres. Et l'on imagina petit à petit un type de travailleur ne correspondant guère à la réalité. C'est l'admirable mineur de Constantin Meunier, le bel ouvrier au torse puissant, au regard fier, que l'on voit sur les gravures socialistes s'en aller joyeusement vers un grand soleil pourpre...

            Là-dessus se greffa une idéologie assez compliquée, qui a ses théoriciens et ses humoristes. D'innombrables brochures, des monceaux de journaux, des quantités d'affiches multicolores ont clamé aux bourgeois terrifiés - comment donc! - l'imminence de la Révolution, la classe ouvrière consciente allant par la grande grève, créer demain - demain sans faute - la cité bienheureuse où sous l'égide d'un vigilant Comité chacun jouira en paix du bonheur confédéral.

            On attend, on attend, on se prépare. Trois fois on démolit deux réverbères ; on discute les menus détails de l'inévitable bouleversement, et des pince-sans-rire racontent qu'ils feront la Révolution comme ceci et comme cela. Et personne ne songe que l'attente est de la vie perdue et qu'il vaudrait peut-être mieux commencer par faire un peu de jour dans l'effrayante nuit des cerveaux.

 

Les anarchistes ne sont pas ouvriéristes. Il leur paraît puéril de porter au pinacle le travailleur dont l'inconscience lamentable est cause de l'universelle douleur, peut-être plus que l'absurde rapacité des privilégiés.

            A l'observateur impartial il n'est guère difficile de constater que, loin d'être l'activité bienfaisante vantée par les poètes, le travail dans l'atmosphère présente est répugnant. Semblable est la différence du rêve à la réalité en ce qui concerne les prolétaires...

            ...Ainsi passons-nous parmi les plèbes semant au hasard la graine des bonnes révoltes. Et des minorités en qui subsiste encore de la force, viennent à nous, viennent grossir les rangs des amants et des batailleurs de la vie.

 

Lvovich Kibalchiche/Victor Serge (Le Rétif), L'anarchie N°259, 24 mars 1910.

 

 

 

 

 

 

« Que les hommes ne fassent plus de révolution tant qu’ils n’auront pas appris à se passer du pouvoir. Qu’ils n’écrivent pas tant qu’ils ne seront pas absolument décidés à braver l’opinion.

Gloire à toi, liberté ! »

Coeurderoy, « Jours d’exil ».

 

 

 

LES VILLES SONT TOMBEES DANS LE PANNEAU !

On aurait tort de na pas y prêter suffisamment attention. L’affichage publicitaire fait désormais presque partie intégrante du paysage urbain. Au point que l’on peut se demander si l’empire de la consommation n’a pas définitivement conquis l’espace public.

 

Difficile d’y échapper ! Même l’espace le plus réfractaire à la pression publicitaire ne peut ignorer les affiches tape-à-l’œil placées aux point stratégiques des agglomérations. En quelques décennies, l’espace public a été annexé et transformé en un immense espace publicitaire. Progressivement, les emblèmes du mercantilisme se sont incrustés au cœur du paysage urbain. Par panneaux et affiches interposés, les rues des villes sont devenus le lieu d’une compétition acharnée entre divers marques ayant pour principale ambition de conquérir des parts de marché toujours plus importantes.

 

Replacé dans le contexte d’une société dominée par la consommation, l’enjeu devient clair : il s’agit de capter l’attention de tout client potentiel. Mais l’observateur de l’affiche est souvent loin de soupçonner les efforts déployés par les entreprises industrielles et commerciales pour parvenir à leur fins. Derrière le panneau publicitaire se cache un travail minutieux qui fait de la persuasion un véritable métier. D’art désintéressé pour le plaisir des yeux, il ne s’agit point. Il y a là un véritable secteur économique structuré, en fait dominé par trois acteurs principaux – Giraudy, Avenir et Dauphin – qui n’ont guère eu de scrupules à enlaidir le paysage urbain de leurs panneaux pour pouvoir rafler les sommes investies dans la publicité extérieure.

