Contributions : Analyses



Janvier 2001

Changement de statut des proviseurs

Faute d’avoir convaincu les professeurs, le ministère entend imposer

" le lycée du XXIème siècle "

en renforçant le pouvoir des proviseurs, promus managers.

 

Transformer l’origine, la fonction, les obligations de service des proviseurs est une pièce importante de la transformation de l’école en entreprise de gestion des flux de jeunes.

1 - Le terme " professeur ", aux connotations si inquiétantes, disparaît totalement du vocabulaire de l’éducation nationale. Le texte se risque une seule fois à utiliser le mot " enseignant " ; mais c’est pour préciser que les proviseurs n’ont bien sûr pas besoin d’avoir été enseignants ni même personnel d’éducation ou d’orientation. Les chefs du personnel des trois fonctions publiques deviennent interchangeables.

2 - Plus question de se trouver devant des proviseurs qui, étant en fin de carrière, n’ont rien à prouver, et qui sont de ce fait peu manipulables ou impressionnables. Au delà de quarante cinq ans, on ne peut plus postuler à la fonction, et la mobilité devient une valeur absolue ; plus question de privilégier les qualités dues à l’expérience, à la connaissance du terrain . Le proviseur doit être un jeune étranger, qui ne tient son autorité que de l’état qui le nomme et le note, et plus jamais de ses collègues, qui lui reconnaîtraient des qualités d’animation, d’organisation, de respect des personnes. L’image de référence devient celle du cadre carriériste, qui fait, sans état d’âme, le travail qu’on lui demande.

3 - Gestionnaire des ressources humaines, il en sera remercié par un système d’avancement qui manie sans cesse la carotte et le bâton. La carrière (c’est à dire la notation) des proviseurs, est sans cesse soumise à leur capacité à faire passer dans les faits, coûte que coûte, les injonctions des recteurs. Aucune marge d’appréciation ne leur est laissée : à partir d’un diagnostic qui doit être accepté par le rectorat, le proviseur se voit fixé des objectifs par " lettre de mission ". Le contrôle et l’obéissance sans faille s’en trouvent lourdement renforcés : " les objectifs doivent être concrets, voire mesurables, immédiatement déclinables en plan d’action ". Le réel n’a qu’à bien se tenir, et s’il résiste, tant pis pour le proviseur, qui sera mal noté pour ses " performances " médiocres.

4 - Comme les proviseurs seront de moins en moins des enseignants de formation, il est logique que leur compétence pédagogique soit accrue :

- création d’un conseil pédagogique de l’établissement qui tendra à tuer toute liberté pédagogique individuelle, et à créer entre les professeurs des relations hiérarchiques dont l’absence constituait l’un des bonheurs du métier ;

- intervention dans " les modalités et le rythme d’évaluation des apprentissages des élèves " : " il s’agit de mettre au point des procédures d’évaluation " : il ne s’agit sûrement pas d’organiser un bac blanc, mais d’adapter les exigences au niveau local des élèves.

5 - Comme les proviseurs deviennent de plus en plus des managers, il est cohérent qu’on se décharge sur eux de la gestion des carences du service public. Ils devront " gérer et accompagner les personnels non titulaires ". A eux de rechercher, de sélectionner les " contrats deux cents heures ", emplois précaires de droit privé, utilisés à la place de fonctionnaires titulaires et qualifiés ; à eux de sélectionner les CES qui seuls permettent de faire fonctionner les établissements, en évitant de créer les postes d’ATOSS nécessaires.

- " Ils doivent utiliser au mieux le potentiel de remplacement à disposition de l’établissement ". Bel euphémisme ! Pour l’instant, le statut des professeurs interdit de leur imposer des remplacements. Au proviseur donc d’user de diplomatie, de séduction, de menace, pour amener les professeurs à accomplir volontairement cette tâche supplémentaire ; cela devient d’autant plus nécessaire que les remplacements ne sont plus assurés qu’au delà d’une absence d’un mois - et encore est-ce de moins en moins respecté, vu le nombre toujours plus faible de titulaires remplaçants.

- " Créer les conditions d’un accueil des élèves dans l’établissement en dehors des heures de cours (clubs, maison des lycéens... ) ". Avec quel argent ? avec quelles bonnes volontés ?

Il est rappelé dans un jargon d’entreprise (" valeur ajoutée ", " ressources humaines ", " culture d’encadrement "), que tout ceci vise " la modernisation du service public ". Entendons une rentabilisation et une gestion qui ont pour modèle l’entreprise privée.

On peut se demander où est passé le souci d’humanisme, lorsqu’on envisage de bâtir des " pierres vives " comme n’importe quel produit à livrer au marché.

 

 
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