« Le modèle scolaire international »
Le fait que les systèmes éducatifs mondiaux s'adaptent les uns aux
autres a même incité les expert-e-s en sciences de l'éducation
à faire la prévision selon laquelle un seul modèle scolaire,
le « modèle scolaire international », allait s'imposer au niveau
mondial. D'après James Guthrie et Lawrence Pierce (1990), les caractéristiques
de ce modèle scolaire international sont les suivantes : « Un programme
scolaire fixé au niveau national accordant beaucoup de poids aux mathématiques,
aux sciences naturelles et aux langues étrangères ; le déplacement
des décisions opérationnelles au niveau des écoles ; une utilisation
accrue des examens comme baromètre des performances des enseignant-e-s ; le
fait d'accorder la priorité à la formation des maîtres et à
leur professionnalisme ; et dans le domaine de la formation supérieure : accès
facilité aux universités et multiplication des conditions permettant
d'organiser le processus d'apprentissage comme un processus qui dure toute la vie.
»
Il est incontestable qu'une série de facteurs comme la globalisation de
l'économie, la concurrence internationale, les migrations au niveau mondial,
la crise de l'Etat-providence, l'expansion technologique et d'autres évolutions
au niveau du globe ont influencé les systèmes scolaires de manière
similaire dans différents pays. C'est pourquoi la description que proposent
Guthrie et Pierce pour le modèle scolaire international, qui est en train
de se répandre, ne constitue qu'une tentative de traduire par écrit
la convergence internationale qu'opèrent les systèmes éducatifs
nationaux. Cela ne répond pas encore à la question de savoir pourquoi
et comment des systèmes éducatifs appliqués dans les différentes
parties du globe deviennent de plus en plus semblables.
« Un processus d'américanisation »
George Ritzer, auteur de plusieurs ouvrages sur la « MacDonaldisation »
de la société - en référence à la firme McDonald
- a proposé une analyse convaincante des processus de globalisation. Cet auteur
considère que la globalisation n'est rien d'autre qu'un processus d'américanisation,
ce qui concrètement correspond à l'expansion au niveau mondial des
critères d'évaluation américains relatifs à la gestion
rationnelle ou à la direction centrée sur l'efficacité. Les
titres de ses ouvrages ont pour but de rappeler aux lecteurs/-trices que McDonald
a été la première entreprise à introduire un nouveau
style de direction basé sur le principe de la rationalisation et de l'automatisation
complètes. Pour être plus précis, il s'agit de quatre principes
que la chaîne américaine de restauration rapide enseigne à son
personnel dans sa propre université à Chicago (« McUniversity
») : Efficience, calcul de la rentabilité, prévisibilité
et contrôle.
Premier principe, l'efficience : l'entreprise est axée entièrement
sur une exécution efficiente des différentes phases de travail. Ainsi,
les hamburgers sont préparés de manière industrielle et précuits
en grande quantité. De même, l'on a réglé avec efficience
la manière dont le/la client-e peut faire sa commande. Les grands panneaux
disposés derrière le personnel travaillant aux caisses permettent aux
client-e-s de jeter un œil sur le choix des mets proposés tout en passant
la commande. De cette manière, l'on ne perd pas de temps et les client-e-s
ne bloquent pas celles et ceux qui les suivent dans la file d'attente.
Le deuxième principe, le calcul de la rentabilité, implique que
le critère de quantité prime celui de la qualité. Le fait que
les aliments soient préparés et consommés rapidement répond
à une volonté précise de l'entreprise. Ainsi, la durée
de présence des client-e-s des McDonalds «Drive-Through» (commande
directement depuis la voiture) est réduite à un maximum de 5 minutes,
étant donné que les mets désirés sont livrés très
rapidement après réception de la commande et que les client-e-s peuvent
ensuite reprendre la route. A l'intérieur du restaurant, la situation est
similaire. En effet, la durée de présence des client-e-s n'est en moyenne
que de 20 minutes, car les chaises ont été conçues de sorte
à ne pas être très confortables.
Troisième principe, la prévisibilité : Le style de gestion
de McDonald est extrêmement réglementé et donc prévisible.
Cette caractéristique de rationalisation se traduit par le fait que les client-e-s
savent toujours à quelle sorte de service et de mets elles/ils peuvent s'attendre,
et ceci dans n'importe quel restaurant McDonald.
Quatrième principe, le contrôle (de la qualité). Il est assuré
par une automatisation du déroulement du travail. Etant contrôlés
par des machines, les employé-e-s ne peuvent pas faire beaucoup d'erreurs.
L'horloge de contrôle des pommes frites sonne après 20 minutes, puis
une autre machine sort les frites de l'huile bouillante. Pour les client-e-s, cette
organisation du travail implique qu'il n'est pas possible de répondre à
des commandes personnalisées. Le/la client-e ne peut, par exemple, demander
des frites cuites davantage.
L'extension du système McDonald
L'évocation de ces quatre principes de rationalisation introduits par McDonald
dans les années 1950 est pertinente pour notre exposé dans la mesure
où ils ont été appliqués par la suite non seulement dans
d'autres secteurs de la société américaine, mais également
dans d'autres pays. Dans la société américaine, la « rationalisation
» s'est imposée comme le principe dominant depuis la naissance jusqu'à
la mort, en commençant par les chaînes d'entreprises spécialisées
dans les tests de fécondité, jusqu'à celles qui organisent les
funérailles.
Ritzer utilise le préfixe «Mac» pour souligner la rationalisation
extrêmement rapide qui touche l'ensemble des secteurs de la société.
Ainsi, il parle de « Mac-universités », de la « Mac-Disneyisation»,
des « Mac-emplois », afin de mettre en évidence le processus de
rationalisation du système éducatif, du tourisme et du travail selon
les critères économiques de l'entreprise McDonald (Ritzer 1998) [...]
En référence au travail de Ritzer, j'aimerais introduire la notion
de « Mac-décentralisation » pour décrire le développement
scolaire local pratiqué dans le canton de Zurich, qui désigne ce processus
par le terme « d'école publique à autonomie partielle »
(Teilautonome Volkschule).
2ème partie (II)
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