 

Il serait d’ailleurs naïf de croire que ces entreprises d’affichage se contentent de fournir un panneau ou un espace mural aux marques désirant assurer leur promotion. L’activité publicitaire est devenue bien plus complexe que cela et le voile qui entoure l’économie de l’affichage mérite d’être soulevé. En fait, c’est aussi en « vendant » un public à des annonceurs que l’afficheur assure son chiffre d’affaires. Il garantit que  l’affiche, telle qu’elle est située, attirera le regard d’un certain nombre d’individus. Comme tout publicitaire d’ailleurs, le spécialiste de ce type de support se fait fort de déterminer précisément les populations à toucher, les cibles comme on les appelle dans le métier. Seulement, lui s’intéressera particulièrement à leur localisation et à leurs trajets habituels dans les agglomérations. Dans la logique publicitaire, l’affiche présente en effet la particularité d’être le point de rencontre entre un message et un individu en déplacement. D’où la nécessité de connaître le mieux possible l’espace dans lequel s’effectuent les migrations quotidiennes qui caractérisent la vie moderne. A chaque décision d’implantation sont pris en compte les divers paramètres qui structurent les espaces urbains. Dans le milieu publicitaire, cet ensemble d’analyses est plus connu sous le nom de « géomarketting », avec cartes informatisées des flux urbains à l’appui. C’est tout ce travail en amont qui permet de déceler les meilleurs sites dont l’affichage a besoin pour obtenir une visibilité et un impact qui peuvent se monnayer cher. Et la bataille est parfois âpre pour s’adjuger les endroits stratégiques : carrefours, grands axes de circulation, ces lieux où le regard de l’automobiliste et du passant peut être facilement capturé.

 

Toutefois, l’affichage commercial sait aussi se présenter sous des dehors plus avenants que le traditionnel 4 par 3, pour reprendre le jargon du milieu publicitaire. Plus hypocrites, devrait-on préciser. En ville, le panneau tente par exemple de se faire passer pour du mobilier urbain. Les abribus, les sanisettes, et même les poubelles placées par les municipalités, n’ont pu résister à la fièvre mercantile et son ainsi devenus des supports de communication publicitaire. La tentation se fond dans le paysage de tous les jours pour mieux saisir le consommateur potentiel. Car là est le principal souci de l’afficheur : parmi les multitudes de stimuli auxquels est confronté le citadin plongé dans la rue, il faut accrocher son attention sur cet espace visuel particuler dont les éléments ont été conçus pour être facilement mémorisés.

 

Bref, l’affichage publicitaire dessine les contours d’un marché où s’achètent les regards des consommateurs potentiels. Et c’est une véritable industrie qui régit ces icônes post-modernes. Aujourd’hui, chaque panneau s’intègre dans un « réseau », c’est-à-dire dans un produit fini conforme à la demande des annonceurs et construit selon les données statistiques fournies par les études socio-démographiques. Adapté à la multiplication des emplacements, le concept de réseau permet de rationaliser la commercialisation de l’affichage. Tout ce déploiement publicitaire peut ainsi continuer à défigurer les villes sans perdre son efficacité commerciale. D’autant que, désormais, les annonceurs réclament une optimisation des passages devant l’affiche, aussi bien en termes qualitatifs que quantitatifs. Pour cela, les afficheurs privilégient  généralement deux techniques lorsqu’ils implantent leurs panneaux : le « ceinturage » avec des affiches placées autour de l’agglomération, et le « jalonnage » le long des principaux axes de communication routière. Objectif : être vu partout où il y a du trafic. Même bloqué et asphyxié dans les encombrements urbains, tout conducteur peut ainsi réfléchir soigneusement à sa nouvelle acquisition automobile : les affiches savamment disposées sur le bord des grandes artères sont là pour lui rappeler insidieusement qu’il serait peut-être temps de changer de véhicule.

 

