INTERROGATIONS DÉCEMBRE 1989
PETITE ANALYSE DE LA
DIFFERENCE ... OU LE FEMINISME ET POURQUOI S'EN DEBARRASSER.
suivi
de Une critique du primitivisme (1989)
..."
J'objecte à être enrôlée dans l'armée des femmes en lutte du seul fait
d'un hasard biologique."
Annie Lebrun, "Lâchez-tout".
J'écris à la première personne, et ce n'est ni au nom des femmes ni
d'un "isme" quelconque que
j'ai entrepris cette réflexion. Si l'éducation que j'ai reçue, et qui a reposé
sur ce qui était dans les années 5O-6O les bases de l'éducation des filles
n'a pas réussi à me fondre dans un moule féminin conventionnel, elle a malgré
tout influencé ma personnalité. Je n'écris pas ce texte en tant que femme. La
nature m'a fait naître de sexe féminin et je n'en tire ni gloire ni dépit.
Parmi mes remises en cause du monde et mes rejets ne figure pas cette féminité
naturelle, biologique, mais c'est le féminisme ainsi que l'image truquée
de la femme qu'il renvoie, que je remets en
question. Quels rôles jouent l'inné et l'acquis dans la condition et le
comportement féminins ? On a beaucoup entendu dire "on ne naît pas femme,
on le devient". Comment le devient-on? Y a t-il beaucoup d'individus de ce
sexe qui se soient souciées de ne pas le devenir?
D'ailleurs est-ce une tare d'être
une femme ou la tare ne vient-elle pas justement de ce devenir qui sous entend
une participation non négligeable de l'environnement sur la
"fabrication" de la féminité, en particulier le rôle joué par la
femme elle-même dans la reproduction des schémas dominants au travers de l'éducation
donnée aux enfants.
Parmi les réflexions sur la condition féminine il manque une question
fondamentale qui peut se formuler ainsi " la misère de la condition féminine
réside-t-elle dans le fait d'être femme ou bien n'est-elle qu'une des
situations de la misère humaine engendrée par la société dans laquelle
hommes et femmes se débattent au quotidien ?"
C'est sans amalgame qu'il faut envisager la condition féminine ou plutôt
les conditions féminines. Celles-ci sont différentes selon les époques considérées,
selon le type de société (primitive ou civilisée) patriarcale ou non, selon
la religion, les contraintes climatiques, géographiques, économiques et
surtout selon le degré d'intégration
des valeurs de ces sociétés par les femmes elles-mêmes. La femme fut considérée
différemment dans l'Occident médiéval et
à la même époque en Orient. Ces différences existent encore aujourd'hui (cf.
encadré page suivante) et il est difficile de comparer objectivement la
condition de la femme d'une tribu Africaine
à celle de la femme dans les pays islamiques
ou dans nos sociétés "libérales avancées" où un certain
type de femmes se fraye un chemin, "la femme aux dents longues"
rivalisant avec l'homme sur le
terrain inhumain du capitalisme épanoui.
INFLUENCE
DE L'HISTOIRE
Beaucoup
de clichés et beaucoup d'idées reçues se
sont répercutées sur l'image de la femme. Que retenir de tout ce qui a
été écrit, dit et/ou inventé sur la condition de la femme, sa symbolique,
son émancipation ou son aliénation ?
En ce qui concerne celle-ci le phénomène est complexe et ne peut pas se
résumer à écrire que de tous temps la femme fut opprimée
par l'homme en passant sous silence l'oppression globale.
Dans les sociétés judéo-chrétiennes (et les sociétés islamiques qui
en découlent ) on retrouve intimement liés le dogmatisme religieux et ses conséquences
pratiques dans le développement des sociétés patriarcales ayant eu pour
corollaire de mettre les femmes dans une position de dominées. Comme
l'Histoire écrite est presque exclusivement celle de ces sociétés
considérées comme le fondement de nos civilisations, nos racines en quelque
sorte, il est presque impossible d'apprécier la place faite aux femmes dans
d'autres cultures. Certaines périodes, d'autres mœurs
ou ethnies sont laissés dans l'ombre.
Pourtant la femme n'a pas
seulement existé dans des sociétés oppressives et quelques documents laissent
penser que dans les sociétés celtiques la femme a tenu un rôle qui
contraste avec celui où elle fut confinée dans les sociétes de type Gréco-Romain.
N'ayant pas vocation d'historienne ou qualité de
romancière je ne développerai pas une
grande fresque sur "l'Image de la Femme à travers les Siècles", je
citerai seulement quelques exemples se limitant à la France médiévale.
Jusqu'au XIV° siècle la femme semble jouir de droits qui sont les mêmes
que ceux accordés aux hommes . Ce sont des droits de regard sur ses biens, sur
l'éducation des enfants, sur le choix d'un compagnon, tous droits en rapport
avec la vie quotidienne ....
Au début du XIV° siècle les représentants de la bourgeoisie des
villes, notamment des villes commerçantes du midi, redécouvrent le Droit
Romain. Celui-ci est en complète contradiction avec le Droit Coutumier qui régissait
alors les rapports entre les gens, hommes ou femmes.
Le Droit Romain a été repris avec enthousiasme
par tous ceux qui y voyaient un instrument de centralisation et d'autorité.
Or ce droit qui se ressent de ses origines impérialistes et colonialistes,
n'est favorable ni à la femme ni
à l'enfant. C'est le droit du Père (Pater Familias), propriétaire, chef de
famille au pouvoir sans limites sur
sa famille. C'est donc sous l'influence de cette renaissance du Droit Romain et
de la puissance grandissante du pouvoir de l'Etat que va se restreindre la
liberté de la femme. Cette restriction est illustrée notamment par les lois
qui vont dès lors régir le
mariage. On voit apparaître dans
la seconde moitié du XVI ° siècle la
nécessité du consentement des parents au mariage de leur progéniture, de même
que la sanction de l'Eglise devient indispensable. Environ 50 ans plus tard la
femme se verra contrainte à prendre obligatoirement le nom de son époux.
L'influence du Droit Romain est si forte que l'on voit l'âge de la majorité
(12 ans pour les filles, 14 ans pour les garçons) ramené à 25 ans, âge de la
majorité fixé dans la Rome
antique. Tout ceci s'accompagne pour la femme d'une perte de certains droits
civiques et du droit de gestion de son "patrimoine". Sans faire
l'apologie de ces droits que je rejette par ailleurs, on peut noter que
l'influence du Droit Romain a
confiné la femme dans ce qui a été de tous temps il faut bien le constater
son domaine privilégié : le soin de la maison et l'éducation des enfants.
