Contributions : Analyses



Intervention de Jacques Maillard, Chargé de Recherche au CNRS, Membre de Reconstruire l’Ecole et du SNCS à la réunion du 3 mars 2000 à la Bourse du Travail, Collectif " pour la démission d’Allègre "

Que se passe-t-il dans la Recherche?

Depuis le printemps 99, quelques faits marquants:

1) Lors du débat sur la recherche impulsé par le parlement à la demande du premier ministre où la communauté scientifique a montré son attachement aux structures scientifiques issues de la résistance et de notre histoire que les actuelles réformes doivent détruire.

2) La loi sur " l’innovation " a été votée et est mise en application. Un appel d’offre pour la création d’entreprises par les chercheurs a donné lieu à une la sélection pour le moins opaque et à des résultats pour le moins surprenants.

3) Le ministre a décidé d’arrêter le projet Soleil et de soutenir le projet mis en place par une multinationale US en Grande Bretagne.

4) Le ministre a décidé de soutenir le projet US de mission sur Mars

5) L’Université Paris VI a essayé de faire signer par les étudiants s’inscrivant pour l’année 1999-2000 en thèse un contrat de confidentialité interdisant, en absence de l’accord préalable du Président de l’Université, de tout contact lors de la thèse en dehors du laboratoire et de toute publication durant les années de thèses et les 2 suivantes.

6) Il est tenté de mettre en place pour les universités de Paris Intra Muros un " groupement d’intérêt Public (GIP), ainsi que pour le CNRS et le CEA, dont la philosophie générale est de suspendre pour les chercheurs, les enseignants et les étudiants, toutes les garanties d’indépendance et de liberté d’expression, ainsi que les droits de propriété intellectuelle.

7) Notre ministre et ses thuriféraires se sont livrés à diverses déclarations sur le fait:

" qu’il a flingué à la Kalachnikov les syndicalistes et les a virés de leurs bureaux " (Mon bureau a en effet été vidé dans la nuit du 1 au 2 février 2000), que " si les post doc dans un laboratoire sont des USA, de GB ou d’Allemagne, alors le laboratoire est certainement très bon ", " qu’il faut accélérer l’agonie des disciplines vieillissantes comme les physiques nucléaire et du solide, la chimie quantique " (PDG)...

Quelle " philosophie " générale se détache de tout ceci:

1) Le savoir est l’objet d’une mercantilisation, au profit essentiellement des multinationales US

2) La science se privatise dans son élaboration, l’accès à ses résultats se ferment, on abolit son caractère universel: quelle différence avec la conception des lumières, ou on exigeait des sauf conduits pour les scientifiques valables en temps de guerre!

3) Ce qui est fondamental, conceptuel, critique, universel, est l’objet d’une attaque en règle comme inutile,

4) La liberté de publication et l’indépendance des chercheurs et enseignants est mise en cause sous le prétexte du " pillage " du pays.

5) Une philosophie aux ordres est promue dans les universités, par des philosophes qui, par ailleurs, soutiennent les réformes du ministre.

6) Ceci se fait dans un contexte de régression sociale et de lutte contre les activités syndicales dans la recherche: dossiers psychiatriques, élimination des élus, tentatives de licenciement...

Il existe une profonde cohérence entre les réformes en cours, les dysfonctionnement et l’autoritarisme dans les institutions scientifiques, et les idées exprimées par M.le Ministre dans ses livres (la Défaite de Platon). Il existe aussi une profonde cohérence entre les diverses réformes touchant les lieux d’élaboration et ceux de transmission du savoir (l’Ecole), la brutalité de mise en oeuvre, et la résistance des personnels. La remise en cause du contenu classique des programmes scolaires se fait parallèlement à celle de la finalité de la recherche scientifique. Le savoir n’est plus qu’une marchandise. Quelque soit le ministre ces réformes, fruit d’une politique générale et internationale, se poursuivront.

Il est en conclusion nécessaire:

1) De faire l’union des différents acteurs " académiques": recherche, université, école.

2) De réfléchir face à une politique générale qui est une régression généralisée, une attaque ce que toute la tradition de l’humanisme républicain, laïque et encyclopédique a construit.

3) D’agir face à cette barbarie. cette politique transforme les rapports d’échange, d’apprentissage et de respect mutuel en politique d’affrontement, non seulement entre les citoyens, entre les générations, entre les élèves et leurs professeurs, entre les parents et les enseignants, mais entre les peuples, qui, au lieu de s’échanger dans la paix ce qu’ils ont de meilleur (leurs cultures et leurs savoirs), sont invités à s’opposer en permanence. Quelles relations cet affrontement peut installer entre eux?

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