Dimanche 8 février
2000
Aix-Marseille : pour la première fois, des emplois-jeunes seront
en grève jeudi
Emplois jeunes, ils ont choisi le secteur de l'Education nationale par goût
de l'institution, sûrs aussi de bénéficier d'une formation qui
les conduirait ailleurs, mais vers le monde du travail. Aujourd'hui, David, Patrick,
Jean-Philippe ou Ahmed, aides éducateurs expriment leur "immense désillusion".
Jeudi, ils suivront le mouvement de grève lancé par la FSU auprès
des 3 200 aides éducateurs de l'académie d'Aix-Marseille, une première
en France." Le dispositif emploi jeune consiste à combler des manques
en personnel, pas de nouveaux besoins ", constate, amer, Patrick Maillard. Lui,
travaille au collège Arthur Rimbaud dans le 15e arrondissement de Marseille.
Son contrat prévoyait qu'il s'occupe d'informatique. " Très vite,
explique-t-il, j 'ai fait de la maintenance ou de la manutention " . Il lui
est arrivé aussi de remplacer un surveillant absent. Mais la pire des déceptions,
c'est la quasi absence de formation dont 10 % seulement des aides éducateurs
bénéficieraient.
David Fortina a dû se battre pour présen ter un concours où se
7% des candidats sont admis !qu Permet d'accéder à une forma tion de
moniteur éducateur. On me proposait un CAP petite-enfance, l'équivalent
d'un bac moins 3 ". Ahmed Salim est allé, lui, de déboire en déboire.
Il voulait préparer le brevet d'État d'animateur technicien de l'éducation
populaire. "J'ai reçu les documents la veille de la clôture des
inscriptions au concours
Il réussit malgré tout à s'inscrire, passe avec succès
les épreuves de sélection et apprend 2 mois plus tard qu'il ne peut
pas suivre cette formation qui coûte trop cher. "0n ne sait pas sur quels
critères certaines formations qui valent jusqu'à 18 000 F sont acceptées
et d'autres pas " . Bref, ces emplois jeunes qui devaient être un "
tremplin" menacent d'aboutir sur " un immense ravin", explique David
Fortina. "Soit on nous donne une formation qui nous permet en sortant de trou
ver un emploi dans le privé, soit on pérennise nos emplois dans 1 éducation
nationale" explique Patrick Maillard. " Que l'on respecte au moins les
textes " renchérit Ahmed. " Certains font jusqu'à 49 heures,
alors que nos contrats prévoient 35 heures, formation comprise ".
Dominique ARNOULT
"De l'enseignement mais pas des mesures de gardiennage"
"Zidane saura-t-il jongler avec les heures de cours?" lance un prof, en
forme de boutade. A vrai dire, l'idée de faire intervenir le "ballon
d'or" dans les établissements difficiles ne fait pas du tout sourire
les enseignants, qui n'y voient que l'annonce la plus caricaturale et " démagogique"
d'un second plan anti-violence dont ils n'attendaient pas grand-chose. "On a
vu ce que donnait le premier : des projets basés sur le volontariat et quelques
heures supplémentaires uniquement pour coucher sur le papier le compte rendu
de ces expériences", souligne Alexis Berchadsky, professeur d'histoire
au collège de la Belle-de-Mai à Marseille, en grève.
"Nous n'avons pas à faire de l'animation"
Dans le même temps, les enseignants qui réclament régulièrement
de "vrais moyens" voient diminuer le nombre d'heures de cours, mais se
déployer des "mesures de gardiennage" avec le recours à nouveau
aux aides-éducateurs, voire à la police. "Tenez les voilà
en quelque sorte ce que l'on nous dit. Nous ne sommes pas là pour faire de
l'animation, flous sommes là ,pour enseigner ", explique Frédéric
Couderc, professeur de français au collège Edgar Quinet à Marseille,
en grève anssi." C'est l'institution qui fait violence aux élèves
en les sous estimant En ne répondant pas à leur demande d'enseignement,
on renonce à leur réussite", estime Sandrine Faye, professeur
de mathématiques à Port Saint-Louis du Rhône où depuis
une semaine les enseignants ont cessé les cours. "À quoi sert
que l'on nous demande sans cesse notre avis ? Nous répondons chaque fois,
ce fut encore le cas lors de l'opération menée par Ségolène
Royal Collège 2000 que nous voulons des moyens d'enseignement supplémentaires
et des personnels qualifiés pour contrer les difficultés de nos élèves,
explique Sandrine Faye. L'an prochain dans son établissement, il y aura 14
élèves en plus et l'équivalent de 2 professeurs et demi en moins.
Dans ce collège encore, les aides-éducateurs peuvent être appelés
à remplacer un professeur absent. "Les élèves ne sont pas
dupes, ils savent que les aides-éducateurs n'ont rien à leur apprendre".
Moins d'heures, moins de moyens "c'est un pou moins d'écoute, un peu
moins de temps à consacrer à chacun et plus de souffrance pour lélève
en difficulté. On nous coupe l'herbe sous les pieds", résume Alexis
Berchadsky. Ce matin, à 10h.30, les enseignants des collèges en grève
à Marseille se réuniront devant celui de la Belle de Mai d'où
partira une manifestation, où se joindront-ils, les parents.
Dominique ARNOULT |