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Philippe MEIRIEU est le principal conseiller de Claude ALLEGRE : directeur de l'INRP, il a conduit l'an dernier l'opération « consultation » qui s'est déroulée dans les lycées. Inspirateur des réformes actuelles dans les premier et second degrés, Philippe MEIRIEU se fait naturellement dans la presse leur défenseur le plus ardent, au nom, prétend-il, de l'idéal républicain. Philippe MEIRIEU a aussi écrit des livres dans lesquels, pour dénoncer l'école d'aujourd'hui et le travail que vous faites, chers collègues, que nous faisons tous, il prend moins de précautions que dans ses articles récents. Voulez-vous vous faire une idée de ce que Philippe MEIRIEU pense de vous et de l'image de vous qu'il propose à l'opinion ¯ image sur laquelle reposent pour une large part ses projets de réforme ? Voici quelques extraits de son ouvrage écrit avec Marc GUIRAUD,
journaliste à Europe 1 (à quand la leçon de pédagogie
que nous feront sans doute bientôt les présentateurs et animateurs
de Chérie FM ou de Skyrock?) et intitulé L'école
ou la guerre civile
L'école ou la guerre civile (extraits)
« C'est en apprenant à lire que [l'élève]
découvre la concurrence et comprend que, dans l'esprit du maître
et de ses parents, la réussite des uns ne prend sa valeur qu'avec
l'échec des autres. » (p.12)
« L'échec de l'école coûte aussi très
cher aux familles et aux collectivités, obligées d'investir
dans les leçons particulières, cours de vacances, rattrapages
ou soutiens scolaires de tous ordres.(...) Et c'est en termes sociaux que
l'échec scolaire a les conséquences les plus graves : cela
va des comportements d'incivilité dus à la simple ignorance
des bases mêmes de notre société (...) jusqu'à
la violence des jeunes qui « ont la haine ». Marginalisés,
ces derniers mobilisent une kyrielle de travailleurs sociaux et de formateurs
en tout genre qui s'efforcent tant bien que mal de réparer, si c'est
encore possible, les dégâts de l'école défaillante.
»(p.18)
« L'histoire de l'école française, construite contre
les familles, contre les pauvres obligés de scolariser leurs enfants
plutôt que de les envoyer au travail et contre les riches qui voyaient
régresser l'influence de l'Eglise, explique le malaise, tantôt
caché, tantôt avoué, entre l'école et les parents.
Tant que, d'une part, l'école consolidait la patrie en danger et
que, d'autre part, elle laissait entrevoir l'espoir d'une promotion sociale,
les Français acceptaient qu'elle concurrence et même supplante
leur influence. Mais ces deux rôles majeurs ont disparu et, avec
eux, la légitimité même de l'institution. » (p.34)
« Le professeur qui met une mauvaise note contribue à pousser
l'élève vers la sortie : le voilà presque coupable
de non-assistance à personne en danger. Ainsi s'expliquent, quoique
inexcusables, un certain nombre de réactions violentes d'élèves
et même de parents. » (p.38)
« Dès le jour de la première épreuve [du baccalauréat], des intellectuels en vogue de prêtent au jeu de la dissertation philosophique, histoire de se mettre au diapason de l'émotion nationale ! Peu importe le coût, de plus en plus exorbitant d'une telle opération.
Peu importe le caractère contestable des épreuves. Peu importe
qu'elles contraignent les enseignants à sacrifier des pans entiers
de notre culture au profit d'un bachotage stérile. Le symbolique
l'emporte sur la rationalité, un grand frisson s'empare de la population.
» (p.55)
« Pendant que l'enseignant parle, chacun vaque à ses occupations,
range son cartable, prépare son devoir pour l'heure d'après,
écrit son courrier ou songe à la récréation
; de temps en temps, si une image frappe l'imagination, alors l'attention
s'éveille brièvement : « Tiens, c'est pas idiot ce
qu'il dit .... Dommage qu'on ne puisse pas de temps en temps changer de
chaîne ! » (p.70)
« Le libéralisme larvé pousse nombre d'établissements
à créer des filières d'élite camouflées.
On les appelle classe «internationale », «européenne
» ou «bilingue ». Elles renforcent la ségrégation
issue de la géographie urbaine, permettent de se retrouver entre
bons élèves et d'éviter les mauvaises fréquentations.
