1. POINTS COMMUNS A CES DEUX REFORMES
1.1. ABSENCE DE CONCERTATION
M. ALLEGRE gouverne par décret imposé, sans concertation
aucune avec les enseignants. Comment imaginer qu’une réforme d’envergure
puisse espérer réussir si elle est élaborée
sans les personnels qui seront chargés de la mettre en œuvre, et
maintenant contre eux ?
1.2. ABSENCE DE CONTENU
L’une comme l’autre de ces réformes sont des « coquilles
vides » : elle ne parlent que des structures, sans jamais envisager
les objectifs ni leurs conséquences en termes de contenus.
Or ce qui fait la nécessité d’une réforme, c’est que
les objectifs que l’on se fixe ne sont pas atteints par le système
que l’on veut réformer. Dans les deux cas, c’est l’inverse qui se
produit : M. ALLEGRE réforme d’abord les structures, il pensera
peut-être après aux contenus !
Dans la « Charte pour l’école … », la référence
aux contenus tient en ces mots : « apprendre à parler, lire,
écrire, compter, articulant tous les contenus et les grandes orientations
pédagogiques » ( ? ? ?)
Dans la réforme du lycée, tout tourne autour des grilles
horaires. Sans doute M. ALLEGRE coupera-t-il après aux ciseaux dans
les programmes, comme il l’a déjà fait pour l’allégement
des programmes en cours d’année.
1.3. PHRASEOLOGIE
Le troisième point commun est l’enrobage de ces réformes
dans une phraséologie d’apparence « gaucho-novatrice »
et égalitaire, phraséologie complètement contredite
par l’examen minutieux des moyens prévus (ou non !) pour l’application
de ces réformes et leurs conséquences sur le démantèlement
de l’Education Nationale publique.
1.4. PRECIPITATION
Le quatrième point commun ressort de la précipitation
avec laquelle les deux textes entrent en application : la charte pour l’école
du XXIème siècle, parue au B.O. en décembre et présentée
au public et aux professionnels en même temps ( !) le 23 janvier,
était déjà en application dans sa première
phase d’expérimentation depuis le 15 janvier. La deuxième
phase (extension de la première phase) doit entrer en application
à la rentrée 1999-2000. La réforme des lycées
est pour sa part applicable à la rentrée 1999, alors qu’à
la fin janvier, rien n’est encore paru sur les programmes ainsi modifiés.
De plus, alors qu’ils préparent leur rentrée en termes de
postes d’enseignants, comme en terme de demande de moyens informatiques,
les proviseurs ne sont toujours pas officiellement informés de cette
réforme !
1.5. IMPRECISION
Le cinquième point est le flou qui règne savamment dans
les deux textes : rien sur les moyens, des conditionnels étranges
:
- les expériences seront menées sur la base du volontariat
mais « dans au moins 2 000 écoles, dont au moins la moitié
pourraient être situées en ZEP » (donc lire «
au plus une certaine partie sera située en ZEP » !)
- « certains enseignants pourraient à tour de rôle
… » etc.
- une conception ô combien élargie, mais très,
très, floue du métier de professeur des écoles, etc.
- Pour la réforme du lycée, rien sur les filières
technologiques ni professionnelles. Pourtant, toutes sont liées,
ne serait-ce que pour ce qui concerne l’utilisation des salles et des moyens
informatiques et télématiques.
- De même, aucune précision sur la nature des personnels
qui réaliseront les aides individuelles.
M. ALLEGRE part en fait des objectifs de contraintes budgétaires qu’il accepte (la répression de la violence semble plus urgente qu’une éducation correcte) pour créer une structure qui s’en accommode, reportant sur d’autres échelons (surtout locaux) les surcoûts dégagés.
2. POINTS SPECIFIQUES A LA REFORME DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
(pompeusement appelée « charte pour bâtir l’école
du XXIème siècle » !)
2.1. PRINCIPES GENERAUX DE LA REFORME
Le principe général de cette réforme est que d’une
part il faut répondre aux « attentes sociales » («
demande légitime des parents pour l’accueil des enfants jusqu’à
18h ou 18 h 30 ») et d’autre part « mettre en place des rythmes
scolaires adaptés à ceux de l’enfant ». Pour cela,
interviennent, sous la responsabilité des enseignants qui coordonnent
l’ensemble des activités, le maître lui-même, des «
aides-éducateurs spécifiquement affectés à
l’école, des intervenants extérieurs de formation artistique,
culturelle ou sportive », « pour les langues vivantes, l’usage
de toutes les nouvelles technologies », « rémunérés
par la ville ou les associations ».
