THE FIFTH ESTATE:

POURQUOI LES USA ONT DÉTRUIT L’IRAK

 

            A Washington, le 16 janvier 1991 à 18 heures 46, le commandant en chef des forces armées de l’Empire, George Bush, annonçait « La libération du Koweït a commencé ». Et au même moment, à quelques distances, débutait en Irak l’assaut aérien le plus furieux de l’histoire contre une nation qui s’insérait parfaitement dans les combinaisons à grande échelle des Etats-Unis.

Comme par hasard, moins d’une semaine plus tard, les principales compagnies pétrolières, menées par Exxon et Amoco, annonçaient que leurs revenus pour les trois derniers mois de l’année avaient connu une époustouflante augmentation moyenne de 281 % et que leurs profits avaient augmenté de 69 %. Ceci, rapproché de l’information comme quoi l’Arabie Saoudite serait gagnante dans la Guerre du Golfe sur la base d’un taux annuel de 50 billons de $ a confirmé de façon compréhensible l’opinion largement répandue que la Guerre contre l’Irak était une guerre pour le pétrole, ou plus précisément, une guerre pour les profits du pétrole.

De façon plus importante, ce qui est en jeu au Moyen-Orient est le contrôle par les USA du vaste surplus de profits des Etats du Golfe généré par leurs ventes de pétrole brut. Mais ce conflit était aussi nécessaire en tant que guerre pour la guerre, sur laquelle continuerait à s’ériger le militarisme, composante-clé de l’économie US. Ces deux éléments sont inextricablement liés si l’on veut comprendre que pour Washington, compte-tenu de la super-puissance américaine dans la conduite de la guerre, les Etats-Unis doivent donner un accueil favorable à un nouveau monde tripolaire. C’est-à-dire à un monde dans lequel la richesse et le pouvoir sont partagés par le Japon et l’Allemagne tandis que les Etats-Unis tiennent en main les « problèmes » militaires mondiaux.

L’économie en quasi-faillite

Cette reconnaissance par les Etats-Unis d’une nouvelle réalité dans les affaires des nations signifie que le militarisme américain devra être renforcé en vue d’un empire international  du capital, et pas simplement pour son propre empire. S’étant épuisé dans une rivalité de quatre décennies avec le bloc soviétique, les Etats-Unis ont maintenant une économie en quasi faillite où l’industrie et la finance qui ont précédemment fait sa gloire se sont logées dans les économies de ses ennemis de la II° Guerre Mondiale.

Ceux qui commandent le Nouvel Ordre Mondial souhaitent se sortir des rivalités politiques qui ont empoisonné les Etats nations depuis leur commencement et créer un système mondial intégré basé sur le capitalisme industriel et dominé par une élite politique, dans lequel il y ait une place pour toutes les nations et, plus important, dans lequel chaque nation connaît sa place. La vaillance militaire US se pose en garant de cet arrangement.

Ceci est résumé ainsi dans le Sunday Telegraph  de Londres, du 20 janvier 1991, par Sir Peregrine Worsthorne: « ...si la Guerre du Golfe se termine comme elle a commencé, il ne peut y avoir aucun doute sur qui sont maintenant les maîtres -en tout cas pour la génération qui arrive. Nous avons les rayons lasers et ils ne les ont pas. Et le nous dont il est question, ce ne sont pas les Allemands ou les Japonais ou les Russes, mais les Américains ». Ainsi, c’est écrit. Cet Anglais ravi sait que sa nation doit être à la traîne des Yankees si les banques de Londres doivent revoir les investissements du Koweït, de là son enthousiasme.

Ce n’est pas pour suggérer que les Etats-Unis serviront seulement de bandit international que les autres puissances mondiales pourront appeler comme un chien de garde de service. Bien au contraire. Avec leurs ressources énormes, leurs marchés et leur richesse, les Etats-Unis prévoient de continuer à jouer à la superpuissance, même avec une forme économique diminuée, grâce à leur puissance militaire et au fait que le prix du pétrole continuera à être exprimé en pétro-dollars, pas en pétro-yens ou en pétro-marks. En ceci tient la double raison de la guerre dans le Golfe.

Bush, crasse et vénal comme il l’est, n‘aurait pas conduit la nation à la guerre pour les profits de l’Amoco, mais il l’a fait afin de garantir qu’une assez grande portion des profits pétroliers des Etats du Golfe continue à s’investir à Wall Street et que la stabilité internationale du dollar US soit défendue par des êtres liés au pétrole. Il n’y a jamais eu à craindre que le prix du pétrole irakien s’élèverait à un point où il deviendrait trop cher pour être consommé par les nations industrielles.