Celle-ci lui sera enlevée d'ailleurs quelques siècles plus tard par le code
Napoléon, achevant par là de mettre la femme du XIX° siècle en complète dépendance,
sans aucun droit ni rôle légaux. Il est à noter que l'éducation des enfants
était aux temps féodaux conjointement assumée par la communauté familiale.
La famille d'alors était conçue
dans un sens large et l'éducation était réalisée au sein d'une communauté
au lieu d'être le simple reflet d'une cellule père-mère, mais ceci est une
autre histoire .
Les exemples ne manquent pas qui attestent de la dégradation de la place
tenue par la femme entre les coutumes féodales et le triomphe d'une législation
à la Romaine dont nos lois sont toujours imprégnées.
La réaction qui a vu le jour avec le féminisme est fort décevante car
la femme éperdue de satisfaction d'avoir approché puis pénétré le monde réservé
aux hommes demeure inapte à apporter à ce monde un bouleversement quelconque
car non seulement elle a intégré les valeurs dominantes et comme l'homme
contribue à les reproduire mais peu à peu elle perd son identité pour se
fondre dans un moule asexué conforme à une nouvelle normalisation.
LE
FEMINISME CARCAN IDEOLOGIQUE.
Les luttes féministes de libération sont aux femmes ce que les luttes
de libération nationale sont aux régions. C'est lutter
pour prendre une part de pouvoir et se l'approprier. Seul le nom ou le
genre du maître change. Les féministes de ces dernières décennies ont
extrapolé à partir de leurs propres frustrations de pouvoir des frustrations
universelles et pratiquement intemporelles, amalgamant sans vergogne maternité,
lactation, salaires trop bas, femmes-objets, objets de femmes, hommes à
abattre, tiers monde et excision, j'en passe... Ces néoféministes se sont
mises à réclamer un pouvoir
illusoire dont on les aurait jusqu'alors privé au nom d'une différence entre
les sexes qu'elles-mêmes exacerbent, forgeant au feu de l'oppression de l'homme
sur la femme un outil idéologique qu'elles utilisent à leur profit. Alourdies
de la contradiction provenant d'une revendication d'une spécificité féminine
en même temps que de sa négation et de sa condamnation, les théories féministes
se sont bâties tout à la fois sur le rejet de l'homme, sur le malheur ou,
selon les besoins, la grandeur de la Femme. Désireuses d'effacer la différence
entre les sexes elles ont au contraire établi un monde scindé en deux blocs
rivaux, la femme et l'homme, oublieuses de la nature bisexuée de l'humanité.
Empêtrées dans une version femelle de l'insoluble problème "Etre ou ne
pas être" certaines théoriciennes, romancières en mal de prose, avocates
en mal de presse ont pondu des pétitions, des manifestes et publié
d'indigestes pavés coupant net tout élan à une possible révolte. Ramenant la
lutte à un discours teinté de freudisme, de marxisme, d'existentialisme elles
lui ont fait perdre la vigueur qu'elle avait acquise à la fin du XIXème siècle
quand la révolte des femmes puisait sa sève aux sein même des luttes
sociales, où elles luttaient aussi pour abolir la différence théorique
qui investissait les hommes d'un pouvoir réel sur les femmes à cette époque
; le pouvoir bourgeois enfermant
les plus fortunées dans un statut d'objet décoratif et reproducteur et les
autres dans une vie d'esclave assumant les travaux domestiques et participant
peu ou prou au travail pour l'obtention d'un salaire d'appoint réalisant ainsi
deux journées en une .
Je ne suis guère en accord avec le féminisme narcissique de lesbienne
de Flora Tristan qui entendait militer pour la classe ouvrière et la réhabilitation de la femme, mais je suis en opposition
totale avec le féminisme militant et haineux
du MLF et de ce qui en reste. Quel être humain peut se retrouver dans l'image
de la femme que propose prétentieusement une Simone de Beauvoir ou plus récemment
une Marguerite Duras, dans le féminisme complaisant et niais d'une Xavière
Gauthier ou dans les péroraisons d'Elisabeth Badinter ou de Gisèle Halimi? Que
font-elles pour la "cause des femmes" sinon l'exploiter, en faire des
livres, de l'argent et du pouvoir. Si les néoféministes ont creusé une brèche
dans le machisme c'est pour mieux se frayer un chemin vers le capitalisme
triomphant de cette fin de siècle. L'obtention de la contraception, la légalisation
de l'avortement étaient les moyens nécessaires
pour permettre l'entrée sans entrave de la femme dans le monde du
travail à plein temps. L'idée féministe aurait pu être dangereuse si elle
avait dépassée le stade des revendications de classe. Mais la société
capitaliste a ceci de commun avec les protozoaires, elle phagocyte ce qui la
menace. Ainsi le capitalisme a absorbé la révolte de quelques réfractaires à
la codification sociale et a secrété une
pseudo remise en cause des schémas établis, où les femmes
ont pu canaliser leur mauvaise humeur et où elles ont trouvé une place
de choix dans la reproduction des valeurs sociales dominantes s'appuyant sur une
idéologie libératrice sécurisante. Le féminisme est cette nouvelle valeur
intégrée au système et comme les
nouvelles lessives il lave plus blanc, il est à la mode. A l'aide de la
publicité se construit un nouveau mythe, celui
de la femme avec un grand F, issue toute fraîche du féminisme montant,
combattante, battante et con, dynamique sans puer grâce aux déodorants, ayant
(à défaut du lait) renversé la vapeur et fonçant au volant de son auto vers
quelques réunions d'affaires tandis que son homme avec un petit "h"
teste l'étanchéité des couches culotte du dernier-né. Après la femme
"obscur objet du désir", la publicité pousse en avant les femmes
pressées si accomplies qu'elles en oublient d'être humaines. Les féministes
ont pendant un temps désapprouvé l'utilisation par la publicité du corps de
la femme (sans remettre pour autant en cause la publicité elle-même) et mené
des campagnes contre la femme objet, mais l'utilisation actuelle de la femme
moderne ne fait plus bondir personne ... signe des temps ? Peut-être est-elle
considérée comme un facteur montrant
l'évolution intellectuelle de l'espèce. De la femme enfant du premier Tampax
aux mammies de choc championne du café "à l'ancienne" (?), la
publicité depuis l'avènement de l'industrialisme, use de tous les artifices
d'une psychologie de bazar pour que s'écoule la production de masse (cf. Stuart
Ewen, Consciences sous influence, Editions Aubier-Montaigne).