Mais tout ce qui a été dit jusque là ne concernait que le panneau lui-même, le support, la pustule sur le tissu urbain. Il ne faut pas oublier que l’efficacité de la persuasion publicitaire dépend aussi du message que l’on veut faire ingurgiter. Une image forte, un texte très court, voilà généralement l’affiche qui marche le mieux. D’ailleurs, si l’on prend la peine d’y regarder de plus près, le panneau publicitaire peut ainsi révéler les artifices perfides dont sont capables les gens du marketing pour fourguer leurs produits. Sur les affiches, l’eau qui fait maigrir pourra croiser d’une semaine à l’autre le lait qui fait grandir, la lessive aux vertus miraculeuses pourra s’effacer devant le yaourt dont les effets intérieurs se voient à l’extérieur. Viendront parfois s’intercaler quelques hommes politiques n’hésitant pas à employer les méthodes des savonnettes pour diffuser leur image ou quelques bribes de convictions. Signe de temps incertains, on peut aussi voir de nos jours des panneaux d’affichage, plus graves et de plus en plus nombreux, dédiés à des campagnes caritatives ou à des causes humanitaires. La recherche de l’émotion quitte alors la sphère des débordements somptuaires pour plonger dans le malheur des hommes. Jusqu’à provoquer la nausée lorsque s’y essaye de manière douteuse un marchand de pulls italiens (malheureusement, j’en fait presque la pub en l’évoquant ici).

 

En cette fin de siècle vouée à la civilisation de la convoitise, l’espace urbain semble avoir abdiqué sous la pression de l’affichage commercial. Mais il est des endroits où la saturation guette. Car ces sempiternelles invitations à la consommation ont de quoi mettre mal à l’aise. A vouloir accrocher l’œil à tout prix, certains publicitaires pourraient être accusés de perpétrer dans certains zones de véritables agressions visuelles. Il suffit pour s’en convaincre de fréquenter l’entrée des grandes agglomération, ces routes bordées par des forêts de panneaux publicitaires.  D’ailleurs, c’est un signe qui ne trompe pas : les zones commerciales ne sont jamais très loin. Les voies de circulation sont jalonnées de telle façon que l’automobiliste se retrouve presque accompagné jusqu’aux hypermarchés et autres points de distribution. L’effort pour attirer le chaland y paraît démesuré.

 

Certains afficheurs semblent l’avoir compris et ont profité de la montée des critiques écologistes pour restaurer leur respectabilité en retirant quelques milliers de panneaux. Mais cette stratégie, que les professionnels évoquent sous le terme de « dédensification », n’a pas pour principal souci le respect du cadre de vie urbain. Loin de là ! Lorsqu’on les interroge, les afficheurs reconnaissent que cela correspond à une « politique de qualité » visant à améliorer le produit offert aux annonceurs. En réduisant le nombre de panneaux sur un même emplacement, en démontant les panneaux vieillissants ou de faible qualité, le ménage effectué permet en fait d’augmenter la valeur du parc d’affichage, et donc le profit que l’on peut en retirer. Cette prétendue bonne volonté sert en plus d’argument fallacieux aux afficheurs lorsqu’on essaye de les accuser de polluer visuellement les paysages urbains. Michel Boutinard-Rouelle, PDG d’Avenir, l’avouait d’ailleurs : « En élaguant volontairement un certain nombre de panneaux, les afficheurs tentent de préserver des positions menacées par l’application d’un règlement plus restrictif ».

 

 « Evolution trompeuse que ces démontages en série ! », pourraient également ajouter les rares apôtres de la critique publiphobe. Ceux, précisément, qui auraient remarqué que, désormais, presque tout dans les villes devient un espace publicitaire potentiel. L’affichage a diversifié ses formats pour occuper une multitude de lieux publics. De petits panneaux envahissent maintenant les vitrines des commerçants. Les hommes-sandwichs ont pratiquement disparu mais ont été remplacés par des petits camions qui polluent un peu plus l’air pour simplement faire circuler le panneau publicitaire double face qu’ils transportent à l’arrière. De quoi en tout cas se demander jusqu’où pourraient aller les publicitaires pour entretenir le désir du consommateur ? Pour l’âme des villes, il est déjà trop tard : les panneaux publicitaires symbolisent leur absorption par la sphère marchande.

 

Y.R.


VIVE LA RECESSION !

Il est parfois confortable de se laisser bercer par le discours dominant. Trop confortable ! A en croire les porteurs de la bonne parole économique, les affres de la récession s’éloignent. Et, ô miracle, la prospérité retrouvée nous délivrerait de l’ombre maléfique du chômage et de ses corollaires.

