Contributions : Analyses



 

Commentaire du cahier d’évaluation de mathématiques de Seconde. (octobre 2000)

Exercice 1

" Le double du nombre x est égal à 16 ".

On peut s’étonner de voir poser en seconde une question si facile, et avec le modèle donné ; mais ce qui est plus grave, c’est que tant d’élèves y échouent. Voici ce qu’il en ressort dans la classe d’une amie.

Réponses et explications variées, en gros à peu près la moitié des élèves ont commis des erreurs, de résultat ou de justification, ou de cohérence algébrique.

Exemples :

8x = 16 donc le nombre est 8.

8x = 16 , x = 2 donc le nombre est 2.

2x = 16 donc c'est 2.

16 × 2 = 32 donc ça fait 32.

On pourrait détailler longuement les démarches de pensée erronées suivies par les élèves.

Il est visible que x est l'objet magique qui sert à n'importe quoi, qui signifie n'importe quoi selon l'occasion : un nombre, une opération, une fonction, ... Invités ensuite oralement pendant le cours à vérifier ce qu’ils ont écrit, la majorité en sont incapables.

Il y en a quand même à peu près la moitié qui disent sainement que le nombre est la moitié de 16, donc 8, et écrivent correctement l’équation qui reflète exactement l’énoncé et la solution algébriquement cohérente.

La deuxième question est du même niveau : CE1. En effet, on trouve dans les Instructions officielles de 1945

" Au CP :

CALCUL (3 h. ¼)

(Trois leçons de 15 mn par jour)

Etude concrète des nombres de 1 à 5, puis de 5 à 10, puis de 10 à 20. Formation, décomposition, nom et écriture. Usage des pièces et billets de 1, 2, 5, 10 francs, du décimètre et du double décimètre gradués en centimètres.

Les nombres de 1 à 100. Dizaines et demi-dizaines. Compter par 2, par 10, par 5. Usage du damier de cent cases et du mètre à ruban.

Exercices et problèmes concrets d'addition, de comparaison et de soustraction (nombres d’un chiffre, puis de deux chiffres, de multiplication et de division par 2 et 5.

Et au CE1 :

CALCUL (3 h. ¾)

(3/4 d'heure par jour en deux leçons)

Formation des nombres de 1 à 20. Table d'addition.

Numération de 1 à 100, puis de l à 1.000 ; compter par milliers en liaison avec l'étude des unités usuelles du système métrique : franc, mètre, centimètre, kilomètre, litre, centilitre, hectolitre, gramme, kilogramme (sans l'usage de la virgule).

Usage et pratique de l'addition et de la soustraction.

Addition et soustraction mentales d'un nombre d’un chiffre.

Table de multiplication. Usage et pratique de la multiplication et de la division (par un nombre de deux chiffres au plus) dans des problèmes simples empruntés à la vie courante. Calcul rapide de la multiplication et de la division par 2 et 5. Calcul en centimètres carrés ou en mètres carrés de la surface d'un rectangle dont les dimensions sont exprimées en centimètres et en mètres.

Mois et jours. Heures et minutes.

Exercices pratiques de mesure des longueurs en mètres et centimètres.

Etude de figures géométriques simples par tracés, découpages et pliages. Carré, rectangle, quadrillages, triangle régulier, cercle. Angle droit et demi-angle droit. Usage de la règle, du double-décimètre, de l’équerre à 45°.

Observation d’un cube. "

Doit-on trouver normal que les adolescents de 15 ou 16 ans de l’an 2000 n’arrivent pas, ou difficilement, à faire ce qui était enseigné et demandé à des bambins de 6-7 ans en 1945 ? Ou alors, osera-t-on dire que les programmes de l’école primaire de 1945 étaient élitistes ? Au lendemain de la Libération, les auteurs ou tout du moins les inspirateurs de ce programme étaient Georges Cogniot, Paul Langevin et Henri Wallon, qui restent des références progressistes, ils ne méprisaient pas les enfants du peuple.

Revenons au cahier.

