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Contributions : Analyses : Voltaire

TZR : Tous Zélés Robots ?

Les premières nouvelles venant de tous côtés se ressemblent beaucoup : alors même que la quatrième étape du mouvement n'est pas terminée, on sait que de nombreux collègues TZR sont nommés rattachés administratifs, sans tâche bien précise pour l'instant, cependant que des postes ne sont pas pourvus, que des classes seront sans professeurs, et que le recteur de Créteil a demandé l'autorisation au ministère d'embaucher de nouveaux contractuels.

Quelques cas : dans un même établissement on trouve un poste non pourvu (congé de maternité par exemple), un rattaché dans la même discipline, sans service et qui n'a pas l'autorisation de prendre le service de l'absente. Un professeur ancien TA et nouveau TZR revenant au lycée où il était nommé depuis trois ans, où il a un vrai service normal avec de vraies classes, mais il est rattaché administratif ailleurs, à un collège du voisinage. Le collègue, les deux proviseurs et les deux intendants concernés s'indignant de cette complication qui alourdit la tâche de tous, le rectorat répond qu'il est interdit d'être rattaché dans l'établissement où on est employé !

Que se passe-t-il dans les collèges et lycées où arrivent ces TZR ? Dans le meilleur des cas, ils font connaissance avec les personnes et les lieux, on leur fait un service de cours de soutien, on dédouble des classes (qui en ont bien besoin, à 36 et plus comme il est fréquent !). On nous cite cependant des chefs d'établissement qui n'ont pas fait les emplois du temps car ils n'ont pas tous les professeurs, et sont mécontents et découragés d'avance par l'inutilité d'une organisation qui va s'effondrer au départ des rattachés, destinés à quitter l'établissement.

Que peuvent penser les élèves qui ont commencé (dans le meilleur des cas) à travailler dans ces structures bancales avec des professeurs qui s'évaporent soudain, sans espoir de retour ? Peuvent-ils prendre au sérieux les profs, et même tout le système ?

Des élèves croisent dans le couloir une nouvelle tête d'adulte, le saluent à tout hasard, s'enquièrent de son identité.

X, prof de math.

Nous, on n'en a pas, de prof de math.

Oui, je sais, on nous a dit ce matin qu'il en manquait.

Et vous, qu'est-ce que vous faites comme classes ?

Aucune.

Hein ? Mais alors, qu'est-ce que vous faites là ? On vous paie à ne rien faire ?

Futur dialogue authentique.
 

Gabegie ? Lourdeur administrative stupide ? (le mammouth ?) C'est la première réaction que l'on peut avoir.

Mais regardons d'un peu plus loin.

Car il ne s'agit pas d'erreurs et de ratés par rapport à des objectifs qui seraient « bons-tout-en-ne-se-donnant-pas-les-moyens », berceuse que certains nous ont chantée l'an dernier.

Nommer « en surnombre » (du moins en début d'année, car l'expérience montre que les collègues partent assez vite en remplacement), à quoi cela sert-il ? Commençons par exprimer les choses autrement, en prenant tout simplement au pied de la lettre les termes administratifs : ils ne sont pas titulaires d'un poste, ils sont « rattachés » ; et ils n'ont pas un service là où ils sont rattachés. Le lien entre le grade donné par le concours, le poste, et l'emploi, est rompu. Ce lien qui caractérisait la Fonction publique est donc détruit, de propos délibéré, et parfaitement organisé Et ce serait une dangereuse naïveté de croire que seuls quelques jeunes collègues sont concernés, les rapports et études déjà parus (Longuet, notamment), montrent que c'est un projet beaucoup plus vaste, les TZR sont simplement aux avant-gardes. Ce serait un aveuglement criminel de laisser croire que quelques virgules déplacées, quelques adjectifs changés nous mettraient à l'abri de cette volonté politique très générale et très cohérente de destruction des emplois statutaires et de toutes les garanties professionnelles gagnées par les luttes des travailleurs jadis.

Pour se convaincre que l'attaque est générale, et a le même caractère dans la fonction publique et dans les entreprises privées, on peut faire le lien avec les avatars de la loi des 35 heures, et ce qu'elle devient dans la réalité des entreprises, on pourra par exemple lire avec profit l'article de Martine Bulard dans le Monde diplomatique de septembre ; pour le patron, que ce soit Danone, Bouygues, ou le ministère de l'Education nationale, l'employé idéal, c'est l'employé sans passé, sans mémoire ni traditions professionnelles, qui accourt à l'appel sur son portable, le robot flexible-polyvalent-kleenex-jetable.
 
 

A quoi sert de déstabiliser les gens, de semer le désordre et de détruire la dignité humaine dans un sentiment d'inutilité ? C'est la façon élaborée, subtile, fin du 20e siècle, d'obtenir des êtres soumis, ayant certaines compétences cependant, mais incapables de réflexion et d'imagination politique. Nous, et nos élèves.

Et il n'est nul besoin d'invoquer pour expliquer cette convergence d'action du gouvernement et du grand patronat une sorte de grand complot, il leur suffit de suivre leur tendance naturelle, de laisser faire la loi « naturelle » du libéralisme.
 
 

Et pour nous, il faut éclairer cette cohérence pour nous défendre, tous ensemble, ce n'est pas seulement une question de catégorie, il serait faux et dangereux politiquement de laisser seuls les collègues TZR, car nous sommes tous visés.

Isabelle Voltaire

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