ECOLE : TOUT DOIT DISPARAITRE !
Avec l'accord appuyé du premier ministre Lionel Jospin, le ministre
de l'Education Nationale C.Allègre aura finalement entrepris ce
qui restera comme la plus grande réforme de l'organisation du système
scolaire depuis la 2nd guerre mondiale.
Il n'a échappé à personne que le fond comme la
forme de cette réforme sont de nature anti-républicaine .
Laissons aux médias la question spectaculaire de la forme
(grossièreté d'un ministre qui pousse le raffinement
jusqu'à être lui-même sans éducation…..) bien
qu'elle trahisse la seconde nature réactionnaire d'un gouvernement
qui peine à se dissimuler sous un vernis social-charitable.
Sur le fond, le projet de réforme du système scolaire
Français par les ministres Allègre/Royal, réalise
en fait une transformation sans précédent de la société
Française. En effet changer l'école n'est-ce pas nécessairement
changer aussi la société, l'école étant
le reflet des ambitions sociales qu'un peuple a pour lui-même à
travers sa jeunesse ?
Ainsi jusqu'à présent l'école était orientée
selon le projet républicain hérité des philosophies
progressistes des Lumières, permettant la promotion sociale de l'individu
grâce aux institutions laïques et sociales de l'Etat, accessibles
gratuitement à tous dans les mêmes conditions. Si la réalité
n'était pas exactement celle-ci comme l'a montré Claude Allègre,
fallait-il pour autant en abandonner le projet ?
Désormais la société Française grâce
aux efforts conjugués de Royal/Allègre/Jospin sera
orientée selon l'idéologie libérale Anglo-américaine
du mérite providentiel se résumant dans la célèbre
formule ; "The right man at the right place", inversion complète
du concept d'égalité de tous face aux lois en équité
arbitraire ou fait du prince. Selon cette conception de la justice
sociale ce n'est plus la loi qui attribue sur critères à
chacun ce à quoi il a droit en tant que citoyen indifférencié
d'un autre, mais on (?) va donner à chacun ce qui lui revient
en fonction et selon ses appartenances communautaires (région, classe
sociale, groupe ethnique, religion, sexe… Toutes différence que
la citoyenneté permet pourtant de transcender ). Pourquoi transformer
les recteurs, les inspecteurs d'académie et chefs d'établissement
en Kenneth Starr (procureur dit indépendant dans l'affaire Lowinsky/Clinton)
grâce auquel on a finalement bien compris la valeur de l'indépendance
politique de ces soi-disant experts ! ?
C'est là pourtant l'esprit des multiples aspects des réformes
engagées dans la précipitation et sans concertation par Allegre/Royal/Jospin,
ce qu'ils théorisent sous le nom de "discrimination positive" concept
étranger en terre républicaine où toute discrimination
est jugée anticonstitutionnelle. Selon Allègre c'est là
le seul moyen performant pour "donner plus à ceux qui ont moins",
à moyens constants bien sûr… Or comme on va le voir rien n'est
plus faux et le "remède" apparaîtra d'ici quelques années
comme plus dangereux que le mal.
Pour les membres du R.E.P.E.R.E la discrimination positive est en fait
un mirage, une illusion de justice sociale, médiatiquement certes
très satisfaisante mais politiquement réactionnaire puisqu'elle
casse l'ascenseur social en enfermant dans des ghettos les classes sociales
défavorisées que l'on va désormais divertir dans des
établissements publics de seconde zone, pendant que l'élite
sociale travaillera et s'instruira soit dans les bons établissements
publics soit dans le privé. Claude Allègre a beau jeu
de prétendre supprimer le lycée à deux vitesses, en
fait sa réforme comptable enrobée de pédagogisme,
ne pourra qu'accentuer le phénomène comme on va le voir.
Voici l'organisation scolaire de demain telle qu'elle se configure
à partir des multiples éléments de réformes
du système Allègre lorsqu'on parvient à les mettre
bout à bout :
1. Comme l'Etat ne veut plus se donner les moyens d'investir sur l'ensemble du territoire pour un service public performant et concurrentiel (impératif du pacte de stabilité budgétaire de Maastricht/Amsterdam), la gestion des personnels et des programmes pédagogiques ainsi que le niveau de recrutement des enseignants (lequel variera selon l'adéquation de l'offre et de la demande locale) seront régionalisés de manière à faire disparaître petit à petit le cadre national. C'est le thème de la "déconcentration" cher au ministre, cheval de Troie de la libéralisation programmée du système scolaire. Ainsi fait chaque région recrutera son personnel sur la base de critères qui cessant d'être nationaux deviendront spécifiques au niveau de développement économique local. CONSEQUENCES : mise en concurrence des régions pauvres avec des régions riches théoriquement compensée par l'Etat, éclatement de l'égalité du droit d'accés au savoir et au métier d'enseignant selon l'appartenance géographique (le degré de développement économique conditionnant désormais la qualité du savoir transmis, etc…).