LA
FEMME DE L'HOMO MODERNICUS
Les
mutations de la société industrielle tout en conservant certains aspects de
l'institution familiale légués par la tradition ont considérablement modifié
l'environnement et le rôle de la famille. L'entrée de la femme dans la vie
professionnelle et les bouleversements provoqués par une telle rupture avec la
tradition constituent les éléments qui définissent la condition de la femme
dans la société moderne.
Dans les luttes sociales du XIX° et du début du XX° siècle les femmes
ont réclamé leur part de misère salariée. A travail égal salaire égal. L'évolution
de la société leur a permis d'accéder à des postes jusqu'alors réservés
aux hommes. Les néoféministes ont particulièrement monté en épingle
l'accession de la Femme aux postes de responsabilités ou aux emplois particulièrement
marqués par leur aspect "mec". C'est davantage la PDGère ou la
chauffeur poids lourds que la coiffeuse ou la caissière qui ont leur faveur.
C'est uniquement aux commandes qu'elles se considèrent réhabilitées. Les
autres femmes, les ouvrières, les ménagères, les "au foyer", toutes
ces pauvres connes "sans conscience", demeurées au ras du bitume
social alors que le féminisme leur faisait la courte échelle de la libération,
celles-là ne sont pas dignes de figurer sur la photo de famille des femmes
modernes, elles sont juste bonnes à être évoquées avec condescendance comme
preuve de l'archaïsme subsistant.
Les "sans salaires" qui sont restées soumises à l'homme n'ont
que ce qu'elles méritent. Et les autres aussi, celles qui travaillent parce
qu'il faut "bouffer" et non pour s'accomplir. Il faut bien des femmes
de ménages, des nurses pour s'occuper des enfants des VRAIES femmes, il faut
bien des standardistes pour prendre leurs commandes téléphoniques "si
pratique, ma chère" quand le temps manque. Ces Bernard Tapie femelles sont
débordées, pressurées, mais fières à défaut d'être heureuses
de leur esclavage tout neuf, de leur bambin tout rose et de leur compte
en banque avec le découvert qui va avec!
La femme a acquis au travers du travail une indépendance de
productrice-consommatrice. Le mouvement féministe contemporain sert à pousser
les femmes à l'accession de ce "bonheur" et les conforte dans une
identité de pacotille qui n'a de valeur qu'à la lumière des échanges
marchands et des rapports de force qu'ils engendrent.
Selon l'expression consacrée les femmes ont voulu
"s'accomplir" et pour ce faire elles ont choisi le travail salarié.
Elles ont voulu égaler et même surpasser l'homme dans ce qu'il a de moins
humain, sa soumission au travail, la sienne et celle qu'il impose aux autres.
Elles semblent parvenues à l'égalité, mais comme il y a des siècles à
rattraper, les femmes mettent les bouchées doubles, elles s'investissent pour
être à la hauteur, elles se doivent d'être conformes à une Image (une fois
de plus) celle justement de la "FEMINISTE" qu'elles prétendent être,
robot à dix bras au cerveau détraqué, où argent, pouvoir, mode, enfants,
politique, réussite sociale, s'agitent comme des hochets au détriment d'autres
valeurs plus apaisantes. La femme nouvelle est arrivée, comme le beaujolais
elle a le goût aigrelet des
produits trop vite fabriqués et trop tôt consommés. Il arrive qu'une lueur de
lucidité se glisse par-ci par-là, et que certaines perçoivent qu'elles se
sont fait piéger ou pour les plus lucides d'entre elles qu'elles se
piégent elles-mêmes. Mais le piége n'est pas exactement celui qu'elles
envisagent. Déguisé sous forme de liberté s'est développé un nouvel
asservissement. Il n'est pas spécifiquement féminin, c'est cela qui leur échappe,
c'est l'asservissement de l'homo modernicus. La femme salariée n'est qu'un des
rouages dont la société a besoin aujourd'hui pour produire et écouler la
marchandise.
LE
FEMINISME...SUPPORT REVOLUTIONNAIRE ?
Pourquoi investir le féminisme d'un pouvoir révolutionnaire qu'il n'a
pas? C'est un mythe aux racines profondes qui puise sa sève au même malentendu
que celui du rôle déterminant du prolétariat dans l' écroulement du
capitalisme.
Au XIX° siècle les théoriciens
du marxisme voyaient un lien irréfutable entre la révolution et le féminisme.
Dans les manuscrits de 1844 Marx définissait "le rapport de l'homme à
l'homme" comme étant le "rapport de l'homme à la femme".
Engels, en particulier dans "
Les origines de la famille de la propriété et de l'Etat" développa la
grande idée de l'oppression de la femme comme origine du système des classes.
Il considérait l'idée que la femme en tant que telle pouvait être le support
non seulement d'une libération pour elle-même mais aussi pour
l"autre". Pour Engels le début de l'antagonisme de classe coïncidait
avec le développement de l'antagonisme homme-femme engendré par la monogamie.
Le résultat de cette analyse est que la femme représente le prolétariat
au sein de la famille. Flora Tristan dira "la femme est serve de condition
et la prolétaire du prolétaire". Cependant Engels n'ira pas jusqu'à
envisager que la femme puisse être pratiquement révolutionnaire puisque sa conception de la lutte des classes passe
uniquement par les rapports de production. Or dans un foyer point de
production... juste une "petite économie domestique" que soulignera Lénine
(sous la pression de Clara Zetkin) prophétisant des temps nouveaux sur l'émancipation
de la femme où "la politique enfin simplifiée permettrait à une cuisinière
de diriger l'Etat". L'Histoire démontra que nul n'est prophète en son
pays.
Face à une conception économiste s'appuyant sur la théorie marxiste de
la notion de classe exploitée, les féministes se posèrent la question de
savoir si oui ou non les femmes constituent elles aussi une classe. Leurs
revendications répondront positivement à cette question . Le mouvement féministe
s'est attaqué directement à l'autorité de l'homme dans son rôle social de père
ou de mari, a dénoncé la famille comme "lieu institutionnel
d'exploitation de la femme", et a proclamé une oppression spécifique
commune à toutes les femmes, le patriarcat les limitant à l'esclavage
domestique.