La récession présentait pourtant un intérêt intellectuel évident : elle permettait de remettre en cause les fondements socio-économiques de ce système. Ces fondements néfastes qui, en craquant, devenaient de plus en plus perceptibles. Malheureusement, le discours lénifiant qui s’est établi autour de la reprise économique tend à effacer le nécessaire débat sur les bases de notre société : le travail, la place à accorder aux logiques économiques, l’emprise des activités de production et de consommation…

Toutefois, les apologistes de l’économie post-industrielle ont peut-être tort de se réjouir trop vite. Au moins intuitivement, on sent que les bases de cette reprise annoncée par les experts économiques sont encore fragiles. Au grand regret des industriels, les indices liés à la consommation ne semblent guère afficher de remontée spectaculaire. Et sans la consommation, la mécanique reste grippée.

Voilà un phénomène qui s’avère fort déprimant pour les intérêts économiques dominants, puisque ceux-ci ne peuvent pas admettre que la consommation puisse diminuer. Ils multiplient donc les efforts pour faire retrouver à la population le chemin des délices somptuaires. Au besoin en la culpabilisant par des slogans du type : « Nos emplettes sont nos emplois ! ». Mais rien n’y fait ; la demande a du mal à repartir. Les consommateurs pourtant abreuvés de publicité semblent rechigner à fréquenter d’avantage les magasins.

L’élite politicienne, qui prétendait nous éblouir de ses lumières sur le fonctionnement de l’économie, demeure complètement perplexe face à ce phénomène presque inédit. Les décideurs politiques continuent à s’aveugler pour promettre au peuple des effets miraculeux sur l’emploi. On se souvient également des palabres des experts médiatiques attitrés, se perdant dans une rhétorique oiseuse pour expliquer que la crainte du chômage pèse probablement sur la demande. L’embellie tant annoncée incite à jeter un regard sur les offres d’emploi qui réapparaissent. Les principaux recrutements qui s’effectuent avec la reprise escomptée concernent en fait ce que le monde des affaires appelle prosaïquement la force de vente. Les bataillons de vendeurs et aux commerciaux, astreints à  développer les chiffres d’affaires, sont en effet des rouages essentiels de l’économie de marché : des mercenaires appointés pour fourguer les produits permettant d’assurer la pérennité de cette société de consommation.

Encore un petit effort et ce système stupide sera complètement en crise. Certes, l’incertitude du résultat peut faire peur. D’autant plus que les leçons de l’histoire permettent de garder en mémoire les dérives dans lesquelles ont abouti ces idéologies qui promettaient des lendemains qui chantent. Cette récession, dont la sortie paraît incertaine, pourra peut-être éveiller les consciences. L’apôtre optimiste d’une critique radicale peut ainsi espérer un phénomène de contagion, une véritable révélation collective où il apparaîtrait que cette prospérité économique vantée sur tous les tons ne garantit pas un monde meilleur. Les tourments économiques actuels sapent en effet la confiance dans les milieux décisionnels. Mais on peut aussi craindre qu’une partie croissante de l’électorat ne soit tentée par des solutions autoritaires, acceptant une fois de plus de déposer aveuglement son destin entre les mains d’un pouvoir despotique et démagogue.

Pour l’heure, une grande majorité de la population semple continuer à se satisfaire de ce système, même lorsque les fêlures deviennent flagrantes. Production et consommation demeurent dans les plupart des esprits comme les fondements indépassables des sociétés modernes. Et, malgré la récession, malgré le cortège d’absurdités qu’elle peut dévoiler, beaucoup d’efforts se poursuivront pour maintenir, fût-ce sous perfusion, ce système économique détestable. On peut malheureusement le parier.

 

Y.R.

 

PLAIDOYER POUR UN RETOUR DES QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT DANS LE DEBAT PUBLIC

 

Après la « vague verte » de la fin des années 80, l’intérêt pour l’écologie semble sur le point de s’effacer. Dommage, aurait-on envie de dire, car aborder les questions d’environnement permet de porter l’attention au cœur des mutations socio-économiques. Sous les problèmes environnementaux, dont quelques échos parviennent jusqu’à la scène médiatique, affleurent certaines enjeux qui conditionnement l’avenir de cette civilisation pour le moins critiquable. C’est par exemple l’évolution des modes de consommation et des styles de vie qui pourrait être questionnée à travers la problématique des déchets ménagers. De même, le développement continu des transports routiers, avec son cortège de nuisances, devrait inciter à réfléchir sur l’augmentation des flux et de la demande de mobilité. Et on pourrait encore étendre la perspective. Les paysages mutilés subissent des restructurations qui tendent à spécialiser les espaces pour répondre aux impératifs de développement économique.

