Contributions : Analyses



Quelques reflexions sur l'édito "Lang démission" reproduit en première page du site.
Que se dégage-t-il de cet édito, et plus généralement de la première page du site ?
En résumé: tout continue comme avant, même politique, même équipe, et donc il faut "repartir en grève".
Cette analyse me semble pour le moins contestable, et en rupture totale avec ce que nous avons dit pendant deux ans sur la victoire politique que représenterait le départ d'Allègre, comme coup d'arrêt temporaire à une politique cohérente de démantèlement de l'enseignement public.
C'était d'ailleurs l'originalité forte de notre collectif, de poser , au-delà de telle ou telle inquiétude catégorielle, au delà de tel ou tel aspect des réformes, le problème politique de fond, à travers le mot d'ordre unificateur " ALLEGRE DEMISSION".
Rappelons-nous nos débats avant le départ d'Allègre: nous doutions parfois que la mobilisation des seuls enseignants soit assez forte pour balayer cette pièce maitresse du gouvernement, l'ami de 40 ans, qui avait toute la confiance et l'appui de Jospin pour adapter l'école aux besoins du libéralisme (sans parler du soutien de la gauche plurielle, de la droite, des médias, de la FEN, de la FCPE et d'une partie de la FSU). Contre tous ceux-la, les enseignants ont gagné. Par la force de notre mobilisation, nous avons entrainé le SNES dans la grève reconductible, nous avons entrainé une partie des parents dans nos manifestations. Les enseignants du second degré ont repris la parole, ils ont repris confiance dans leur force.
C'est encore l'analyse que nous faisions au lendemain du départ d'Allègre.
"Les professeurs ont obtenu le départ d'Allègre. C'est une grande victoire, bien au-delà du départ de cet être vain et grossier" (édito n°1).
Cette victoire, s'inscrit bien sur dans un contexte général de remise en cause du libéralisme ( manifs de Seattle, mobilisation des impôts, des hospitaliers...) mais nous l'avons remportée seuls.
Rien à voir ,par exemple avec la mobilisation de 95 contre le plan Juppé, soutenue par des organisations importantes (CGT-FO-FSU) et porteuse d'une alternative politique crédible.
Nous devons continuer à le dire haut et fort, contre tous ceux qui sont interessés à minimiser cette victoire. Je pense en particulier à Jospin( mais la droite a été bien compréhensive) qui déclarait:" ce n'est pas un remaniement, juste un ajustement, Jospin 2 continue sereinement la même politique que jospin 1 ". Quelle sérénité ? Ils ont eu peur. Après avoir soutenu Allègre inconditionnellement, ils ont eu peur que la grève s'étende encore plus. Nous devons le dire d'autant plus fort que cette victoire est un point d'appui pour balayer ce qui reste des réformes Allègre.
Qu'en reste-il ?
Rappelons-nous les grands objectifs d' Allègre :

  • exploser le statut des profs, d'abord par la décentralisation, et ensuite( rapports Bancel-Blanchet) organiser les établissements comme des entreprises privées sous la houlette des chefs d'établissements, chargés de l'évaluation des profs, de la définition des objectifs pédagogiques, et à terme du recutement des personnels sur profil, dans le cadre d'un service flexible et annualisé,
  • supprimer le bac en tant que 1er diplôme universitaire, national et anonyme, dans un premier temps par l'introduction d'une forte dose de contrôle continu,(en particulier le 2ième groupe d'épreuves remplacé par l'évaluation des TPE)
  • réforme du recrutement des profs: CAPES régionalisé et vidé de tout contenu disciplinaire
  • diminution des horaires élèves et appauvrissement des contenus d'enseignement.

Pour faire passer tout cela, il fallait démoraliser les profs, dresser contre eux l'opinion publique, les parents, les médias, et marginaliser le SNES; d'où la violence de deux ans de déclarations injurieuses contre les enseignants du 2nd degré.
Aujourd'hui que reste-il de tout cela ? essentiellement la décentralisation. Nous devons refléchir aux moyens que nous avons, en nous appuyant sur le rapport de force crée en mars , de remettre en cause cette mesure .
Tout prof qui réfléchit sérieusement le constate : pour le moment ( combien de temps? jusqu'aux élections ?) Lang fait profil bas sur les attaques les plus importantes: la réforme du bac, la réforme du statut des profs et la réforme du CAPES .
Pour le reste, par exemple la généralisation des TPE , nous avons les moyens de nous opposer à leur mise en place, d'autant plus que, pour le moment, ils ne sont pas évalués au bac. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans de nombreux établissements, l'administration ne semblant pas vouloir passer en force ( à Voltaire, par exemple, l'administration a répondu, à notre refus des T.P.E." les enseignants feront dans leur horaire ce qu'ils estiment nécessaire, T.P.E., cours ou module" quant aux programmes de maths, nous avons obtenu de conserver les anciens manuels).

En conclusion, pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, je suis en desaccord avec l'orientation actuelle du collectif. La voie est étroite entre l'alignement sur les bureaucraties syndicales et l'alignement sur le gauchisme coupé de l'état d'esprit des profs. Jusqu'à présent nous avions su nous garder des deux écueils parce que nous avions un mot d'ordre clair appuyé sur une analyse précise de la situation. En disant " tout continue comme avant", en appelant à la grève et à toutes les manifs, aussi squelettiques soient-elles, nous perdons l'originalité forte de notre collectif.
J'espère par ce texte ouvrir une discussion large avec tous les enseignants, pas seulement ceux du collectif, discussion qui me semble fondamentale pour la préparation des prochaines échéances, car bien sur, tous ceux qui ont intérêt à la privatisation de l'école publique n'ont pas désarmé; ils attendent que le rapport de forces leur soit de nouveau favorable.
Catherine Guillaume

 
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