Le maître, qui aurait du coup du temps libéré l’après-midi,
pourrait :
- « mettre en place les formules d’aides aux enfants en difficulté
»
- « préparer les activités de coordination »
- « se former »
Tout s’articule donc autour des projets pédagogiques :
il s’agit d’intégrer dans le cadre scolaire, sous la responsabilité
du maître, toutes les activités périscolaires, y compris
l’accueil, la cantine et l’étude, qui devront avoir une «
complémentarité de contenu ». « Il est de la
responsabilité de l’école de donner à l’ensemble des
activités de la journée une cohérence éducative
dont les maîtres sont les garants ».
2.2. LES « ATTENTES SOCIALES »
2.2.1. Est-ce à l’école de prendre en charge
les problèmes de gestion d’emploi du temps des parents ? On peut
répondre par la positive à cette question, mais dans ce cas,
pourquoi « rendre » les enfants aux parents le soir, alors
qu’ils ont des problèmes pour aller faire leurs courses, pendant
les vacances puisqu’ils ont des problèmes pour les faire garder,
et que dans les banlieues, les enfants errent dans la ville … Où
s’arrête cette notion de « réponse à la demande
sociale » ? Cette notion elle-même n’est-elle pas singulièrement
électoraliste ? Si certains besoins des parents doivent être
pris en compte, est-ce à l’école et au maître de le
faire ? Toutes ces questions mériteraient pour le moins une réflexion
de fond associant toutes les parties concernées.
2.2.2. On voit bien que, en plus des préoccupations
électoralistes, cette notion quelque peu totalitaire de prise en
charge globale de l’enfant et du passage du rôle d’enseignant à
celui d’éducateur-rééducateur-animateur vise à
éviter au maximum que les enfants soient dans la rue. L’on fait
ici jouer à l’école un rôle de « gardienne de
l’ordre public » qui n’est pas le sien.
D’autre part, que penser de la déresponsabilisation des
parents que cela induit ? Alors, pour faire bonne mesure, on va quand même
les consulter et les informer « sur tout ce qui touche à l’organisation
du temps scolaire et du temps des études ». Ceci pour leur
permettre « d’accompagner, en toutes circonstances ( ! NDLR), la
scolarité des enfants sous tous ses aspects ». Admirons «
l’information sur l’organisation du temps scolaire » transformée
d’une phrase à la suivante en « scolarité sous tous
ses aspects » !
2.3. LES RYTHMES DES ENFANTS
2.3.1. Ces rythmes sont présentés, avec
la réponse aux attentes sociales, comme la raison d’être de
la réforme (p. 4, alinéa n° 2). Or ce principe est déjà
mis à mal à la page 6 : « les théories de développement
intellectuel de l‘enfant suivant lesquelles l’attention est meilleure le
matin que l’après-midi doivent être nuancées. La variabilité
individuelle est importante et l’on est loin de résultats valables
uniformément pour tous les élèves ». Néanmoins,
c’est sur ce principe qu’est organisée la journée de l’enfant
dans la charte.
2.3.2. D’autre part, « il ne doit pas y avoir une
matinée avec cartable et une après-midi sans cartable »
mais quand même, c’est l’après-midi que l’on fera intervenir
les « aides-éducateurs » et les intervenants extérieurs,
les « aides-éducateurs » étant d’ailleurs conviés
à « être présents dans la classe, au moins une
partie de la matinée, pour aider l’enseignant et observer le travail
et le comportement des élèves ».
2.3.3. De plus, tous les enseignants savent que les rythmes
des enfants sont complètement perturbés par le rythme de
vie de leurs parents adultes, et qu’ils arrivent fatigués le matin
pour cause de télé la veille au soir, et particulièrement
les lundis matin pour raison de week-end agités et fatiguants. Ce
rythme-là n’est pas pris en compte. Pourquoi, alors que c’est l’une
des causes d’inattention d’un très grand nombre d’enfants ? Que
fait-on pour ça ? Prendre en charge l’enfant la nuit aussi, pour
s’assurer qu’il dorme bien le nombre d’heures dont, physiologiquement,
il a besoin ? ou prévoir une sieste pour tous (bonne chance aux
aides-éducateurs dans nos banlieues), ce qui libérerait encore
plus le maître l’après-midi ?
2.3.4. Enfin, le rythme scolaire n’est envisagé
que sous l’angle de la journée, rien n’étant dit sur la semaine
: va-t-on être sensible à l’attente sociale (faire travailler
les enfants le mercredi et non le samedi, pour libérer le week-end)
ou aux besoins des enfants (besoin de se reposer au milieu de la semaine
et d’étaler la charge de travail le plus possible sur la durée
de la semaine ?