Qui que ce soit qui vend du pétrole doit le faire à un prix en quelque sorte raisonnable ou bien des mesures conservatives ou des alternatives au fuel réduiront la consommation et ainsi, de toute façon les prix. La crainte était le contrôle disproportionné du pétrole et de ses profits par une puissance hostile aux Etats-Unis, qui pourrait l’utiliser pour négocier sur quoi se règle le cours du pétrole. Une guerre, qui démontre avec fermeté jusqu’où les Etats-Unis iront pour défendre leurs intérêts économiques, donne un avertissement aux autres nations du Moyen-Orient ; de plus le maintien du contrôle américain constitue un moyen de pression dans les tractations de Washington avec ses alliés du Nouvel Ordre Mondial.

Une Guerre pour la Guerre

En plus de ces facteurs cruciaux de la géopolitique du pétrole, le conflit du Golfe est, par beaucoup d’aspects, une guerre pour la guerre.

Un prolongement couronné de succès de ce conflit établira les Etats-Unis comme un Etat fondé sur la guerre, une nation guerrière, conformément à son rôle dans la division internationale du travail intérieure au Nouvel Ordre Mondial. Une victoire même contre une armée de troisième zone du Tiers Monde (incapable de vaincre l’Iran après une guerre de huit ans) est importante pour surpasser ce que l’on a nommé le « Syndrome Vietnamien » : la répugnance des Américains à soutenir des aventures militaires au-delà des mers, qui n’en finissent pas, qui drainent le trésor national et coûtent de jeunes vies.

Cette attitude est considérée comme un syndrome -tout comme lors d’une maladie- par les dirigeants. Ils comptent que le dégoût pour la guerre sera « guéri » par un triomphalisme militaire  répandu par l’électronique télévisée des ralliés de Nuremberg.

C’est la guerre pour la guerre en ce que son intention est « hiroshimique ». Comme la cité japonaise détruite par la bombe atomique US, l’attaque sur l’Irak concerne moins le conflit immédiat qu’elle n’est un avertissement pour les ennemis futurs et les rivaux potentiels. Tout comme les bombes qui détruisaient Hiroshima et Nagasaki étaient des coups menaçants tirés contre l’Union Soviétique sans grand rapport avec la fin du conflit militaire en cours, la guerre du Golfe concerne moins « l’ agression » que les intentions des Etats-Unis de détruire les fauteurs de trouble qui pourraient protester ou contester leur domination au travers du Nouvel Ordre Mondial.

Spécifiquement, tout comme à Hiroshima, les Etats-Unis ont testé en Irak des systèmes d’armement précédemment inutilisés. Ceci illustre l’armement terrifiant dont dispose l’Empire, excédant de loin celle de toute nation, et, peut être encore plus important, la facilité de l’utiliser sans merci contre n’importe quel ennemi.

C’est une guerre pour la guerre qui maintiendra une dépense massive d’armes comme la pierre d’achoppement de l’économie américaine, alors même que les conséquences désastreuses d’une telle stratégie sont reconnues à peu près universellement. Ce moment émerge ainsi comme un de ceux qui aura une grande signification sur la direction que vont prendre la politique et l’économie des Etats-Unis dans la période à venir.

Le moment d’une ligne de partage

La nécessité d’une telle décision est apparue durant le moment d’accalmie se situant entre l’écroulement du bloc Soviétique fin 1989, en tant que rival des Etats-Unis, et l’hypothèse d’hostilités contre l’Irak. Ce moment fut celui de la mise en place d’une ligne de partage, similaire à ce qui a suivi la II° Guerre Mondiale quand les Etats-Unis ont été confrontés à une autre perspective de se retrouver sans ennemis pour justifier leur économie de la période de guerre.

Alors, comme aujourd’hui, la classe dirigeante américaine savait que la transformation en une économie de guerre permanente était une nécessité. Les Etats-Unis n’avaient été capables d’échapper à la dépression des années 30 qu’au travers des dépenses d’Etat pour la guerre suivant l’attaque japonaise de 1941 et une grande peur se dessinait parmi l’élite d’un glissement vers une autre dépression si la production de guerre cessait. Ils savaient aussi que l’économie de guerre permanente nécessitait un ennemi permanent.