La cinquième question de cet exercice 1 sera encore moins réussie, parce que la structure de la phrase est un peu plus compliquée : il y a deux opérations. Une difficulté est la gestion de plusieurs " cases-mémoire ", la capacité à faire les aller-retour mentalement que cela suppose, alors même que les élèves ont un brouillon, et que le principe de l’écriture algébrique est justement de faciliter ce travail de mise en mémoire. Pensez aux jeux du genre : " je pense un nombre, je lui ajoute 3, je multiplie le tout par 4, etc. ". Mais comme ils n’ont précisément pas compris la notion de variable (le x !), enseignée en principe depuis la cinquième et la quatrième, avec l’injonction de mise en équation de problèmes, ils ne savent pas s’en servir.

Exercice 2.

Addition, soustraction de nombres entiers simples, et pourcentages, ce qui se pratique aussi depuis le CM2. La lecture des diagrammes ne devrait pas présenter de difficultés, mais je suis prête à parier que pour le diagramme en barres certains élèves vont confondre les effectifs avec des pourcentages, sans du tout s’offusquer de l’éventualité d’avoir 120% du total …

Exercice 3.

La lecture de graphiques est un objectif déclaré important, mais dont nous constatons qu’il est difficilement acquis ; je sais la tête que font les voyageurs dans les gares, perdus devant les tableaux horaires de la SNCF, et heureusement il n’y a plus les graphiques de mouvements de trains comme on en trouvait quelquefois … La lecture en deux dimensions est autre chose que la lecture linéaire d’un texte. Je sais par expérience de mes secondes qu’une question telle que la cinquième leur est difficile, parce qu’ils ont de graves difficultés de lecture du graphique, et d’expression française. Vous noterez que l’exercice ne leur demande pas de calculer la vitesse d’un des mobiles, alors que c’est une notion qui devrait être acquise. Revenons encore au programme de CM de 1945 :

" Mesure du temps : heures, minutes, secondes, années commerciales de douze mois de trente jours. Problèmes simples sur le mouvement uniforme et les placements à court terme. "

Exercice 4.

Utilisation des théorèmes de Pythagore et de Thalès dans des cas très simples, et que les élèves ont, paraît-il, abondamment confondus, et mal utilisés.

On aurait pu demander de construire la figure exacte avec les seules données de l’énoncé, la réalisation de la figure demandant des connaissances et un peu de réflexion, ce qui a été soigneusement évité Pour comparer, je propose un exercice du livre de Maillard 3e de 1958, considéré par son auteur comme de difficulté moyenne, et qui est théoriquement faisable par les élèves actuels (le programme le permet) :

" On trace un segment AB, puis de A et B, dans le même sens, les demi-droites perpendiculaires à AB, soit Ax et By.

Soit D un point variable de By ; du point B on trace la perpendiculaire à AD, qui coupe AD en I et Ax en C.

Démontrer les relations : AB² = AC×BD et AB² + CD² = AC² + BD². "

Très peu d’élèves actuels de 3e ou de 2e (ou même de 1e ou TS) s’en débrouilleraient, alors qu’ils ne sont pas inférieurs génétiquement aux enfants de 1958 !

Il n’y a pas que la question du programme qui les handicape, mais aussi les exigences moindres, et les modalités de passage.

Des exercices analogues aux 5, 6 avaient été posés dans les années antérieures, le 7 et le 8 sont repris exactement de cahiers anciens, quatre ans maximum.

Exercice 5.

Les trois premières questions sont du calcul algébrique de niveau quatrième, la 5e est du niveau sixième (grandeurs proportionnelles), et la 4e suppose que l’élève sait que la somme des angles d’un triangle est 180° (programme de 4e), mais comme très souvent dans les exercices toutes les démarches intermédiaires sont indiquées, et que ici ce n’est pas dit explicitement, les élèves ne savent pas résoudre cette question, qui du point de vue calcul strictement, est du niveau sixième et cinquième (partages proportionnels).

Vous remarquerez en bas de la page le tableau de correspondance entre nombres et lettres ; c’est parce que les auteurs du cahier savent que les élèves ne savent pas l’alphabet par cœur.

Exercice 6.

Sommes et produits, calcul algébrique courant depuis la quatrième. En principe.