 

Chacun de ces problèmes d’environnement peut ainsi paraître comme englobé dans des phénomènes plus vastes. Chacune des interrogations suscitées rejoint un questionnement sur l’évolution du monde industrialisé.

 

Sous des dehors volontaristes, les actions tentées par les pouvoirs publics en faveur de l’environnement apparaissent alors souvent comme un aveu d’impuissance face à des logiques socio-économiques qui dépassent amplement le chétif Ministère de l’Environnement et que l’Etat est d’ailleurs bien en peine de maîtriser. Sous cet angle, les problèmes environnementaux auxquels l’administration prétend parfois s’attaquer, constituent davantage une liste de symptômes dont on peut craindre qu’ils ne cachent des maux plus graves et plus inéluctables. Prenons un exemple particulièrement révélateur. Les mutations dont témoigne l’explosion des transports routiers soulignent de manière de plus en plus évidente l’éclatement des territoires en espaces segmentés, assujettis aux logiques économiques : ici les zones industrielles, là les zones commerciales… Et des zones pavillonnaires péri-urbaines pour cette partie de la main d’œuvre qui essayent de se trouver des conditions de vie acceptables. Résultat de tout cela : un accroissement des distances habitat/travail, une demande croissante de mobilité individuelle, etc. Les transports sont ainsi devenus un élément primordial pour le fonctionnement de cette société post-industrielle. Mais au prix de nuisances de plus en plus insupportables. Pas besoin d’en faire la liste ; il suffit de fréquenter n’importe quelle mégapole pour en avoir un aperçu. La concentration des activités et des réseaux multiples notamment les pressions sur certaines parties du territoire, et la dégradation des paysages n’en est qu’une des conséquences.

 

Ces situations problématiques font de toute intervention ou velléité d’intervention en faveur de l’environnement un lieu de tensions face aux mutations des sociétés industrialisées. A travers l’évocation de thèmes comme les transports routiers ou la protection des paysages réapparaissent ainsi, sous une forme elliptique, des questions aux implications croisées sur la maîtrise de l’urbanisation, l’accroissement incontrôlé des flux économiques, le respect du cadre de vie… Pourtant, c’est une certaine indifférence qui persiste face aux dégradations de plus en plus visibles engendrées par l’action humaine sur les milieux naturels.

 

Les débats provoqués par les problèmes d’environnement pourraient donc permettre d’introduire sur la scène publique un paradigme contribuant implicitement à questionner le modèle de société dominant. Les préoccupations écologistes sous-tendent en effet une remise en cause des espérances entrevues dans les divers modèles de société d’abondance. Le souci sincère et désintéressé de l’environnement dans diverses instances de la société pourrait alors traduire une perception embryonnaire des conséquences de la logique du système économique, tel qu’il continue à se développer. Toutefois une action qui prétend par exemple traiter des déchets sans intervenir au cœur du système production-consommation, peut difficilement aller au-delà d’un dispositif venant réparer les dégâts environnementaux. L’étape suivant serait logiquement un achoppement sur cette contradiction fondamentale qui consiste à prétendre éliminer les méfaits de ce système sans le remettre en cause. Mais tout cela n’est pour l’instant qu’utopie.

 

Voilà pourquoi l’écologie mériterait quelques tentatives de réhabilitation, malgré les récupérations mercantiles dont elle a pu faire l’objet et le scepticisme que peut susciter l’évolution des mouvements écologistes sur la scène politique. Pour ne pas risquer de faire disparaître ce faible germe subversif de la scène publique française ! Bien sûr, il faut être conscient de ce qu’une démarche de critique sociale uniquement fondée sur l’environnement peut avoir de partiel. Bien sûr, la monopolisation des thématiques écologistes par des partis tendant à reproduire le comportement de leur aînés peut (et doit) être critiqué. Mais, pour le moment, rares sont les courants de pensée, bénéficiant d’un certain écho, qui osent remettre en cause le modèle productiviste dominant. On peut trouver dommage que l’écologie, dans sa version politique, n’ait été qu’une mode passagère, promptement mise aux oubliettes par tout une rhétorique sur les difficultés économiques. Le développement des revendications écologistes, s’il avait été vigilant face aux manœuvres de récupération et d’annihilation, aurait pu constituer une étape vers une critique plus radicale. A défaut de contestation véhémente et globale du modèle de société dominant, une analyse réflexive par le biais des problèmes d’environnement peut encore  fournir une porte d’entrée, parmi d’autres, pour questionner et remettre en cause les errements de notre civilisation.

