Contributions : Analyses



Article publié dans le Grain de sable n° 181 ( 31 octobre 2000) [email protected] publication internet d'ATTAC http://attac.org

AGCS. Le saviez-vous ?

 

Êtes-vous au courant de la conférence internationale organisée par le Forum des Services Européens (F.S.E.) à Bruxelles le 27 novembre?

Le F.S.E. - principal groupe de pression industriel européen poussant à la libéralisation des services - organise une rencontre majeure intitulée " Les négociations de l'AGCS 2000 - Nouvelles opportunités de libéralisation commerciale pour tous les secteurs de services ". Notez que " tous les secteurs de services " incluent non seulement de nombreux secteurs touchant à l'environnement, mais aussi la culture et la privatisation de la santé et de l'éducation. Parmi les conférenciers: le Président du F.S.E. Andrew Buxton, le Commissaire Européen au Commerce Pascal Lamy, et Dean O'Hare, Président de la Coalition des Industries de Service. La conférence - qui a le soutien officiel de la Commission Européenne et de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) - se déroule à l'hôtel " Sheraton " de l'aéroport de Bruxelles, loin du centre de Bruxelles. Ce n'est probablement pas un hasard si cet endroit rend les manifestations et autres protestations vraiment difficiles, mais peut-être y a-t-il des manières créatives de répondre à la provocation que constitue cet événement?


Retour sur l'AGCS et le pouvoir des grands groupes.

L'échec du sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle, et la crise de plus en plus profonde sur la légitimité de l'OMC, avaient signifié qu'un nouveau round de discussions sur la libéralisation ne pourrait pas avoir lieu avant un moment. L'Union Européenne n'a pas renoncé à ses ambitions en vue d'un " Round du Millénaire ", mais, en attendant, les négociations sur une nouvelle libéralisation dans le secteur des services (AGCS) ont déjà commencé. Les " services " sont définis de manière si large qu'ils recouvrent près de 70 % des investissements globaux à l'étranger. Ce qui veut dire que les négociations de libéralisation du AGCS pourraient recouvrir presque tout, depuis les transports, l'énergie, l'eau et le pétrole, jusqu'à l 'audiovisuel, la santé et l'éducation. Pour beaucoup de secteurs, libéralisation signifie en réalité privatisation, ce qui fait des discussions du AGCS une menace majeure pour ce qui reste des services publics en Europe. Avec le gouvernement américain, l'Union Européenne poursuit un programme de libéralisation accélérée. L'Union Européenne, avec à sa tête la Commission, calque ses sujets de négociation et ses stratégies sur le programme offensif des grandes sociétés de l'Union Européenne, élaboré dans le F.S.E.


Le F.S.E. - Partenaire privilégié de la Commission.

Le F.S.E. représente les intérêts des plus puissantes sociétés européennes de services. Il consiste en un éventail très large de sociétés, depuis les banques (par exemple la Commerzbank AG et ABNAMRO) et les compagnies postales (comme la Deutsche Post et La Poste), en passant par des gros détaillants (comme Royal Ahold et Metro) et des éditeurs (tels que Bertelsmann), jusqu'à des sociétés distributrices d'eau (parmi lesquelles Vivendi et Suez-Lyonnaise des Eaux) et d'énergie (la société finlandaise Fortum, Eurelectric). Le F.S.E. fut fondé au début 1999, à l'initiative de l'ancien Commissaire au Commerce Sir Leon Brittan. Brittan voulait reprendre le modèle de coopération entre la Communauté Européenne et les grandes sociétés, qui avait contribué à l'aboutissement de l'accord de l'OMC sur les services financiers en 1997. Pendant les négociations de cet accord, la Commission Européenne travailla très étroitement avec les compagnies bancaires et d'assurances au sein du Groupe des Leaders Financiers (GLF), à la fois en décidant des priorités de négociation et en exerçant des pressions sur d'autres gouvernements. Brittan demanda à Andrew Buxton, PDG de la Barclays Bank et vétéran du GLF, de créer le F.S.E. (d'abord appelé le Réseau Européen des Services). Buxton suivit de très près la structure du GLF et invita près de 45 PDG de grandes sociétés et présidents de fédérations de services à rejoindre un soi-disant Groupe Européen des Leaders des Services (GELS).