Mes amis Avi et Jean-Yves s’indignent qu’on demande à des élèves de seconde de distinguer une somme d’avec un produit, je partage leur sentiment, tout en sachant que chez les élèves qu’on fait passer en seconde maintenant, ces exercices causent beaucoup d’échec, parce que ces expressions algébriques comportent toutes plusieurs opérations, explicitement écrites ou sous-entendues, et la faiblesse de la " mémoire vive " des élèves les empêche de retenir tout. Seule l’expression B (x² + 10x + 25) a du succès, parce que c’est le développement type du carré d’une somme, donné par une identité remarquable. Pour les autres, qui étaient jadis tout à fait usuelles en troisième, on observe un échec lamentable, en partie peut-être parce que la mode pédagogique fait comme si les élèves découvraient et structuraient tous seuls les différents procédés de factorisation, qui étaient jadis objet d’un apprentissage systématique. Il faudrait encore qu’ils apprennent leurs leçons …

Exercice 7.

Il est destiné à vérifier si les élèves ont une vision de l’espace, mais vous pouvez constater qu’aucun raisonnement n’est demandé, alors que pour le choix entre les figures 1, 2 ou 3 on aurait pu en demander au moins l’ébauche. Car ce qui est intéressant, c’est de connaître la démarche de pensée des élèves. Avec une réserve cependant : comme les élèves en fin de troisième ne disposent pas du théorème sur les droites et plans perpendiculaires, (que dis-je ? théorème est un mot grossier, exclu du vocabulaire mathématique du collège), ils ne peuvent pas discriminer théoriquement les figures 2 et 3.

Expérience déjà faite, cet exercice est assez peu réussi.

Exercice 8.

L’aire et le périmètre d’un rectangle sont au programme des classes primaires, et de la sixième, et donnent lieu à de nombreuses réutilisations. Il n’empêche que les élèves massivement les confondent, c’est-à-dire qu’ils n’en ont pas compris la signification. Expérience faite, jusqu’au tableau numérique, c’était à peu près correct (sous réserve de ce que j’ai dit sur la confusion). Mais quand on demande les expressions algébriques, l’échec est presque total : la plupart des élèves entrant maintenant en seconde n’ont rien compris à la signification de l’algèbre. La représentation graphique de la page 13 pose les problèmes déjà évoqués ci-dessus pour l’exercice 3, auxquels s’en rajoute un autre : les élèves sortant de troisième n’ont jamais vu que des droites comme représentations graphiques de fonctions ; ici c’est manifestement autre chose, ce qui les perturbe, et constitue une légère malhonnêteté à leur égard.

Exercice 9.

Vous pouvez voir en direct que les théorèmes n’existent plus en droit, on ne connaît plus que des " propriétés ", non démontrées sauf miracle. Vous pouvez voir aussi qu’on donne le cours aux élèves, donc il n’est plus supposé nécessaire de l’apprendre.

Vous voyez le style de la première question, une rédaction à trous. Je ne suis pas du tout certaine qu’on entraîne ainsi les élèves à une démarche autonome, pour citer les grandes phrases des Instructions officielles.

Il correspond à ce qu’on considérait jadis comme un exercice simple de quatrième :

La question 2 demande un pas de démonstration, soit un syllogisme simple :

La majeure : le théorème 6,

La mineure : EGF et EIF interceptent le même arc EF,

La conclusion : EGF = EIF = 70°

Question 3 : un peu plus compliquée, là il y a deux choses à dire, et, ô étonnement, on peut même s’y prendre d’au moins deux façons !

Question 4 : même remarque.

Mais je prédis un taux de réussite extrêmement faible, les élèves ne sachant plus faire de démonstrations, entre autres parce qu’ils ont de graves difficultés d’expression en français, ils ne savent guère faire que des phrases à une proposition indépendante, ou deux indépendantes juxtaposées ; donc les phrases avec une proposition principale et des subordonnées de cause, de conséquence, des relatives, des appositions, absolument indispensables dans l’articulation logique d’une démonstration, leur sont grammaticalement inaccessibles. Je tentais d’évoquer ceci en cours pour leur expliquer leurs difficultés, et y remédier. Inutile de dire que les termes que je viens d’employer ici leur sont totalement inconnus.

Accueil

.

1

Hosted by www.Geocities.ws

1