Rien non plus sur les vacances, si ce n’est que « le problème
du calendrier scolaire réglé en théorie en 1989 par
le principe du 7/2 reste entier puisque l’institution n’a pas été
à même d’appliquer et d’évaluer correctement ce principe
». Belle autocritique ! Mais n’est-ce pas plutôt le décalage
des vacances, donné en réponse aux lobbies du tourisme, qui
pose problème ? Où se situe-t-il donc, ce problème,
sinon dans l’attente sociale d’une prise en charge des enfants pendant
les « petites » vacances ? Les enfants n’en ont-ils pas besoin,
de ces vacances, et leurs maîtres non plus ?
On voit aussi juste après (p. 5) que « la longueur
des grandes vacances comme celles des petites vacances est parfois mise
en cause », mais la Charte, qui est pourtant censée proposer
une organisation pour l’école du XXIème siècle, ne
touche pas à cet épineux problème. Gageons que, dès
les élections passées, cette lacune sera comblée !
2.4. LES AIDES-EDUCATEURS
Ceux-ci sont spécifiquement affectés à l’école.
Puisqu’ils sont censés être dans la classe le matin, et avec
les enfants l’après-midi, et/ou le midi, et/ou le soir, et/ou à
l’accueil du matin, il en faut au moins 1 par classe. Bonne nouvelle pour
les chômeurs. Mais quel sera leur rôle, donc à quel
niveau seront-ils recrutés, par qui seront-ils payés, quel
droit de regard le maître aura-t-il sur la qualité de leur
travail, puisque tout cela s’exerce sous sa responsabilité de coordonnateur
, etc. … ? Emplois jeunes, CES, contrats précaires, … ?Autant de
questions sans réponse. Encore une fois, on réforme le fond
sans parler des moyens.
2.5. LES INTERVENANTS EXTERIEURS
2.5.1. On le sait, ils seront « rémunérés
par les municipalités ou les associations » (p. 7), ce qui
revient à peu près au même, vu que la plupart du temps,
les associations ne vivent que grâce aux subventions de la mairie.
Gageons qu’elles ont été elles aussi consultées et
qu’elles ont donné leur accord enthousiaste. En effet, cela ne leur
fait guère, au total, que l’équivalent d’un poste pour 2
classes à créer, à gérer, en cogestion avec
le maître, et surtout à rémunérer !
2.5.2. Qu’en est-il dans ces conditions du grand principe
de l’égalité de tous les enfants devant le droit à
l’éducation, réaffirmé à coup de grands mots
et de belles formules dans ce texte ? Celles-ci sont vidées d’un
coup de leur contenu car les enfants ayant la chance d’habiter dans une
ville riche auront tout à leur disposition : la ville pourra payer
alors que ce ne sont pas eux qui en ont besoin, et que vraisemblablement
leurs parents ne voudront pas de cet encadrement puisqu’ils peuvent payer
pour la garde de leurs enfants, pour leur inscription dans des clubs sportifs
et pour les cours de musique ou d’art qu’ils auront choisis (et c’est tant
mieux pour eux, n’allons pas leur retirer cette possibilité !).
En revanche, les enfants (la grande majorité) qui n’auront pas cette
chance ne bénéficieront de rien du tout, ou de rien de plus
qu’ils n’ont actuellement. Alors pourquoi cette réforme ?
2.5.3. Qu’en est-il en outre du grand principe affirmé
avec force : « l’exigence d’une véritable égalité
des chances à l’école doit conduire l’éducation nationale
à être son propre recours » ? Ce principe est bafoué
immédiatement par l’appel à des financements extérieurs
à l’éducation nationale (intervenants extérieurs et
peut-être aides-éducateurs) qui reproduisent, en les amplifiant,
les discriminations sociales.
Gageons aussi que les présidents de clubs sportifs et
les directeurs de conservatoires, ainsi que tous les professeurs d’art
sont tout aussi enthousiastes : les uns se verront retirer leurs crédits
(les moyens de la plupart des municipalités étant très
restreints), et les autres leurs clients (pour des raisons d’emploi du
temps surchargé) !
2.5.4. Mêmes questions d’autre part que pour les
aides-éducateurs : quels pouvoirs le maître va-t-il avoir
sur la qualité d’un intervenant dont il ne contrôle (et c’est
heureux pour lui !) ni l’embauche, ni la formation, ni la rémunération
? N’oublions pas que toutes ces activités se font sous la responsabilité
de l’école, donc du maître.
