Contributions : Analyses



Décembre 2000

CONSULTATION DES ENSEIGNANTS SUR LES

NOUVEAUX PROGRAMMES D'HISTOIRE-GEOGRAPHIE

(Décembre 2000)

Après la regrettable disparition du communisme, l’ éducation nationale semble s’être insituée l’héritière des meilleures traditions du centralisme démocratique. Périodiquement sont organisées des " consultations ". Les professeurs sont invités à " un large et riche d ébat ". Après quoi le centre centralise, trie, et bien entendu décide.

Conviés en décembre 2000 à participer une fois de plus à cette mascarade, les professeurs d’histoire-géographie du lycée René Cassin (Gonesse-95) ont eu la curiosité de chercher dans leurs archives leur réponse à la précédente consultation (décembre 1994). Sur le fond, il y a-t-il franchement quelque chose à ajouter ?

A vous de juger.

 

 

 

 

 

 

 

 

CONSULTATION DES ENSEIGNANTS SUR LES

NOUVEAUX PROGRAMMES D'HISTOIRE-GEOGRAPHIE

(Décembre 1994)

Réponse des enseignants du Lycée René Cassin, Gonesse (95)

 

Nous apprécions d'être consultés. Mais le questionnaire est inutilisable, sauf la dernière question : le projet doit être SERIEUSEMENT REVU. Le projet actuel pêche par sa LOURDEUR et son FLOU. Nous ne critiquons pas tel ou tel point du projet, mais l'état d'esprit qui l'inspire :

- il ne semble pas tirer les leçons des précédentes réformes des programmes;

- il ne tient pas suffisamment compte de la réalité des classes de lycée;

- il énonce des directives trop précises pour les enseignants, mettant en cause une liberté de choix à laquelle nous sommes attachés.

 

LES LECONS DES PRECEDENTES REFORMES

* Les changements de programme ont été nombreux depuis une quinzaine d'années. Qu'en reste-t-il ? Essentiellement deux choses :

- Redécoupage chronologique en histoire, le programme de terminale franchissant en 1983 la barrière de 1945, avec comme conséquence un nouveau découpage entre la 2° et la 1°. C'était indispensable, et personne ne songe à y revenir.

- En géographie de terminale, abandon d'une étude purement nationale au profit d'une approche plus globale. C'était indispensable aussi, à condition de ne pas oublier :

- que la mondialisation n'abolit pas les réalités nationales

- qu'étudier globalement le monde, ce n'est pas parler de tout un peu.

* Mais en dehors de ces deux changements importants, que de réformes tombées aux oubliettes !

- L'étude en 2° des fondements de la civilisation européenne.

- La présentation globale du XX° Siècle en 1°.

- Les multiples réécritures des programmes de géographie en 2° et 1° ... dont les enseignants ont souvent à peine pris connaissance.

- Les programmes de terminale de 1989, qui prétendaient instaurer enfin une "lecture intelligente et globale du monde" : celui d'histoire, dépassé en 3 mois par les évènements; celui de géographie, infaisable, et dénaturé en quelques années par les allègements successifs.

La leçon à en tirer est que le TROP LOURD, le TROP FLOU, le TROP LIE A LA MODE, sont inapplicables et courent inévitablement à l'échec. Pourquoi recommencer aujourd'hui ? Beaucoup parmi nous sont lassés des changements incessants de programmes, lassés aussi de voir les manuels, pourtant achetés à grands frais par les familles, tomber les uns après les autres aux oubliettes. Le rôle de nos disciplines ne devrait-il pas être aussi de résister au triomphe de l'éphémère et du superficiel ?

 

CONCLUSION

Un changement de programme est une chose sérieuse, et ne devrait pas être imposé à des milliers de professeurs et des centaines de milliers d'élèves sans raisons valables.

LA REALITE DES CLASSES DE LYCEE

* On lit dans le projet : "Au lycée, il ne peut être question de reprendre à l'identique le parcours chronologique et spatial du collège. Fondée sur des acquis, l'approche doit être différente : en intégrant le renouvellement scientifique, elle est délibéremment problématique".

Proposition doublement discutable :

- 1) Elle tient pour évident que les élèves du lycée maitrisent le programme du collège.