L’Union Soviétique était parfaitement appropriée à cela. Occupant un large terrain, dirigée par un dictateur brutal et ayant des troupes occupant toute l’Europe de l’Est, la transformation de l’allié du temps de guerre en adversaire du temps de paix fut aisément accomplie. Il importait peu que l’Union Soviétique ne désire, ni n’ai la capacité de se confronter aux Etats-Unis avant bien longtemps, mais ce qui comptait était que les machines de guerre alimentaient à nouveau l’économie américaine.

Toute la guerre froide, tout comme la « menace » irakienne, était un mythe propagé par les médias, généré politiquement, qui servait les besoins immédiats de l’économie et les aspirations de politiciens opportunistes.

Les plans, attribués aux soviétiques par les Etats-Unis, pour un expansionnisme global, étaient en fait un masque pour les intentions américaines de même nature et l’établissement des Etats-Unis eux-mêmes comme la superpuissance dominante du monde. Virtuellement détruite par les cinq années de guerre qu’elle avait menées et gagnées contre les nazis, l’Union Soviétique ne désirait que l’aide occidentale pour sa reconstruction et une reconnaissance, par ses alliés de la guerre, de sa sphère d’intérêt en Europe orientale.

L’Union Soviétique n’avait, tout simplement, ni la volonté ni la capacité de menacer les Etats-Unis ou l’Europe occidentale, mais au début des années 50 les Américains avaient été travaillés par une hystérie anti-communiste, et une population terrifiée était préparée à une attaque nucléaire imminente des Russes par des exercices de raids aériens et des séances de mise à couvert (duck and cover).

En réalité, à cette époque, les Soviétiques n’avaient qu’une vingtaine d’armes nucléaires dans leur arsenal et à proprement parler aucun système pour les convoyer ; alors qu’à cette même époque les Etats-Unis possédaient 1000 bombes atomiques et une flotte de bombardiers capable de pénétrer jusqu’au cœur du territoire soviétique. C’était l’armée américaine qui avait des stratégies  pour un affrontement nucléaire contre les Soviétiques sur les tableaux de planning de la salle de guerre du Pentagone, tandis que les Russes vivaient sous la terreur d’une attaque US qu’ils savaient être incapables de prévenir.

La Guerre Froide en tant que Supercherie

Aussi, avec l’arrivée de la glasnost et l’ouverture des archives soviétiques, des documents ont confirmé ce que les critiques de la Guerre Froide dénonçaient depuis le commencement, que les russes n’avaient jamais envisagé, pour ne pas parler de planifier, une invasion de l’Europe occidentale, et que les Etats-Unis le savaient. Ainsi, la Guerre Froide fut une supercherie préméditée dont le seul but fut de justifier un transfert massif de fonds publiques à une économie de guerre permanente, une guerre qui entraîna peu de dissension de la part d’un public ressentant un risque venant d’un ennemi étranger démoniaque.

Pour se conforter, une fois que l’ersatz de bataille fut engagé, les Soviétiques, avec leur propre empire à gérer et un désir d’étendre leur influence contre les Etats-Unis, remplirent leur fonction d’ennemi en aidant les mouvements de libération nationale dans le Tiers Monde, dominant l’Europe de l’Est, et finalement, au début des années 60, gagnant la capacité militaire nucléaire et conventionnelle de devenir un rival impérialiste crédible entrant dans le moule qui leur avait été présenté.

L’élévation de Saddam Hussein au statut d’Hitler arriva juste au moment où la réduction du budget militaire et l’idée d’un « dividende de la paix » pour satisfaire les besoins intérieurs étaient sérieusement considérés. La simple fermeture d’un faible pourcentage des bases militaires US dispersées de par le monde, la suppression de quelques systèmes d’armement exotiques et le refus du Congrès d’augmenter le budget militaire de 300 $, avaient suffi à paniquer les militaristes.

La paix était elle sur le point d’éclater ? Même le fait que tous les faits divers mentionnés ci-dessus, tout comme les soi-disant traités de réduction des armes nucléaires ne soient rien d’autre qu’une modernisation de la machine de guerre US, la possibilité d’un défi politique aux colossales dépenses de guerre en temps de paix relative reste ouverte.

