COMMENTAIRES SUR LA REFORME DES LYCEES

Le Jeudi 8 Mars, M. Claude Allegre a présenté devant le conseil supérieur de l'éducation nationale sa charte des Iycées. Présenté de façon attractive pour l'opinion, ce texte comporte, déjà sous sa forme actuelle, des mesures très dangereuses pour la qualité de l'enseignement dispensé. Face à la forte mobilisation des enseignants contre ce projet, il laisse dans le flou certaines questions importantes. Au vu des principes ayant inspiré cette réforme et des mesures déjà prises par le ministre, nous sommes en droit de nous attendre au pire dans l'avenir. Face à la campagne de désinformation mené par le ministre dans les médias, voici quelques commentaires fait par des enseignants de terrain. Ils visent à instaurer un véritable débat sur ce projet.

Le contenu des enseignements

La limitation des heures d'enseignement

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Il est prévu de limiter à 26 heures le nombre d'heures de cours dans la voie d'enseignement général et à 30 heures dans la voie technologique. Cette limitation doit s'accompagner d'un allégement des programmes
D'une part cette réduction provoquera un appauvrissement des savoirs. Pour maintenir un enseignement de qualité, le complément devra être assuré par les familles. Il s'agit donc d'une mesure inégalitaire. D'autre part on peut craindre que l'allégement des programmes soit réalisé sans concertation avec les enseignants comme cela a été le cas au début de cette année scolaire. Cette mesure semble obéir à un souci d'économie budgétaire plutôt qu'à un souci d'efficacité de l'enseignement.

L'aide personnalisée

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La réduction des heures de cours doit permettre de dégager des moyens pour assurer une aide individualisée aux élèves en difficulté. Cette mesure répond à un souci louable de corriger les inégalités culturelles et économiques. Cependant il nous semble que son efficacité ne peut être que limitée dans sa forme actuelle.
L'aide ne concernera que 8 élèves par classe et par trimestre. On peut supposer que les plus faibles seront choisis pour en bénéficier. Dans ce cas des questions se posent:

- Que faire si on identifie plus de 8 élèves en difficulté dans une classe ?
- Est ce vraiment efficace pour ce type de public ? L'expérience montre que les élèves en grande difficulté bénéficiant de ce type de dispositif ( cela a été tenté dans certains établissements ) ont tendance à prendre ces heures pour des études surveillées et donc à ne pas fournir plus d'effort, au contraire. Ce type de dispositif n'a montré une certaine efficacité que sur des élèves très motivés et connaissant des difficultés limitées. Si, dans un souci d'efficacité, I'aide ne porte que sur ce type d'élèves, le problème de ceux qui sont en grande difficulté n'est pas réglé.
- L'existence de ce dispositif ne risque-t-elle pas d'entraîner un certain laxisme au niveau des passages en fin de 3ème ? Cela justifierait le passage en seconde d'élèves très faibles, sachant que ceux-ci pourraient bénéficier de ces heures de soutien.
- Quel sera le contenu de ces heures d'aide individualisée ? Si elle constitue un rattrapage des bases du collège, cela ne pointe-t-il pas l'échec du collège actuel ? En quoi serait-ce une solution d'étendre au Iycée les principes ayant fait la preuve de leur nocivité ?
- Il est prévu un réexamen régulier de ce dispositif; mais sur quels critères seront attribuées ces heures dans le futur ?

Il s'agit donc de sacrifier des heures d'enseignement pour tous les élèves dans le but d'installer, à moyens constants un dispositif dont l'efficacité est douteuse.

Enseignement des langues

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La réforme place au centre de l'enseignement des langues les compétences de communication. Dans ce but, elle prévoit le recrutement d'assistants devant assurer des heures de conversation avec les élèves, en remplacement d'heures de cours.
Cela ne peut se faire qu'au détriment de l'enseignement de la grammaire, de la civilisation, et de la littérature . L'enseignement des langues est réduit à son aspect purement utilitaire. De plus, le recrutement des assistants natifs ne garantit pas leur compétence pédagogique. N'est-ce pas un moyen, encore une fois, de remplacer des enseignants par un personnel précaire et sous-payé par souci d'économie ?

Options

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La réforme diminue le choix des options et constitue un danger pour les enseignements de langues vivantes I et II, de latin et de grec, qui risquent, à terme, de disparaître.

Éducation civique juridique et sociale

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Cet enseignement doit être organisé sous forme de débat. Il s'agit d'apprendre aux élèves la forme du débat mais sans se soucier du fond. L'expérience, dans nos classes, montre que les débats tournent le plus souvent court et que les élèves s'ennuient très rapidement après une phase d'enthousiasme. C'est normal ! Les arguments avancés dans un débat ne peuvent provenir que de connaissances préalables. Comment débattre sur un sujet sans avoir auparavant acquis et maîtrisé ces savoirs que l'école se doit d'apporter ? Or la réduction des horaires d'enseignement et des contenus ne permettra plus l'acquisition de ces savoirs. A défaut, l'élève sort de ces débats tel qu'il était avant et se rend compte rapidement de la supercherie et du vide de ce type de pratique.
Il faut souligner que la technique de l'argumentation fait partie déjà de l'enseignement dans un grand nombre de disciplines: en Français avec la technique de la réfutation de thèse, en Histoire Géographie, en SES, en Philosophie à travers l'exercice de la dissertation qui entraîne l'élève à argumenter à partir de véritables savoirs et non dans le vide. Malheureusement cet apprentissage de l'argumentation est remis en cause dans de nombreuses disciplines et déjà depuis un certain temps par le recul de l'exercice de dissertation aux épreuves du Bac. Or, quel meilleur moyen pour former un citoyen que celui qui consiste à lui apprendre qu'avant d'affirmer une opinion, il faut d'abord la passer à l'épreuve du doute et de l'esprit critique