Après Mai 68 on a vu émerger
un amalgame révélateur, celui des opprimés de tous poils, femmes,
homosexuels, adolescents ne trouvant aucune place réelle dans la théorie révolutionnaire
du moment qui qualifie leur oppression de "secondaire",
priorité étant donné à la lutte ouvrière. On voit apparaitre à
cette époque des groupes de femmes dans tous les secteurs et une certaine
remise en cause de
la
"vérité révolutionnaire". "Nous sommes toutes les prisonnières
de Marx" déclarait la féministe américaine Ti Grace Atkinson ! Je trouve
cocasse de citer les propos de la féministe espagnole (et stalinienne) Lidia
Falcon. "Si après 60 ans de révolution socialiste prolétarienne en URSS
et trente ans en Chine, la femme
continue à être en marge de la société comme dans la société capitaliste
c'est que la première structure qui l'opprime
se maintient. On n'a pas rompu les relations de pouvoir ni les relations de
production qui soumettent et exploitent la femme".
La femme remet en cause sa double relation à l'économie: la production
familiale et de plus en plus la production sociale. C'est de ce point de vue que
les femmes se placent pour considérer que le travail domestique non rémunéré
est un travail productif. "Ce sont les femmes qui sont exclues du marché
d'échange en tant qu'agent économique et non leur production" diront
certaines dans les années 70. Aux USA comme en Europe toutes les voix féministes
s'accordent pour se déclarer appartenir à une classe exploitée. Dans
"Les ouvrières à la maison" les italiennes déclarent "Notre
rapport de lutte avec le capital passe par le salaire du travail
domestique".
Même si certaines femmes comme Ti Grace Atkinson considèrent que
l'explication de l'oppression ne repose pas seulement sur la notion de classe,
leur remise en cause du monde est assez partielle, nombriliste souvent et
exclusivement limitée à la gent féminine. Réclamer un salaire pour accomplir
les tâches domestiques revient à se vendre au sein de la famille et à considérer
que l'argent est le facteur prépondérant dans l'égalité des rapports
humains. Les activités domestiques sont souvent considérées comme
subalternes, serviles dans la mesure où d'autres secteurs sont considérés
comme valorisant. La publicité depuis a cherché à
"revaloriser" les tâches ménagères en les soumettant à une
technicité de plus en plus grande,
au point que même les hommes
peuvent les accomplir ! Le côté valorisant d'une activité repose plus
aujourd'hui sur l'argent qu'on gagne en l'accomplissant,
ou sur la sophistication de l'appareillage que l'on emploie pour la
faire, que sur l'intérêt réel qu'elle présente. Le salariat domestique
rendrait-il plus attrayant les tâches
ménagères si déconsidérées dans l'esprit du temps ? Exemple flagrant du
"miraculeux pouvoir" de l'argent ; les féministes réclamant un
salaire ménager conviennent d'étendre les rapports marchands à la cellule
familiale et participent à la rationalité capitaliste qu'elles prétendaient
mettre en cause.
Malgré ou à cause de toutes ces contradictions, le féminisme a attiré
beaucoup d'intellectuels qui y ont
vu un moyen de se donner bonne conscience en soutenant les "exploitées".
Marcuse par exemple écrivait en 1975 "le socialisme post-industriel c'est-à-dire
le communisme sera féminin ou ne sera pas" (Marxisme et féminisme), on a
pu lire également ceci " C'est grâce au mouvement des femmes que nous les
hommes avons déjà retrouvé certains droits aux sentiments, aux rapports avec
l'enfant, etc... Et ce qui est une défense culturelle peut devenir une lutte
proprement sociale et politique contre le monde des managers, de sous-managers
et d'employés contre cette vie dont on se demande finalement à quoi elle sert
sinon à faire tourner la machine " (Alain Touraine, 1978, dans le Nouvel
Observateur).
Je constate que pareillement
aux hommes, les femmes des années 8O font tourner la machine et finissent par
trouver cela bon. Il y a aujourd'hui bien peu d'opposition
aux valeurs dominantes et les femmes ne sont pas les moins bien intégrées
au système. Des hommes semblent avoir eu vaguement l'espoir que la "libération
de l'homme" viendrait miraculeusement des femmes ou ... des prolétaires
... ou des deux. Hommes, femmes, prolétaires, rien n'est à attendre des seuls
autres et il n'y a pas de spécificité de la pensée féminine. Actuellement la
femme prise dans les rets de la société joue des coudes comme les hommes et/ou
subit comme les hommes l'asservissement à la vie moderne. Elle est dépossédée
de sa vie comme chacun l'est aujourd'hui. Mais en tant que femme elle n'est ni
plus ni moins porteuse "d'un message" que quiconque dans ce triste
monde qui ne changera pas tout seul !
En pratique le
capitalisme a intégré le mouvement des femmes et s'accommode bien des
nouvelles valeurs qui ne reposent plus strictement sur l'opposition
traditionnelle de l'homme-pourvoyeur de l'argent du foyer et la femme-esclave
domestique, mais qui se fondent
davantage sur les luttes d'influence pour occuper une position sociale. Peu
importe le sexe des chefs, seul importe l'antagonisme qui oppose et divise les
êtres et empêche le développement de rapports humains différents.
En 1989 la plupart des femmes ne
luttent plus au nom du féminisme, elles l'accomplissent. Car cette idéologie
est conformiste du point de vue de l'établissement social, la femme loin de se
démarquer de la société semble aspirer à la fonction de
"travailleuse" et trouve son idéal en une imitation de l'homme sans
critique des frustrations et des dangers que cette imitation comporte, parce
qu'en cela la femme sociale est comparable à l'homme social, elle pense en
terme de profit immédiat et de succès individuel.
LA
FEMME VECTEUR DE REPRODUCTION DES VALEURS DOMINANTES
La
femme bien qu'ayant déserté le
foyer pour participer à la production, demeure encore un facteur prépondérant
au sein de la famille en ce qui concerne l'éducation des enfants. Ce secteur
depuis toujours semble avoir été son secteur privilégié. Le fait que
biologiquement la femme assure la fonction "porteuse" de la
reproduction lui confère-t-il un don particulier pour s'occuper de sa progéniture
(ce que l'on nomme l'instinct maternel) ou bien n'est-ce que l'imitation des
gestes que les filles ont vu faire par leur mères et qu'elles ont appris
d'elles depuis la nuit des temps?