Olivier North, écrivant dans un numéro récent du Wall Street Journal, l’exprime de cette manière: « La leçon de Tempête du Désert est qu’il faut restaurer les soutiens monétaires pour les secteurs éliminés du budget de la défense durant ces dernières années. » En plus que de se demander quand l’armement US avait été utilisé de façon défensive pour la dernière fois, on s’étonne que cette voie ait été empruntée à un moment où beaucoup espéraient que le passage à une époque de paix était possible ? Il est reconnu depuis longtemps qu’une économie avec un investissement en armements lourdement disproportionné a des fondations chancelantes, puisque la production de guerre repose sur une utilisation intensive de capital et de haute technologie avec une faible circulation de marchandises exepté en période de conflit militaire.

Hypertension impériale

Le professeur de l’Université de Yale, Paul Kennedy l’exprime dans des termes encore plus forts dans son livre de 1987, The Rise and Fall of the Great Powers, dans lequel il fait la chronique d’une succession-type d’évènements qu’il nomme « hypertension impériale ». Celle-ci s’est produite de façon uniforme à l’intérieur des empires du passé -France, Angleterre, Espagne et autres- quand ils trouvèrent le coût à payer, pour défendre de vastes empires, supérieur à ce que leurs économies pourraient endurer.

Kennedy, un conservateur libéral, fut largement lu au sein de l’administration Reagan/Bush lorsque son livre fut publié. Aussi peut-on se demander, si la décision de spéculer à la hausse, avec une stratégie qui a historiquement toujours signifié déclin pour les grandes puissances, est un jeu de fou, le dernier hoquet d’un empire moribond, ou est-ce que les Etats-Unis n’ont pas d’autre choix?

Bien qu’on retrouve des éléments d’un peu tout cela, on peut dire que parmi les choix qui se présentent, les Etats-Unis n’ont guère d’autre option que de continuer à suivre le chemin d’une nation guerrière. Leur capacité industrielle déclinant, la fuite de capitaux, et l’énorme dette intérieure et étrangère, font que l’Amérique est incapable de faire beaucoup plus que ce qu’elle fait actuellement.

La classe dirigeante tente de manœuvrer à l’intérieur d’un statut de nation débitrice permanente considérant que les secteurs de l’économie conservant un peu de vie permettront d’effectuer les paiements mensuels, et que de toute façon personne n’osera réclamer le remboursement de sa dette au pays qui protège les intérêts de tous les autres. Tout comme les Etats-Unis oublient la dette de ses sous-vassaux comme l’Egypte, contre un alignement dans la guerre du Golfe, il pourrait être demandé au Japon d’oublier l’endettement US pour des services rendus similaires. Est-ce que cela marchera ?

Il y a au moins des bénéfices à court terme pour une telle stratégie. La capacité industrielle US a baissé depuis 1989, une autre indication du déclin capitaliste. Ceci laisse de la place pour une production de guerre élargie d’autant que tout ce qui a été expédié en Irak doit être remplacé. Les commandes faites aux entreprises pour des machines et autres biens d’équipement durables étaient en hausse durant le dernier trimestre 1990 à cause des commandes de marchandises militaires.

Cependant, une nation capitaliste avec une économie vacillante en ce qui concerne les finances et la production intérieure sera confrontée aux conséquences d’avoir moins de richesses à partager entre le même nombre de personnes, et on peut être assuré que la classe dirigeante n’a aucune intention de rendre cette division équitable. On peut au contraire s’attendre à une stratégie de triage digne d’un champ de bataille pour l’économie, avec au moins un tiers de la population relégué dans une pauvreté permanente, tandis que ce qui reste de la richesse est partagé selon la manière disproportionnée traditionnelle, mais toujours de façon telle qu’un noyau de soutien politique à l’empire soit maintenu au sein des classes ouvrières et moyennes.

L’empire en déclin

Il a été dit que les empires en déclin donnent du pain et des jeux en guise de diversion à la population pour les détourner de la démoralisation interne, mais par le temps présent, le pain devenant de plus en plus rare pour beaucoup, il n’y aura bientôt plus que le cirque des guerres télévisées. Vu de Détroit, ceci devient évident quand Général Motor et Ford annoncent leur plus grosse perte trimestrielle de l’histoire et où Général Motor prévoit la fermeture de neuf usines d’automobile, laissant sur le carreau des dizaines de milliers de travailleurs. Où, quand à Détroit, un matin de février, 3000 personnes font la queue devant l’armée du salut par un froid de loup, attendant des paniers de nourriture, on sait qu’il n’y aura pas de place pour le pauvre dans le Nouvel Ordre Mondial à part, et encore, celle d’assisté.