Bien sûr il y a un acquis du collège. Mais il est fragile et lacunaire. Prétendre s'appuyer sur cet acquis pour s'élever à "une approche délibéremment problématique", c'est s'exposer à un dérapage que tous les enseignants ont vécu : "philosopher" sur des situations que les élèves ne connaissent qu'à peine.

- 2) Elle risque d'opposer faussement "parcours chronologique" et "approche problèmatique". Présenter un évènement historique en en dégageant les causes, le sens et la portée, n'est-ce pas déjà avoir une "approche problématique" ???

* Les élèves que nous connaissons aujourd'hui au lycée semblent avoir des repères chronologique et spatiaux de plus en plus flous : public nouveau issu de milieux moins "cultivés", bombardé d'images par la télévision, ayant vécu récemment une accélération et une accumulation des évènements historiques (Quelques confusions relevées ces derniers jours dans les copies : Corée/Vietnam, Budapest 56/ Prague 68, Chine/Japon, Grèce antique/Moyen-âge...).

* Nos élèves ont besoin d'apprendre un raisonnement rigoureux, et pas de vagues discours utilisant des "concepts" mal compris et assimilés.

* Les rythmes de progression sont toujours plus lents que ce que prévoient les directives ministérielles, ou nos propres plannings établis en début d'année. La difficulté croissante des élèves à prendre des notes n'accélère pas le rythme.

CONCLUSION

La reprise au lycée de thèmes déjà étudiés au collège n'est pas un véritable problème. Les élèves ont besoin de REPERES SIMPLES, MAIS SOLIDES, ETUDIES DANS UN TEMPS RAISONNABLE.

 

DES DIRECTIVES MAL RECUES

* "Sans entrer dans le détail des évènements"... Répété x fois, ce conseil irrite. Il sous-entend que se perdent dans les détails tous ceux qui ne parviennent pas à traiter en 12 heures la période 1789-1815, ou 1914-1939. C'est oublier que, pour tout historien qui se respecte, un récit chronologique ne va pas sans problématique (voir plus haut)...mais qu'à l'inverse une problématique se transforme en vent si elle ne s'appuie pas sur un minimum de connaissances chronologiques.

*Les projets de programmes dictent une problématique, en particulier en géographie (voir l'introduction du programme de seconde, se référant à la "science géographique actuelle").

Deux remarques :

- Les professeurs doivent conserver leur liberté d'appréciation, et n'ont pas à être enrôlés dans le combat de telle ou telle école historique ou géographique.

- Les avancées scientifiques ne peuvent être ignorées, mais, surtout lorsqu'elles sont contestées, (cf une fois de plus la nouvelle géographie), elles ne peuvent être intégrées qu'avec prudence à un programme de lycée.

* Les horaires proposés ne peuvent qu'être indicatifs. Ils sont ici très précis, et assortis de remarques inquiétantes : "les enseignants ... doivent impérativement respecter l'ordre de grandeur des indications horaires afin d'assurer l'indispensable cohérence de l'ensemble".

CONCLUSION

Les changements de programmes se sont toujours accompagnés de directives. Mais celles-ci inquiètent lorsqu'elles paraissent plus contraignantes, et au service d'une problématique que certains d'entre nous contestent.

 

* * * *

 

Nous appuyant sur ces réflexions, nous faisons les critiques suivantes aux programmes proposés:

Séries générales

HISTOIRE

Seconde

- L'extension du programme à des périodes antérieures au XVIII° siècle n'est pas contestable en soi. Mais les questions proposées ne peuvent être traitées dans le temps imparti. Un CHOIX s'impose. Pourquoi ne pas laisser ce choix aux enseignants, qui pourraient, selon leurs goûts et leurs compétences, ouvrir sur une question d'histoire ancienne ou médiévale, d'autres perspectives que cells dèjà vues dans les petites classes du collège ?

- L'étude du seul christianisme, et non du monothéisme, est critiquée.

- La période révolutionnaire peut difficilement être traitée en 12 heures ----> nécessité d'alléger la 1° partie, par un choix entre les questions proposées.

- La disparition de toute approche économique et sociale est critiquée.