Dans tous les cas on peut observer que ce sont les femmes qui le plus
souvent éduquent les enfants. Puisque tel est le cas
on est en droit de se demander pourquoi depuis si longtemps elles ont
contribué à transmettre au travers de cette éducation -par elles dispensée-
les préceptes oppressifs dont elles-mêmes se jugeaient les victimes et dont
elles auraient voulu se débarrasser. Pourquoi avoir élevé leurs garçons différemment
de leurs filles, pourquoi avoir inculqué à celles-ci le respect de l'homme
souverain et à ceux-ci un mépris de l'autre sexe, les conduisant
les uns et les autres à prendre les chemins empruntés par leur père et
leur mère? Peut-être peut-on y voir une inconsciente (?) vengeance du faible
qui reporte sur de plus faibles encore sa frustration d'être
lui-même soumis. Sous le masque du dévouement la femme dont les
aspirations ont été refoulées reporterait-elle sur l'enfant un amour
possessif et destructeur? La parcelle de pouvoir que lui confère l'éducation
des enfants permet
à la femme de façonner la
génération suivante selon les
critères qu'elle même sélectionne et qui le plus souvent sont ceux de la société
dans laquelle elle vit. Ainsi rien ne bouge .
L'environnement et les pratiques sociales jouent un rôle aussi important
que les sécrétions hormonales sur l'expression des caractères et les
comportements mâles ou femelles. C'est à la fois dans la famille et à l'école
que se font peu à peu les distinctions entre les activités
des garçons et des filles . Il faut remarquer que certaines de ces
activités sont presque exclusivement limitées à l'un des deux sexes. Par
contre certaines comme la cuisine, si elles sont plutôt l'apanage féminin au
sein de la famille sont très souvent l'apanage des hommes dans le secteur de la
production. Pourquoi ces subtils distinguos entre maison et monde du travail ?
Dans les anciennes sociétés
" primitives" on peut
imaginer que le bon sens ou l'usage aient entraîné une répartition des tâches
au sein du groupe en fonctions des
"capacités"; les hommes se servant de leur plus grande force physique
ou de leur meilleure résistance pour
chasser ou construire et les femmes s'occupant des enfants, de la fabrication
d'objets domestiques ou de la préparation de la nourriture et des cueillettes.
Ceci ne prend pas du tout en compte un "développement" d'esprit
religieux ou de pratiques sexistes qui ont du voir le jour à un certain moment
de" l'évolution" et que l'on retrouve très fortement enracinées
dans certaines sociétés tribales d'aujourd'hui. Ce qu'il en était
originellement n'est que pure spéculation. De ces supposées pratiques
ancestrales, reposant sur la sagesse et non sur la croyance ou sur la
discrimination des rôles importants ou triviaux, les sociétés civilisées ont
fait des carcans maintenant chacun à sa place
pour que la société se pérennise.
Biologiquement différents, l'homme et la femme ne sont pas équivalents
même s'ils sont élevés exactement selon les même règles. Allaiter au sein
est et restera (on l'espère) une
activité strictement féminine, en rien dégradante, qui forcément entraîne
la femme à prendre une part importante et irremplaçable dans "l'élevage"
du tout petit et qui probablement conditionne ses rapports à l'enfant
En dehors de ces activités spécifiques se rapportant à l'enfantement
et qui sont de ce fait féminines par excellence, aucune distinction ne devrait
empêcher les uns et les autres d'exercer à leur guise, selon leur capacité
dont ils seraient seuls juges, l'ensemble des activités humaines.
Mais dans la société d'êtres atomisés où nous vivons cela est
inconcevable. Il y a des rôles à remplir et des interdits à respecter. C'est
en partie à cause de cela que la femme actuelle (parait-il libérée?)
participant à la vie active, partie intégrante du monde professionnel,
continue à élever les filles sensiblement différemment des garçons. Le vieil
adage " Rentre tes poules je lâche mon coq"
a encore de beaux jours devant lui. A la maison comme au boulot, les
rapports d'autorité confinent les êtres à occuper la place qui leur est
assignée par les besoins sociaux.
MYTHE
ET SYMBOLE FEMININ
De tous temps la femme a engendré le mythe à tout le moins le mystère
de la "féminité". Elle a
incarné selon les époques et le degré de "civilisation" la fertilité,
femme aux hanches épanouies et aux
seins généreux. Cette image de la fécondité, ces divinités matriarcales ont
servi de culte à de très anciennes civilisations d'agriculteurs qui voyaient
dans la fertilité féminine l'image
de la fertilité de la terre. On retrouve actuellement cette symbolique païenne
dans certaines tribus africaines .
Avec le judéo-christianisme l'image de la femme subit un dédoublement.
Elle devient tout d'abord symbole de la tentation et du péché originel ,
responsable de la chute de l'homme
hors du paradis terrestre. Elle est cause de la malédiction divine conduisant
l'homme à gagner son pain à la sueur de son front et elle-même à enfanter
dans la douleur. Voici un mythe qui a la peau dure. Cette femme impure est dans
la religion chrétienne rachetée par l'image de la Vierge mère du Christ par
la volonté du Saint Esprit et bla
bla bla... C'est cette image que la religion catholique montante imposera comme
seule et unique modèle acceptable pour la femme.
La femme n'est pas de ce fait destinée au plaisir, elle a une seule
fonction à remplir (fonction provenant de son impureté , mais il faut s'en
accommoder) la maternité. Là est son salut. Si on analyse cette image on se
rend compte que l'homme qui respectera ces principes
ne devra pas chercher à avoir auprès de sa compagne le plaisir des sens
et surtout ne devra pas le lui inculquer. C'est ce qui a conduit beaucoup
d'hommes au bordel et de femmes frustrées dans leur corps et dans leur tête,
à l'asile. L'image de la femme est le reflet de la société qui la propose,
que ce soit l'image d'une femme terrifiante séductrice et castratrice sortie de
la théorie freudienne du XIX° siècle ou celle de la femme fétichisée à
l'usage des hommes sortie de l'idéologie des mouvements féministes du XX°.
