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Les professeurs du lycée Jeanne d'Albret réunis en assemblée générale ont débattu du projet de TPE que semble vouloir reprendre à son compte monsieur Lang, nouveau ministre de l'Éducation Nationale et souhaitent porter à la connaissance du Conseil d'Administration leur position sur cette réforme

Pour commencer, nous avons fait quelques calculs simples sur les horaires du point de vue des élèves :

Chaque professeur responsable de TPE pourra consacrer, dans une classe de 34 élèves, à raison de 2h de TPE par semaine et de 36 semaines de cours par an, environ 2 heures et 7 minutes par an à chaque élève (il s'agit de travaux personnels ; quant à l’encadrement… sans commentaires !).

La couverture horaire prévue ne nous semble pas pouvoir permettre de mener à bien un tel projet dans des conditions satisfaisantes.

Par ailleurs, si l'on tient compte du fait que les TPE (2 heures-prof par semaine et par classe) se feront, du point de vue des horaires, au détriment de l'enseignement fondamental (en français notamment), cela représentera par an pour chaque élève :

    • Une perte de 36 heures d'enseignement fondamental
    • Un gain de 2 heures et 7 minutes de TPE.

Nous ne pensons pas, à l'heure où de plus en plus d'élèves présentent des lacunes de bases (calcul, expression, analyse…) qu'une telle organisation favorise l'acquisition par tous des savoirs fondamentaux.

En ce qui concerne les choix de sujets et de documents par les élèves (dans le cadre d'un thème très vaste, les élèves seraient libres de définir eux-mêmes leur sujet), il nous semble que la forme actuelle des TPE (telle qu'elle a été expérimentée cette année) pose plusieurs problèmes. A la lumière des compte-rendus d'expériences effectuées dans d'autres lycées en France, il ressort en effet deux gros écueils :

  • Certains élèves ont choisi des sujets trop "pointus" sur lesquels leurs connaissances ne leur procuraient pas assez de recul, voire sur lesquels les professeurs n'étaient pas suffisamment compétents pour les guider efficacement. La question du choix des sujets doit donc être repensée.
  • Les expérimentateurs ont relevé une grosse difficulté rencontrée par les élèves : celles du tri des informations pertinentes parmi un très grand nombre de documents, qui plus est sur un sujet nouveau. Faute d'avoir atteint un seuil critique de connaissances, les élèves ne font pas ou peu de tri et présentent plutôt une "compilation brute", dont l'intérêt pédagogique nous semble très limité. Une forme de limitation des sources documentaires ne doit-elle pas être envisagée ?

Nous soulignons également de nouveau les inégalités flagrantes qu'amènerait la mise en ouvre d'un tel projet, appliqué à tous les élèves de Première, puis à tous ceux de Première et de Terminale. Du point de vue matériel, il ne serait possible de mettre que 30 ordinateurs à la disposition de 500 élèves en 2000-2001 puis de 1000 élèves en 2001-2002, parmi lesquels très peu connectés à Internet, avec aucun personnel prévu pour la maintenance des matériels (notons par ailleurs que Jeanne d'Albret est un lycée plutôt bien équipé !). Ceux qui possèdent chez eux un équipement performant seraient alors très avantagés, tout comme ceux qui pourraient se faire aider par leurs parents ou acheter des TPE déjà faits (les éditeurs recherchent activement en ce moment des professeurs pour leur en fournir…). Un ajustement des moyens en matériel et en personnel compétent paraît indispensable afin de garantir l'équité aux élèves.

Cette équité semble d'autant plus nécessaire que nous devrons évaluer ces TPE. Le cadre actuel, imposant un recours très poussé à l'informatique ne permettra pas aux élèves de réaliser leur travail intégralement au lycée. Du coup, nous serons amenés à évaluer des travaux dont nous ne saurons pas si ce sont bien les élèves qui les ont faits. Dans cette mesure, il nous semble que le projet devra être aménagé afin de limiter ces risques.

Les élèves seront censés pouvoir utiliser les salles de sciences expérimentales. Qui a pensé aux questions de responsabilité que cela poserait ? (prix des matériels laissés sans surveillance, danger de certaines manipulations effectuées sans la présence d'un personne compétente…) Qui a pensé que cela impliquerait un surcroît de travail important qu'ils ne pourront assumer aux personnels de laboratoire? Personne parmi ceux qui ont rédigé les premiers textes sur les TPE.

Cette idée très séduisante sur le papier nous paraît devoir être abandonnée si nous devons fonctionner à moyens constants, car les laboratoires de sciences tournent déjà avec des moyens très "serrés".

Des travaux personnels ont été organisés dans notre lycée depuis plusieurs années par certains collègues dans plusieurs disciplines. Mais à bien y regarder, aucun d'entre eux ne répondait au cahier des charges et donc à la définition des TPE. Pour contourner les risques et difficultés que nous venons de citer, les collègues s'étaient fixé des objectifs globaux moins ambitieux, dans des projets mieux cadrés, en tenant compte des moyens matériels dont ils disposaient.

Pour toutes les raisons que nous venons d'énoncer, nous voudrions d'abord dénoncer le fait que certains présentent les TPE comme une nouvelle panacée pédagogique, qui incarnerait une sorte de modernité, et qu'il faudrait opposer à un enseignement traditionnel représentant une forme dépassée de pédagogie. Cette opposition nous semble mensongère et démagogique. S'il nous paraît intéressant de mettre les élèves en situation d'autonomie, de les faire travailler d'une manière différente, cela doit ne doit pas se faire au détriment d'un enseignement fondamental sans lequel ils ne maîtriseraient pas les connaissances de bases. On ne devient autonome, on n'a réellement d'esprit critique et on n'est apte à s'adapter intellectuellement que si l'on a un minimum de savoirs, de méthodes d'analyse, de capacités d'expression.

Nous savons que les modalités définitives de mise en œuvre de cette réforme ne sont pas encore arrêtées. Nous demandons le gel d'un an de ce projet d'évidence mal ficelé, qui ne tient pas compte du niveau d'équipement des lycées, qui se ferait au détriment d'un enseignement fondamental indispensable aux élèves, avec des moyens horaires inadaptés. La discussion doit se poursuivre et les professeurs ont des idées pour proposer des projets interdisciplinaires, encadrés et personnels, dont les conditions de mise en œuvre garantiraient l'intérêt pédagogique et l'équité.

 

Les professeurs du lycée Jeanne d'Albret De St Germain en Laye.


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