Depuis lors, la Commission Européenne a établi une relation de travail très proche avec le F.S.E. afin de tenir compte des demandes des sociétés dans les prises de décisions. Le site Web de la Communauté Européenne ne laisse aucun doute quant à son approche à sens unique: L'AGCS n'est pas seulement quelque chose qui existe entre les gouvernements. C'est d'abord et surtout un instrument pour le bien des affaires ". Après l'échec du sommet de l'OMC à Seattle, Robert Madelin, haut fonctionnaire de la Communauté Européenne, écrivit au F.S.E. que le programme du AGCS n'était pas en danger et confirma que la Commission Européenne continuerait de même. " La Commission Européenne - écrivait Madelin - aimerait encourager toutes les sociétés européennes de services à continuer à coopérer activement avec nous, pour développer la base de négociation commune, solide et détaillée, que nous souhaitons présenter, au moment approprié, l'année prochaine à Genève ".


La Communauté Européenne a-t-elle l'intention de négocier la libéralisation de la Santé, de l'Education et des Services Sociaux?

Les sociétés de services américaines espèrent voir les négociations du AGCS déboucher sur un élargissement du marché, à la faveur de leurs fournisseurs de services de santé, d'éducation et de services sociaux. Ceci représenterait une menace pour les systèmes européens publics d'universités, d'hôpitaux et de plusieurs autres fournisseurs de soins. Alors que les sociétés américaines semblent avoir le plus à gagner dans ce domaine (avec des entreprises beaucoup plus importantes, en taille et en nombre, dans ces secteurs), le F.S.E. ne s'oppose pas à la libéralisation de ces secteurs. Bien au contraire, le F.S.E. parle en faveur de négociations pour libéraliser toutes les activités de service, ainsi que l'indique clairement le titre de la conférence de Bruxelles du F.S.E.: " Les Négociations du AGCS 2000 - Nouvelles opportunités de libéralisation commerciale pour tous les secteurs de services ".


Le plus inquiétant est que la Communauté Européenne semble partager cette opinion. Elle a demandé au F.S.E. de mettre en avant les priorités pour les négociations du AGCS 2000, y compris la libéralisation des secteurs sensibles. En janvier dernier, le haut fonctionnaire européen Robert Madelin a demandé à Andrew Buxton, du F.S.E., de donner davantage de renseignements sur les priorités des entreprises pour la libéralisation de " la construction, l'éducation, l'environnement, les services sociaux et de santé, et les services audiovisuels. " [Robert Madelin, lettre à Andrew Buxton, 24 janvier 2000]. Avec la Commission Européenne qui poursuit un programme conduit par les entreprises, pour lequel elle n'a aucun mandat (libéralisation totale du secteur des services), il est temps d'intensifier notre campagne commune pour que la Communauté Européenne effectue un revirement dans la voie suivie actuellement, et s'oriente vers un système économique différent, qui protège les droits de base des personnes et l'environnement. Se poser des questions sur le rôle privilégié du Forum des Services Européen (F.S.E.) est un premier pas nécessaire.


Pour plus de renseignements, contacter: Corporate Europe Observatory

Tel/fax: +31-20-6127023E-mail: [email protected] http://www.xs4all.nl/~ceo/

Voir le site Web du F.S.E. http://www.esf.be/e_pages/confer.htm

Le CEO prépare un résumé sur l'influence des grandes sociétés européennes et de leurs groupes de pression sur la stratégie des négociations en vue du AGCS.

Olivier Hoedeman. CEO. Traduction: Nicole Leescu & Patrick Bouyer, traducteurs bénévoles [email protected]

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