ANTISEMISTISME ET POGROME DE BEYROUTH a été écrit pendant le mois d'août 1982. Ce texte ne parle donc pas du pogrome de type strictement XIXème siècle perpétré le 18 septembre 1982 dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila. Le quartier de Beyrouth Ouest ayant été évacué par la plupart des combattants palestiniens le 21 août de cette même année, ce sont surtout des femmes, des enfants et des vieillards qui se sont fait massacrer par des membres des milices chrétiennes libanaises sous l’œil bienveillant de l'armée d'occupation israélienne, laquelle avait même permis aux tueurs chrétiens de pénétrer dans les camps. Précédant cette horreur, l'Etat d'Israël avait fait subir des bombardements quotidiens aux populations du Sud-Liban et du secteur Ouest de Beyrouth. A titre d'exemple, le 1er août 1982, la population de ce quartier a été] bombardée pendant 11 heures. Pendant cette seule journée l'armée israélienne a utilisé plus de bombes et d'obus que pendant toute la guerre israélo-arabe d'octobre 1973.

 

A l'annonce des massacres de septembre, une manifestation du mouvement israélien par LA PAIX MAINTENANT était organisée devant le domicile du premier ministre, aux cris de BEGIN TERRORISTE, BEGIN ASSASSIN, BEYROUTH = DEIR YASSIN 1982. Ces cris rappelaient que les massacres qui venaient de se dérouler n'étaient que la continuation de ce qu'avaient enduré les populations de cette partie du Moyen-Orient depuis la création de l'Etat d'Israël. Rappelons que dans cette création, les USA et l'URSS voyaient un moyen de renforcer leur implantation aux dépens de l'Angleterre, jusque là principale puissance coloniale de la région, qui occupait la Palestine. Quant au mouvement sioniste, il trouvait là l'occasion de réaliser son programme d'établissement d'un Etat national juif. La création officielle d'Israël fut avalisée par une résolution des Nations Unis du 27 novembre 1947, partageant le territoire de Palestine. L'Etat juif devait recevoir 54 % du territoire, dont les terres les plus fertiles. Les juifs n'en possédaient alors que 6 % ! Il leur fallait dés lors, par la guerre ou tout autre moyen, occuper les régions qui leur étaient attribuées, en chasser les populations. L'armée secrète israélienne, la Haganah, très bien armée, guerroyait, pourchassant les soldats britanniques, et la petite armée arabo-palestinienne rapidement constituée en Galilée. Elle s'attaquait aussi aux villageois armés d'antiques fusils ou carabines, animés du seul désir de protéger leur terre.

 

 

 Les deux groupes dissidents l'Irgoun et Stern semaient la terreur, le "meilleur" moyen de faire fuir les populations arabes aux abois. Parmi leurs dirigeants, deux devaient s'illustrer dans l'histoire récente d'Israël, Menahem Begin, l'homme de la guerre au Liban, et Yitzhak Shamir, le premier ministre actuel. A leur actif, de nombreux attentats contre les forces anglaises, et surtout de véritables "pogromes" organisés contre la population palestinienne pour NETTOYER LE PAYS DE SES HABITANTS ARABES, selon l'expression de Begin. L'exemple le plus terrible reste celui de Deir Yassin, petit village arabe proche de la Jérusalem moderne, le 9 avril l948, où 300 personnes, civils sans armes, vieillards, femmes, enfants, furent assassinés à la grenade et au couteau par une troupe de l'Irgoun parfaitement en main. De plus, afin que l'effet soit encore plus signifiant pour la population palestinienne, les quelques survivants furent placés dans trois camions et "promenés" dans les rues de Jérusalem. Sorte de butin à l'antique de cette "victoire" sans laquelle il n'y aurait pas eu d'Etat d'Israël, si l'on en croit Begin lui-même.