Le rôle de la psychanalyse a été prépondérant dans la formation des
stéréotypes du féminin et du masculin. Freud en théorisant et en
rationalisant certains aspects du comportement de ses contemporaines a contribué
à développer une science de la différence. Recherchant l'abolition des tabous
sexuels, mais en même temps très attaché aux idées traditionnelles de son époque
sur la féminité, il ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre que les
oppositions entre virilité et féminité étaient plus le fait de l'acquis (éducation,
milieu social...) que de l'inné et que ce problème d'opposition entre sexes n'était
qu'un des aspects de l'opposition et de la lutte entre individus. Freud avait
constaté que les femmes qu'il examinait souffraient de leur position d'inférieure
et qu'elles enviaient l'apparente liberté masculine. Beaucoup présentaient des
signes d'hystérie consécutive au refoulement de leurs désirs sexuels.
Freud attribua ces névroses à une
soi-disant "nature féminine". La femme intellectuellement lui
semblait mutilée souffrant de la fameuse absence de phallus dont parait-il
chaque femme déplorerait l'existence causant chez elle dès le plus jeune âge
un "complexe de castration". Toujours selon la théorie freudienne, la
vue des organes sexuels féminins conduirait le petit garçon a une frayeur de
ressembler "à çà", frayeur d'être lui-même castré lui permettant
de surmonter son oedipe et de s'intégrer à la communauté. De son côté la
fille reconnaîtrait la supériorité du mâle, tout en protestant contre sa
propre infériorité. Freud conclu que trois possibilités s'offrent alors aux
filles, la première est de renoncer à la sexualité, la seconde de revendiquer
un pénis et rechercher à pratiquer des activités masculines et la troisième
d'accepter passivement son infériorité féminine. Parvenue à l'âge adulte la
femme s'accomplirait par procuration via son mari et ses fils . Du point de vue
de Freud les femmes qui développent une activité propre sont des névrosées
qui refusent d'accomplir leur féminité !
Cette théorie pseudo-scientifique devient un véritable dogme qui
renforce peu à peu l'emprise des stéréotypes et y confine la femme au rang de
mutilée, créature imparfaite qui est soit soumise et psychopathe, soit libre
et névrosée. Freud et ses successeurs ont étendu le comportement sexuel de
quelques femmes à une époque donnée à l'ensemble des femmes. Cette science
de la différence ramenant tout à la mère génératrice des fantasmes, à la
frustration sexuelle, explique la féminité uniquement par le vécu d'une
situation conflictuelle d'ordre culturel et psychique.
Cette
religion est loin d'être un facteur d'évolution pour les femmes et les a entraînées
dans les eaux troubles du sexe, brouillant du même coup le véritable malaise
humain qui repose sur un manque d'accord fondamental avec les autres et avec la
vie.
Freud et beaucoup d'autres psychanalystes n'ont rien résolu et leurs
discours, comme ceux d'un autre genre des féministes, ne font que renforcer la
conscience ségrégative et trompent les femmes et les hommes sur la réalité
de leur aliénation.
LIBÉRATION
SEXUELLE OU ALIÉNATION?
L'accomplissement sexuel est devenu un cheval de bataille médiatique. Ce
qui semble important surtout c'est la technicité, la performance. La technique
du comment faire bien l'amour s'enseigne dans des manuels illustrés. Les
magazines regorgent de recettes miraculeuses pour combattre le stress et
permettrent aux femmes et hommes pressés d'être tout de même au lit des
"bêtes performantes". La presse du cul contrebalance -d'un point de
vue marchand- la presse du cœur. L'érotisme -bien que ce mot me paraisse peu
convenir à ce qu'on lui fait recouvrir aujourd'hui- est une religion moderne
tout comme l'argent. Les hommes et les femmes parlent de "çà" (pas
toujours ensemble, c'est dommage!). Mais de quoi parle-t-on vraiment?
Le vocabulaire scientifique permet d'aborder la question en spécialistes,
sans fausse pudeur, mais que reste-t-il de la poésie des mots ?
On serait donc sexuellement libres, "débridés". La pilule
autoriserait la fantaisie... Hélas le sida guette et on fait l'amour avec préservatifs
"par sécurité". Alors et la fantaisie promise ? Ne
désespérez pas hommes et femmes, le préservatif fluo à musique ou à
pois sera votre béquille de demain !
La prostitution qui aurait du régresser en période d'euphorie sexuelle
a plus que jamais une fonction sociale auprès des exclus. Le show-biz du sexe
est florissant et l'informatisation a permis le développement d'un secteur
lucratif de messageries X où les frustrés modernes se défoulent
à 3F la minute sans avoir besoin de sortir de chez eux, sans le moindre
contact humain. C'est l'accession à la frustration pour tous, c'est à
la portée de toutes les bourses (sans vilain jeu de mots). La "liberté"
sexuelle est devenue obligatoire. Mais l'amour dans tout cela où peut-il éclore
? Se résume-t-il juste à un acte sexuel techniquement conforme et à quelques
perversions derniers palliatifs à l'insuffisant équilibre dans nos rapports
humains. Notre vie est mécanisée, hypertechnicisée, nous nous réduisons peu
à peu à nos fonctions vitales et le ou la partenaire n'est souvent que l'objet
dont on use à loisirs sans égards à la personne humaine sans faire de
"sentiments".
Est-ce la masculinisation vestimentaire et idéologique de la femme qui a
entraîné parallèlement une "dévirilisation" de l'homme ? On
observe depuis quelques années une augmentation de l'homosexualité et de la
prostitution masculines. Le flou asexué inhérent à la médiocrité des
rapports homme-femme est une des conséquences de l'uniformisation des rôles à
jouer dans cette société misérable où tout n'est que représentation. Chacun
joue à être le reflet de l'image dominante du moment. C'est ce qui fait que
l'homme à la mode est représenté vêtu de couleurs tendres (c'est ce qui se
fabrique et qui se vend). La publicité nous le livre servant un potage
reconstitué (mais à l'ancienne, écologie oblige) à une troupe de minets débiles
en week-end entre "hommes". Il est difficile de taxer ce zombie de
machisme mais que les néoféministes n'en
tirent aucune gloire, il n'est comme elles qu'un sous-produit sans saveur de la
machine d'exploitation de l'humain.
LE
FÉMINISME
ET POURQUOI S'EN DÉBARRASSER
Il n'y a rien dans le féminisme
qui promette un changement radical dans nos conditions de vie. Je constate
banalement que des modifications sont apparues dans la vie des femmes au cours des années passées sous la
pression des "réalités sociales". Je ne nie pas que l'IVG comporte
moins de risques que l'aiguille à tricoter des faiseuses d'anges d'antan. Je ne
nie pas que l'absence de la peur d'être enceinte ait modifié le comportement féminin
vis à vis du rapport sexuel. Mais a-t-on atteint pour autant à la plénitude?