» (p.80)
« Ici réside l'origine véritable de la fracture
sociale, du malaise de la jeunesse et du mal des banlieues : la fracture
scolaire (souligné par nou). Si les enfants vivaient moins
d'injustices à l'école, si les jeunes des cités avaient
plus de chances de réussir leurs études et si, pendant la
scolarité obligatoire, elles étaient mieux conçues,
ils croiraient davantage à leur avenir. Mais, dès le cours
préparatoire, l'école n'aide pas à réussir,
elle sélectionne. Si tous les jeunes pouvaient croire, ne serait-ce
qu'une seconde, que l'école les aidera à devenir quelqu'un
dans la société, à accéder à un statut
social, avant même de décrocher un emploi, ils la fuiraient
moins, la casseraient moins, la respecteraient plus. Hélas, l'emploi
manque et le statut social leur échappe. Confrontés à
l'humiliation au quotidien, ils n'ont aucune raison de respecter une institution
qui ne met pas en pratique les valeurs qu'elle annonce et bafoue les principes
dont elle exige le respect. » (pp. 81-82)
« (...) si l'école (...) rejette (tel ou tel élève),
qui l'éduquera ? Qui lui apprendra la Loi et le respect des règles
nécessaires à toute vie collective ? Restent les bandes du
quartier, les groupes de supporters, les sectes de tous ordres, avec l'abandon
de toute réflexion personnelle et le triomphe de la loi du plus
fort. Inévitablement, on retrouvera cet adolescent délinquant,
marginal, violent. Qui sera responsable ? Sa famille, la société
tout entière, mais aussi l'école qui a démissionné.
» (p.98)
« ( ...) la crispation de chaque professeur sur 'sa'
méthode, qui seule lui permet de survivre face à sa classe,
participe aussi à l'exclusion. Quand le professeur applique une
méthode pédagogique unique, seuls les élèves
qui lui ressemblent sont à même de comprendre et de travailler.
»(p.101)
« pour aller vers des classes de plus en plus homogènes,
parents et enseignants poussent, chacun de leur côté, à
regrouper les élèves en fonction de leur niveau, de leurs
affinités, de leurs origines sociales, culturelles, voire ethniques,
quand ce n'est pas (...) en fonction de leurs options idéologiques
ou religieuses. » (p.103)
« Si nous abandonnons l'école à elle-même
et aux démons de la société, nous risquons de voir
nos grandes villes subir le sort de Sarajevo et la France celui de la Yougoslavie.
» (p.108)
« Untel vient d'un quartier à fort taux de chômage
: on le traite bientôt comme un malade. Fils d'ouvrier, c'est grave
? On s'en remet ? la perte d'emploi, c'est contagieux ? Et il existe, c'est
certain, des élèves qui restent cancres ou asociaux, simplement
pour respecter l'image que les adultes ont d'eux. » (p.109)
« (...) celui qui a raison est toujours le même ... celui
qui a les diplômes, celui qui crie le plus fort » (p.110)
« sans exigence de solidarité, (la société)
se laisse fasciner par la raison arrogante, bascule vers la colonisation
violente des «barbares » ou l'exclusion de ceux qui ne veulent
pas «entendre raison ». (p. 111)
« Les partisans de l'école sanctuaire souhaitent en faire
un havre de paix et de bonne conduite dédié au savoir, un
temple réservé aux enfants déjà éduqués
qui connaissent et respectent, avec dévotion ou hypocrisie, le déroulement
de la messe. Ces idéologues renoncent à dialoguer avec les
jeunes qui ne leur ressemblent pas. Ils abandonnent, plus ou moins explicitement,
la formation aux valeurs essentielles, fondatrices de toute socialité.
Ils renforcent les ghettos, fragmentent la société, favorisent
les tensions dans les entreprises dues à l'absence de dialogue social.
Ils préparent le terrain aux émeutes dans les banlieues,
aux guerres civiles et au terrorisme. » (pp. 113-114)
« D'après une enquête effectué (sic) par le
ministère en 1996, les enseignants consacrent presque 50% de leur
temps de travail aux heures de cours proprement dites, 22% à leur
préparation, 19% à la correction des copies ... et seulement
9% au suivi des élèves, entretiens avec les familles ou réunions
pédagogiques. C'est dans ce (sic) 9% déplorablement insuffisant
qu'il faut chercher les causes de la violence et de l'échec scolaires.