2.5.5. D’autre part, le domaine de compétence de
ces intervenants est très large, puisqu’il comporte le sport, l’art,
les nouvelles technologies, les langues vivantes. Nous sommes d’accord
sur le fait qu’il faut TOUT ça pour TOUS les élèves,
n’est-ce pas ? Retour à la question des moyens …
2.5.6. Enfin, si toutes ces activités sont intégrées
à la conception et à l’organisation globale de l’éducation
de l’enfant, cela veut dire qu’elles deviennent obligatoires pour tous,
y compris l’étude « repensée » ? Que dire du
sport ou de la musique, de l’art, imposés à l’enfant parce
que ce sont ceux dans lesquels sont compétents les intervenants
extérieurs à l’école.
2.5.7. Cela pose le problème de fond de la pratique
du sport et de l’art à l’école : il s’agit d’une approche
pour tous (ludique et lui permettant de prendre connaissance de son corps
pour le sport, et du beau pour l’art), et non d’une formation approfondie
à un sport ou à un art particulier. L’école n’est
pas là pour remplacer les clubs de sport ni les conservatoires de
tous ordres.
2.5.8. L’encadrement permanent de façon «
éducative », que ce soit par les aides-éducateurs ou
par les intervenants extérieurs pose aussi le problème de
fond du droit qu’a tout enfant à, parfois, ne rien faire, à
la paresse, au rêve, au jeu qu’il invente, et de la nécessité
qu’il en a pour se créer une personnalité propre et pour
se développer. Or dans ce schéma, il n’a plus de temps pour
ça, il est toujours encadré de façon « éducative
». Le seul temps qu’il lui reste pour ça sont les récréations,
les temps morts entre les diverses phases d’éducation. Cette conception
ne respecte pas les besoins de l’enfant, et ne contribuera pas à
faire de lui un citoyen actif et créatif. Mais il est vrai que si
ça permet de répondre aux attentes sociales …
2.6. LE METIER DU PROFESSEUR DES ECOLES
2.6.1. Le travail de l’enseignant est en effet totalement
modifié. La moindre des choses aurait été de faire
cette modification avec lui, et non par-derrière lui. Est-il d’accord
avec cette modification radicale ? Il n’a pas son mot à dire : il
faut qu’il forme des citoyens responsables, mais lui-même est considéré
comme un pion. Cherchez l’erreur.
2.6.2. Concepteur du projet pédagogique, chercheur
des modes de financement, coordinateur d’une équipe dont il ne maîtrise
rien, responsable de l’ensemble des activités se déroulant
pendant le temps de la présence des enfants à l’école,
le maître aura donc le choix entre la délégation les
yeux fermés et l’omniprésence de 8 h, voire 7 h 30 puisqu’il
faut aussi accueillir les enfants le matin (« attente sociale »
oblige) à 18 h 30, voire plus si l’attente sociale se fait pressante
(dans de nombreuses banlieues, les parents, quand ils ont du travail, ne
sont pas de retour avant 19 h, 19 h 30 !).
2.6.3. Il ne manquera donc pas de travail, notre nouveau
professeur des écoles ! Est-il seulement informé des modifications
fondamentales qui l’attendent ? Sûrement, puisque « des »
maîtres avaient été conviés, parqués
dans une salle spéciale protégeant la presse et Monsieur
le Ministre de leurs réactions, à voir et entendre, sur écran
sonorisé, la présentation par leur Ministre de cette réforme
à laquelle ils n’ont pas participé.
« Ces schémas libéreraient du temps l’après-midi
pour certains enseignants, qui pourraient à tour de rôle :
- mettre en place des formules d’aide aux enfants en difficulté,
- préparer leurs activités de coordination,
- se former » (p. 8)
2.6.4. Pourquoi certains enseignants et pas tous ? ne s’agit-il
pas là d’une organisation de la journée pour tous les élèves,
en raison du respect des rythmes de l’enfant ?
2.6.5. S’ils mettent en place ce rattrapage pendant les activités
dirigées par les intervenants extérieurs des formules d’aide
aux enfants en difficulté, cela signifie-t-il que ces enfants en
difficulté n’auraient pas accès, pendant ce temps, aux activités
de l’après-midi, ou bien que ce temps ne sert « qu’à
» la conception et à l’organisation de cette aide aux enfants
en difficulté ? Dans ce cas, quand cette aide peut-elle se dérouler,
puisque la journée au sens large est totalement consacrée
à des activités éducatives. Ce point nécessite
pour le moins des précision et des éclaircissements.