 

  Depuis cette époque, Israël continue à justifier sa politique d'Etat en s'abritant derrière le martyre qu'ont dû subir les populations juives d'Europe. Les massacres du passé sont utilisés par cet Etat pour que le silence soit fait sur les multiples exactions commises dans le monde par ses services secrets. Et, à l'intérieur des territoires occupés par son armée, celle-ci tue régulièrement lors de manifestations, sans que tout cela soulève l'indignation produite par les crimes de dictatures exotiques ou de l'Etat Sud-Africain. Il a fallu qu'au cours de cette année 1988 soit systématisée à Gaza et en Cisjordanie la politique israélienne d'arrestation, de matraquage, et souvent de mutilation (membres volontairement brisés) et d'assassinat de jeunes palestiniens pour voir poindre quelques timides réprobations.

  Cette situation a sans doute été pour beaucoup dans notre décision de rééditer le témoignage de Fredy Perlman. Deux annexes ont été ajoutées par rapport à la précédente édition :

  - Un texte sur le processus de colonisation de la Palestine, extrait du journal d'extrème-gauche Combat Communiste (N°120, 20 fév.-20 avril 1988). Celui-ci est reproduit en fonction de son contenu informatif, indépendamment de l'opinion que nous pouvons avoir sur la publication dont il provient.

  - Une série d'informations tirées du périodique israélien "The Other Israël"*, sur les mouvements de protestation contre la guerre et la répression à l'intérieur du territoire israélien. Cette publication constitue actuellement la source essentielle d'informations sur la situation israélienne et sa contestation. Nous ne souscrivons pas pour autant à la globalité de son contenu, en particulier à son absence de critique de l'OLP. Il est clair que pour nous l'OLP est une structure nationaliste et étatique qui n'a rien à envier à l'Etat israélien en matière de répression et de négation de l'être humain. Il ne serait pas superflu de disposer de témoignage possédant les qualités humaines de celui de Fredy Perlman pour mieux faire saisir en quoi les populations du Moyen Orient ne sont pas soumises à un seul ennemi, l'Etat d'Israël, mais tout autant au nationalisme arabe (y compris dans sa version palestinienne), à l'abrutissement islamique,...

 

 

* Le 15 avril 1988 l'éditeur de ce périodique a été arrêté et est encore détenu dans une prison militaire. Il est accusé d'avoir peint des slogans contre le service militaire dans les territoires occupés.

 

 


 

CHRONIQUE DES MANIFESTATIONS DE PROTESTATION

    ( The   Other   Israël ,  mars-avril   1988  ,  mai - juin   <1988 ) 

 

  Des dizaines de mouvements pour la paix ont vu le jour presque simultanément durant le premier trimestre de 1988. Dans le même temps des mouvements moribonds ont soudainement repris leurs activités de plus belle ; des associations professionnelles qui, auparavant, n'avaient aucune fonction politique, sont devenues politiquement actives ; un nombre impressionnant de gens se sont soudainement politisés. Un cas assez typique est celui du Dr Bernard Hurvitz, vétérinaire à Ramat Hasharon, immigrant d'Afrique du Sud. Indigné d'entendre un jeune soldat déclarer : "Je sympathise avec les blancs d'Afrique du Sud depuis que j'ai fait mon service en Cisjordanie", Hurvitz entreprit une grève de la faim pendant un mois entier !

  Beaucoup de ces nouveaux mouvements s'organisèrent par profession : psychologues, médecins, avocats, enseignants, étudiants, journalistes, scénaristes, acteurs, peintres et sculpteurs, chanteurs, musiciens, écrivains et poètes... Ces groupes s'organisèrent généralement pour publier une pétition collective ; certains n'allèrent pas plus loin, d'autres poursuivirent leur action par des initiatives telles que des rencontres avec des collègues palestiniens.

  D'autres groupes s'organisèrent sur une base locale ou régionale ; ceci est particulièrement vrai en Galilée où Juifs et Arabes vivent souvent dans la promiscuité -une situation qui provoque quelquefois des tensions, mais favorise également le dialogue.