2. Comme les Régions n'auront pas les moyens de financer tous les établissements publics et que le rôle de l'école n'est plus de transmettre un savoir mais un "savoir faire" (c'est à dire un métier selon le chantre de l'autonomie des établissements P. Merieu) les établissements seront rendus autonomes pour être à eux-mêmes "leur propre recours" tant sur les questions de pédagogie que sur des problèmes de financement. Ainsi le "projet d'établissement" permettra de passer des contrats privés avec des firmes internationales ou des entreprises locales de service et de maintenance afin d'abaisser les coûts de fonctionnement, et de la réaliser des économies d'échelle par "le fonctionnement en réseau des établissements publics". Pour décharger comptablement les régions la publicité et autres actions commerciales s'établiront dans les établissements, élèves et professeurs représentant une cible commerciale non encore explorée : ainsi a-t-on pu voir cette plus de 12000 mallettes "En route pour l'Euro" siglées Centres Leclerc, le camion dentaire "signal" a rencontré 30000 enfants pour des dépistages dentaires, quant au clown "Ronald Mac Donald" il s'est déjà livré à une centaine de représentations (thème; "le repas équilibré") dans des écoles sous la responsabilité de gentils instituteurs, des cours de biologie ont été expérimentés par des intervenants "Vivendi", etc… CONSEQUENCES ; les zones économiquement faibles seront pédagogiquement sinistrées, fin de la laïcité puisque les sectes pourront elles-aussi proposer des cours de "culture générale et spirituelle" ludiques et pas chers, dévalorisation de la fonction enseignante, etc.
3. Comme les établissements n'auront pas les moyens suffisants en personnel enseignant, des intervenants extérieurs formés par des sociétés privées proposeront des "services éducatifs" se substituant à l'enseignement professoral jugé rétrograde et peu ludique (en fait trop coûteux). Ces animateurs et autres intervenants "extérieurs" dont la formation échappera au contrôle de l'Etat prendront en charge les élèves. A titre d'exemple la réforme des lycées en cours propose par exemple d'abaisser le nombre d'heures -profs en langues de 3h00 à 2h00 dont une de soutien, l'heure restante étant attribuée à des "locuteurs natifs" comme s'il suffisait de parler une langue pour savoir l'enseigner … Pourquoi avoir substitué aux heures d'enseignement classiques ces interventions de "locuteur natifs" si ce n'est pour diminuer le recrutement d'authentiques professeurs qualifiés, reconnus, mais qu'il faut payer plus cher ? Et que dire du "Rotary club" dont on sait combien il est neutre politiquement qui organise des "aides à l'orientation des élèves" en lieu et place des C.I.O… On remarquera que toutes ces activités généreuses ont toujours lieu dans des régions déjà privilégiées économiquement ! … CONSEQUENCES ; perte de contrôle des responsabilités face aux élèves, perte de contrôle du niveau d'enseignement transmis par ces intervenants extérieurs, baisse programmée du niveau d'exigence en langue notamment les plus fortunés pouvant compenser les pertes d'heures/profs par des cours privés, bref par le dumping pédagogique c'est le darwinisme social qui s'officialise…
4. Pour des raisons d'économie, on demandera aux enseignants d'être polyvalents (enseigner une autre discipline que celle de leur formation initiale, travail de secrétariat, de documentation, de surveillance, se substituant ainsi à des emplois déjà existants, etc…) ce qui se passe déjà avec une majorité de jeunes collègues Titulaires Académiques (c'est à dire qui n'ont pas de poste fixe en établissements). Un projet de décret vise à légaliser cette flexibilité du personnel. Le rapport Bancel en cours d'élaboration est en train de "redéfinir le service enseignant" devant permettre la "présence sur établissement" pour "aides éducatives". L'Amérique quoi .. mais sans les salaires ! CONSEQUENCES ; baisse du niveau et de la qualité de l'enseignement public et mise en concurrence des personnels entre-eux pour la conservation ou la conquête des postes pédagogiquement intéressants, discrimination entre les personnels….
5. La définition géographique des programmes en fonction du secteur géographique ou de la population scolaire locale. CONSEQUENCES ; accentuation des discriminations géographiques contrairement à ce que prétend le ministre.
6. Enfin les parents d'élèves auront tôt fait de comprendre qu'il y a des établissements mieux gérés que d'autres selon leur implantation et leur reconnaissance par le "bassin économique" local (c'est à dire mieux sponsorisés) et selon la qualité du rapport du chef d'établissement avec ses autorités de tutelle à la Région. CONSEQUENCES ; soit l'enfant est sélectionné par l'établissement public qualifiant de son secteur géographique selon l'adéquation de son "projet d'orientation" individuel et les services de formation proposés par l'établissement , soit il part dans un établissement public de seconde zone lequel se limitera à faire de l'encadrement social de la jeunesse à partir de programmes allégés dans des lycées "light", soit il aura les moyens de se payer un établissement privé qui sera le dernier rempart contre la dégradation des exigences pédagogiques de l'enseignement public (de même que de nombreux scientifiques fuient à l'étranger vendre un savoir que l'Etat Français ne veut pas reconnaître à sa juste valeur, il n'est pas exclu que se faisant les professeurs de qualité fuient le service public pour se vendre à des écoles privées ).
La discrimination positive comme principe de réorganisation total du système scolaire actuel sera à ce prix ; la fin de l'égalité en droit d'une formation de qualité, la fin de l'égalité en droit de la valeur du diplôme acquis, la prédétermination professionnelle de l'élève selon son établissement de rattachement, bref la fin de l'ascenceur social républicain pourtant seul moyen véritable d'intégration; etc…
Les présents signataires refusent ce manque d'ambition flagrant pour le service public qui pénalisera l'ensemble de la Nation. En conséquence ;