Première

- La période 1914-1939 : elle occupe aujourd'hui l'essentiel de l'année de 1°. Prétendre la traiter en 1/3 du temps (ou un peu plus...) est totalement irréaliste, sauf à abandonner toute présentation des évènements au profit d'un discours de plus en plus vague.. Par exemple il est essentiel de comprendre et d'apprendre à analyser un régime politique (démocrarie libérale, communisme, fascisme); mais celà ne peut se faire sans un minimum de connaissances sur l'histoire des Etats-Unis, de la France, de l'Allemagne et de l'URSS.

----> Nécessité d'alléger la première partie du programme, en transférant certaines questions en 2°

----> Nécessité donc d'alléger le programme de 2°; en particulier sa première partie.

Terminale

I : Intégrer l'étude de 39-45 alourdit le programme et est donc discuté. Mais pour beaucoup d'entre nous c'est la seule façon de traiter sérieusement cette période essentielle de notre histoire.

II : La disparition des histoires nationales contribue au FLOU. Une histoire, même simplifiée, de l'URSS, de la Chine et des Etats-Unis, ne peut être remplacée par une étude des "traits majeurs qui caractérisent les modèles communiste et américain".

III : Il FAUT une histoire, même simplifiée, de la V° République. "L'évolution de l'opinion publique" est une formule trop floue et creuse.

 

 

GEOGRAPHIE

Globalement, les énoncés apparaissent comme très flous, trop dictés par la seule préoccupation de graver la "nouvelle géographie" dans les programmes

Seconde

La "théorisation" proposée est hors de portée des élèves, en particulier l'introduction et le III.1

Elle est d'autre part discutable. Il est évident qu'elle est loin de convaincre l'ensemble des professeurs, et qu'à celà aucune directive ministérielle ne changera rien.

Première

En mettant uniquement l'accent sur les espaces et leur organisation, on fait disparaitre toute approche économique et sociale. C'est regrettable et inquiétant.

Terminale

Programme infaisable et à revoir entièrement

I° partie : beaucoup trop LONGUE et FLOUE, ne permettant pas de savoir ce que, concrètement on attend d'un candidat moyen au bac. C'était dèjà le cas avec le programme de 1989, dont la plus grande partie est tombée aux oubliettes. Pourquoi recommencer les mêmes erreurs ?

II° partie :

- Horaires irréalistes : 6 ou 7 heures pour une étude de l'Asie intégrant des exemples pris à la Chine, au Japon et à l'Inde !!!

- Enoncés prétentieux et creux :

"Civilisation et développement au Japon

Géographie sociale et civilisation en Inde

L'Etat, la société et les territoires en Chine"

(Ces enoncés ne sont pas creux en eux-mêmes...mais par rapport à ce que l'on peut réellement faire au lycée, surtout dans le temps imparti).

- La Russie : 2 questions :

- qu'en dire aujourd'hui ????

- est-il souhaitable de voir disparaitre totalement le cadre que représentait et représente toujours l'ex-URSS ? C'est bien dans ce cadre que serait le plus facilement abordée la seule question traitable aujourd'hui : la population et l'occupation de l'espace.

- L'Afrique subsaharienne : il est heureux que l'Afrique ne soit pas absente des programmes. Mais le sujet est énorme, et porte sur un monde d'une extrême diversité. Ne risque-t-on pas de voir les candidats, comme avec les anciennes questions portant sur "LE" Tiers-Monde, s'en tenir à des banalités par manque de connaissance des réalités nationales ? Il serait souhaitable de préciser les contenus, ou de centrer l'étude sur un ou deux états, ce qui n'excluerait pas une brève présentation générale.

- Une question importante est étrangement absente : l'éclatement du Tiers-Monde et le "cas" des NPI.

A propos, que sont devenus le "Système-monde" et "l'Aire Pacifique"? Dommage qu'ils soient déjà passés de mode, nous commencions tout juste à nous y habituer...

 

Séries technologiques

Les critiques ne portent pas sur les contenus proposés, tant en histoire qu'en géographie, mais sur le choix plus restreint laissé aux enseignants en classe de terminale : 3 questions obligatoires plus une question optionnelle, au lieu de 3 questions au choix actuellement. Nous sommes confrontés dans ces classes à des situations très diverses, pour ce qui concerne la motivation, les centres d'intérêt et les compétences des élèves. Il nous parait souhaitable de laisser à l'enseignant une plus grande latitude dans le choix des questions traitées.

 

 
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