V.
Conclusion.
Afin d’intégrer toutes les
réflexions que nous venons de faire dans un cadre synthétique, nous les
rassemblons en guise de conclusion. Après l’esquisse d’un cadre théorique
(où nous avons approché l’homosexualité de cinq points de vue, à savoir le
mythe, la science, l’histoire, la culture et la littérature), nous nous
sommes concentrée sur la question de savoir comment la Recherche a été
accueillie. Ici, nous sommes tombée sur des réactions diverses : les uns
applaudissent l’œuvre en progrès tandis que les autres la répudient (e.a.
à cause de l’homosexualité qui s’y trouve largement décrite).
Après l’examen du titre, du sommaire et de l’épigraphe de Sodome
et Gomorrhe I, nous avons pris sous la loupe la théorie de l’inversion
proposée par Marcel. De cette étude, il ressort que le Protagoniste a
introduit une structure élaborée dans la représentation de l’inversion.
Ainsi, il esquisse toute une théorie dans la première partie de Sodome et
Gomorrhe. Comme base, Marcel construit un double fond (la mythification et
la scientificité) sur lequel il présente plusieurs types d’homosexualités
et d’homosexuels en se servant d’un langage métaphorique. Ce fondement théorique
est illustré par la suite. Pensons p.ex. à Charlus qui remplit la case de
‘l’homosexuel solitaire’. Marcel soulève bien des questions (p.ex.
l’homosexualité est-elle innée ou acquise, culturelle ou naturelle,… ?)
qui s’inspirent clairement des idées en vigueur à l’époque (Cf. I.
L’amour homosexuel). Les réponses révèlent la même source
d’inspiration, bien que Marcel n’offre rien de définitif : comme nous
l’avons vu dans le deuxième chapitre, rien n’est simple ni sûr ni stable.
Dans la Recherche, il y a de chaque espèce l’une. Le perspectivisme du
Protagoniste ne pose rien comme fixe.
Si Sodome se prête à tant d’accès, à tant d’interprétations, Gomorrhe ne le fait pas moins. Lors de la mise en scène du lesbianisme, Marcel reste également dans le vague : comme il ne voit pas grand-chose (si Gomorrhe ne se montre pas volontairement, elle demeure invisible), le Protagoniste s’adonne à une description rêvassée, imaginaire du monde de l’amour féminin. Aussi, les réactions négatives ne tardent-elles pas.
Afin de compléter l’analyse de Gomorrhe, nous avons encore étudié comment Gomorrhe a été comparée à Sodome avant de nous concentrer sur la théorie de la transposition des sexes.
Dans le troisième chapitre, nous avons analysé les trois grandes scènes
homosexuelles de la Recherche. De Montjouvain par l’hôtel de
Guermantes à la maison de passe parisienne, Marcel subit une évolution négative
par rapport à ce qu’il voit – ou ce qu’il ne voit pas puisqu’il se présente
toujours un problème (ou bien, les rideaux se ferment ; ou bien, le
vasistas se trouve trop haut). Comme nous l’avons vu, ces ‘problèmes’
cadrent probablement dans l’ensemble des ‘mesures de sécurité’, dressé
par Proust afin de ne pas trop scandaliser ses lecteurs. Ce n’est que lors de
la troisième scène à la maison de passe que Marcel décrit ce qu’il voit.
Il est donc clair que le Protagoniste subit une évolution dans sa description
de ‘l’homosexualité en scène’.
Dans un dernier temps, nous avons analysé les personnages homosexuels de
la Recherche. De ces
portraits, il ressort clairement que la théorie de l’inversion telle que
Marcel nous l’a présentée, dans Sodome et Gomorrhe I, est mise en
pratique. Comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre, il y a de chaque
espèce l’une – une idée qui se confirme absolument lors de l’analyse des
personnages homosexuels.
Dans ce mémoire, nous avons essayé d’aborder la difficile et délicate
question de l’homosexualité de façon délibérément descriptive et
classificatoire. Nous sommes partie d’une représentation, nous avons essayé
de montrer quand et comment certains actes, personnages, perversions sont représentées
par Proust. Il est évident qu’avec un tel ‘classement’ on est loin
d’avoir tout dit. Vu l’étendue de ce travail, nous nous sommes contentée
d’une analyse classificatoire, laissant les questions de type moral à un
travail suivant.