La pauvreté de nos rapports aux autres répond d'elle même négativement à
cette question.
La révolte féministe fut menée par des êtres qui n'aimaient ni les
hommes ni les femmes, elles aimaient le pouvoir. Je ne me réjouis pas des succès
de leurs batailles qui ne me concernent qu'en ce qu'ils pérennisent
l'oppression. N'étant pas démocrate, je considère que le droit de vote
n'a rien apporté de positif ni aux
femmes ni aux hommes. Voulant voir
disparaître le travail salarié je ne peux pas me réjouir d'être obligée
de me vendre et d'engloutir mon énergie et ma vie toute entière dans
cette activité fébrile. Je subis cette attrition mais qu'on ne me force pas en
plus à trouver cela valorisant. N'ayant aucun goût pour le pouvoir je me
soucie peu que des "carrières" me fussent ouvertes et du fait de mon
profond dégoût pour la marchandise et la modernité, le monde d'aujourd'hui ne
présente à mes yeux aucun attrait. J'y découvre chaque jour qu'il n'est pas nécessaire
d'être un homme pour être phallocrate ni d'être une femme pour être brimée.
Chacun de nous subit quotidiennement des brimades. Le phallocratisme au féminin
porte le nom de "cause des femmes" et tant qu'un "isme"
quelconque mettra la "différence" en exergue il y aura antagonisme et
opposition entre les gens.
La violence et la faiblesse sont sans sexe défini. Tant que des
comportements stéréotypés prévaudront sur les comportements naturels il y
aura prédominance du "rôle" sur la "vie". Il n'y a rien à
gagner à s'approprier des valeurs spécifiquement féminines, ni à rejeter à
l'inverse nos spécificités physiologiques comme le MLF le fit en son temps, ni
à les glorifier comme d'autres l'ont fait depuis mélangeant pour leur profit
le sang menstruel à l'encre de leur plume.
On
peut rejeter les clichés, le reflet de la femme que la société projette,
refuser de mépriser notre complément vital l'homme, refuser d'être une
marchandise aux mains des psychiatres, sexiâtres et autres spécialistes des
relations humaines dans une société qui
en est dépourvue.
Nous pouvons faire que l'éducation que nous donnons à nos enfants, si
nous avons fait le choix d'en avoir, dépasse la reproduction des idées reçues
et modifie le tracé de leur futur. Nous pouvons refuser d'être enrôlées dans
l'armée des femmes en lutte au profit de la société actuelle. Mais tous ces
choix et ces refus n'ont rien à voir avec le féminisme qui enferme le monde
dans les contours de sa propre misère. Aujourd'hui hommes et femmes confondus
perpétuent le système qui les divise, tout est en place pour que rien ne
change si nous ne changeons pas nous-mêmes.
Anne, ma sœur Anne de ta tour féministe tu n'as rien fait surgir.
Scrute l'horizon bouché, regarde la rivière polluée, la forêt détruite et
observe la ville pullulant d'une multitude d'hommes et de femmes asservis. Cesse
donc de fixer ton féminin nombril, imagine plutôt les moyens de retrouver un
monde où hommes et femmes complémentaires vivraient des rapports fondés sur
d'autres bases qu'argent, travail, consommation et pouvoir.
"Le
malheur, ce n'est pas le sexe. Le malheur c'est le patron"
C.
Rochefort . La porte du fond.
AIR
, Juillet 89
Nous
reproduisons ci-dessous des extraits d'un texte de Michaël William - The
"Bufe-ooneries" continue - publié dans Demolition Derby. Celui-ci constitue une réponse à un article de
Chaz Bufe, membre de l'organisation anarcho-syndicaliste Workers' Solidarity
Alliance (WSA, section américaine de l'A.I.T.) intitulé "Primitive
Thought" (dans Ideas and Action n°10). Cet article était presque entièrement
consacré à attaquer ceux qui prennent effectivement en compte la destruction
de la terre par le capitalisme industriel (comme nos compagnons de Detroit qui
publient le journal The Fifth Estate)
regroupés sous le label d'antiautoritaires "primitivistes". La
reprise par Michaël William de cette étiquette dans sa critique a donné lieu
à une lettre de l'un d'entre nous que nous reproduisons à la suite des
extraits.
"...Pour la plupart de ceux d'entre nous qui ont rejeté la
civilisation, ceci est moins une question de prendre les populations primitives
comme un modèle précis (bien que nous ayons beaucoup de choses à en
apprendre) que d'établir (de ré-établir) une relation à la terre et à la
nature radicalement différente, non instrumentalisée : ce que je vois comme
une réintégration dans la nature, ou ce qui se rapproche le plus possible de
ce but. Il vaut également la peine de se souvenir qu'autrefois nos propres ancêtres,
souvent celtiques, eurent aussi un mode de vie primitif (comme tout le monde).
On ne peut bien entendu remonter le temps - personne n'a jamais prétendu que ce
soit possible - même si nous pourrions nous débarrasser des pendules. Mais ce
n'est pas un argument pour ne pas abolir cette société ; l'évidence
croissante de la banqueroute de la civilisation ne fait que rendre sa négation
de plus en plus attractive...
...La coercition massive est l'essence de la technologie moderne (et
comme nous l'avons vu précédemment, les machines et leurs codes ont à
plusieurs reprises montré leur capacité à remplacer les êtres humains comme
maîtres d'esclaves). Étant donné leur attachement à l'industrialisme,
l'ouvriérisme des anarcho-syndicalistes devient une nécessité plus qu'une
question de choix. Leur cauchemar est que les gens refusent d'"autogérer"
la mégamachine; qu'ils soient repoussés par la quantité terrifiante de
boulots assommants, stupides, rendus inévitables par l'industrialisme, les
piles de paperasses et de disques d'ordinateurs, les réunions qui n'en
finissent pas, les voitures, les usines et peut-être les villes elles-mêmes.