2.6.6. Il est en outre sans doute très pratique de se
former de façon ponctuelle 1 heure ou 2 dans l’après-midi
! Si ce n’est pas ce qui est envisagé, pourquoi ne pas dire que
le service de l’enseignant s’arrête l’après-midi pour reprendre
le soir à la nouvelle « étude » intégrée
dans le projet pédagogique. Ce ne sera pas grave pour ses propres
enfants, puisqu’ils seront pris en charge dans notre nouvelle « tout-école
».
2.6.7. Enfin, ce paragraphe paraît contradictoire avec
l’affirmation de la p. 6, selon laquelle il n’y aura pas « une matinée
avec cartable et une après-midi sans cartable », sauf à
comprendre que les enfants devront apprendre le sport et l’art de façon
« scolaire », avec sans doute contrôle tous les mois,
ou au contraire qu’ils n’auront plus besoin de cartable le matin !
2.7. LE PROJET PEDAGOGIQUE
2.7.1. A la base de toute l’architecture des projets de C. ALLEGRE,
le projet pédagogique apparaît comme la solution miracle.
Si elle apparaît de prime abord comme très intéressante,
cette notion est en réalité très dangereuse, dès
lors qu’elle est appliquée à la totalité de l’activité
de l’école primaire.
2.7.2. En effet, le maître devra concevoir ce projet.
Or la quasi totalité des maîtres en place actuellement n’est
pas formée pour cet exercice, ni d’ailleurs pour être chef
d’équipe. La formation indispensable n’est pas prévue, et
les moyens pour la mener à bien dans des délais raisonnables
ne sont pas envisagés.
Cela veut-il dire aussi que chaque année, chaque maître
devra redéposer un dossier de projet ? Quel gâchis en termes
de temps et d’énergie !
2.7.3. D’autre part, les élèves risquent de participer
à un « bon » projet, à un « mauvais »
projet, ou à un projet « moyen ». Cela peut dépendre
du maître, bien entendu, mais comment le lui reprocher : ce n’est
pas ce métier qu’il aura choisi, et il n’aura pas été
formé pour cela. Cela dépendra aussi beaucoup des moyens
que les collectivités pourront mettre à la disposition des
maîtres : ainsi un excellent projet pourra n’avoir aucune suite,
indépendamment de la qualité des intervenants, uniquement
parce que les financements n’auront pu être donnés.
Et il y a fort à parier que les maîtres, et les écoles,
seront évalués sur la « qualité » de leurs
projets, et que les media pourront dresser un palmarès des meilleures
écoles !
2.7.4. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’un « bon » projet
: un projet qui fait avancer plus ceux qui en ont le plus besoin, un projet
qui fait encore plus avancer ceux qui avancent bien, un projet qui met
l’accent sur les besoins de l’enfant ou un projet qui répond aux
attentes sociales ?
Qui, dans les collectivités locales ou territoriales, décidera
de la « qualité » d’un projet pour le subventionner
? Quelles seront les compétences pédagogiques de ces décideurs
? Les critères de décision ne risqueront-ils pas de devenir
purement politiques ?
2.7.5. Les réponses que l’on peut d’ores et déjà
apporter à ces questions, font craindre l’assujettissement de l’enseignement
primaire à des contraintes qui n’auront plus rien à voir
avec l’épanouissement de l’enfant. Et la liberté du maître,
tant vantée dans la charte (« repenser le métier de
professeur en permettant une plus grande autonomie dans les choix pédagogiques
», « autonomie des maîtres pour bâtir un enseignement
adapté à des publics divers »), ne sera encore une
fois qu’un mot vide de tout sens.
On frémit en effet en pensant à ce que pourrait donner
l’application de cette charte dans certaines villes comme Orange, Toulon,
Marignane et Vitrolles, pour ne prendre que des extrêmes qui existent
néanmoins : que feront les maîtres dans ces villes pour adapter
leur enseignement à des publics pudiquement appelés «
divers » ? Il y a fort à parier qu’ils disposeront de fort
peu de moyens municipaux. Quid de l’égalité des élèves,
quid de la liberté de l’enseignant ?
Fin de l’égalité devant l’enseignement pour les élèves,
Passage de l’enseignant sous tutelle des politiques locales,
Tels sont les 2 dangers essentiels de la Charte pour l’école
du XXIème siècle, conçue par un ministre qui se dit
« socialiste »
3. POINTS SPECIFIQUES A LA REFORME DES LYCEES
(à suivre...)