L'établissement apparaît comme une sorte de château
hanté traversé part de rares ombres et dont l'essentiel du
fonctionnement repose sur quelques héros des temps modernes : le
directeur ou le chef d'établissement, le conseiller d'éducation,
la documentaliste, un professeur d'éducation physique, le chef cuisinier
et le concierge... (p.121)
« Finalement, faire un cours n'est pas si difficile
» (p.122) (souligné par nous)
« Le recours au politique, et lui seul, fondera l'indépendance
de l'école obligatoire (...) Une indépendance qui garantisse
aussi la population contre l'arrogance et l'impunité dont l'institution
scolaire fait parfois preuve. » (p.124)
« L'école a la manie de s'attacher à la première
impression donnée par un élève. Elle catalogue, trie
les bons des mauvais et les oriente (...) La mauvaise note est perçue
comme une mise en cause personnelle (...) En fait, ce qui décourage
l'enfant, ce n'est jamais la difficulté, mais l'absurdité
de ce que l'école lui propose et dont il ne perçoit pas le
sens. » (p. 133)
« Du reste, on n'apprend pas aux élèves à
anticiper l'usage qui pourrait être fait de ce qu'on leur présente.
Les contrôles, les compositions, les examens, ils n'apprennent pas
à les préparer en classe. » (p. 135)
« Tu vas te taire, [dit le maître], arrêter de bouger
et d'insulter tes camarades, parce que je te l'ordonne, voilà tout
! » Ou encore : « Tu vas manger parce que je te l'impose. »
(...) C'est un bras de fer sans autre issue que la violence. Elève
ou professeur, enfant ou parent, le plus faible est irrémédiablement
atteint et portera longtemps les stigmates de sa défaite (...) Il
faut que l'affaire solde par un mort ... symbolique, bien sûr ! »
(pp. 136-137)
« Car voilà ce qui bloque fondamentalement le fonctionnement
de l'école : les rapports humains y sont régis par la force,
la séduction ou la violence... » (p.137)
« Les enseignants fabriquent de la délinquance quand leur
pédagogie et leur comportement démontre aux élèves
que le seul pouvoir toléré dans la classe est celui de la
force, quand l'expression authentique et personnelle n'est jamais possible,
la dissimulation objectivement encouragée, quand chacun doit serrer
son poing dans sa poche parce qu'il sait qu'il ne peut pas (il n'en a ni
les moyens ni le droit) tenter de dire ce qu'il pense,
(souligné par nous) expliquer ce qui l'aide à travailler,
ce qui l'intéresse et les questions qu'il se pose. » (pp.
148-149)
« L'école aujourd'hui ne forme pas les élites, elle
se contente de les sélectionner. » (p. 164)
« Seuls ceux qui sont favorisés au départ et soutenus
en permanence par leur famille peuvent suivre sans dommage une scolarité
qui ressemble à un parcours du combattant. » (p.167)
« (...) trop souvent, aujourd'hui, l'élève en difficulté
bâcle son travail, il est payé d'une mauvaise note et les
choses s'arrêtent là. Chacun a rempli son contrat ... et l'élève
ne progresse pas. De telles méthodes devraient être interdites
par la déontologie enseignante : la mauvaise note signe aussi l'échec
du professeur (souligné par nous)... » (pp. 174-175)
« Pour beaucoup de jeunes, la réussite, c'est l'argent
facile, la grosse voiture, les voyages à l'étranger et la
consommation individuelle (...) L'école ne propose d'autre alternative
(sic ) ; elle est incapable de présenter un modèle de réussite
tournant résolument le dos à l'arrivisme individualiste.
Elle ne propose aucun modèle qui permette d'accéder à
de nouvelles valeurs : travailler en groupe et inventer ensemble, trouver
du sens à ce que l'on fait et du plaisir à rencontrer l'inconnu
(...) » (pp. 186-187)
« Juqu'en 1997, les données publiées représentaient
une véritable imposture car elles omettaient un facteur essentiel,
le taux de mortalité scolaire (souligné par
nous) (...) Tel [lycée] n'obtient que 60% de succès, mais
si son taux de mortalité scolaire n'est que de 20%, cet établissement
est plus performant [que tel autre]. » (p.187)
Les multiples attaques injurieuses de Claude ALLEGRE n'étaient
pas des «dérapages verbaux » d'un ministre un
peu caractériel, mais s'inscrivent dans une stratégie délibérée
de diffamation et de culpabilisation des enseignants, destiné à
préparer le terrain aux réformes fondées sur l'idéologie
« scientifico-éducative » de Philippe MEIRIEU et ses
acolytes.
Vincent DUPONT (anglais))
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