Contributions : Analyses



Décembre 2000

Consultation des professeurs de philosophie

sur le nouveau programme

(N.B. : toutes les pages référencées sont celles du B.O. n°8, 31 août 2000, Hors Série)

Attendu :

1/ que ladite consultation est organisée après coup, c’est-à-dire après la publication des nouveaux programmes (pour 2001-2002) dans le B.O. du 31/8/2000 suivant l’arrêté ministériel du 09/8/2000 paru au J.O. du 22/8/2000 ;

2/ que, d’après la note du 12/10/2000 adressée par le Directeur de l’enseignement scolaire aux rectrices et recteurs d’Académie, le recueil d’avis s’assigne quatre objectifs (" assurer une information systématique et engager le travail d’appropriation de ces nouveaux programmes par les enseignants ", " recueillir des avis complémentaires à ceux obtenus lors des consultations préliminaires sur le contenu des nouveaux programmes ", " recueillir les avis sur les actions et documents d’accompagnement " réalisés, en cours de réalisation ou éventuellement à préparer, " recueillir des avis sur les actions sur les modalités d’évaluation des élèves ") dont aucun n’inclut ni n’implique la remise en question des dits programmes pour la rentrée 2001 ni dans leur ensemble ni dans leurs principes — la clause de " révisabilité ", insérée dans le nouveau programme de philosophie, I, 3, p. 29, précisant que celui-ci, comme tout programme, ne pourra être révisé dans sa globalité qu’à l’initiative du Ministre et que seule la liste des questions pourra être éventuellement révisée tous les cinq ans, par le GTD à partir des informations fournies par l’Inspection (sans que cette " révisabilité " de la liste des questions signifie que la liste des notions et celle des d’auteurs " prétendraient à l’éternité ") ; en ce qui concerne le présent programme, il est mentionné dans la note adressée aux recteurs, après l’énoncé du deuxième objectif (recueillir des avis complémentaires…") — après cet objectif mais sans autre articulation avec lui —, que " D’éventuels ajustements ou aménagements pourront être proposés par les GTD et décidés après avis du CNP et du CSE " et que " Les modifications éventuelles, issues de cette consultation, seront publiées sans changement de calendrier de mise en œuvre du programme concerné ;

3/ que le nouveau programme est lié aux T.P.E., sinon expressément dans son énoncé officiel, du moins sur le plan des faits par la conjonction de son entrée en application, dès la rentrée 2001, avec celle la réforme des T.P.E. en terminale à compter de la même rentrée ;

4/ que nous avons refusé et refusons encore cette réforme des T.P.E. au nom d’arguments d’ordre matériel, d’ordre politique et d’ordre disciplinaire qui sont aujourd’hui suffisamment connus du Ministère pour qu’il ne soit pas nécessaire de les rappeler ici ;

5/ que nous refusons la réduction des horaires annoncées pour 2001 dans le B.O. n°29 du 27 juillet 2000, soit en L (7 h au lieu de 8) et en S (2 h seulement en classe entière + 1 h en classe dédoublée, au lieu de 4) ; réduction qui, bien qu’elle se soit faite sous l’invocation du souci d’alléger l’horaire de classe des élèves et non pas au nom de la nécessité de dégager des heures pour les T.P.E., est en fait liée à ces derniers dans la mesure où le surcroît d’occupation qu’ils représentent annule la réduction de l’horaire de classe des élèves dont celle de l’horaire de philosophie aurait pu les faire bénéficier, en sorte que si les T.P.E. n’existaient pas, ou s’ils étaient abandonnés, l’on ne verrait pas pourquoi l’horaire de philosophie en L ne serait pas maintenu à 8 h ;

6/ que la réforme du programme est liée à la réduction des horaires, par le fait même de la conjonction de leur entrée en application ;

7/ que cette conjonction fait apparaître ce qui, bien entendu, n’est jamais dit dans le nouveau programme, à savoir qu’il y a une contradiction entre ceux de ses motifs et de ses principes philosophiquement les plus séduisants et ses conditions d’application ; d’abord, en ce qui concerne les motifs, la réduction des horaires va à l’encontre de l’affirmation que " la classe de philosophie propose aux élèves le temps… de s’interroger sur le sens et sur les principes de leur existence individuelle et collective. " (Motifs, alinéa 2, p. 27) ; ensuite, en ce qui concerne les principes, la réduction des horaires relativise voire anéantit la justification de la réduction de la longueur de la liste des notions, à savoir " qu’un nombre excessif de notions induit une dispersion dommageable au regard des exigences d’approfondissement et d’appropriation qui font partie des spécificités de l’enseignement philosophique " (Principes, 4, p. 28) ;

8/ que si l’on considère les attendus 3/, 6/ et 7/, il faut conclure ou bien à une incohérence du dispositif d’ensemble des réformes projetées — incohérence que ne doit pas masquer la parution dispersée des différents textes le réglementant —, ou bien à une adaptation tacite du nouveau programme de philosophie aux exigences propres à la réforme des T.P.E., ce qui permettrait dès lors de penser que les " questions à ancrage contemporain ", révisables tous les cinq ans, seraient appelées à servir de thèmes pour les T.P.E. et auraient été tacitement conçues à cette fin ;

9/ que nous refusons de toute façon le nouveau programme parce qu’il est opportuniste (par " l’ancrage contemporain " des questions), et parce qu’il porte atteinte à la liberté du professeur et à celle de l’élève (par le couplage arbitraire et systématique des notions et par la fermeture des questions, puisque, quoi qu’il soit dit du maintien de la liberté du professeur dans l’organisation de son cours, celui-ci " devra aussi faire ressortir l’unité de chacune des questions inscrites au programme " — Questions, p. 30 —, et puisque, quoiqu’il soit interdit que notions et questions donnent lieu à l’élaboration de sujets systématiquement distincts, " les sujets proposés à l’écrit du baccalauréat [feront] référence de façon clairement identifiable aux éléments du programme " — Annexe, p. 33 — et donc également à l’unité des dites questions, encore appelées " ensembles structurés de problèmes ", Motifs, Premier axe de reformulation, p. 27, Questions, p. 30) ; une fois encore il y a tout lieu de craindre une dérive programmée du travail philosophique vers les T.P.E. ;

10/ que nous refusons l’esprit et l’orientation des réformes prévues pour 2001 qui nous paraissent tendre

— à renforcer l’encadrement idéologique de l’enseignement de la philosophie pour lui substituer une sorte de catéchisme citoyen ;

— à détruire la finalité véritable de l’Ecole, c’est-à-dire l’apprentissage de l’autonomie de la pensée, au profit de la formation de la jeunesse à de simples skills, à de simples mécanismes d’acquisition ou même seulement de manipulation de l’information, pour adapter toujours plus l’Ecole aux besoins d’une société vouée à une production dont les agents ne décident plus rien ;

Pour toutes ces raisons, nous refusons le nouveau programme et les nouveaux horaires de philosophie applicables à la prochaine rentrée, nous dénonçons la politique du fait accompli illusoirement justifiée par de pseudo-rétro-consultations, et dénonçons encore l’absence de toute prise en compte de la manifestation publique de notre refus de la réforme des T.P.E.

Les professeurs de philosophie du Lycée Louis Barthou (Pau) soussignés :

Jackie BOUZOU, Anne BRAUN, Fabien GRANDJEAN, Yann HURT, Jean-Pierre MASSAT

   

 
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