Ce processus commença sérieusement avec la décennie de Reagan bien que le niveau de vie de la classe ouvrière ait été érodé dés le milieu des années 70. La cupidité et la corruption sans limites des jeunes professionnels urbains (yuppies) se sont déchaînées dans les années 80,  aggravant la situation: les Etats-Unis étaient une nation débitrice, croulant sous les scandales, son système bancaire près de l’écroulement, les prix de la propriété immobilière dégringolant et la production déclinant.

De toute façon, au milieu des décombres, le secteur le plus riche de la population prévoit d’accroître sa richesse au frais de la classe ouvrière et des pauvres. On peut presque tracer point par point le pourcentage de pillage de richesse, des pauvres par les riches, si on examine les statistiques des avancées et déclins de chacune des classes. Le fait est que les 10 % les plus favorisés sont les seuls à s’enrichir au point qu’ils sont principalement préoccupés par la fuite de richesse vers des porteurs d’obligations étrangers.

Aussi, alors que la spéculation financière remplace les investissements intérieurs et que des industries entières quittent les cités industrielles du Nord-Est et du centre pour le Mexique et l’Asie, ramenant une classe ouvrière jadis relativement prospère à un Etat de pénurie. Ceci a produit une vague de criminalité sans précédent, une montée en flèche du chômage, une détérioration physique des villes dans lesquelles des milliers de mendiants et de sans abris sont un fait permanent, et un sens du désespoir par rapport à ce qu’augure le futur. Même l’espérance de vie aux Etats-Unis s’est effondrée continuellement durant les quatre dernières années, le SIDA et d’autres maladies liées à la pauvreté sonnant un glas sinistre.

De fait, la distribution des revenus est lourdement biaisée, d’abord par des considérations raciales, les 20 % au sommet des ménages américains ayant vu leur richesse augmenter de 14 % dans les années 80, alors que ceux des 80 % en dessous (gagnant mois de 46.600 $, soit environ 300 KF) stagnaient. Ces chiffres cependant masquent un accroissement de la pauvreté des familles au plus bas échelon, qu’on peut mieux percevoir d’après les chiffres représentant le revenu net des ménages. 29 % de ménages noirs ne déclarent aucune richesse, ce qui veut dire qu’ils ne possèdent rien. De plus les ménages blancs auraient un revenu net moyen de 43.280 $ (260 KF), un chiffre représentant dix fois la moyenne des familles noires et hispaniques dont le revenu net est estimé respectivement à 4.170 $ (25 KF) et 5.520 $ (31 KF). Même ces chiffres du Bureau Général des Comptes gouvernemental sont trompeurs, étant donné qu’une enquête de la Commission de la Réserve Fédérale suggère que le 1 % le plus aisé des ménages américains se partage le tiers de la richesse.

Au moment où j’écris, la fumée de la bataille se dissipe au-dessus du Golfe Persique, mais c’est tout juste, les puits de pétrole Koweïtiens brûlent sans que rien ne s’y oppose. Alors que les décombres créés par la machine de la grande guerre impériale restent exposés, l’image de l’Etat comme grand destructeur est en train de laisser la place à une autre phase du cycle capitaliste: la reconstruction.

Les corporations américaines et internationales bavent à la perspective des contrats de multi-billions de dollars pour réparer les dommages de guerre infligés au Koweït par l’Irak et les Etats-Unis. Les éternels profiteurs de guerre, comme Général Motor et Bechtel, le géant de la construction, avec de nombreuses autres compagnies, vont tirer des profits colossaux suite à la guerre.

Une rubrique des Affaires, délirante de gaieté, du New York Times du 3 mars 1991, chantait victoire dans son titre, « Le Gros Butin du Marché de la Guerre », prédisant « du pétrole bon marché dans les années à venir » et « une fin plus rapide à la récession ».

Le jeu politique de Bush dans le Golfe Persique peut être payant pour lui et pour la politique sociale qu’il souhaite voir en découler. Il reste à voir si l’affirmation de Lincoln déclarant que tous les gens ne peuvent pas se faire berner tout le temps se vérifiera dans la période à venir. Pour ceux de nous qui sont extérieurs à leur sale consensus du triomphalisme guerrier, il n’a jamais été aussi impératif de maintenir nos projets et nos communautés basés sur la résistance au Nouvel Ordre Mondial.

Traduit de Fifth Estate (P.O. Box 02548, Detroit, MI 48202, USA), printemps 1991.

     

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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