 

Y.R.



[1] "July d'abord, en tout honneur; avant 68, militant anti-impérialiste, étudiant communiste comme il se doit, imprégné de psychosociologie, donc de manipulation, il a le sens inné de ce qui "marche", des bons coups à saisir au vol. Il entre au mouvement du 22 mars (alors qu'il n'est plus étudiant et n'a jamais mis les pieds à Nanterre) et en devient vite un des leaders, grâce à ses talents de séducteur, son sens de la magouille... et au manque de perspective de ce regroupement dépassé par les événements... mais qui jouit d'un grand prestige dans le mouvement et les médias (c'est ce qui importe le plus à July).

Alors que le mouvement décline au milieu de l'Été 68 et que d'évidence la Révolution n'aura pas lieu, germe dans son esprit et dans celui de quelques autres dont Alain Gesmar, l'idée de la nécessité d'une "organisation plus ou moins militaire": d'abord "soutien aux luttes du peuple", elle devient la "Gauche Prolétarienne" (La Gépé comme on dit)...

July dirige la GP avec Béni Lévy, ancien dirigeant des jeunesse marxistes léninistes (UJCML), qui se fera appeler Pierre Victor dans ses interviews de Sartre à Libé et pour sa "carrière littéraire future". A la direction, également Alain Gesmar, ex-secrétaire général du syndicat de l'Enseignement Supérieur (SNESUP), lié jadis aussi au 22 mars, et qui sera lui plutôt l'homme public (fasciné et pris en main par July), celui qui paiera les pots cassés par quelques mois de prison...

Pendant cette période de gloire de la GP, July s'illustre par sa conception stalinienne des "procès populaires", par quelques petites séances de "torture" contre un africain (affaire Fofana) accusé à tort d'être un flic infiltré, et par une exaltation de la violence que lui n'assume jamais, au détriment du contenu et du débat politique..."

Citation extraite de "La dérive Libération", Courant Alternatif, décembre 1981. Si le portrait tracé est réaliste, certains points de détails demanderaient vérification.

 

[2] Un des membres de la Tchéka, Latsis, ne déclarait-il pas: "Ne cherchez pas de preuves pour établir que votre prisonnier s'est opposé au pouvoir soviétique en paroles ou en actes. Votre premier devoir est de lui demander à quelle classe il appartient, quelles sont ses origines, quel est son degré d'instruction et quel est son métier. Ce sont ces questions qui doivent décider de son sort. Voilà la signification et l'essence de la Terreur Rouge" (1° novembre 1918). Si ces consignes avaient été appliquées au parti communiste russe lui-même, tout son comité central aurait du être éliminé ! Un peu plus tard, Djerzinski le chef de la Tchéka, proclamait que "la contrainte prolétarienne sous toutes ses formes en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l'homme communiste".

[3] L'action du M.I.L.... comprenait des actions de type "expropriation" comportant le risque de création d'une organisation paramilitaire, ce qu'ils comprirent eux-mêmes ce qui fut une des causes de leur auto dissolution. Plusieurs de ses membres furent emprisonnés et l'un d'eux, Puig Antich, condamné à la peine capitale suite à la mort d'un policier lors de son arrestation. Selon la brochure "Gangsters ou Révolutionnaires" éditée à l'époque par le comité pour la vérité sur les emprisonnés de Barcelone, les inculpés du M.I.L. revendiquaient "le droit de ne pas être considérés comme des gangsters, ni non plus comme de simples antifascistes ou anti-franquistes". En cette période où tout était prétexte à mobilisation, il n'y eut aucun effort de mobilisation ni de la gauche ni des gauchistes, ni même d'explications de leurs positions sauf par quelques individus, alors que les mêmes gauches et gauchistes faisaient se mobiliser des milliers de parisiens en soutien aux nationalistes basques de l'E.T.A.

 

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