  Un autre groupe se constitua de nouveaux immigrants pour qui la réalité de l'occupation contrastait cruellement avec les rêves qui les amenèrent en Israël ; ils forment le groupe des "Israéliens par Choix".

  De violents affrontements dans les écoles ont poussé des mouvements de jeunesse existants à prendre des positions plus tranchées, et de nouveaux groupes se formèrent. Certains de ces jeunes étaient déjà engagés depuis 1985 dans la lutte contre le mouvement raciste déclaré du rabbin Kahane. D'autres ne s'étaient jamais impliqués politiquement auparavant...

  Une chronique des manifestations de protestation et de solidarité entreprises par ces groupes, manifestations dont voici une sélection, sont disponibles par l'intermédiaire de "L'autre Israel", POB 956, Tel-Aviv.

* 3/2 - Les membres de six kibboutzim organisent des manifestations de protestation contre l'occupation, dans le sud du Néguev. Ils forment une file de plusieurs kilomètres sur l'autoroute Bersheva-Eilat, brandissant de grandes pancartes...

* 5/2 - Au cours d'une manifestation sur la place Dizengoff (Tel-Aviv), les pancartes du "Comité pour combattre l'occupation" sont prises d'assaut par des casseurs scandant des slogans racistes. Les gardes de sécurité municipaux, stationnés à cet endroit pour garder la fontaine, se retournent... contre les manifestants...

 

 

 

 

* 6/2 - Des arabes habitants de Haifa manifestent leur opposition à l'occupation. Des fonctionnaires municipaux et ministériels empêchent les élèves arabes du lycée d'enseignement secondaire de rejoindre la manifestation en obligeant le proviseur de l'école à fermer le portail de l'établissement sous la menace de le licencier. Cependant, lorsque les manifestants passent devant le portail, des centaines d'élèves sont aux fenêtres poussant des cris ; cet évènement devient le point fort de la démonstration...

* 13/2 - 5000 Juifs et Arabes participent à une manifestation à Haifa. Les manifestants marchent de la municipalité jusqu'au port dans un geste voulant symboliser leur bienvenue aux Palestiniens déportés qui s'efforcent de rentrer par bateau...

* 21/2 - Des élèves du "lycée d'enseignement secondaire expérimental" de Jérusalem organisent une manifestation qui attire des élèves d'autres lycées, lesquels quittent leurs écoles durant les cours. Environ 200 élèves manifestent devant les bureaux du Premier Ministre où ils en viennent aux mains avec les supporters belliqueux du raciste Kahane jusqu'au moment où ils sont séparés par la police. Leur porte-parole déclare : "nous sommes ici car nous ne voulons pas manier la matraque et la grenade lacrymogène"...

* 22/2 - Des militants pour la paix organisent une manifestation d'obstruction à l'"Organisation Sioniste de la Maison d'Amérique" à Tel-Aviv. La direction de l'OSMA avait mis à disposition une salle pour une réunion organisée par le célèbre ex-général Rehavam Zeevi, et destinée à légitimer la discussion sur l'idée du "transfert" (=déportation)...

* 27/2 - Une manifestation se déroule à Oum-El-Fahm, l'une des plus grandes villes arabes d'Israël. Les manifestants portent un simulacre de cerceuil pour célébrer le deuil des Palestiniens tués dans les territoires occupés et chantent des slogans contre Rabin et contre le plan Shultz. Des manifestations similaires se déroulent à Tira, Taybeh et Shefaramer...

* 2/3 - La police arrête 27 étudiants de l'Académie des Arts Décoratifs Bezalel qui défilent dans les rues de Jérusalem. Le porte-parole de la police prétend que les étudiants ont reçu la permission d'organiser une procession pour la célébration de la fête de Pourim, mais qu'en brandissant des banderoles où l'on pouvait lire "nous ne devons pas perdre notre humanité" ils avaient outrepassé la permission accordée...