Les travaux personnels encadrés

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La réforme propose la mise en place de ces TPE en première et terminale. Ils sont censés encourager la créativité et l'autonomie des élèves. Cette mesure nous semble être une menace sur les savoirs et sur le bac sans atteindre pour cela les objectifs recherchés. Il nous parait tout d'abord difficile de développer sa créativité sans avoir auparavant acquis une culture solide. D'autre part, les sujets de ces dossiers étant à choisir sur une liste nationale, cela va entraîner à coup sûr une floraison de littérature parascolaire fournissant clef en main le contenu et le plan de chaque thème. Qu'en sera-t-il alors de la créativité et de l'autonomie des élèves ?

L'épreuve du bac

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Le texte prévoit que les modalités d'organisation du bac feront l'objet d'une réflexion ultérieure. On peut craindre une remise en cause de cet examen en particulier au profit d'une place plus importante accordée au contrôle continu

- Épreuves anticipées
- Prise en compte plus importante du livret scolaire
- Prise en compte des Travaux Personnels Encadrés.

Sur ce dernier point on peut craindre que les candidats ne soient plus évalués sur des savoirs, mais sur leur capacité à se vendre devant un jury. Il faut souligner comme on peut déjà l'observer au Bac STT à propos de l'épreuve pratique que les dossiers présentés par les candidats ne sont pas toujours les leurs. On peut voir se développer un trafic de dossier en vue des épreuves du Bac. Enfin ce type d'épreuve a permis d'atteindre un taux de réussite de 80 % au bac STT. Si le bac devient une formalité, faudra-t-il attendre bac + 2, à 1'âge de 20 ans, pour rencontrer le premier diplôme qualifiant ? Et l'allongement de ce délai n'entraînera-t-il pas une nouvelle forme de discrimination sociale ?

Si la sélection est amoindrie au niveau du Bac, elle se déplacera automatiquement ailleurs et sous d'autres formes.

Les statuts

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Le texte indique que l'évolution du métier implique une redéfinition progressive du service des enseignants. On peut craindre qu'à terme, les heures d'aides aux élèves, les heures consacrées aux TPE, le suivi des élèves, la concertation entraînent une augmentation des heures de présence dans les établissement sans rémunération supplémentaire et au détriment de la préparation de notre enseignement. La prolongation de notre présence au Iycée serait en fait pédagogiquement désastreuse, parce qu'elle remplacerait un temps de travail intellectuel par des occupations d'animation sans consistance ni effet éducatif durable. On peut craindre également que dans un souci d'optimisation, les cours soient assurés en cas d'absence par un collègue enseignant une matière connexe, un surveillant ou un emploi jeune, c'est-à-dire du personnel non qualifié dans la discipline. Cette évolution vers un statut plus flexible va, dès l'an prochain, se manifester à travers la transformation des titulaires académiques en titulaires remplaçants. Ceux-ci pourront être affectés dans l'année scolaire au gré des besoins dans différents établissements et dans différentes fonctions: documentation, surveillance, administration. Cette flexibilité risque de s'accompagner d'une annualisation du temps de travail, permettant de remettre en cause les heures de 1ère chaire et la rémunération des heures supplémentaires. En résumé, cette évolution déqualifie le travail, et la précarisation aggrave l'instabilité des équipes pédagogiques, alors que c'est l'inverse qui devrait être recherché.

Les moyens

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La réforme ne prévoit aucun moyen supplémentaire:

- Concernant les effectifs par classe, le seul objectif est celui des 35 élèves en terminale, mais aucun poste n'est prévu pour l'atteindre. Au contraire, les dotations horaires diminuent dans un grand nombre d'établissements et on constate une diminution importante des postes aux concours de recrutement ( 12% en moyenne et 50 % dans certaines disciplines comme en Philosophie ).
- Les classements en zone prioritaire ne se feront que par le redéploiement des moyens.
- Aucun moyen supplémentaire n'est prévu pour améliorer l'encadrement des Iycéens dans un contexte croissant de violence et de difficultés sociales: postes de surveillants, de conseillers d'éducation, d'infirmières, d'assistantes sociales. La seule réponse que le ministre apporte à ces besoins est le recrutement d'emplois jeunes, donc de personnels précaires et non qualifiés pour ces tâches.

Outre le texte de la réforme, il faut signaler les mesures déjà prises par le ministre et contre lesquelles nous luttons:
- La réduction de la rémunération des heures supplémentaires de 17 %, qui est en fait une diminution de salaire, puisqu'elles nous sont imposées à raison de deux heures par semaine: en effet, les dotations horaires des établissements contiennent obligatoirement au moins 10% d'heures supplémentaires.
- La déconcentration des mutations, présentée comme la solution à tous les problèmes, mais qui en réalité, sans apporter de solution, constitue un pas vers le recrutement décentralisé des personnels. Elle devrait logiquement s'accompagner, à terme, de concours régionaux, qui rendraient inégaux les concours de recrutement - et le niveau de qualification - des professeurs.
- La circulaire sur les remplacements, qui fait passer de deux semaines à quatre le délai avant lequel un professeur est remplacé. Cela va à l'encontre de l'objectif affiché: « aucune classe sans professeur ».


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