Discipline Philosophie


La R.E.P.

à

Monsieur le Ministre
de l'Education Nationale
110 rue de Grenelle
75 007 Paris

objet : philosophie

Monsieur le Ministre,

Le projet de programme de philosophie concernant les séries générales, déposé par le GTD de philosophie, ne recueille pas le soutien de la R.E.P. pour plusieurs raisons :

  1. Les notions sont systématiquement couplées par deux ou trois. Cela réduit le champ du questionnement et détermine le cours, ce qui nie la liberté philosophique du professeur. Désormais le professeur n'a plus le choix de questionner les notions librement, mais le GTD questionne à sa place. Il n'est donc plus l'auteur de son cours - ce qui contredit l'intention même du projet (principe n°3). Une telle réduction est arbitraire. Pourquoi étudier histoire et progrès serait-il plus judicieux qu'histoire et science ? En quoi faudrait-il interroger la liberté dans son opposition au déterminisme plutôt qu'art et liberté ? Pourquoi le langage devrait-il être l'objet d'une seule confrontation avec la communication ? Le langage n'est-il pas à penser avec la vérité et le sens ? Une telle conception du cours aboutirait, si ce programme devait être retenu, à une récitation de la part des élèves. Cela va à l'encontre de tout enseignement philosophique. Revendiquer la liberté pédagogique du professeur constitue la condition sine qua non pour que l'élève ne soit pas mis en demeure de restituer un cours type, de réciter un prêt à penser.
  2. L'apparition d'une liste de "problématiques à ancrage contemporain" indique l'introduction de l'histoire des idées dans le programme. Ces prétendues problématiques s'inscrivent dans un contexte éthico-politique idéologiquement marqué. Il ne suffit pas d'appeler ces titres "problématiques" pour qu'ils le deviennent, leur simple lecture suffit à s'en convaincre. De plus, en quoi l'étude de la révolution galiléenne ou l'opposition entre citoyennetés antique et moderne sont-elles des champs d'interrogation contemporains ? Enfin, cette liste supplémentaire alourdit le programme. Ce qui contredit l'intention de libérer du temps pour le consacrer davantage à l'enseignement de la dissertation pendant l'année.
  3. Les règles de confection des sujets pour l'examen sont contraignantes du fait que les sujets devront être en relation implicite ou explicite avec les associations de notions. Comment les mêmes sujets ne pourraient-ils pas toujours tomber, comment des élèves pourraient-ils ne pas réciter ? En outre, tout professeur qui a effectivement participé à une commission d'élaboration de sujets sait qu'une telle contrainte rendra son travail purement et simplement impossible.
  4. Élargir la liste des auteurs est un élément positif en soi, mais comment ne pas émettre des réserves sur l'introduction de certains auteurs qui relèvent plus d'une spécialisation voire d'une érudition que d'une nécessité pour élèves de terminales.
  5. Nous saluons la présence de recommandations sur la dissertation dans le programme, mais encore faut-il clairement écrire dissertation et non pas recourir à un terme vague, ambigu et polémique comme celui d'argumentation en raison de son usage généralisé. Aussi demandons nous que le terme de dissertation remplace systématiquement celui d'argumentation et que l'expression "argumentation orale" disparaisse au profit d'explication de texte.
  6. Nous remarquons que la part consacrée à l'étude des œuvres dans le cours est minimisée pour ne pas dire ignorée, alors qu'il est inconcevable qu'un cours de philosophie puisse se constituer sans la lecture des œuvres philosophiques.
  7. Nous demandons enfin : quelle lisibilité ce projet a-t-il, étant donné que le CNP s'était référé à cet argument pour motiver son avis défavorable au projet de programme du GTD précédent ?

De plus, nous attirons votre attention sur plusieurs faits.

Le précédent projet avait donné lieu à une consultation des professeurs en 1997 qui l'avaient largement approuvé. Est-ce pour cette raison que sous le Ministère Allègre, cette consultation n'a pas été rendue publique malgré la demande de sa publication ?

L'actuel projet retient des principes qui vont à l'encontre de ce que les professeurs voulaient et reprend ce que les professeurs avaient refusé lors du premier GTD à savoir de la détermination- étrange effet de la consultation menée par le GTD et de son travail qui est sourd à la grande majorité et qui n'entend qu'une minorité- ceux pour qui enseigner la philosophie est impossible parce que la société a changé, comme si du temps de Platon, de Hegel ou de Bergson la société avait été acquise à la philosophie et à son enseignement.

Ce projet dérive d'un diagnostic de la situation de l'enseignement de la philosophie dans le secondaire établi par plusieurs membres du GTD que nous trouvons exposé dans Philosopher à 18 ans. Or, nous contestons cet état des lieux, l'enseignement de la philosophie n'est pas en crise. Les moyennes au baccalauréat démentent un tel diagnostic, car elles ne sont pas de 7/20 comme se plaisent à l'écrire et à le dire Luc Ferry et Alain Renaut. Elles sont plutôt autour de 8,5/20 toutes séries confondues.

Un GTD qui a commencé par s'appuyer sur des éléments faux, qui a contribué à jeter l'anathème sur les professeurs et à dénigrer les conditions d'enseignement de la discipline, ne peut avoir la confiance de ceux-ci. Luc Ferry, actuel Président du CNP, écrivait le 15/06/99 dans l'Est Républicain au moment même où les élèves composaient leur dissertation de philosophie au baccalauréat : "de toute façon, vous aurez 7" et Alain Renaut clamait haut et fort que "les professeurs sanctionnent ce qu'ils n'enseignent pas" en s'appuyant sur de prétendus mauvais résultats à l'examen.

C'est pourquoi, nous demandons la constitution d'un nouveau GTD, représentatif des professeurs du secondaire, mais où soient également présents des universitaires, des professeurs de classes préparatoires et des inspecteurs. Un nouveau programme de philosophie est une affaire trop sérieuse pour être confié à quelques personnes dont la légitimité est contestée eu égard aux circonstances de leur nomination et dont l'ignorance des problèmes de l'enseignement secondaire est flagrante.

En outre, nous demandons le retrait complet et définitif du texte de cadrage présenté par messieurs Alluin et Cornu sur la rénovation du dispositif de formation des enseignants dont les propositions nous semblent menacer d'affaiblir la formation et la compétence des futurs professeurs de l'enseignement secondaire d'une manière catastrophique.

Nous réclamons le rétablissement des horaires de philosophie (8h en L et 4h en S), le dédoublement d'une heure quelles que soient les séries et sans seuil de nombre d'élèves.

Nous réitérons notre proposition d'un oral obligatoire en philosophie sur une épreuve d'explication de texte (textes choisis par le professeur) qui permettrait de valoriser le travail de l'année et de partager le coefficient sur deux épreuves (dissertation à l'écrit qui est la seule manière d'évaluer un élève en philosophie et explication de texte à l'oral).

Les membres de la R.E.P. vous prient de croire, Monsieur le Ministre, en leur haute considération,

 
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