"J'aime avoir une grande variété de nourritures à manger le long de
l'année" dit Bufe, dont je doute fortement qu'il en ait lui-même récemment
obtenu aucune, en la faisant pousser ou autrement. Il suppose simplement que
l'agro-industrie continuera comme auparavant, et que les gens de la campagne
continueront à travailler pour nourrir les masses urbaines (plutôt que de
pratiquer une agriculture de subsistance ou d'autre façons de survivre sur la
terre), que le réseau de transport et de distribution et tout ce qui est nécessaire
à le garder en fonction continuera comme auparavant, en bref que tous les
soldats de l'industrialisme (et tous ses généraux) resteront à leur poste.
dans le cas contraire, si un seul secteur essentiel s'y refusait, toute la
pyramide commencerait à s'effriter..."
UNE CRITIQUE DU PRIMITIVISME
(
Lettre de Heme à propos de The "Bufe-ooneries" continue )
Ces quelques notes veulent critiquer l'utilisation systématique faite
par Michaël dans l'article cité du terme "primitiviste/primitivisme",
pour définir le ou les courants critiques s'exprimant par exemple dans The
Fifth Estate, Anarchy, Interrogations ... et Demolition Derby. Elles ne mettent
pas en cause l'article dans son ensemble avec lequel je pense être en accord
sur le fond. Je soulèverai donc quelques points s'attachant à montrer en quoi
cet emploi est selon moi erroné, voire pernicieux.
1- Tout d'abord, cet emploi conduit à se placer sur le terrain de ceux
qui veulent affaiblir ou dénaturer notre critique du capitalisme et plus généralement
de la civilisation. Se ranger sous une étiquette réductrice, parcellaire,...
ferait trop plaisir à ceux qui voudraient faire croire que notre analyse
est -comme la leur- parcellaire plutôt que de viser à la globalité ;
que nous sommes des idéologues en concurrence -sur le même terrain- contre
d'autres idéologues.
2- Ce terme tend à masquer les racines de notre rejet de ce monde. Notre
dégoût ne serait pas produit par ce que nous vivons et subissons effectivement
quotidiennement et les réflexions que ceci suscite en nous, mais par une référence
idéologique à un autre mode de "société" dont nous n'avons aucune
connaissance directe. Pourquoi toujours chercher une référence à l'extérieur
de nous pour exprimer nos aspirations : tel théoricien, tel État ... ou la
"nature primitive" ?
3- A quoi fait d'ailleurs référence ce "primitivisme". Est-ce
à une vision idéalisée de ce que sont censés être (plus exactement avoir été)
les sociétés (?) dites primitives ? Si cela est, qu'en sait-on exactement? En
ce qui concerne les vrais primitifs (pré-historiques) on ne peut évidemment
avoir aucune idée essentielle de leur vie sociale/relationnelle. Ce ne sont pas
les fantasmes des préhistoriens qui peuvent nous éclairer en quoi que ce soit.
Et même si l'on veut prolonger à outrance ce primitivisme ( par exemple
jusqu'aux invasions romaines pour la Gaulle ), quelle connaissance précise
avons nous de nos ancêtres Celtes pourtant peu éloignés dans le temps ?
En ce qui concerne maintenant les populations dites primitives
"contemporaines" étudiées par les explorateurs puis les ethnologues,
je dirais simplement qu'elles sont aussi primitives que vous et moi. Une même
distance les sépare que nous de leurs lointains ancêtres, distance durant
laquelle des milliers de formes sociales, de remises en cause intégrales ont pu
être expérimentées. Rien ne permet de dire qu'il existe une ressemblance
significative entre leurs modes associatifs et ceux de leurs ancêtres. L'idée
d'une virginité primitive maintenue ignore la permanence au long des siècles
des voyages, confrontations entre populations dissemblables,... Tout au plus
peut on dire qu'ils représentent des choix humains différents de ceux que nous
connaissons, apparus au cours de l'évolution humaine.
Considérons maintenant plus spécifiquement les populations telles que
celles étudiées par quelqu'un comme Clastres ( que d'ailleurs j'apprécie,
tout comme Michael ). Remarquons tout d'abord qu'il ne s'agit que d'un petit
nombre de populations sur des points limités du globe ( par rapport bien-sûr
uniquement aux populations "non civilisées"). Pourquoi n'avoir pas étudié aussi attentivement par exemple les
populations tribales africaines ? Ne rentraient-elles pas dans le schéma ? Mais
limitons-nous aux populations effectivement étudiées ? Que représentent les
conclusions que Clastres a pu en tirer : des données objectives sur les modes
de vie de communautés ayant échappé à la domination industrielle ? une
interprétation parfois abusive de fait réels ( faits parfois peut-être même
simulés par les populations ) ? la projection des aspirations propres de
l'observateur ? Sans doute un peu de tout cela ! De mon point de vue ceci n'a
d'ailleurs guère d'importance. Même dans l'hypothèse extrême où tout ceci
ne serait qu'une immense utopie, où au travers des indiens ce serait finalement
Clastres qui s'exprime, ceci ne changerait rien à la valeur d'une tentative
visant à démontrer que les humains ne sont pas nécessairement les esclaves de
l'État. L'important est que l'homme Clastres ait consacré une partie de sa vie
à écrire ça. La plus ou moins grande véracité de ses analyses n'aura de
toute façon aucune conséquence sur notre libération.
4- Je conçois très bien que l'on ressente le besoin de s'accrocher à
un "autre chose", un ailleurs ou un autre temps pour se représenter
un petit morceau de ce que pourrait être une autre vie. Ce peut être certains
amérindiens, ou si l'on veut se rattacher à nos "racines" (!) des
tribus celtiques ou des communes féodales !
Notre vision en est souvent déformée, idéalisée ... tout est bon pour
faire travailler l'imagination. Par contre, si l'imaginaire se choisit un modèle,
une référence, tout un monde de possibles se ferme ; il devient même
difficile de comprendre ceux qui imaginent différemment un autre mode de vie.
La tâche est rude qui consiste à critiquer radicalement ce monde tout
en y vivant, à apercevoir la possibilité d'une autre vie, sans modèle auquel
se rattacher et même parfois sans les mots pour l'exprimer ; à se sentir en
affinité avec d'autres parfois à des milliers de kilomètres de distances -
sans pouvoir recouvrir ceci d'une étiquette pouvant aider à se reconnaître et
à être reconnus des autres. Les seules armes dont nous disposons actuellement
sont la confiance entre ceux qui composent notre petite "communauté de
pensée" et l'absence de compromissions dans notre critique. Il ne faut
donc en aucun cas considérer ces quelques remarques comme une tentative pour se
démarquer ou chercher une différence entre nous, mais comme une parcelle de la
réflexion commune.
Septembre
1989