* 3/3 - Création d'un nouveau mouvement de jeunesse pacifiste dont le but est de s'opposer à toute forme de guerre considérée comme un crime contre l'humanité et qui ne reconnaît pas la notion de guerre défensive...

* 5/3 - Une délégation de solidarité du groupe "A bas l'occupation" visite le camp de réfugiés de Kalandiyah, au nord de Jérusalem ; elle est chaleureusement reçue par ses habitants...

* 8/3 - 500 femmes manifestent contre l'occupation dans le centre de Tel-Aviv ; elles brandissent des pancartes qui expriment leur solidarité avec les femmes palestiniennes des territoires occupés (qui participent activement au soulèvement)...

* 17/3-18/3 - Un grand meeting de protestation se tient à l'université de Tel-Aviv à l'initiative du groupe "Pas au-delà". Des Palestiniens et des soldats de réserve témoignent sur les territoires occupés. Un témoin, Mohamed Abou Shaaban, avocat de Gaza, est arrêté dès son retour chez lui et placé en détention administrative pour six mois...

 

* 19/3 - A Tel-Aviv, des médecins israéliens rencontrent des collègues palestiniens pour discuter de la situation dans les territoires occupés. L'ensemble des 80 médecins juifs s'engage à participer à des actions de protestation si l'un des participants venait à être arrêté...

* 27/3 - Des bourses de recherche sont décernées durant une cérémonie à l'Institut d'Etudes Juives Ben Tvzi à Jérusalem. L'un des chercheurs, Amnon Raz, 29 ans, déclare à la tribune : "Je trouve difficile de recevoir une bourse de recherche sur l'histoire d'une minorité persécutée au Moyen-Age alors qu'à quelques kilomètres d'ici, nous nous comportons nous-mêmes brutalement, complètement en contradiction avec les principes qui guident mes recherches. En conséquence, j'ai décidé de faire don du montant de ma bourse au mouvement "A bas l'occupation".

* 8/4-9/4 - Pendant deux jours de suite, les rues environnantes de la résidence du premier ministre Shamir, sont le théâtre de violentes manifestations entre des groupes rivaux. Après les évènements du village de Beita, les colons, soutenus par des membres de l'extrème-droite de la Knesset, réclament des mesures punitives plus sévères contre les villageois. Une contre-manifestation, organisée par "A bas l'occupation" est attaquée par des colons ; la police se place ouvertement du côté des colons et arrête six manifestants pacifistes. Cependant, dès le lendemain, les manifestants reviennent en force...

* 16/4 - Des membres de "A bas l'occupation se rendent au centre de détention de Dachariyah, en Cisjordanie, pour protester contre les détentions massives d'habitants palestiniens. Ils manifestent devant un barrage de l'armée où ils sont stoppés par les soldats. L'un des participants est le célèbre Noam Chomsky, en visite en Israël...

* 19/4 - Une "semaine de la poésie" qui devait se dérouler dans le cadre des célébrations du quarantième anniversaire de la création d'Israël, est annulée après que deux figures centrales du comité d'organisation (Nathan Zach et Nissim Calderon) se déclarent dans l'impossibilité d'en continuer les préparatifs au moment où la répression s'abat sur les territoires occupés...

* 1/5 - Le capitaine de réserve Gedeon Eshet est emprisonné pour avoir refusé de faire son service militaire dans les territoires occupés, portant à 20 le nombre de soldats emprisonnés depuis le début du soulèvement palestinien...

* 8/5 - La police de Haïfa annonce qu'elle va procéder à une enquête afin de retrouver les auteurs d'un tract appelant les soldats à se mutiner contre le service militaire dans les territoires occupés. Selon la police, ces tracts signés par une organisation inconnue, ont été distribués dans les environs de Haïfa.

 

 

 

 

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